SJ LaGrande Dual Cowl Phaeton 1935
C’est ça l’Amérique du grand chic…, basket’s jaunes, bermuda vert fluo et T’shirt hawaïen multicolore pour moi… et, pour ma copine : robe rouge à paillettes avec un motif chamarré-doré façon paon, cachant partiellement son tatouage représentant Bob, un marin gay…, escarpins à paillettes dorées… et vernis-pute sur les ongles…
C’est cool et bonbon…, je suis ready-prêt pour mon week-end à Bigledown-beach ou je suis invité avec cette charmante lady, avenante et sexy… dans un mini concours d’élégance organisé dans un camping de bord de mer, par un archi-milliardaire local, venant de se payer une Duesenberg SJ LaGrande Dual Cowl Phaeton de 1935 (pour 2.100.000 US$, je précise)… et, organisant “pour fêter ça”, une petite sauterie “instructive”…
La jeune sexy que j’ai rencontré 6 jours auparavant dans un bar glauque du coin, dans une ambiance Fétish, travestie en domina strip-teaseuse, m’a parue être plus qu’exactement too much pour ce non-évènement…, féministe pro-sexe, elle écrit pour un site-web gonzo-sex, des articles sur les sexualités, la culture porn, la culture queer, illustrés de photos Facebook taguées…
Donc, googlisés elle et moi via nos sites respectifs…, alors qu’on aurait du sûrement être préventivement grillés, c’était étrange que ces gens (les organisateurs et trices) nous invitent (moi d’abord, ma copine étant une surprise)…, mais sans doute que l’archi-milliardaire est sado-maso (faut l’être pour acheter des bagnoles de collection), et cherche l’émotion ultime.
Après négociation, j’ai obtenu l’accès aux conférences (avec un badge presse jaune fluo, merci la discrétion), mais pas aux salons (je suis déçu, cela me faisait rêver d’avance)…, la responsable presse, une femme sympathique, ouverte d’esprit, s’étant porté garante de défendre régulièrement notre présence, au nom de la liberté de la presse.
La presse, justement, la haute et les culs-bénis s’en méfient…, ces fachos intégristes ne mènent pas le même combat…, le leur (de combat) est plus large, m’a expliqué la responsable presse à notre arrivée le vendredi après-midi…., ça tombait bien, c’est pour ça que j’étais venu, pour comprendre…, pleins de choses en fait : la décadence, les machines, la fin de la civilisation, la mort de l’humanité…, comme je vais le constater, le champ lexical du week-end s’avèrera digne d’un film catastrophe.
Dans la salle de la conférence, des gens attendent l’esprit saint…, il y a de la musique, des spots de lumière, mais ce n’est pas un meeting, quelques journaleux totalement inconnus commencent à ruminer concernant le buffet…, mais on les fait taire en leur donnant une coupe de champagne californien : “On reste assis, et on prend des notes, s’il vous plaît”…
Plantons d’abord le décor, un terrain de camping à dix mètres de la plage (quasi déserte à cette période de l’année)…, environ 30 sympathisants de la cause automobile (de collection) et divers militants pro-pétrole milliardaires, moyenne d’âge 50 ans, se retrouvant, pour fêter la nouvelle acquisition d’un des leurs…
Discours de bienvenue :
– “Dès leur plus jeune âge les deux frères Frederick (Fred) et August (Augie) Duesenberg sont attirés par la mécanique et la vitesse (leur première réalisation notable est un vélo de course à la fin du 19ème siècle)…, rapidement ils se tournent vers la mécanique avec une seule idée en tête : aller plus vite…, ils conçoivent alors un moteur monocylindre adaptable (bien sur), sur le vélo construit précédemment (sic !). Dans les années 1910, ils s’intéressent tout naturellement aux moteurs de voitures de courses puis aux voitures de courses tout entières…, ils mettent au point des innovations qui vont faire progresser à grand pas l’industrie automobile : la technologie des quatre soupapes par cylindre, le moteur à quatre cylindres en ligne…, si bien que les voitures Duesenberg commencent à se faire remarquer sur les circuits automobiles”.
