1952/2013 Alfa Romeo Touring Disco Volante…
Il est utile de présenter l’Alfa Romeo Disco Volante originale et originelle, véritable chef d’œuvre de la carrosserie à l’italienne, qui fut un immense insuccès. Voiture prétendument avant-gardiste, caricaturale, voire même satirique par son coté soucoupe non volante, la seule chose qui en a résulté, à l’époque, fut le bruit de son klaxon joyeux et arrogant repris quelques années plus tard dans la Lancia Aurelia de Vittorio Gassman, dans Le Fanfaron.
La petite histoire dit d’ailleurs qu’il lança une telle mode en Italie qu’on finit par interdire les klaxons musicaux qui étaient considérés par les bien-pensants comme un facteur de déstabilisation radicale… Comme chaque chose en ce très bas monde, chaque être a sa part d’ombre.
La force de la créativité italienne en matière de carrosseries, réside bien souvent dans la capacité de ses réalisateurs à dessiner des formes simples de manière complexe… Sans verser dans le schématisme, dans la caricature et le manichéisme, le client Alfa-Roméo Lambda est individualiste et amoral, le genre qui se fuit lui-même sur les routes et ne se sent exister que dans le regard des autres : toujours en mouvement il danse au volant, conduit en position quasi-accroupie, joue à masturber son levier de vitesse, envahit toute la route…, et quand il parle (généralement pour parler de son Alfa-Romeo), sa voix sature, il discoure à n’en plus finir, comme pour ne pas disparaître…, c’est trop souvent un personnage grotesque, produit d’une société sans repères, qui se révèle quasi toujours irrécupérable !
En réalité, Alfa-Romeo, c’est toute la société italienne du boom économique, dont la voiture est emblématique d’une Italie individualiste, obsédée par le bien-être, désireuse de s’évader du style cléricalement-correct de la petite-bourgeoise laborieuse, sclérosante, inconsciente et finalement nuisible… Je ne dessine pas de personnages totalement noirs ou blancs : je laisse à chacun sa complexité, ses qualités et ses défauts, son pouvoir de fascination et de répulsion. L’on peut aimer la Disco Volante et s’ennuyer devant, même si c’est un chef-d’oeuvre constituant une forme limite issue de la grande comédie italienne. Rarement la bouffonnerie en automobile n’a atteint ce degré où le rire s’étrangle dans la gorge.
C’est l’envers du miracle économique italien, ou plutôt son trop-plein qui va littéralement déborder, devenant une écume empoisonnée qui pollue les rivières, souille le paysage, corrode les immeubles et les consciences de quelque chose qui serait inscrit dans l’histoire même de l’Italie, dont celle-ci ne parvient pas à se débarrasser dans la persistance d’une malédiction dont le fascisme n’a été qu’un des avatars. Contrairement à ce que vous venez de lire en préambule, Alfa Romeo n’est pas tout a fait une voiture, c’est une comédie, un drame protéiforme qui peut mitonner plusieurs niveaux de récit et plusieurs genres à la fois : une farce populaire…, un récit industriel à double fond…, une comédie de mœurs où le peuple italien en particulier et la nature humaine en général en prennent pour leur grade ! Comme toujours, des éléments de tragédie attendent les propriétaires-conducteurs d’Alfa Romeo au détour du grotesque des simples situations de conduite. Et ils ont beau s’y attendre, ils sont pris par surprise quand même.
C’est en 1950 que le constructeur italien Alfa Romeo décida d’arrêter la fabrication de la 6C 2500, dont la conception remontait avant la seconde guerre mondiale… et de la remplacer par une voiture moderne, révolutionnaire, l’Alfa Romeo 1900, avec une coque autoportante et non plus un châssis.
La voiture, entièrement conçue sous la supervision de Orazio Satta Puliga, contenait beaucoup d’évolutions techniques raffinées. Le cœur de l’Alfa 1900 était son moteur. Avec ce nouveau modèle, le constructeur milanais abandonnait les moteurs à six et huit cylindres pour des moteurs qui évitaient une surimposition fiscale. Cependant, la tradition Alfa était respectée avec la présence d’une culasse en alliage léger, de deux arbres à cames en tête et de chambres hémisphériques.
