1937 Talbot-Lago T150-C-SS Figoni&Falaschi
Dans le monde des automobiles anciennes (plus où moins en fonction du poids financier de leurs propriétaires et de l’importance historique de leurs constructeurs) qui sont dites : “de collection” (la collectionnite n’indique pas une maladie inflammatoire mais désigne, par plaisanterie avec l’ajout du suffixe “nite”, une manie, une obsession, un travers humain caractérisé par un excès qui présuppose un trait psychologique d’amoncellement)… Donc, remporter un “Best in Show” à Pebble-Beach a toujours été le Nirvana pour un propriétaire-collectionneur, qui joue pis qu’à la roulette russe dans les concours d’élégances… D’autres peuvent être tout aussi extraordinaires à leur manière, mais le nom de l’événement pionnier de la Californie confère un statut très élevé pour toute voiture qui est désignée comme la meilleure. Une victoire de classe à “Pebble-Beach” est une garantie en or massif que la voiture est du tout premier rang de l’aristocratie des automobiles classieuses.
Depuis 2016, cependant, il y a un nouvel objectif auquel les amateurs de concours aspirent : le prix “Peninsula Classics Best of the Best”. Il ne concerne pas seulement toutes les fabuleuses machines exposées à “Pebble-Beach”, mais tous les grands concours du monde. Il est voté par 24 juges de renommée internationale et, pour soutenir et justifier cet article, c’est parce que le premier prix de ce type, couvrant la saison 2015, est allé à la 1937 Talbot-Lago T150-C-SS Figoni & Falaschi appartenant à Peter et Merle Mullin. Le collectionneur d’automobiles inaccessibles aux plébéiens qui constituent la plouquesque, appartient généralement à une catégorie de millionnaires (au minimum, être multimillionnaire c’est plus confortable, mais les multimilliardaires s’en taponnent le coquillard préférant collectionner les milliards), qui, pour des raisons parfois fiscales, amassent des tableaux de maître, des meubles de style, des armes, des bijoux d’époque, des vases de Chine, des cristaux de Bohême, des tapisseries d’Aubusson, des vaisselles de Vermeil, des masques africains, des chevaux de course et des livres rares, tels des violons d’Ingres réservés à une élite d’amateurs distingués, oisifs, fortunés et volontiers snobs.
Don Juan collectionnait les conquêtes féminines et d’autres, moins aventureux et fortunés, moins entreprenants également, collectionnaient des tirelires (vides), des insignes (de grades élevés), mais aussi des pipes, des soldats de plomb, des papillons, des timbres-poste, des monnaies, des médailles, des porcelaines ou les tarots pour passe-temps, pour “hobby”, comme on dit à Harvard. Comme beaucoup d’autres institutions, les collectionneurs se sont multipliés, démocratisés, vulgarisés, et presque tout objet naturel ou artificiel peut, de nos jours, être soudain promu “objet de collection”, qu’il soit joli ou laid, luxueux ou pauvre, utile ou futile, et ce, de plus en plus souvent, par les vertus conjuguées de la mode, du journalisme et de la publicité. Avant le Covid qui fait multiplier les vaccins et leurs doses, chaque jour ou presque on assistait à la naissance d’un nouvel objet de collection, d’un nouveau symptôme de cette collectionnée qui distrayait nos loisirs de masse…
Quelques exemples : les étiquettes de fromage, les morceaux de sucre, les boîtes d’allumettes, les photos d’actrices dénudées, les cravates d’idoles et les calendriers Pirelli, la lingerie féminine et les diapositives de vacances à l’étranger, les autographes du temps des yé-yés et les savonnettes et couverts et assiettes d’hôtels, les cartes postales à sujets érotiques, patriotiques ou religieux, les gadgets japonais, les chinoiseries, les horloges normandes, les plaques de noms de rues, les coquillages marins, les trèfles à quatre feuilles, les rubans et les ficelles, et les billets non-gagnants de la Loterie nationale et de l’euro million ! S’y ajoutent les collections excentriques, saisonnières et mondaines du type vieux téléphones, jouets d’avant 1939, billards électriques, chevaux de bois, klaxons, paniers en osier, télégrammes, vieux parapluies, ouvre-boîtes, lampes-tempête, aphrodisiaques, pâtes alimentaires aux mille configurations, souliers-fillettes, escarpins et/où bottes cuissardes avec talons 20cms, clefs féodales, vieux journaux, instruments d’optique, jeux et jouets…
Les accessoires BDSM sont également collectionnés : godemichets, dilatateurs d’anus et vagins, étrangleurs, broyeurs de texticules, coupeurs de tétons, masques à gaz, harnais, plugs, bijoux, cagoules, baillons-boules, pinces diverses, menottes, kits de contraintes, spéculum anal et vaginal, crochet anal, cage de chasteté pour pénis, tube d’introduction anal d’insectes, barres d’écartement… Le nec-plus-extra étant un broyeur de genoux, un compresseur de tête, une pyramide Espagnole, un lit Romain, des pattes de chat en fer forgé, mais surtout une roulette de Wartenberg d’époque, une roue d’écartèlement moyenâgeuse, une guillotine authentique, une vierge de Nuremberg fonctionnelle et un vrai fauteuil à clous muni d’un égorgeur… De quoi passer de bons et joyeux moments !