Sur scène, “mon” milliardaire, ému, clame que : “La communauté du pétrole porte des valeurs, que la société a oublié, mais qui sont universelles et qui s’appliquent à tous”…, puis il laisse la parole à des experts qui sont là pour fournir aux journaleux un ensemble d’éléments justifiant l’achat d’une Duesenberg alors que l’Amérique entre une nouvelle fois en guerre…, chacun développe sa théorie sur le présent et le futur du monde et surtout de l’Amérique, mais surtout sur ce qu’elle doit craindre…
Et d’enchainer sur l’histoire de la marque Duesenberg (J’ai pris quelques notes que je re-transcrit ci-après) :
– “Durant les années de la première guerre mondiale les gens de Duesenberg mettent leurs compétences au service de l’industrie d’armement des Etats-Unis en réalisant des moteurs de huit, douze et seize cylindres pour divers engins militaires… et, la guerre étant terminée ils reviennent à leur passion initiale : la course automobile”.
Fin du premier exposé, les journaleux applaudissent et reçoivent des petits fours en remerciement, ce qui tâche leurs doigts et macule leurs notes manuscrites (il n’y a pas de communiqué de presse pré-établi dans un ordinateur portable offert gracieusement, comme chez TataGuar)… et certains se servent du champagne pour enlever le gras (il se porte bien, merci, il n’y a pas eu de demande de rançon)…
Un autre orateur-expert prend la parole :
– “La marque est fondée en 1913…, pour la saison 1919 les deux frères Frederick (Fred) et August (Augie) Duesenberg, développent le premier moteur 8 cylindres en ligne adapté sur une automobile…, la mise au point est difficile et ce n’est qu’en 1921 qu’ils sont récompensés pour leur ténacité : la Duesenberg 3 litres est la première voiture américaine à remporter le Grand Prix de France, cette victoire sera suivie de beaucoup d’autres succès tant aux Etats-Unis qu’à l’étranger…, mais les ambitions des deux frères Duesenberg sont maintenant toutes autres : ils veulent profiter de leur avance technologique dans le moteur 8 cylindres en ligne et surtout de la renommée acquise en courses pour fabriquer des voitures routières. Le prototype du Model A est exposé au Salon de l’Automobile de New-York qui se tient à l’Hôtel Commodore en novembre 1920…, le public est enthousiasmé à l’idée de pourvoir acheter cette voiture qui a remporté tant de succès sur les circuits…, elle est, bien sur, équipée du 8 cylindres en ligne pour la première fois implanté dans une voiture en production…, il est disposé longitudinalement à l’avant et sa cylindrée est de 4261 litres pour une puissance de 88 chevaux”.
Le diable papote d’une traite, sans devoir chercher ses mots :
– Nouvelle innovation sur cette première Duesenberg : l’assistance hydraulique de freinage sur les quatre roues…, comme pour les véhicules de compétition le Model A comporte bon nombre de pièces en aluminium pour réduire le poids total du véhicule…, le succès est au rendez vous et une usine nouvelle est construite pour la production du model A qui démarre au milieu de l’année 1921…, l’objectif étant de fabriquer 2.400 voitures par an, mais la production du Model A ne dépassera jamais une voiture par jour…, une production qui se compose soit de véhicules complets, soit de châssis roulants qui sont ensuite confiés à des carrossiers. Après de nombreux plans d’économie destinés à sauver l’entreprise, la faillite ne peut être évitée en 1926…., c’est un certain Errett Lobban Cord qui possède aussi le constructeur Auburn, qui rachète la branche automobile Duesenberg et arrête rapidement les développements du Model A. Cord donne alors aux frères Duesenberg carte blanche pour construire la meilleure voiture du monde : ce sera le Model J présenté au salon de l’Automobile de New-York en 1928 sous forme de châssis roulant…, le moteur, toujours le 8 cylindres en ligne, qui maintenant a une cylindrée de 6876 litres, 4 soupapes par cylindre et un système de lubrification très sophistiqué…, développe une puissance de 265 chevaux à 4 200 t/mn…, plus du double de ce que proposent les principaux concurrents…
Il se tait, regarde son public, s’empare d’un verre d’eau et le boit d’une traite avant de continuer de plus belle :
– Le modèle devient très rapidement champion du luxe dans le marché automobile…, le carrossier LeBaron réalise alors la Dual cowl phaéton comme étant le modèle le plus luxueux de toute la gamme…, la firme LeBaron fondée en 1920 est basée à new-York…, initialement elle ne réalisait que des études de style pour ses clients qui se chargeaient de la fabrication…, une situation qui change en 1927 : LeBaron devient constructeur lui-même après une association avec le carrossier Briggs…Mais la concurrence est sévère…, d’autres marques sont également à la recherche de la perfection automobile : Cadillac et Packard aux Etats-Unis…, Rolls-Royce, Hispano-Suiza et Bugatti en Europe…, tous sont dans la course à la puissance, à la vitesse et au luxe des carrosseries…, rien n’est laissé au hasard : Duesenberg fait rouler ses châssis 100 miles sur circuit avant de les livrer aux carrossiers !