Alfa Romeo débuta les essais au banc du nouveau moteur 4 cylindres de 1900 cm³ le 14 janvier 1950 avec un bloc entièrement en aluminium. Avec un seul carburateur, il développait 90 chevaux. Pour la suspension avant de la voiture, Giuseppe Busso (projeteur des groupes mécaniques) opta pour un schéma à quadrilatères transversaux, des ressorts hélicoïdaux et des amortisseurs télescopiques, déjà adoptés sur d’autres modèles de la marque. La suspension arrière était entièrement nouvelle et inédite : un pont rigide avec couple conique hypoïde, ressorts hélicoïdaux et amortisseurs tubulaires, le tout relié longitudinalement au châssis par deux éléments en duralumin.
La configuration de la carrosserie, le projet détaillé de toute la carrosserie et même l’étude des moyens de fabrications furent étudiés intégralement au sein de l’usine Alfa Romeo de Portello. La première voiture de la série 1900 fut essayée sur la piste Alfa Romeo le 2 mars 1950. Un second prototype fut présenté à l’extérieur du Salon de l’automobile de Turin de mai 1950, mais le modèle fut jugé insatisfaisant surtout en raison de sa trop forte ressemblance avec la nouvelle berline Fiat 1400. La présentation de l’Alfa 1900 à la presse intervint le 2 octobre 1950 à Milan à l’hôtel Principe di Savoia. La présentation officielle eut lieu au Salon de Paris en octobre de la même année.
Au Salon de Genève 1951, Alfa Romeo présenta la version Coupé sportif baptisé Sprint réalisé par le carrossier Touring et équipé d’un moteur dont la puissance était portée à 100 chevaux. À partir de 1952, année au cours de laquelle les chaînes de fabrications furent pleinement opérationnelles, une version TI (Turismo Internazionale) fut présentée afin de satisfaire les exigences des clients sportifs qui voulaient participer à des courses dans cette catégorie. Le moteur provenait de la Sprint développait 100 chevaux à 5500 tr/min grâce à ses deux carburateurs double corps, le freinage était plus puissant avec des tambours de plus gros diamètre, mais le modèle n’était identifiable que par son échappement de compétition. Pour obtenir un moteur plus puissant, Alfa Romeo en augmenta l’alésage de 2 mm en 1954, sans modifier la course. La cylindrée passa ainsi de 1884 cm3 à 1975 cm3. À cette occasion, toutes les versions adoptèrent la définition “Super”...
La version 1900 C 52 mérite une attention particulière, elle est plus connue sous le nom Disco Volante. Conçue avec la collaboration du carrossier Touring-Superleggera sur la base de l’Alfa 1900 C, elle sera fabriquée en 1952 en seulement quatre exemplaires : un coupé et trois spiders. La ligne biconvexe était particulièrement originale et aérodynamique, à tel point qu’Alfa Romeo décidera de déposer le brevet de son dessin comme modèle d’ornement…
A partir de la même carrosserie en version spider, Alfa Romeo en tirera une dizaine d’exemplaires pour la compétition, équipés d’un moteur 6 cylindres de 3,5l et 250 chevaux. Le poids particulièrement faible (760 kg) lui permettait d’atteindre les 230 km/h. Au volant d’un de ces bolides, Fangio se classa 2e à la Mille Miglia de 1953 et gagna le G.P. Super-Cortemaggiore la même année. Malgré sa ligne particulière et la popularité de la Mille Miglia ou l’Alfa 1900 C 52 acquit une réputation en peu de temps, le bureau des ventes de l’usine n’enregistra aucune demande…, Alfa Romeo décida alors de ne pas commercialiser ce modèle, malgré cet échec, Alfa Romeo réussit à vendre les 4 voitures construites à des personnes célèbres, dont l’astronaute Charles Conrad et l’acteur Tyrone Power.
Au XVII ième siècle s’est posée une crise de la conscience européenne. Elle n’était pas entièrement neuve, l’affaire toutefois ne prit pas d’ampleur. Elle resurgit violemment dans le dernier tiers du XVII ième siècle, sous l’appellation de Querelle des Anciens et des Modernes. C’est précisément dans ce cadre que La Bruyère écrivit : “Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes et qui pensent. On ne fait que glaner après les anciens”… Cela, bien sûr, nous fait penser aux propos du roi Salomon de l’antique Israël, qui dit dans l’Ecclésiaste 1:9-11 : “Ce qui a été, c’est ce qui sera ; et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera ; et ainsi il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Existe-t-il quelque chose dont on puisse dire : Vois ceci, c’est nouveau ? Cela a déjà existé pendant des temps indéfinis”…
Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que ces propos ont été écrits il y a 3000 ans et qu’ils illustrent à merveille une situation de crise, posant le problème essentiel du progrès de l’humanité, tout en soulevant des questions telles que : “Le génie humain est-il statique ? L’ innovation et l’imagination sont-elles des chimères ? A-t-on déjà tout dit, et tout homme est-il voué à imiter quelque antiques, qui en aurait fait autant, puisque dès le départ de l’humanité tout existait déjà ?”… Les réponses ne sont pas évidentes, même pour un homme tel que moi, qui à présent a perdu toutes ses illusions.