Notez que dans ce capharnaüm posséder une authentique et rarissime automobile accidentée gravement est un “Must” qui laissera les invités pantois. Voici quelques exemples : la Porsche Speedster de James Dean, la Mercedes de Lady Di, la Renault 10 de Françoise Dorléac, la Porsche Carrera GT de Paul Walker, la Rover 3500 de Grace Kelly, la Renault Frégate de Pierre Lefaucheux, l’Ariel Atom de Jocelyn Quivrin, l’Amilcar d’Isadora Duncan, la Buick Electra de Jane Mandfield, la Cadillac d’Helmuth Newton, la Facel-Vega FV3B d’Albert Camus, la Rolls-Royce Silver-Shadow de Fernand Reynaud… S’il reste quelques restes humains, voire même du sang séché, c’est l’apothéose assurée, la valeur décuple… Certaines automobiles étant particulièrement dangereuses, certains malfaisants tentent maladroitement de proposer à des célébrités d’y faire une longue balade… Mais ça ne “marche” pas à tous les coups, les célébrités elles aussi se méfient et sont réticentes de créer un risque majeur envers elles-mêmes sans y participer financièrement…
Les collectionneurs sans scrupules, quoiqu’ils le sont tous à des degrés divers, s’organisent en créant des fausses vieilleries qu’on retrouve souvent dans des ventes aux enchères d’automobiles de collection et qu’on détecte grâce au fait qu’un autre a eu la même idée avec une identique déjà adjugée au bout du monde quelques années auparavant. C’est pareil qu’avec les peintures, d’autant plus difficilement détectables qu’elles dorment des années dans des coffres de “Ports-Francs” inviolables même des gabelous fiscaux ! Cette Talbot-Lago “Mullin’s” n’est officiellement pas vraiment fausse ni réplique, mais elle est tellement refaite à neuf sous des spécifications non-originelles, que cela implique qu’elle n’est plus authentiquement rien du tout, un point qui rend les collectionneurs qui en possèdent de semblables, nerveux, souvent méchants voire parfois enragés ! Certains donnent ainsi plus que l’impression d’être capable de payer un tueur pour éliminer qui ose publier le résultat de ses investigations !
La Talbot-Lago de Peter Mullins malgré qu’elle soit un Bitza, détient pourtant la couronne d’impératrice des concours évènementiels réservés à l’Elite des Messieurs aux portefeuilles bien dodus et de leurs Dames aux chapeaux extravagants ! Depuis le milieu des années 1980, cette Talbot-Lago a remporté cinq victoires de classe à Peeble-Beach, ainsi que de nombreuses autres victoires de concours dans différents endroits chics, chocs et chers, obtenant un autre prix “Best in Show” au concours “Cartier Style et Luxe” du “Goodwood Festival of Speed 2015” (la victoire qui l’a finalement propulsée au sommet de la montagne d’orgueil) en la qualifiant d’avance pour le prix ultime “Best of the Best 2015”. Soufflant ! Alors quoi ? Vous pensez peut-être que si cette voiture (détonante) arrive toujours en tête des grands honneurs, cela doit cacher diverses choses ? La collectionnite peut-être ? L’amitié des membres d’un même cercle ? La crainte de contrarier Peter Mullin ? Bof ! Faut creuser plus profond, avoir accès aux secret !