Le parterre de journaliste applaudit et quelques plus hardis en profitent pour aller se ravitailler au buffet… et/ou se rendre aux toilettes…, des notes jonchent le sol au milieu des serviettes, deux serveurs en livrées se hâtent de tout nettoyer, de remettre les fauteuils en place et de reprendre les coupes de champagne…, puis peu à peu, tous (ou presque) reviennent… et l’orateur-expert continue sa litanie (je continue de retranscrire ce que j’ai noté durant mon ennui) :
– Je disais donc, que…, bref…, tout cela a un prix : sortie de l’atelier de carrosserie le prix s’élève à environ 14.000 Dollars…, à comparer avec le prix d’une Ford Model T milieu de gamme : 650 Dollars…, à la suite de difficultés financières, la société a donc été rachetée en 1926 par…, oui, je l’ai déjà dit, excusez-moi, j’ai perdu le fil… , ah oui, par Errett Lobban Cord, qui en fait la marque de prestige de son groupe automobile. Sous son impulsion, Duesenberg crée son chef-d’œuvre, la Duesenberg J, qui est présentée au salon de New York de 1929 et qui est rapidement choisie par les vedettes d’Hollywood comme Clark Gable ou Gary Cooper…, ce succès décide Duesenberg à commander les composants pour la fabrication de 500 voitures…, les premiers modèles finis sont livrés aux clients en mai 1929…, quelques semaines seulement avant le mardi noir qui va déclencher une crise économique mondiale !
Un journaleux ose dire que c’est le gouvernement de l’époque qui a organisé tout cela…, un autre se lève et s’insurge contre le risque de généralisation…, j’ai envie de lever la main et de dire : “On a oublié les Sushis”…, mais je sens que ma vanne va faire flop…, ou pire, risque d’être applaudie…, je tends l’oreille, car je me pose moi-même des questions sur la fin de Duesenberg…
Le problème, c’est que les arguments officiels concernant la marchandisation de l’automobile sont systématiquement associés au besoin d’élargir sans cesse le business, là-même ou le marché n’existe plus, que cela a des répercutions sur l’identité sexuelle des américains (les amérindiens ont été génocidés, aucun n’a pu acheter une Duesenberg, les noirs de cette époque non plus)…, leur altérité sexuelle en a pris un coup… et aussi, allons-y franchement, la civilisation trop-libérale d’un coté et des idées ultra-réactionnaires d’un autre (coté) ont commencé à éclore…
Le journaleux crie ensuite qu’il est juriste mais n’a pas trouvé d’emploi adéquat, obligé de venir “faire les chiens écrasés”… et il se défend d’être rétrograde :
-“Je sais bien que la faillite de Duesenberg liée à la grande crise ne se réduit pas à des discussions vaseuses, c’est symbolique, ce sont les malheurs de la vie”.
Des chiffres ? Des sources ? Des études psy ? Je pose la question à un des experts :
-“Non, mais vous voyez bien que le monde est de plus en plus violent, qu’il y a des drogués jusqu’aux hautes sphères du gouvernement”…
-“C’est bien la preuve”, qu’il me répond…, une preuve de mauvaise foi…, le responsable du camping ou se situe ce non-évènement, qui s’est invité à la conférence pour profiter du buffet…, avec son look mi-Jésus Christ, mi-prof de colo qui ne plaît pas à tout le monde, se met à hurler :
-“Il est bien ce petit jeune qui papote de la belle auto exposée dehors sans surveillance”…, ce qui, soit dit-entre nous, est un vrai problème, dont il faudrait débattre…, d’ailleurs il se met à critiquer la société de consommation “alliée à la perte des valeurs morales”…, s’appuyant sur un discours écologiste, il fait un gloubi-boulga catastrophiste :
-“La technologie, la médecine, les smartphones, la pollution concourent à une infertilisation des hommes et à une médicalisation de la procréation, ce qui arrange les néo-conservateurs et les techno-libéraux, voire les cyber féministes”…
Je m’endormais, mais je sursaute…, on parle de moi ?
