“Vendredi, il va se passer quelque chose”…
Comme quoi…, avoir des amis “bien placés”…, il ne suffit pas que ce soit au Conseil d’État…
Qu’on aime ou pas Dieudonné M’Bala M’Bala, qu’on juge son humour décapant, régénératif ou douteux, n’est pas le propos ici…, subjectivement, ce ne sont que des avis personnels…, c’est donc sur une dimension plus objective que je désirerais concentrer ma réflexion au regard de l’interdiction de spectacle dont vient de se voir frappé en France, par cette juridiction suprême qu’est le Conseil d’Etat.
Car, deux choses ne cessent d’interpeler, non sans un réel malaise, toute conscience attachée aux inaliénables valeurs de la démocratie et de la morale :
– Un Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls en l’occurrence, peut-il interdire sans enfreindre les règles démocratiques, la liberté d’expression, de parole ou de pensée, et ce, quand bien même elle heurterait le sens moral, une quelconque conviction religieuse ou communauté civile ?
– Est-il bien raisonnable d’entrer en guerre contre un humoriste et une grande partie des médias soucieux de la liberté d’expression (bétonnée par les Droits de l’Homme et la Constitution) en avalisant la dérive dictatoriale du ministre de l’intérieur, lorsque, président de la France, on “trompe”, humilie et ridiculise sa compagne attitrée qu’on a installé à l’Élysée…, avec une Maîtresse, jeune starlette de cinéma ?
Davantage :
– Un Etat tel que la France, historique patrie des droits de l’homme, peut-il se substituer ainsi à la Justice, sans contrevenir à la Constitution elle-même, puisque le tribunal administratif de Nantes, ville où devait avoir lieu le premier de ces spectacles controversés, avait donné, en la circonstance, son aval ?
– Un président stigmatisant l’ordre et la morale, la droiture, le respect, peut-il pateauger dans la fange et la lubricité en se moquant des dégats moraux qu’il ne peut que déclancher auprès de sa compagne ET auprès de la nation entière ?
Si oui, le paradoxe s’avère, on en conviendra, énorme : voilà que la France se met maintenant à porter atteinte, au nom des droits de l’homme, à la liberté d’expression, tandis que simultanément le président s’affiche comme incapable de maîtriser une pulsion, trompant son monde sans aucune grandeur !
Quant au fait de lier le respect de la dignité humaine (précepte certes éminemment louable en soi, surtout si le président lui-même y contrevient) à celui de l’ordre public, c’est effectuer là un amalgame conceptuel pouvant conduire à une tout aussi inacceptable dérive totalitaire sur le plan politico-idéologique.
Car, à ce compte là, c’est tout un pan de la culture française, malheureusement pour elle, qu’il faudrait alors logiquement, suivant le même raisonnement, occulter, sinon prohiber de manière tout aussi drastique.
Exemples, et non des moindres, puisqu’ils appartiennent au panthéon de la littérature nationale : faudra-t-il donc bannir également de toute publication, pour “leurs ignobles propos antisémites”, un Louis-Ferdinand Céline, pourtant encensé par l’intelligentsia, y compris de la gauche libertaire ou radicale et non seulement germanopratine, ou un Drieu La Rochelle, qui préféra se suicider plutôt que d’avoir à subir, après l’effroyable épuration qui porta jusqu’au peloton d’exécution certains des pires collabos, l’odieuse et lâche vindicte de ses pairs (à la notable exception du grand Albert Camus) ?
Je n’ai par exemple pas supporté que le précédent ministre de la culture, Frédéric Mittérand, qui s’est affiché homosexuel pédophile dans son dernier livre, s’arroge le droit de décréter que Louis-Ferdinand Céline, auteur du “Voyage au bout de la nuit”, était indésirable…, après la polémique lancée par Serge Klarsfeld… et a retiré le nom de cet extraordinaire écrivain du volume des “Célébrations nationales” dont il avait, pourtant signé l’avant-propos !
