1953 Ferrari 166MM Abarth Spyder…
Il faut remonter peu après la naissance officielle de la marque Ferrari en 1948, pour voir apparaître le premier modèle de 166.
Elle était équipée à l’époque d’un V12 de 2 litres de cylindrée développant 110 chevaux.
Elle sera construite dans cette configuration jusqu’en 1953 à seulement 38 exemplaires signant de nombreuses victoires, notamment au Mans, aux Mille Miglia, et à la Targa Florio (Mille Miglia faisant référence aux victoires remportées aux Mille Miglia par la 166 Spyder Corsa).
C’est en janvier 1953 que la Scuderia confia un des ses châssis 166MM au pilote Guastalla Giulio Musitelli.
Comme il était de coutume à l’époque, les châssis étaient souvent confiés à des carrossiers qui réalisaient les voitures suivant les demandes des clients.
C’est ainsi que Giulio Musitelli confia à Carlo Abarth le dessin une nouvelle carrosserie.
La Ferrari 166 Spyder Abarth MM/53 numéro de châssis 0262M fut teminée le 14 Mars 1953.
Carlo Abarth avait réalisé une approche pour le moins originale, en dessinant une carrosserie non seulement plus légère, mais également plus aérodynamique et mieux étudiée pour la course.
Mais, question look…, inutile de peser les mots et de prendre des pincettes pour ne pas choquer les tiffosi…, il faut être objectif : elle a explosé le pont-levis et a pénétré de façon éhontément hardie dans la forteresse de l’horreur, y hissant son pavillon tout en haut de la tour.
Ce grand pourvoyeur en friandises déviantes qu’était Carlo Abarth (d’un bon niveau de bêtise assumée) signait là un monument inesthétique, un apparent grand n’importe-quoi qu’il semblait impossible de prendre au sérieux.
Pourtant, passé ce cap, la voiture révélait une ingéniosité calculée comportant des solutions à des problèmes que personne ne se posait…
Connue sous le nom de Ferrari 166MM/53 Spyder Abarth, elle est à la fois l’une des plus étranges voitures de l’histoire, mais aussi la seule et unique Abarth- Ferrari jamais construite…
Cette réalisation “cyclopesque” avait été pensée en fonction des accidents possibles, la totalité des panneaux étant rapidement démontables, chacun étant maintenu en place par des fixations rapides !
Si Carlo Abarth avait déjà épaté le monde avec ses innombrables et improbables automobiles sur base Fiat, il lui fallait toujours composer et créer des solutions à des problèmes inexistants… et ce avec un humour certes douteux mais indéniablement prégnant.
Par exemple, certains éléments de carrosserie étaient adaptés au delà de leur utilité, tel le capot arrière des Fiat 500 Abarth esseesse, fixé en position ouverte à l’horizontale, façon aileron-barbecue…
Mais, en dehors de ces gags qui pourtant symboliseront sa patte…, la plupart du temps, les voitures de Carlo Abarth étaient extraordinairement performantes !
Incapable de rire de lui-même et persévérant à construire des voitures douloureusement vulgaires mais fort heureusement amusantes, Carlo Abarth est rapidement devenu le porte-étendard des automobiles “racing de route” de Fiat, ouvertement parodiques…, qu’on a comparé à des monstres mutants…, la concurrence quoique agressive puisque se disputant ce marché, tentait de tenir la dragée haute aux Abarth avec de relatifs succès…, mais Abarth luttait…
J’en reviens au sujet de cet article…
L’asile de fou que dirigeait Carlo Abarth à donc finalement frappé un grand coup avec la Ferrari 166MM Abarth Spyder, qui non seulement a bousculé ses rivales, sans complexe..;, mais est venue en plus s’imposer dans les classement, en tête…, de manière involontairement drôle, ce qui l’a définitivement rendue attachante.
Laide, mais performante…
Et, il est maintenant grand temps de rentrer dans le cœur du sujet…
La carrosserie créée par Carlo Abarth, était ingénieusement constituée de panneaux d’aluminium amovibles, boulonnés sur un cadre support…, cela permettait donc (dans l’esprit inventif de Carlo Abarth), pour les courses, de pouvoir changer très rapidement les parties endommagées.
Le problème de cette solution ?
Il n’était qu’une réponse à des petits accidents, des accrochages sans importance, car si le fragile châssis était touché, plus moyen de replacer le ou les panneaux abimés voire détruits…
Et là aussi, fallait-il qu’il exista autant de panneaux de rechange que ceux constituant la voiture…
C’est Giuseppe Manera qui fabriqua à la main tous les panneaux alu…, mais il ne fit le tout qu’en un seul exemplaire !
L’ensemble carrosserie + bâti ne pesait que 55 kg…, par rapport à une 166MM d’usine Ferrari, elle pesait 275kg de moins.