Ah non, je n’ai pas bien entendu…, dans son discours, il prononce beaucoup le mot sperme…, je crois que, dans ma vie, je n’ai jamais autant entendu ce mot dans la bouche d’un seul homme, en quelques minutes…, même dans les clubs libertins où j’ai fait des reportages…, le libertinage, d’ailleurs, selon lui, fait partie de cette idéologie libérale et libertaire qui a amené Duesenberg a faire faillite !
Le combat continue, c’est un délire hystérique : parce que certains ne sont pas à l’aise avec la norme, ils essaient d’imposer leur propre norme, en niant la différence en citant des moitiés d’arguments, ce qui fait que ses propos paraissent totalement débiles…, après tout on n’est pas en guerre ici… et ça fait rire l’assistance…, on imagine qu’il ne tient pas les mêmes propos aux locataires de son camping…, ce serait de l’idéologie, n’est-ce pas… et l’idéologie, il est contre…, ahahaha ! et bouhouhou ! fait la salle… je ne comprends plus rien !
À 22 heures, tout le monde se regroupe sur la plage, à la demande personnelle du multi-milliardaire qui affirme vouloir prôner l’action via le chant et la lecture de textes classiques d’écrivains américains célèbres, un petit bijou de ridicule…., on allume des bougies, on branche un micro, et il nous demande de chanter en cœur…, des chansons de scouts, des chants religieux… et des chansons traditionnelles du western…Il s’essaie aussi à quelques parodies politiciennes, avec la lecture d’un texte de son cru concernant les taxes…, tout le monde est content…, fin de l’histoire, le public applaudit…, hors conférence plénière, on n’est plus dans la critique, mais dans la dénonciation des taxes comme origine de tous les maux…, c’est “Lucky Luke à Brokeback Mountain”…
Là-dessus, un troisième orateur-expert insiste pour en terminer avec l’histoire de Duesenberg, ce qui permettra d’aller dormir ou baiser en groupe… :
– “Contrairement aux autres voitures de prestige des années 1920, comme les Rolls-Royce, les Hispano-Suiza ou les Isotta-Fraschini qui étaient généralement conduites par un chauffeur, le propriétaire d’une Duesenberg avait choisi de conduire lui-même sa luxueuse voiture pour ses fabuleuses performances…, le Model J était exclusivement réservée aux stars d’Hollywood de Clark Gable, Gary Cooper à Greta Garbo, aux têtes couronnées et aux tout-puissants magnats de la finance et de l’industrie.? Présentée en décembre 1928 au Salon de New York, la Duesenberg Model J ne manque pas d’éloges…, aussi belle que puissante, elle ressemble à une voiture de course conçue pour la route avec le confort, la souplesse et la fiabilité que cela exige…, acheter une Duesenberg Model J consistait à choisir un châssis…, l’empattement était compris entre 3.60 m et 3.90 m mais certains clients commandèrent des versions spéciales allongées jusqu’à 4.52 m…, le châssis était fourni avec le radiateur, le même pour toutes les Model J comme les énormes roues à rayons chromées et écrou central, les phares, le capot moteur, les ailes, les trains roulants et les pare-chocs…, il devait ensuite subir un test de 500 miles sur le circuit d’Indianapolis”…
Il se tait, regarde sa montre, fait une grimace, se gratte le crâne… boit une gorgée d’eau et poursuit :
– “Six mois avant le lancement de la voiture, Duesenberg avait envoyé des croquis de châssis de Model J aux meilleurs carrossiers pour que leurs dessins soient présentés au catalogue au moment de la sortie du véhicule…, parallèlement, Duesenberg avait créé un service design, dirigé par Gordon Buehrig, futur concepteur de la Cord 810, dans le but de proposer un choix de carrosserie encore plus large…, ces carrosseries seront fournies par un constructeur local, Union City et les véhicules assemblés prendront le nom de Duesenberg Model J La Grande. Pour les autres, les châssis se voyaient confiés au carrossier choisi par le client…, le carrossier américain Murphy sera à l’origine de la plupart des élégants modèles souvent dessinés par Franklin Hershley mais d’autres créations sublimes seront signées par d’autres carrossiers américains LeBaron, Derham ou Rollston dont sa célèbre Twenty Grand, pour 20.000 dollars, l’équivalent en 2014 de 344.537 dollars, qui était un modèle Arlington avec laque au platine, pipes chromées, intérieur cuir argent et ronce de noyer…, cette somptueuse Duesenberg, dessinée par Gordon Buehrig, fut présentée la première fois au Salon de Chicago en 1933″.
