Y’a des jours, c’est comme ça…
C’est la foire aux tartignoles, aux jambes de bois, aux bras cassés et aux moignons repliés sous la chemise, aux faux borgnes, aux vrais aveugles, aux nombrils crasseux et aux égos violacés et turgescents.
Qu’on les secoue !
C’est comme ça, quand j’ai reçu encore dans ma boite à mail une profession de mauvaise foi d’un candidat bileux qui non content d’avoir arrosé les murs de sa merde se réclame de la paix et de la concorde.
C’est dingue, la merde, plus on en met sur les murs, plus on est sûr qu’il en restera, c’est un axiome.
La langue de bois officielle des grands et le fielleux qui est à la politique ce que le patois est aux langues vivantes, vont bon train, sans complexe par rapports à la cour des grands.
Mêmes artifices, mêmes diversions, mêmes accents de sincérité enveloppés dans le sirupeux, mêmes intentions désintéressées sur tout ce qui n’est pas du pouvoir convoité ; seule différence, le programme…, là, pas de mensonge, pas de dérobade, le grand vide intersidéral qui donne à la passion, un je ne sais quoi de primesautier à tendance chasse pêche nature arrosé d’un vinaigre millésimé mais trois étoiles.
Bon, je devrais me présenter et comme eux déclamer : Si vous n’avez besoin de rien, élisez-moi et je serai votre élu, à mon petit air bête et affable, ni de droite, ni de gauche, genre je traverse sans regarder, je sais prendre des risques moi, vous reconnaitrez Quelqu’un d’entre vous, sans ambition ni originalité, mais honnête et respectueux de mon programme : être élu.
Peut-être çà et là ferais-je apposer contre les murs quelques couvercles en alu, qu’en semaine on pourra garnir d’un sac en plastique biodégradable où le dimanche le pékin moyen en mal d’inspiration et au prépuce mou pourra glisser sa tête et se faire greffer un cerveau contre dix tickets de pizzas.
Tandis qu’un premier ministre chloroforme l’ambiance sur ma radio…, devant mon café chimique, je me laisse envahir d’un sentiment de solitude, de vacuité… et d’une souffrance à sentir la vie se dérober entre mes doigts et filer à toute vitesse, sans que je ne parvienne à réaliser quoique ce soit dans ma vie qui me semble utile contre la connerie, ou dont je pourrais être apaisé.
J’ai piloté à peu près tout ce qui flotte, roule ou bien plonge, j’ai pris pelle, pioche, masse, clé-anglaise, pinceau, truelle… et puis s’est imposé le défi quotidien d’une page à écrire…
Retenir les heures ou bien tripoter les minutes d’une sorte de procès que je me fais chaque soir pour témoigner qu’elles furent… et espérer qu’elles repassent.
J’envisage dès lors un cahier à tenir, un cahier magique ou intemporel pour une comptabilité de l’insignifiant et, dans la colonne ventilation, me sacrifier d’une aile et sauter deux consonnes pour passer de l’ennui aux contes ordinaires, des petits riens à la minute, aux gouffres des heures qui s’étirent et s’enfoncent dans les pages… et puis, tirer au cordeau entre les lignes.
Le tour serait joué, je m’y noierais, mais j’en ressortirais indemne.
Écrire, décrire, tenter de comprendre, c’est là le but, avant que je ne découvre que c’est aussi une illusion. Pas de chemin, pas de but, seul, sans filets…, l’éloge de ma quête me donne l’illusion d’avancer et d’arriver quelque part.
A toujours chercher le nord, je finis par retomber sur mon cul, çà complique, forcément et moi aussi…, rendez-vous compte, après avoir eu le courage de me relire, je peux parler pour ne rien dire, je suis apte pour faire ministre… et tant qu’à faire, le premier !
Croyez-moi, les signes de dérèglements se multiplient sur toute la surface de la terre et la côte ouest des États-Unis n’a plus le monopole de la démence socioculturelle, je l’ai vécu… et j’en suis malgré-tout “reviendou”, perturbé, certes, mais vivant !
L’état du monde, la crise, les dérives politiques en sont des preuves…, mais il y en a d’autres que je cache, de crainte d’une explosion nucléaire suicidaire !
Presse, télévision, littérature, cinéma, une drôle de sous-culture de masse a pris possession des réseaux de communication planétaires.
Après le village global cher aux hippies numériques des débuts de l’Internet, on peut maintenant parler à juste raison d’hôpital psychiatrique mondial.
On regrettera juste l’absence de médecins au chevet des malades et de ce fait un bon sens de l’humour (noir) est conseillé pour traverser les années à venir.
On ne croit plus qu’il soit possible de changer le monde, alors on s’occupe de tout et de n’importe quoi, y compris de son propre corps.