Sous les couleurs de la Scuderia Guastalla, la Ferrari 166MM Abarth réalisa le palmarès ci-après :
– 14/05/53 – TARGA FLORIO – G.MUSITELLI… N°28… 21ième
– 31/05/53 – COUPE DE TOSCANE – LIVOURNE – G.MUSITELLI… N°922… Abandon
– 14/06/53 – C.C. DE VARESE-CAMPO DI FIORI – G.MUSITELLI… N°145…39ième
– 21/06/53 – CIRCUIT DE CASERTE- COPPA P.AMATO – G.MUSITELLI… N°?… 3ième
– 28/06/53 – GIRO DELL’UMBRIA – G.MUSITELLI – A.DRAGO…. N°?… 5ième
– 02/08/53 – GIRO DI CALABRIA – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
– 09/08/53 – CIRCUIT DE SENIGALLIA – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
– 06/09/53 – TROPHEE SUPERCORTEMAGGIORE-MONZA – G.MUSITELLI… N°30… 7ième
– 27/09/53 – C.C.DE BOLOGNE-RATICOSA – G.MUSITELLI… N°254… Accident
Suite à la sortie de route du 27/09/1953, deux faits sont apparus aux yeux exorbités de Giulio Musitelli…
-Le moteur n’était plus assez puissant pour vaincre les nouvelles arrivantes en course…
-La carrosserie n’était pas en phase avec les réalités…
Le châssis fut déplié (gag), refait, consolidé, le moteur fut remplacé par un V12 3 litres de 240 chevaux… et la carrosserie Abarth fut remplacée par une caisse alu Scaglietti reprenant plus ou moins le même design.
Quoi ?
Kelcekça de koi ?
La carrosserie amoureusement inventée et créée avec des panneaux amovibles par Carlo Abarth et réalisée tout aussi amoureusement par Giuseppe Manera, jetée à la poubelle ?
Pour excuser ce crime, on a évoqué la complexité de la carrosserie Abarth ainsi que l’absence de pièces détachées…, ce qui aurait contraint Giulio Musitelli, propriétaire de ce chef-d’oeuvre…, à se tourner vers Scaglietti.
Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là…
Giulio Musitelli a inscrit la Ferrari devenue Scaglietti, équipée de son nouveau moteur dans différentes épreuves du premier semestre 1954…
– 03/01/54 – GP DE RIO DE JANIERO – GAVEA – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
– 10/01/54 – GP DE SAO PAULO – INTERLAGOS – G.MUSITELLI… N°?… Abandon
– 04/04/54 – GIRO DI SICILIA – G.MUSITELLI – C.BRESCIANI… N°358… 3ième
– 03/05/54 – MILLE MIGLIA – G.MUSITELLI – A.DRAGO… N°608… Abandon
– 16/05/54 – GP DE NAPLES – POSILIPPO – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
La voiture a ensuite été vendue à Luigi Chinetti, l’importateur Ferrari pour les États-Unis, qui l’a exposée une année dans son show-room, ou elle a été achetée par Gary Laughlin en septembre 1955.
Celui-ci a engagé la Ferrari 166MM Scaglietti pour une course à Palm-Spring, mais il n’a courru que les préliminaires en décembre1955, réussissant à se classer en quatrième position.
Il a vendu la voiture le soir même de cette course à Lorin McMullen, qui va la faire concourir toute l’année 1956, puis va la stocker dans sa collection, pour la ressortir une seule fois en 1968…
– 03/12/55 – PRELIMINAIRE PALM SPRINGS – G.LAUGHLIN… N°82… 4ième
-26/02/56 – MANSFIELD – L.MC MULLEN… N°68… 2ième
-26/02/56 – MANSFIELD (UNLIMITED) – L.MC MULLEN… N°68… 2ième
-29/04/56 – 100 MILES DE DODGE CITY – L.MC MULLEN… N°68… Forfait
-03/06/56 – SCCA – EAGLE MOUNTAIN (RACE 4) – L.MC MULLEN… N°68… 8ième
-03/06/56 – SCCA – EAGLE MOUNTAIN (RACE 6) – L.MC MULLEN… N°68… 9ième
-05/08/56 – MANSFIELD – PRELIMINAIRE – L.MC MULLEN… N°68… 4ième
-05/08/68 – MANSFIELD – UNLIMITED – L.MC MULLEN… N°68… 2ième
La voiture est ensuite retournée dans son mini-musée…
Trente cinq années plus tard, il a découvert les fameux panneaux de carrosserie Abarth qu’on croyait détruits…
Il a imaginé un coup tordu typiquement “Ferraresque” dans la noble lignée de ce que faisaient les chevaliers Jacques Swaters et autres : il a vendu la carrosserie Scaglietti à un amateur tout heureux de pouvoir réaliser un nouveau clone Ferrari..; et a fait re-adapter le châssis pour qu’il re-accepte les panneaux qui ont été eux aussi adaptés en conséquence…
La voiture à peine terminée et sa peinture sèche, a été exposée un pneu partouze ou s’agglutinaient des gens snobs et friqués…
Le but : faire mousser !