Le lendemain midi, on retourne dans la salle, pour une séance plénière de conclusion, les journaleux chantent en cœur…”Non rien de rien, non rien de rien”…, on est samedi, je ne suis pas bien réveillé, je me demande ce que je f… là : “C’est bientôt fini”, me glisse ma copine, observant ma mine déconfite, elle a revêtu un t-shirt rose pour me faire rire… et ça marche…
Un journaleux se lève et crie : “Ce qui va nous sauver, c’est l’amour”…, il part, suivi de la meute de ses confrères, exténués…, certains couples se forment, se déforment, je ne vais pas ici narrer le coté sexuel de cette aventure épique par respect pour la Duesenberg, qui n’en peu…, quoique…, les soirées d’affaires et/ou journalistiques sont des bazars assez classiques dans leur déroulement sexuellement transmissible…, à partir de là, de drôles d’événements se déroulent, des petites aventures qui vont crescendo au fur et à mesure que la nuit avance…, une structure somme toute classique ou se retrouvent les éléments représentatifs des joyeux adultérins
Le conférencier est déjà sur son pupitre, il a envie d’en finir :
– “Bonjour, j’espérais en avoir terminé hier soir…, mais bon…, c’est comme ça…, pour midi ce sera terminé, j’en étais je ne sais plus ou… Ah ! Oui, euhhhh..; Voilà ! Des célèbres carrossiers étrangers ont porté également leur signature sur la Model J : Figoni &Falaschi, Saoutchik, Letourneur & Marchand et Franay en France…, Gurney Nutting en Angleterre… et Castagna en Italie…, inutile de dire que pour une Duesenberg, qu’importait le prix…, alors qu’une Cadillac valait 7.000 dollars en 1931, le châssis nu du Model J coûtait 8.500, il fallait ensuite régler la carrosserie qui était au minimum du même prix. Les caractéristiques techniques du Model J sont hors du commun pour l’époque, la suspension est à ressorts à lames à l’avant comme à l’arrière et le freinage dispose d’un système hydraulique…, le huit-cylindres de 6.9 litres revendique 265 chevaux…, ce moteur, considéré comme le meilleur moteur du monde, est accouplé à une boîte à trois rapports et a un double arbre à cames en tête et trente-deux soupapes…, fabriqué par Lycoming, l’une des sociétés de l’empire industriel de Cord, ce moteur très avancé pour son temps dispose du double de la puissance de n’importe quel moteur américain du moment…, malgré son poids dépassant les deux tonnes, le Model J atteint des records de 190 km/h. Le Model J est équipée à bord d’un panel d’instruments très complet : compteur gradué jusqu’à 240, jauge de carburant, indicateur de température d’eau, de pression des freins, ampèremètre, pression d’huile, compte-tours, chronomètre, et un témoin de lubrification du châssis…., ce panel est considéré comme le premier ordinateur de bord de série…, un petit système vient de la pompe à huile qui ouvre des clapets pour amener le lubrifiant sur les parties à graisser tous les 75 miles…, une lampe s’allume tous les 700 miles pour prévenir que le changement d’huile est nécessaire et un autre signal indique tous les 1400 miles qu’il est temps de recharger la batterie”…
Et puis c’est la dernière ligne droite, il arrive (enfin) au bout de cette mascarade :
– “En dépit des circonstances économiques et des effets du Krach boursier de Wall Street de 1929, la Duesenberg Model J trouvera sa clientèle d’exception parmi ceux que la crise n’a pas trop touchés…, environ 470 exemplaires auront été produits avant l’effondrement financier de l’empire Cord en 1937…, grâce à la SJ Phaeton à carrosserie LaGrande de 1935 à compresseur. Duesenberg acquiert aux États-Unis une réputation comparable à celle de Bugatti en Europe, en tant que constructeur alliant performances et élégance exceptionnelles. Toutes les Duesenberg fabriquées deviennent des classiques de la construction automobile américaine de prestige, un cran au-dessus de Cadillac, Lincoln, Packard ou Pierce-Arrow…, mais, à la suite de la faillite du groupe Cord, Duesenberg cesse sa production en 1937…, l’usine est rachetée par le constructeur de camions Herrington”.