Un fait intrigant à propos de cette Talbot-Lago est qu’elle ne reste pas statique, elle bouge et roule “comme une voiture neuve”, conduite par Peter Mullin assisté de son épouse Merle. Ils ont en effet participé dans ce coupé qualifié de cabriolet pour de sombres raisons liées aux transformations, adaptations et changement d’identité, au “Rallye Louis Vuitton des 1000 miles” à travers l’Europe et, comme Peter Mullin en personne me l’a dit autour d’une tasse de thé relaxante (et suppositoire dans son but véritable) dans la maison d’un de ses amis juste après le chaos de Pebble Beach ou trop de gens étaient offusqués que la lauréate des concours soit en réalité une reconstruction. Peter Mullin voulait donc m’endormir en me berçant d’une (fausse) amitié mielleuse : “La raison de ma première place est simple, c’est ma voiture préférée, et non seulement elle est amusante à conduire, mais en plus elle est rapide et belle comme un ange”...
C’est le type de réponse “à la Donald Trump” ! Un “foutage de gueule” ! La première moitié de cette déclaration est significative parce que Peter et sa femme Merle possèdent la plus importante collection privée de Supercars-Art-déco au monde (Je sais et vous savez, donc nous savons que “Supercar” est une appellation post-Miura des années 1960, mais, tsssss, tssss, tsss, vraiment, c’est le seul mot qui selon Peter et Merle, est approprié à utiliser pour leur Talbot, les contrarier me vaudrait d’être illico placé sur liste noire). Les raisons réelles que personne n’ose contester, se nomment 1) le poids des dollars ET le “Mullin Automotive Museum d’Oxnard”, en Californie, un Musée officiellement d’hommage à l’Art déco, qui présente aux candides émerveillés, les plus beaux exemples du monde concernant Bugatti, Delage, Delahaye, Voisin, Talbot-Lago et bien d’autres. C’est un musée à sa gloire.
Quand Peter Mullin dit que cette Talbot-Lago est sa voiture préférée, cela signifie vraiment quelque chose qu’il faut enregistrer et retranscrire faute de quoi l’excommunication sera prononcée ! Aucun journaleux n’oserait s’y risquer de crainte de se retrouver nettoyeur de WC dans le Métro de New-York ! En fait, il a mis cette Talbo-Lago en avant faute de ne pas avoir pu acheter de Bugatti 57 Atlantic comme son ami Ralph Lauren (qui en réalité en possède 3… Une vraie et deux répliques Koukx). Peut-on dire que sa Talbot-Lago “Goutte d’eau” est le palliatif de la Bugatti Atlantic qui ont toutes deux la même forme ? Why not ? Pourquoi-pas ? L’enjeu pour lui est de taille. Sa réputation ! Outre que sa Talbot-Lago va décroitre en valeur, sa réputation va descendre en flèche et il va se faire lâcher comme un sac de caca de chiens, tandis que d’autres affaires étouffées vont refaire surface, comme la Bugatti du Lac de Cuomo et les Bugatti et autres anciennes (64) d’Arlette Schlumpf, embarquées alors que venant de décéder, elle était encore tiède !!!
“Je suis tombé amoureux de cette voiture bien avant de pouvoir l’ajouter à ma collection” m’a expliqué Peter, ajoutant : “Le designer Brooks Stevens, que vous avez connu concernant les Excalibur’s et vos magazines automobiles Chromes&Flammes dont surtout la version américaine Top-Wheels, en avait une, et j’ai de suite pensé que sa Talbot-Lago était la plus belle automobile que j’avais jamais vue. Puis, en 1984-1985, j’ai entendu parler qu’une même pourrait être mise en vente, alors je l’ai poursuivie dans le monde entier et j’ai conclu l’accord d’achat. Elle est devenue ma favorite depuis longtemps maintenant”.