Une carrossserie Scaglietti, c’était bien, mais présenter la seule et unique Ferrari 166MM Abarth, c’était mieux…, même si elle n’avait plus son premier moteur, l’originel…
Il espérait 1.500.000 $ de cette troisième version…, le coup devait être rapide…
Présentée chez RM Auctions le 13 août 2004, la voiture redevenue Ferrari 166MM Abarth, fut vendue 850.000 $ !
Banco et ciaooooooo bella…
Que la mise en perspective historique et la présentation de cette étrangeté “cyclopesque” , souligne un parcours quasi sublime (sic !), le look général dans sa version Abarth, est plus équivoque…, quoique l’idée de Carlo Abarth concernant l’assemblage des panneaux était ingénieuse, on ne peut que s’interroger sur le pourquoi du comment se fait-il qu’il n’a pas pensé qu’au premier accident, cette carrosserie risquait de se retrouver dans la poubelle de l’histoire et remplacée par une caisse alu de Scaglietti…
Chaotique affaire dont l’épilogue pourrait résider dans l’hilarante ambition évidemment assumée de son actuel propriétaire de se tirer une balle dans la nageoire…
Que nenni, la balle a ricoché sur le cadenas d’une caisse remplie d’or…
Que ce théâtre du paraître soit pathétique, c’est une semi-évidence car il cache sur la fin un aspect vénal relativement vomitif.
Pour certains spéculateurs qui n’ont en rien contribué à l’histoire de cette voiture, ce n’est absolument pas un problème dans la façon d’être grotesque au-delà du raisonnable et de se ficher royalement de tout.
Cela donne toutefois aux spectateurs l’occasion de s’amuser franchement avec cette auto devant laquelle il est difficile de rester insensible… en se tenant les côtes !
On en vient même à se prendre d’affection pour cette étrange voiture dont revoici le palmarès sportif :
C’est un concentré de bonheur instantané, dépassant toutes les espérances.
PALMARES Ferrari # 0262M :
1 / SCUDERIA GUASTALLA
– 14/05/53 – TARGA FLORIO – G.MUSITELLI… N°28… 21ième
– 31/05/53 – COUPE DE TOSCANE – LIVOURNE – G.MUSITELLI… N°922… Abandon
– 14/06/53 – C.C. DE VARESE-CAMPO DI FIORI – G.MUSITELLI… N°145…39ième
– 21/06/53 – CIRCUIT DE CASERTE- COPPA P.AMATO – G.MUSITELLI… N°?… 3ième
– 28/06/53 – GIRO DELL’UMBRIA – G.MUSITELLI – A.DRAGO…. N°?… 5ième
– 02/08/53 – GIRO DI CALABRIA – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
– 09/08/53 – CIRCUIT DE SENIGALLIA – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
– 06/09/53 – TROPHEE SUPERCORTEMAGGIORE-MONZA – G.MUSITELLI… N°30… 7ième
– 27/09/53 – C.C.DE BOLOGNE-RATICOSA – G.MUSITELLI… N°254… Accident
Installation d’un moteur Type 250MM 3L0
Changement de la Carrosserie de Carlo Abarth par une carrosserie Scaglietti
– 03/01/54 – GP DE RIO DE JANIERO – GAVEA – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
– 10/01/54 – GP DE SAO PAULO – INTERLAGOS – G.MUSITELLI… N°?… Abandon
– 04/04/54 – GIRO DI SICILIA – G.MUSITELLI – C.BRESCIANI… N°358… 3ième
– 03/05/54 – MILLE MIGLIA – G.MUSITELLI – A.DRAGO… N°608… Abandon
– 16/05/54 – GP DE NAPLES – POSILIPPO – G.MUSITELLI… N°?… 2ième
2 / G.LAUGHLIN – U.S.A.
– 03/12/55 – PRELIMINAIRE PALM SPRINGS – G.LAUGHLIN… N°82… 4ième
3 / L.MC MULLEN – U.S.A.
-26/02/56 – MANSFIELD – L.MC MULLEN… N°68… 2ième
-26/02/56 – MANSFIELD (UNLIMITED) – L.MC MULLEN… N°68… 2ième
-29/04/56 – 100 MILES DE DODGE CITY – L.MC MULLEN… N°68… Forfait
-03/06/56 – SCCA – EAGLE MOUNTAIN (RACE 4) – L.MC MULLEN… N°68… 8ième
-03/06/56 – SCCA – EAGLE MOUNTAIN (RACE 6) – L.MC MULLEN… N°68… 9ième
-05/08/56 – MANSFIELD – PRELIMINAIRE – L.MC MULLEN… N°68… 4ième
-05/08/68 – MANSFIELD – UNLIMITED – L.MC MULLEN… N°68… 2ième