Finalement, on se rend compte, à l’encontre de ce à quoi on pourrait s’attendre, que les reprises autant que l’imitation débouchent, si l’on s’en donne la peine, à du nouveau. On aperçoit aussi que, les techniques scientifiques évoluant, de même que les mœurs, il est évident qu’un individu, selon l’époque dans laquelle il se trouve, n’a pas le même témoignage à donner, ni les mêmes points de vue à partager. Cogito ergo sum (Je pense donc je suis) disait Descartes. Fui, ergo cogitavi. (J’ai existé, donc j’ai pensé) ont dû se dire les responsables de Touring Superleggera, en recréant une nouvelle Disco Volante…
Après l’introduction d’une maquette à l’échelle 1/1 en 2012, Touring Superleggera est fier de présenter le premier modèle d’une possible production de la Disco Volante présentée au Salon de l’Automobile de Genève 2013, signalant : “A partir de maintenant, la Disco Volante est disponible pour les clients exigeants”…
La Disco Volante 2013 est une biplace “Gran Turismo” basée sur le coupé Alfa Romeo 8C Competizione équipé de son moteur 4,7 litres V8. Chaque voiture qui peut être commandée, nécessitera 4000 heures de travail manuel. L’Alfa Romeo C52 Disco Volante était considérée dans les années cinquante comme une icône du design italien…, selon le credo de Felice Bianchi Anderloni, fondateur de la carrosserie Touring : “Il peso è il nemico, la resistenza dell’aria è l’ostacolo”...
– La fiction d’une automobile parfaite alors qu’elle est inutile, s’ancre profondément dans une réalité économique, sociale et politique qu’elle stigmatise en s’en nourrissant. Les automobiles de rêves à l’italienne sont comme de belles fleurs, des fruits de l’imagination poussées sur le terreau de la réalité dont elles sont, par conséquent, imprégnées. Quel est le pourquoi du comment de proposer cette automobile ?
– Nous nous sommes concentrés sur la préservation de l’essence du design original. Une fois la conception gelée, il nous a fallu comprendre les problèmes de fabrication et les résoudre immédiatement, sans compromettre le design. De nombreux éléments ont été modifiés à cette étape, comme le capot légèrement plus élevé nécessaire pour la ventilation du compartiment moteur. Pourtant, les proportions d’origine ont été conservées, de sorte que ces changements sont à peine remarqués. Le résultat final est encore plus spectaculaire et impressionnant que l’étude de style…
– Est-ce vraiment en cohérence avec la philosophie de la voiture originale ? Parce que, en êtes-vous conscient, en présentant des voitures comme la Diso Volante à des gens qui n’ont même pas les moyens de rembourser les mensualités de leur épave d’occasion, vous jouez le jeu de l’exploitation et de la marginalisation de populations qui, au contact de la société de consommation, perdent leur culture, leurs coutumes !
– La représentation du pauvre en Italie aurait plutôt tendance à obéir au credo catholique ou à la vision marxiste, qui lui promettent le paradis pour le premier et en font le ferment de la lutte révolutionnaire pour le second. La pauvreté n’est plus mère de l’abnégation et du désintérêt : la société de consommation lui fait engendrer des êtres frustrés, vils et avides, entièrement occupés à se haïr et prêts à tout pour satisfaire eux aussi les besoins nouveaux qu’on lui crée. La Disco Volante n’est pas destinée à cette partie du monde, mais à un milieu aisé, c’est en ligne avec notre philosophie personnelle.
– Qu’en est-il de la Disco Volante 2013 ?
