1929 Hot-Roadster “Basic-Dream”…
À le dire vite fait comme ça, ce n’est absolument pas vendeur, que me taper le bout du monde civilisé pour prendre un Rod rouillé en photos…, c’est pareil qu’aller en Syldavie (c’est de l’autre coté de la Serbie) réaliser un reportage dans un couvent de nonnes en hiver, dirigé par un pope orthodoxe !
Faut juste le vouloir quoi… et il n’y a bien qu’un tordu aventureux comme moi, pour le réaliser, à destination des quelques adeptes inconscients et/ou masochistes qui viennent me lire sur GatsbyOnline (vous !)…, toujours prêts à mater des photos pornos dégueux enrobées d’un de mes texticules spongieux tapoté dans la jouissance d’une masturbation intellectuelle bien faite (c’est-à-dire avec application)…
Eddie Barbosa de Gilroy, en Californie, que l’on pourrait considérer, en étant un minimum de mauvaise foi (encore que…), comme une sorte d’émigré Moldave tombé dans le Hot-Rodding comme un hamburger qui, jeté en l’air, retombe sur le sol…, a réalisé sa grande affaire au départ d’un réservoir d’essence récupéré accidentellement d’un tracteur Allis-Chalmers de 1948, qui gisait en décomposition dans un champ.
Pendant de nombreuses années, il avait convoité la voiture que son grand-père avait bricolé : un Roadster Pick-up Ford de 1929 muni d’une calandre de Ford’34 et de roues à rayons…, mais lorsque ce vieux débris est mort d’une cirrhose, Eddie a hérité de l’engin qui n’était plus qu’une épave !
Comme il n’était pas marié à un thème particulier, seulement qu’il voulait utiliser le réservoir d’essence du tracteur parce que sa forme lui avait procuré une érection de bonheur (dans le milieu du Customizing et du Hot-rodding, les petits bonheurs sont rares), il s’est lancé dans la reconstruction du Roadster Pick-up de pépé.
Un de ses rares amis, tout heureux de se débarrasser de vieilles pièces automobiles qui encombraient son jardin, lui a donné la moitié arrière d’une carrosserie de marque indéterminée, des phares anciens… un essieu avant et un moteur 6 cylindres 235ci provenant d’une Chevy Bel Air 1954, ainsi que la boite de vitesse T5 d’un Chevrolet S-10 pick-up qui avait brûlé un soir de Noël.
Ses faux-amis (Moldaves eux-aussi) du club “Alviso Roadsters” (le club a été nommé d’après une petite ville située à l’extrémité sud de la baie de San Francisco, qui avait été le foyer de la Alviso Speedway Corp.) ont aidé Eddie à construire son amalgame, un travail équivalant à environ 2.000 heures de temps perdu… mais qui comptaient, sauf peut-être pour leurs femmes !
Eddie a passé près de 100 heures sur le seul pare-brise, découpant inlassablement des morceaux de carton jusqu’à ce qu’il obtienne une forme qui lui plaisait. Après avoir emprunté un cutter plasma, il a commencé à couper et découper, broyer et remplir…. pour finalement obtenir 18 pièces séparées tenues entre-elles par des rivets…
– Je n’avais jamais construit un pare-brise, donc à l’école des coups durs, j’ai beaucoup appris. C’était dur… Avec les Hot-Rods, on peut réaliser son propre style d’expression.
Eddie a espéré que son histoire et surtout sa re-création automobile lui apporterait la gloire au-delà des collines qu’on voit au lointain lorsqu’on est juché sur le toit de sa grange…, une histoire “d’exorcisme” de ses démons, incluant la relation complexe de ses deux amantes : Alina et Voichita, aux prises avec un amour dévorant (avec Dieu pour Voichita, avec Voichita pour Alina) qui les mènera, chacune, vers de vastes ténèbres.
Dès le départ, discutant le bout de gras avec Eddie, j’ai senti dans son regard buté, tout le dérèglement, toute la détresse, toute la peur d’être incompris… et toute l’impuissance de ne pouvoir copuler simultanément Voichita et Alina…, un conflit qu’il m’a déterminé d’un point de vue purement personnel (entre Voichita et Alina, la dévouée et la rebelle), puis en le déplaçant vers des enjeux plus symboliques (entre Voichita et la communauté religieuse locale, le physique et le spirituel).
Dans leur inébranlable croyance du Bien et du Mal, aveuglées dans leurs dogmes et dans leur petite foi vieillotte, elles n’ont pu déceler ni la gravité de leurs actes ni la modeste réalité des faits : Alina étant devenue simplement amoureuse, malheureuse et désespérée parce que celle qu’elle aimait, elle, ne l’aimait plus…, dans un entêtement et dans une volonté autodestructrice quasi mystique !
L’humain s’égare quand il s’éblouit d’illusions et se plie à de vaines autorités…, de ce drame, Eddie, pour recréer l’auto de son pépé…, a hésité sans cesse entre un formalisme rêche et une force esthétique évidente, déployant toute une grammaire de l’ascèse et adoptant la pose désormais acquise et emblématique (rebattue) du Hot-Rod rigoriste pour festivals über sérieux… et qui, à force d’user et d’abuser des mêmes automatismes, paraît tourner à vide, sans perspectives.
Depuis que j’ose écrire les réalités qui se cachent derrière les automobiles (et les gens), tout le monde qui me lit, sait qu’un peu de magie peut faire basculer une automobile dans les tréfonds de la bêtise. .., découvrir une nouvelle œuvre décomplexée de couillonnade ne peut dès lors que me pousser à sauter de mon divan… et si en plus, j’apprends que le responsable du cataclysme se prend la tête avec ses deux petites amies…, une préoccupation légitime se fait jour dans mon esprit…, car je sais que les Rat-Rodders ont souvent des vies de marginaux, s’échangeant allégrement leurs compagnes ou réglant le moindre contentieux à grands coups de chaînes.
Sur cette trame dramatique, je ne pouvais dès-lors qu’écrire un vague pamphlet sur la détresse morale qui hante certaines nananas, transformant le tout en pur moment de rigolade destiné aux trois pelés et un tondu qui me lisent…, écrit comme ça, c’est plus sordide qu’autre chose…, mais il vous faut voir comment les événements se sont enchaînés.
Bien sûr, vous vous direz qu’Eddie aurait pu faire pire… mais il est clair que c’est malgré-tout, un festival de n’importe quoi…, une façon de meubler le vide par du creux…, évidemment, c’est le genre de Hot-Rod qui rebutera peut-être une partie d’entre-vous (votre haut ayant un point de vue différend de votre bas)…, mais si vous adhérez au concept, vous serez alors captivés par cette mollesse frénétique venant vous happer au bout de vos (mauvaises) idées.
En somme, c’est le genre de fiasco complet qui laisse sans voix…, bien sûr, même en se focalisant sur une peinture étincelante, Eddie n’atteindra jamais les cimes démentielles d’autres références en matière de Hot-Rods…, mais pour ceux qui ne s’arrêtent pas à ce genre de futilités, les férus d’équipées sauvages (vous ?), ils n’auront qu’à foncer, cerveau en berne, sur les routes de la folie douce…, l’aventure vous attend !