Tous les exemplaires de la version initiale du bottin des grands hommes de l’année, à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa mort, en juillet 2011 a été détruite au pilon pour faire plaisir à “l’ami Klarsfeld”…, alors qu’au cocktail d’inauguration de cette publication, Frédéric Mitterrand soulignait “l’apport de Céline à l’histoire de la littérature”…
Certes l’actuel et très zélé Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui interdit aussi facilement Dieudonné qu’il expulse arbitrairement les Roms (qui sont pourtant des citoyens européens), a-t-il prétexté pour justifier sa décision : “Ce pseudo-humoriste dont on ne sait si c’est la vulgarité ou l’ignorance qu’il faut le plus blâmer et même condamner”…
Mais voilà que le piège se referme,, sur ceux-là même qui pensaient l’avoir tendu : cette incendiaire haine que Hollande et Valls prétendent ainsi éteindre risque, au contraire, de s’attiser, tel le plus périlleux des boomerangs, aux confins de ces banlieues, qu’elles soient à Paris ou Marseille, Lille ou Lyon, réputées sensibles ou difficiles, pour ne pas dire incontrôlables.
Mais, surtout : Manuel Valls, que cautionne bien évidemment là le Président de la République en personne, François Hollande qui se présente comme le garant de la morale, mais abandonne son épouse pour vivre en concubinage aux frais de la nation… et “trompe” sa compagne avec une “artiste”…, s’est-il rendu compte qu’en plaçant ainsi la censure de l’Etat (car il s’agit bien, en cet emblématique cas, de censure) au-dessus des règles de la Justice, il rendait alors caduc l’enseignement de Montesquieu lui-même lorsqu’il préconisait, afin de mieux préserver la démocratie précisément, une stricte séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire), ainsi qu’il le donne à voir dans son indépassable Esprit des Lois…
Que les choses soient donc bien claires : ce n’est pas Dieudonné, ni l’homme ni son humour, que je défends ici, mais bien un principe philosophico-éthique : celui de la liberté d’expression, de parole et de pensée.
Je m’en remettrai donc, en guise de morale à cette sordide fable entre Dieudonné et Valls, à cette sentence (apocryphe mais exemplaire) attribuée à Voltaire, Lumière d’entre les Lumières?: Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire !
Car il n’est pas de démocratie qui vaille, ni ne tienne, sans cette magistrale et décisive preuve de tolérance, principe que les authentiques humanistes souhaiteraient universel.
A propos (autre inénarrable, s’il n’était tragique, paradoxe) : les Français savent-ils que leur prix littéraire le plus prestigieux, ce Prix Goncourt dont ils s’enorgueillissent tant, est la création d’Edmond de Goncourt, homophobe, misogyne et antisémite (tiens, quand l’on parle du loup !), ami intime d’Edouard Drumont (auteur de la France Juive)…
S’ils en doutaient, je leur conseille vivement de lire avec attention, au lieu de se laisser berner par la bien-pensance ambiante, son célèbre Journal.
Dieudonné, victimisé, est, à côté, un enfant de chœur.
Peut-être viendrait-il alors à Valls et Cie, chantres de la police des mœurs, l’irrésistible mais misérable envie de remettre aussi en cause, dans leur nouvelle et obsessionnelle manie d’interdire (voir, tout récemment, la répression touchant la prostitution), certains déjeuners chez Drouant, compagnie parisienne ne craignant pas de glorifier encore, fût-ce a posteriori, les mérites de Goncourt !
Tout ceci écrit, une lumière vient de s’allumer dans ma tête : Dieudonné nous avait dit début de semaine dernière, lorsqu’il vivait (mal) les actions de Manuel Valls bénies par François Hollande, que : Vendredi, il va se passer quelque chose…
Et vendredi, paf, il s’est passé un “quelque chose” en retour de boomerang : la sortie de Closer informant au monde entier que le président Hollande trompe sa compagne avec une jeune artiste, une starlette de ciné…
Comme quoi…, avoir des amis “bien placés”…, il ne suffit pas que ce soit au Conseil d’État…