Est-ce qu’on y répare les pannes et peines d’amour, les cœurs crevés, les sens qui lâchent et les émotions qui chauffent ?
Peut-on y amener son âme pour une vérification complète, un check-up, une remise à niveau ?
Au fond, l’amour…, n’est-ce un plaidoyer “Sysiphien” des corps et âmes par lesquels les humains demandent au double d’eux-mêmes, que certains appellent dieu, mais qui n’est que l’inconnu…, qu’on les gracie ?
Les lettres et mots d’amour seraient alors des requêtes qu’on envoie pour être gracié, des candidatures à l’immortalité…, les plus ardentes d’entre-elles seraient ainsi comme des prières que l’on adresse à l’inconnu, au néant qui est une partie de nous toutes et tous…, à moins que ce soit nous…
L’amour instille du féerique pour, ensuite, mieux le noyer dans l’immensité vertigineuse de l’inconnu qui peut être aussi grandiose pour chacun, qu’insignifiant voire anodin pour l’immensité de l’univers…
Rien, comme l’amour, ne concentre à ce point tous nos rêves, un désir d’amour arrive à le créer de toutes pièces. Dans le domaine amoureux, l’imagination est malheureusement bridée par tout ce que les siècles nous ont laissé de clichés.
De quoi rêve-t-on le plus souvent ?
De vie commune, de mariage, d’enfants, de sentiments éternels…
Stéréotypes amoureux qui, bon an mal an, se cognent à la trivialité infrangible du réel, provoquant un décalage à la fois drôle et pathétique…
Un effet tragicomique est inévitablement produit par cette juxtaposition de l’amour idéal et la réalité qui se révèle toujours être celle d’une énorme imposture, mais jusqu’à un certain point, c’est-à-dire tant que l’illusion tient tout, même les circonstances… !
Le drame, alors, si l’humain n’a pas le sens de la vie, qu’on nomme le sens de l’humour et qui varie aux sens des humeurs…, c’est qu’il en fait un théâtre pour tous ses fantasmes, il y a en effet, un côté théâtral dans la vie et l’amour, des passages burlesques et d’autres empreints d’un certain lyrisme.
Mais, on est toutes et tous nés entre la montagne cyclopéenne des morts et le tertre des vivants…
Les morts qui ne sont que les survivants de l’amour, qui finissent par disparaitre…, sont en surnombre… et comme on les enfouit sous terre depuis la nuit des temps, j’imagine volontiers le globe terrestre alourdi du poids de ces innombrables cadavres au point de sortir de sa trajectoire.
Qui sait… ?
Les morts continuent à vivre lorsqu’on pense à eux…
Mais dans un lieu inaccessible, une sorte de théâtre d’ombres ou en les ressuscitant, est abolie la distance qui nous en sépare, c’est en ces moments qu’ils nous murmurent : A bientôt…
Peut-on survivre à tous les rires et les peines vécues ensemble, à nos manies, à ses petits mots laissés dans les poches.
Des petits-mots griffonnés à la hâte, avec amour, sur un morceau de journal, un bout d’enveloppe, un post-it.
Des recyclages d’amour… en liens d’amour !
Des papiers blancs, rouges, oranges, verts, des morceaux d’amour de toutes les couleurs : “Tu es mon monde, mon univers”, “Ma vie avec toi est un rayon de soleil”, “Je t’aime”… “J’ai envie de t’embrasser”, “Aime-moi toujours”, “Il en faut si peu pour être heureux”…
Des nœuds de vie en somme, compliqués et alambiqués sous des dehors simples et spontanés, des mots d’amour ficelles, qui continuent au delà du temps passé et du temps qui passe…, à réinventer les sentiments et les émerveillements communs.
Des confettis d’amour, qui survivent dans quelques cachettes.
On les y laisse, on n’ose les déranger, les ranger dans une boîte qui déborderait d’amour, un espace en carton contenant toute l’absence de l’être aimé.
Des bonheurs simples et vrais de ne rien vouloir d’autre que continuer à avancer au milieu des joies et des douleurs, des émerveillements en sourires-miroir venant l’un de l’autre.
Les années, ainsi, passent et on la parsème toujours, sa vie, des derniers mots doux.
Serai-ce alors bonheur ou déchirement suicidaire qu’en trouver un nouveau, dans une vieille valise parquée dans les combles.
Une valise pas ouverte depuis des ans, préparée pour des vacances communes : “Nous partons ensemble pour une aventure ensoleillée, chaque instant passé avec toi est une joie, je t’aime”, avec le dessin d’une montagne donnant sur la mer avec un gros soleil, un papillon, un poisson et des cœurs.