Il se tait et me regarde penser…, sans doute que je n’en pense pas moins qu’il me paraît évident que ce n’est pas un drogué…, parce que…, bon…, qu’on dise que “sans air, les oiseaux ne pourraient pas voler” lorsque l’on est sous les effets de la drogue, je trouve ça normal…, qu’on se mette à courir après des éléphants roses et à croire que l’on plane avec des ptérodactyles quand on est sous les effets de quelques substances illicites, je peux aussi l’imaginer…, par contre, arriver à débiter toute l’histoire de Duesenberg devant une trentaine de journaleux qui n’attendent qu’à aller écluser quelques litres de bières puis à se branler, sans être sous les effets des pires drogues… bah ça… je n’arrive même pas à imaginer que ce soit possible…, même Van Damme au top de sa dépendance…, même Doc Gynéco après son millième pet’ de la journée…, même Lance Armstrong après son 7ème Tour de France victorieux, auraient pu conclure que cette présentation était débile que le plus débile des bad trip…, sûrement que cet orateur avait été fortement inspiré par l’appât du gain…, mais même l’amour du pognon facile ne me semblait pas expliquer cette aptitude innée a papoter dans le vide de telles inepties…
Je lui fais un clin d’œil, il a l’air content… et il continue :.
– “Après la Seconde Guerre mondiale, August Duesenberg essaie de relancer la marque, sans succès. Dans les années 1960, Fritz Duesenberg (le fils d’August) et Virgil Exner comme designer, utilisent le châssis et le moteur de la Chrysler Imperial de 1966…, faute de financement, aucune suite industrielle n’est donnée. En 1976, une nouvelle tentative de relance échoue…, cette fois ci la voiture utilise comme base la Cadillac Fleetwood…, malgré un certain écho, Harlan et Kenneth Duesenberg, petits neveux des fondateurs n’arrivent pas à faire revivre la marque”.
Avec des trémolos dans la voix, il raconte une anecdote de fin à l’assistance…, le public a la larme à l’œil, mais n’a plus envie d’en savoir plus…, non, ce sont leurs entrailles qui frémissent…, ils ont faim…, ils en ont ras-le-bol des collectionneurs d’automobiles de collection (sic !), américains, blancs et riches…, les trémolos reviennent dans la voix de l’orateur-expert quand il clame : “En séparant le corps de l’esprit, vous aurez les armes pour une logique libérale redoutable”… et juste après avoir évoqué une vision cauchemardesque de la grande crise économique, il ajoute : “des corps morcelés, des corps en miettes”…
Le dingue d’hier, celui qui garde le camping, reprend la parole, calme le jeu et sussure des mots doux :
–“Chuuut, tout va bien se passer, car la solution c’est l’amour, qu’on a oublié au profit du désir. Dans les cours d’éducation sexuelle, on entend le mot liberté, liberté, mais on veut juste être aimé, peu nous importe la liberté, les bagnoles, les milliards de dollars et les Duesenberg. L’amour, c’est le cri d’une génération, il faut faire la révolution de l’amour, pour bâtir une civilisation de l’amour”…
Sur la plage, à dix mètres du non-événement, un couple gay se balade avec ses chiens…, ils ne sont au courant de ce qui se passe à côté, ils sont juste venus une semaine en vacances… et ils viennent d’arriver…, ensemble depuis 22 ans, ils n’en ont rien à branler des Duesenberg…, les pieds dans l’eau, j’observe l’horizon et la mer…, pas une vague…, cette présentation d’une Duesenberg mythique acquise 2.100.000 dollars ne va faire aucun remous dans la société, tout le monde s’en f… qu’elle ne fait qu’assumer de faire remonter la vase…
Il s’emballe un peu, là… et j’ai la chanson de Roméo et Juliette, celle qui fait “Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau”, dans la tête…, merci…
Tout le monde a parlé de Duesenberg pendant deux jours, et on termine avec un discours de midinette : le tsunami de l’idéologie du genre arrive…, si on a suivi bien comme il faut les discours, que va-t-il se passer sinon le déferlement d’une vague massive d’un ras-le-bol général qui va s’étendre partout et recouvrir la société… à moins que… une nouvelle Duesenberg ! Est-ce possible que le projet 2018 voit le jour ?