Mais réduire les démarches contemporaines autour des tous et n’importe quoi, en ce compris du corps…, à ce seul repli serait une erreur.
Les progrès scientifiques récents entraînent de nouveaux questionnements.
La science nous ouvre de nouvelles portes mais à qui profite ces découvertes ?
De plus en plus de brevets scientifiques et médicaux décisifs pour notre évolution appartiennent à des entreprises privées.
Certains des grands spécialistes mondiaux de la cybernétique, tels que Bill Joy ou Kevin Warwick, s’en inquiètent déjà et vont jusqu’à envisager des scénarios cauchemardesques jusque-là réservés à la littérature de science-fiction, comme des implants qui connecteraient notre système nerveux à un réseau omnipotent capable de prendre certaines décisions à notre place.
Qu’ils aient tort ou raison importe finalement peu.
L’important est que le débat puisse avoir lieu et que l’information transite.
Il ne s’agit pas de refuser les évolutions technologiques mais au contraire de les appréhender de notre mieux, ce qui nécessite de connaître et d’interroger ceux qui en détiennent les clefs.
Et pour cela, nous avons encore une fois besoin d’un équilibre entre pouvoirs et contre-pouvoirs.
L’industrie du divertissement et les médias tournent aujourd’hui en roue libre.
Il faut toujours plus de matière première pour nourrir une machine dont on a perdu le contrôle.
Alors les directeurs artistiques et les créatifs des agences de communication puisent dans le vivier que constituent les marges du système et la récupération s’opère.
Ce fut le cas pour la techno, le hip hop, le piercing, etc.
On pourrait presque parler d’un écosystème culturel avec le processus de recyclage que ça sous-entend.
Mais il importe finalement peu que les multinationales du divertissement s’emparent des innovations culturelles et artistiques, car cette récupération ne va pas sans contamination et sans effets secondaires.
Immanquablement, à chaque fois que cet écosystème culturel digère de nouveaux concepts et de nouvelles esthétiques, la société toute entière s’en retrouve affectée par l’intermédiaire des médias qui jouent leur rôle de vecteurs épidémiques.
Sans compter que la relève est assurée de manière permanente car il y aura toujours de nouvelles marges pour remettre en question le statu quo commercial.
Il appartient aux acteurs des marges de savoir jouer de cette situation en la retournant à leur avantage.
L’histoire officielle et l’histoire parallèle qui nous est chère ne sont que deux points de vue différents sur la même histoire.
Tout est inextricablement lié.
Quel fut l’impact du mouvement pacifiste et des hippies durant la guerre du Vietnam ?
Pourquoi est-ce que les autorités américaines ont eu autant à cœur d’en finir avec les Black Panthers ?
Peut-on négliger l’influence de la pop culture et du rock ‘n’roll sur la jeunesse des pays de l’est durant la seconde moitié du vingtième siècle et le rôle qu’ils ont joué dans l’effondrement du bloc soviétique ?
Jusqu’à la Nasa qui engage depuis quelques années des auteurs de science-fiction pour imaginer la colonisation de l’espace…
La technique de médias de masse contemporains consiste généralement à minimiser le rôle de la contre-culture au profit de produits culturels plus malléables, mais que penser de l’influence qu’ont pu avoir les hackers sur la société de l’information depuis deux décennies ?
Il s’agit pourtant bien d’une minorité marginale qui s’intitule elle-même l’underground informatique.
A partir de là, qui peut vraiment prédire l’impact futur de phénomènes encore aussi marginaux que le body hacktivisme ou les cultes vampiriques ?
Croyez-moi, on n’a pas fini de rire…
Tout tend à prouver que nous sommes à un tournant de l’histoire humaine.
Un réveil des mentalités est plus que jamais nécessaire mais je doute qu’il ait lieu sans un choc préalable.
Nous nous comportons trop souvent comme un groupe de primates et quelque chose me dit que nous risquons de vivre des moments difficiles avant que l’étincelle salvatrice ne se fasse.
D’un autre côté, les capacités d’adaptation humaines semblent sans limites.
Il y a donc de l’espoir.
Nous sommes condamnés à nous réinventer, ce qui ne pourra se faire sans curiosité et sans esprit de partage, les nouvelles dichotomies politiques ne sont plus entre la droite et la gauche mais entre le dynamisme et la stagnation, le problème étant de trouver des moyens d’entraîner le commun des mortels dans cette dynamique.
Nous ne pourrons plus longtemps nous réfugier derrière des schémas mentaux obsolètes.
Il ne tient qu’à nous de nous éveiller pour relever le défi ou de choisir de nous enfoncer dans une dégénérescence réactionnaire et consumériste qui nous mènera à notre perte.
Avec un peu de chance et beaucoup de détermination, le futur peut redevenir souriant…