La passion de Peter Mullin pour l’Art-déco s’étend bien au-delà des seuls véhicules : “Les voitures sont les pièces maîtresses de notre musée, mais je collectionne aussi des peintures, des meubles, des graphiques et des sculptures depuis longtemps. Je ne sais pas d’où vient mon enthousiasme, mais j’ai commencé dans la vie en tant que Maître d’art et j’ai toujours été intéressé par les belles lignes, les courbes et les formes. J’ai aimé la façon dont l’Art-Déco rendait beaux les objets fonctionnels. Pourquoi un grille-pain doit-il être laid ? J’ai étudié à UCLA, mais dans une classe de 11, j’étais à peine 11e, alors je suis passé à l’économie” !
Probablement une sage décision, compte tenu de ce que Peter a accompli depuis… Il a en effet possédé des voitures américaines, bien sûr ! “Ma toute première voiture était un cabriolet Chevrolet Bel-Air de 1953. J’ai mis des feux arrière de ’54 dessus, je l’ai fait peindre en or puis peinturlurée par Von Dutch, c’était une vraie beauté, mais le style ailettes et chrome des automobiles américaines classiques n’a jamais séduit les grands collectionneurs. Ma deuxième voiture était une Porsche 356 que j’ai conduite pendant un certain nombre d’années”. La conception de la forme “goutte d’eau” de la Talbo-Lago avait été considérée comme très raffinée des décennies plus tôt, cependant, Peter est capable de se débarrasser de l’histoire de sa voiture sans hésiter un instant :
“C’est un dessin de Figoni créé en 1937, Joseph Figoni était l’un des carrossiers les plus brillants de tous les temps et je pense qu’il s’est dit qu’il ne pouvait pas rivaliser avec ce que la nature ou Dieu lui-même avait créé. Au lieu de cela, il devrait simplement regarder autour de lui, découvrir les formes les plus parfaites de l’univers en termes d’élégance et de coefficient de frottement, et les reproduire. La voiture finie est allée à l’Exposition universelle de New York en 1938. Le Bentley Boy, Woolf Barnato l’a ensuite acquis et l’a conservé pendant un certain temps. Il y a une anecdote célèbre sur un gars appelé Freddie McEvoy qui était un homme notoire de sa ville, pilote de course, raconteur d’histoires et homme de dames, qui a fait un pari de bar avec l’héritière Barbara Hutton, qu’il pourrait conduire la voiture de Paris à Cannes en moins de dix heures. Elle lui a parié 10.000 $ qu’il ne pouvait pas, et je ne sais pas comment il aurait payé s’il avait perdu le pari ! Mais il a décollé la nuit seul, a traversé les Alpes sur les routes étroites des années 1930 et y est arrivé en 9 heures 45 minutes ! La conduite de McEvoy a donné le ton à ces voitures, comme quoi elles étaient non seulement rapides et belles, mais qu’elles avaient aussi une réelle endurance. En conduire un exemplaire pendant 9 heures et 45 minutes à plat à travers les Alpes a été un exploit phénoménal”…
Plus Peter Mullin parle de sa Talbot-Lago, plus son enthousiasme pour la voiture semble évident. Il explique comment le playboy californien des années 1930 Tommy-Lee, fils d’un riche concessionnaire Cadillac, a acheté une T150-C-SS (celle qui appartiendra plus tard à Brooks Stevens) et l’a fait courir dans les rues autour de Los Angeles et sur les marais salants du désert. Dans un article sur la voiture de Peter, l’écrivain et designer automobile Strother Mac Minn a rappelé comment il pouvait aussi être heureux de la queue de la Talbot-Lago, comme Tommy-Lee le lui a prouvé : “J’ai eu la confirmation de ce comportement lors d’une course en 1941 sur Outpost Drive dans les collines d’Hollywood dans l’un des trois coupés de Tommy-Lee. Latéralement (avec Tommy au volant), c’était sensationnel”...