– Une partie de l’atmosphère de notre Disco Volante a été créée par des éléments tels que les profils de LED rouges lumineux intérieurs. En outre, l’aéronautique a été notre inspiration pour des pièces comme le tableau de bord, les instruments et le levier de réglage du siège. Quant à la tapisserie d’ameublement, les cuirs sont fabriqués sur mesure pour reproduire la teinte extérieure. Ceux-ci sont mis en correspondance avec le noir Alcantara. Bien sûr, la personnalisation de la décoration de l’intérieur répond aux préférences de nos clients. Le châssis roulant de l’Alfa Romeo 8C Competizione a été choisi à cause de sa structure légère et rigide et de ses remarquables propriétés dynamiques. Par conséquent, il constituait la base idéale. Les éléments de châssis et la cellule centrale en carbone est restée inchangée. Le moteur et la cloison pare-feu, le pare-brise et ses piliers, les serrures et les charnières, tout cela a été conservé, tout comme le tableau de bord et ses instruments, les pédales et le volant. Avec le moteur avant-central monté, la transmission transaxle et les roues arrière motrices, la répartition est optimale : 49-51%.
– La mécanique est-elle modifiée ?
– Non, c’est le moteur originel de 4,7 litres V8 qui délivre 450 chevaux et 480Nm de couple. Il est monté avec la boîte six vitesses séquentielle avec contrôle électronique et la sélection des vitesses s’effectue par des palettes au volant. La Disco Volante peut accélérer de 0 à 100 km/h en 4,2 secondes et atteint une vitesse de pointe d’environ 290 km/h.
– Quels sont vos sous-traitants ?
– Tout est réalisé par nos soins ! Dans un procédé qui couvre la faisabilité, la sécurité, l’homologation, l’aérodynamique et l’analyse structurale, les plus avancés des outils informatiques et des techniques de simulation ont été utilisées. Une attention particulière a été accordée à la structure, comme les cadres tubulaires supportant les ailes arrière et les pare-chocs ainsi que l’arceau de sécurité reliant les c-piliers. D’autres problèmes de conception complexes étaient les charnières du hayon, la fenêtre de la porte bombée. La Disco Volante a ensuite été soumise à une étude aérodynamique afin d’améliorer le flux d’air et d’assurer un appui optimal dans la partie arrière. Après cela, divers calculs ont été effectuées pour évaluer la résistance et la rigidité de l’ensemble des pièces soumises à homologation.
– Vous comptez en vendre combien et à quel prix ?
– Touring Superleggera est synonyme de la fabrication de qualité. L’avantage de poids de l’aluminium est l’un des atouts des méthodes de construction de Touring Superleggera. De nos jours cependant, l’art de la fabrication à-la-main des panneaux d’aluminium est combiné avec l’utilisation de fibre de carbone en plastique renforcé (CFRP). Pour la Disco Volante, Touring a décidé d’utiliser cette combinaison d’aluminium et de fibre de carbone. Cela a été le résultat d’une étude menée pour définir l’utilisation optimale des matériaux de la carrosserie en termes de poids, de résistance, de précision, de finition et de qualité, et de la facilité de réparation en cas de dommage.
– Vous ne répondez pas à ma question, je vous demandais…
– Le CFRP est utilisé pour des composants spécifiques tels que le pare-choc avant, la calandre, le capot, les jupes, le couvercle de coffre. Le capot et le couvercle du coffre sont en sandwich Nomex construit avec remplissage entre-deux pour obtenir un meilleur rapport rigidité/poids et pour amortir les vibrations et le bruit.
– Oui mais le prix et…
– Les panneaux en aluminium sont fabriqués à la main en utilisant un moule époxy. Étant donné que les cadres internes de la plupart des parties de la carrosserie sont faits en fibre de carbone, cela nécessite le collage de l’aluminium sur la fibre de carbone. Cette technique ajoute à la rigidité alors que la colle a des propriétés structurelles. Les panneaux de carrosserie sont pré-assemblés sur une plate-forme de mesure laser à l’aide d’un gabarit. Cela garantit que le strict nécessaire de la tolérance est respecté. Après ajustement, les panneaux sont soudés ou collés. La caisse est ensuite utilisée pour le pré-assemblage et l’adaptation de tous les composants de la garniture.
– Le prix me parait important à connaitre car…
– L’essai dynamique a lieu sur notre terrain d’essai. A côté des contrôles de routine sur l’absence de craquements, on se concentre sur le freinage et toutes les autres fonctionnalités. La Disco Volante a reçu la réception UE par type en vertu de la CE de l’UE-directive 2007/46 pour les petites séries.
– Et le prix ?
– Voyez le service vente…
– Le point d’aboutissement de ce cheminement est superbe, il s’agit du partage d’une rage, entre nous, résidant en quelques papotages documentaires…
– Merci d’avoir été attentif à mes explications…