Selon les documents et dires de Peter Mullin, la Talbot-Lago châssis 90106, serait l’un des 14 “Faux-Cabriolets” construits par le carrossier en 1937-1938. Il aurait été reçu comme châssis le 29 septembre 1937 et carrossé comme un faux cabriolet sans toit ouvrant c’est-à-dire un “cabriolet à toit rigide sans toit ouvrant”. C’est le genre d’histoire compliquée qui pue la faisanderie à plein nez pour camoufler ce qu’on ne veut pas qui puisse contrarier une image déterminée… Il aurait été plus simple et homogène de dire que ce “Faux-Cabriolet” était un “Coupé Goutte-d ‘eau” à toit ouvrant… Mais la réalité n’était pas celle-là ! La voiture de Peter Mullin n’a jamais été originalement un “Coupé Goutte-d’eau”… Deux autres voitures, les numéros 90116 et 90117, ont couru au Mans en 1938 et 1939, où leur forme aérodynamique en forme de larme (goutte-d ‘eau) était réelle et effective, ayant prétendument aidé leurs performances : la #90116 a terminé troisième au classement général en 1938, bien que sa voiture sœur n’ait pas réussi à terminer en 1939 !
En choisissant le châssis T150 pour la carrosserie, Figoni et Falaschi [Figoni était l’artiste, Falaschi l’homme d’affaires dans la relation] auraient difficilement pu commencer avec une meilleure base. La T150 avait une suspension avant indépendante et un moteur à soupapes en tête de 4,0 litres (avec une tête hémi). Elle était aussi performante sur les circuits que sur les routes, et a accumulé une série de succès en compétition en 1937, y compris le premier et le deuxième au “Tourist Trophy” de Donington, mais elles étaient décrites comme étant des “Darracq”, ce qui reflète et remet par trop en cause l’histoire alambiquée de Peter Mullin concernant les Talbot dans les années 1930. En termes simplifiés, la moissonneuse-batteuse Sunbeam-Talbot-Darracq a fait faillite en 1934, et l’usine Talbot Française (qui n’avait rien à voir avec l’usine Talbot britannique, basée à Londres) a été reprise par un entrepreneur appelé Anthony Lago. En fait, il était italien de naissance et baptisé Antonio (mais il s’appelait Antoine lorsqu’il était domicilié en France)…
Vous suivez toujours ? Bien ! OK ! Lago s’est installé en Angleterre dans les années 1920 et a ravivé son grade de Major d’artillerie en temps de guerre, ce qui l’a aidé à séduire des investisseurs. Mais ses Talbot-Lago construites à Paris (comme on les appelle maintenant) ont dû être vendues en Grande-Bretagne sous le nom de Darracq’s, pour éviter toute confusion avec les Talbot britanniques… Ouf ! L’honneur est sauf ! Mais c’est malgré-tout trop complexe pour être honnête dans l’esprit des gens (et des lecteurs) qui s’en f… totalement ! La T150-C-SS de Peter Mullin a donc été prétendument par lui-même, construite selon les spécifications de la compétition, avec l’option de châssis plus court, le moteur à compression plus élevée et les carburateurs Zenith-Stromberg triples, le “C” signifiant Compétition et le “SS” pour Super Sports.
Mais, les archives de Figoni indiquent que la Talbot-Lago sur châssis 90106 a quitté l’usine peinte en gris métallisé et a été achetée par Woolf Barnato sur le stand au Salon de l’automobile d’Earls Court en 1937. Ce qui lui est arrivé après la guerre 39/45 jusque 1969 est curieusement inconnu, mais à un moment donné, la voiture est réapparue en ayant changé d’aspect (de Cabrio elle s’est métamorphosée toute seule en Coupé “Goutte-d’eau” peinte en bleu avec des ailes grises ! Et puis, au début des années 1960, La même s’est retrouvée entre les mains d’un certain Otto Zipper, spécialisé dans la découverte d’exotiques oubliées et leur exportation aux États-Unis. Elle est alors devenue un modèle de “compétition” avec un châssis court !!! Il l’a confié au musée Briggs Cunningham en Californie pendant de nombreuses années afin qu’elle soit vendue au prix d’une “Goutte-d’eau de compétition”. Mais elle restait sujette à caution… Jusqu’à ce qu’en 1980, elle soit vendue à John Calley, président de Warner Bros qui n’était pas regardant pour l’historique et ses zones occultées !
À cette époque, la voiture autrefois discrète, a été peinte en Rouge-Ferrari et ses phares Art déco carénés derrière les grilles typiques, remplacés par des feux Marchal conventionnels dans des “Pods”, ce qui lui donnait un aspect vaguement Jaguar XK120… Cette Talbot-Lago avait une boîte de vitesses à pré-sélecteur Wilson, comme on le trouve dans de nombreuses voitures de sport des années 1930, à partir de Riley. À l’aide d’un petit levier, on présélectionne le rapport que l’on a l’intention d’utiliser, ensuite, après quoi, le simple fait d’appuyer sur l’embrayage change automatiquement le rapport. C’est très pratique lorsqu’on conduit sur une route sinueuse, car cela permet de garder les deux mains sur le volant à l’approche d’un virage…. Bref, en 1982, un autre Californien, Pat Hart, a acheté la voiture et l’a fait repeindre en noir (plus flatteur,) ce qui a abouti à une deuxième place à Pebble Beach en 1984. Réalisant qu’elle n’était toujours pas assez bonne pour les grands honneurs, il a commencé une restauration après démontage intégral qui a été poursuivie par Peter Mullin lorsqu’il a acquis la voiture en 1985.
On y vient et c’est une vraie soupe ! Peter a confié le travail de suite à la carrosserie “Hill and Vaughn Restorations” (le même Hill que le pilote de course Phil Hill) et a demandé que la voiture soit repeinte dans la couleur subtile d’une aubergine : “Cette couleur est l’une de mes préférées”, m’a expliqué Peter Mullin : “Certaines personnes les ont peintes en deux couleurs, mais je pensais que cette voiture était l’essence de la beauté sculpturale et n’avait pas besoin d’une finition bicolore. Une couleur unie et plus foncée permet à la forme de vraiment se démarquer, et c’est pourquoi je pense que c’est l’un des plus beaux designs automobiles de tous les temps. Peut-être le plus beau”.… Après 20 ans de démonstration lors d’événements de concours et de rallyes entre les deux, le lustre de cette T150 commençait à se ternir et Peter a décidé de faire rafraîchir la voiture par la carrosserie Sargent Metalworks dans le Vermont. Il s’est avéré qu’il s’agissait plus qu’une repulvérisation, comme le rappelle Scott Sargent…
“La voiture avait des fenêtres d’aération non originales [quarts de lumière] dans les vitres de porte, probablement mises en place dans les années 1950 ou 60, alors nous avons fini par les enlever. Ensuite, nous avons trouvé des fissures de contrainte dans les poteaux A, et le capot avait été endommagé après avoir été laissé sans attache lors d’un rallye en Europe. Puis nous avons vu que le châssis avait été coupé pour être diminué de taille et que la carrosserie ne correspondait en rien aux normes. Idem pour le moteur. Nous avons donc terminé la restauration en émetant toutes réserves comme quoi c’était un bitza non original. Nous avons également fait du chromage, un certain rembourrage, sans éradiquer la patine qu’elle avait acquise et, bien sûr, la peinture. Peter aimant cette couleur aubergine, il ne voulait pas la changer, la voiture avait été entretenue par Bob Mosier, donc elle était en bon état de roulage. L’affaire était complexe quant à savoir s’il fallait informer la presse que la Talbot-Lago Figoni-Falaschi de Peter Mullin n’en était plus vraiment une.100% nette et 100% authentique !
N’ayant pas de comptes à rendre à quiconque et l’affaire de la Bugatti du lac de Cuomo me revenant en tête, de même que la soixantaine de voitures “de collection” dont 15 Bugatti, exfiltrées “en douce” après le décès d’Arlette Shlumpf, jamais payée, j’ai conclu que publier cette histoire était une obligation quasi historique. Mais, il me fallait trouver une Talbot-Lago 100% authentique et irréprochable pour en publier des photos sans tomber dans le cycle infernal des répliques prétendument authentiques comme celle de Peter Mullin qui avait déjà “fait le coup” avec une Bugatti découverte au fond du lac de Cuomo (lac Majeur) alors qu’une autre 100% identique en ce compris les numéros de châssis et moteur avait été vendue par la même maison d’Enchères Bonhams à un Japonais… Le Japonais n’a rien dit, comme si de rien n’était, et c’est Peter Mullins qui a acheté l’épave…
Autre haut fait d’armes de Peter Mullins, la soixantaine de voitures anciennes dont 15 Bugatti d’Arlette Shlumpf, emportées sans rien dire (et sans lui payer quoique ce soit puisqu’elle était décédée la veille) vers le musée Peter Mullins par Jaap Braam Ruben et Bruno Vandiesse ! La Bugatti la plus rare a été immédiatement restaurée en “Peeble-Beach concours condition” (Peter Mullin aime Peeble Beach) les autres ont été stockées dans un hangar en attente de l’ouverture d’un musée-vente, spécialement acheté pour cela. Les dessous du milliardaire américain Peter Mullin demeurant à Oxnard en Californie, puent ! Toute l’histoire se lit ICI : https://www.gatsbyonline.com/automobile/la-seconde-collection-schlumpf-a-disparu-de-france-349970/
J’ai discuté de ces histoires avec Peter Mullins qui est devenu ombrageux… Peter le faisait évidemment exprès, c’est un grand comédien ! Je l’ai attaqué de face en lui demandant : “Alors comment conciliez-vous les exigences contradictoires de la perfection avec l’originalité, l’histoire réelle et la provenance douteuse avant d’inscrire une réplique, fusse-t-elle une Talbot-Lago Figoni et Falaschi, dans un concours tel que Pebble-Beach ? Ne devrait-on pas revenir au concept original d’un concours, tel qu’il était compris avant la 2e guerre mondiale ?”...
Il a répondu en riant : “C’est une très bonne question. J’ai longtemps pensé que la vision européenne d’un concours d’élégance, qui mariait la provenance, la rareté et l’importance d’un design, ainsi que le style élégant d’une belle femme dans une tenue de haute couture avec chapeau assorti, bagages et petit chien en laisse, était la bonne. En Amérique, nous avions tendance à trop restaurer les voitures et à nous concentrer sur la question de savoir si les têtes de vis étaient alignées ou s’il y avait un léger écoulement d’huile en dessous alors que les voitures vont toujours égoutter de l’huile ! Les voitures étaient donc remises dans un état meilleur que lorsqu’elles quittaient l’usine. En toute justice, les grands concours comme Pebble Beach l’ont reconnu et accordent beaucoup plus d’attention à l’originalité qu’à la provenance. Et si vous conduisez une voiture et que vous obtenez un éclat de pierre étrange en conséquence, eh bien, cela prouve simplement que vous l’utilisez réellement, ce qui est une bonne chose! J’ai déjà abordé cette question dans mon propre esprit. Les voitures peuvent être des œuvres d’art, mais elles ne sont pas destinées à être accrochées à un mur ou cachées dans un garage avec un éclairage spécial. Ils doivent être conduites, et pour être appréciées, elles doivent être montrées au public sur les routes. Mon point de vue est que la patine sur une voiture causée par l’utilisation est très bien. Ne vous méprenez pas, j’adore gagner des prix, mais votre attitude me force a en rester là, car vous remettez en cause l’authenticité de ma Talbot-Lago. Etes vous pareil qu’il y a 40 ans, assurément pas. Si vous êtes dans le monde de la vieille voiture pour enquêter sur le vrai et le faux, alors je vais vous montrer ce que peut faire un multimilliardaire, je vais la faire repeindre en gris métal pour figurer dans votre GatsbyOnline !”...
Et, Peter Mullin est monté dans sa Talbot-Lago bien-aimée , l’a fait rugir sur la route en me criant : “Bien joué, monsieur, dans 1 mois vous aurez les photos de la Talbot-Lago en gris”..
1937 Talbot-Lago T150-C-SS by Figoni & Falaschi
Moteur 3996cc à six cylindres en ligne, OHV, trois carburateurs Zenith-Stromberg
Puissance maximale 140bhp @ 4000rpm / DIN
Couple maxi 199lb ft @ 2100rpm / DIN
Transmission Présélecteur Wilson à quatre vitesses, propulsion arrière
Suspension avant: indépendant, triangles supérieurs, ressort à lames transversal servant de maillons inférieurs. Arrière : essieu moteur, ressorts à lames semi-elliptiques
Freins Tambours servo-assistés, à câble
Poids 1500kg
Performance Vitesse maximale 115mph