1950/1953 Glasspar G2
LA Glasspar G2 est considérée par de nombreux historiens automobiles comme étant la réelle première voiture de production de tout l’univers disposant d’une carrosserie en fibre de verre, ce qui a en conséquence été pour eux un évènement interplanétaire majeur reléguant la Corvette C1 à n’être qu’une copie ayant toutefois contribué à la montée en popularité des véhicules à carrosserie polyester (Meyers Manx, DeLorean DMC-12 etc.) dans les années suivantes et au-delà…
En Californie du Sud en 1949, le major Ken Brooks de l’armée de l’air se construisait un Hot-Rod durant chaque moment de ses temps libres, tout comme d’innombrables autres à l’époque…, il utilisait un châssis de Willys et son moteur six cylindres…, mais n’ayant pas encore d’idée pour le style de carrosserie à y positionner, il a demandé l’avis de son ami Bill Tritt qui s’était familiarisé avec la fibre de verre en travaillant pour Douglas Aircraft, puis s’était lancé avec un succès relatif dans la fabrication artisanale de coques de bateaux Hors-Bord en polyester dans un petit atelier situé à Santa-Ana.
Il a imaginé créer et construire pour Ken Brooks, non pas une carrosserie de Hot-Rod, mais celle d’une voiture de sport, la plus simple possible, dans l’esprit de ses coques de hors-bord : un design basique mêlant des influences américaines et européennes, pouvant être concrétisé sans les coûts gigantesques d’ouvriers qualifiés devant former les éléments d’aluminium de carrosserie sur des gabarits en bois.
Rien de plus simple pour qui sait y faire…, que de mouler/reproduire diverses parties d’automobiles (obtenues dans des casses) et de les assembler entre-elles à grands renforts de terre-glaise, puis après avoir “lissé” le tout, d’en tirer un nouveau moule permettant de resculpter cet ensemble d’emprunts formant une “nouvelle” forme avec de la fibre de verre…, des courbes complexes pouvant être ainsi facilement et à bon compte reformées dans le nouveau matériau, puis dupliquées lorsque l’ensemble est devenu une “nouvelle” carrosserie !
Baptisée Brooks Boxer, la voiture finie qui s’était inspirée de la Jaguar XK120, a été exposée au Motorama 1951 où elle a obtenu un succès instantané, incitant Bill Tritt à développer illico une section automobile dans son activité navale…, il faisait en effet partie de ces quelques fous s’affirmant sincères et passionnés, alors qu’ils ne pensaient qu’à exploiter un système…, son histoire va dès cet instant être à tout jamais liée à sa voiture baptisée la Glasspar G2.
Elle encapsulait les débuts du mouvement américain des automobiles étranges dont sont extrapolés les Kit-Cars réalisés par divers micro-constructeurs en tant que véhicules uniques réalisés de bricks et de brocs dans leur box-garage en utilisant le châssis et les organes vitaux d’automobiles de grandes séries re-habillées par des carrosseries plastiques imaginées et réalisées par ces petites entreprises n’ayant souvent aucune réelle compétence dans la création technique et artistique…
Cette face cachée de l’art du n’importe quoi automobile était dans les années cinquante beaucoup moins méprisée qu’aujourd’hui…, la volonté et l’ambition sans bornes de Bill Tripp forcent tout de même l’admiration, car de nos jours, les conditions de réalisation d’une automobile ont en effet considérablement évolué…, toutefois, la Glasspar G2 était le genre d’engin susceptible de renforcer la foi de tout aspirant en sa propre capacité à se lancer dans des projets ambitieux mais foireux…
Vous aussi, rêvez de fabriquer des automobiles extraordinaires, mais quand vous regardez une Bugatti Chiron 2019 de 3,5 millions d’€uros, vous pensez : “Mais jamais je ne serai capable de faire des trucs pareils, ma carrière débutante dans l’automobile est d’emblée foutue !”… mais que Nini, Bill Tripp vous prouve qu’avec pas grand chose on peut faire quelque chose les doigts dans le nez…
Avec de la pâte à modeler et du carton mélangé à de la glue, tout quidam n’ayant crainte du ridicule et habité d’une super dose de cynisme-consumériste peut élaborer la forme d’une automobile étrange dans un Box-garage faisant office de repaire top-secret de créateur illuminé, c’est ça la magie du n’importe quoi qui spermet avec un pneu de chance d’éjaculer des flots de liquidités !
La Glasspar G2 de Bill Tripp, c’est pareil…, du grand n’importe quoi dans ce qu’il a de plus poétique et charmant…, la naïveté touchante de l’ingénierie et l’incohérence “elliptique” de la forme générale faisant intervenir des éléments divers pompés de ci de là…, autant d’arguments qui font de la Glasspar G2 une “chose” attendrissante à défaut d’une escroquerie intellectuelle.
Ajoutez-y, pour ce qui est des catalogues et publicités, le charme inégalable du flou artistique en photographie, ainsi que la volonté délibérée de choisir des arrières plans en adéquation avec la laideur de la voiture, quelques jolis contre-jours cachant les défauts, une ambiance d’un autre monde, et aussi un texte abscons uniquement destiné à emberlificoter les victimes choisies au hasard dans les expositions de bagnoles destinées aux zombies baveux du genre cheapo-gras-double qui dégueulent partouze… ainsi que d’ersatz moustachus de Clint Eastwood dont les traits de caractère badass, est de fumer barreaux de chaise sur barreaux de chaise en faisant un doigt d’honneur à tout le monde…
Pour ce qui est de la presse, les journaleux étant souvent achetables ou ne fusse que baveux d’avance de pouvoir rouler dans une automobile de rêve pour en écrire en contrepartie un article dithyrambique (si l’article est mauvais ils ne seraient plus invités pour une suite)… et les lecteurs étant désireux du fait de leur éducation religieuse qui les lobotomisent pour croire en n’importe quoi…., force leur sera de dire que c’est formidable sans jamais admettre que c’est pourri…, quoique pour perdurer leur plaisir masochiste, ils peuvent hors de la présence de leur avocat, plaider que la Glasspar G2 est une bricole qui dispose de pas mal d’ingrédients bien sympathiques.
La sincérité et la bonne volonté de ce cri d’amour, sauront, je l’espère, conquérir vos cœurs déviants…, car personnellement, après plusieurs Mojitos, la Glasspar G2 m’est finalement apparue plus sympathique, en ce sens qu’elle ne fait pas forcément partie de ces abominations qui font rire aux éclats…, la Glasspar G2 ayant une incroyable capacité de fascination hypnotique grâce à son aspect complètement hallucinant et non-sensique…, un résultat qui n’est peut-être pas tel que Bill Tripp l’avait imaginé au départ : un petit classique incontournable.
Bill Tripp n’est toutefois pas revenu dans notre monde pour créer une autre automobile malgré les encouragements et le bon accueil de ses fans espérant voir un nouveau monstre un peu plus abouti…, en effet, après cette aventure, Bill Tritt et sa Glasspar Company ont œuvré comme consultants pour GM et leur nouvelle Corvette, et Bill Tripp a également fourni des projets de carrosseries pour modifier le look de la Volvo P1900, agissant pareillement pour Kaiser-Darrin, tout cela finissant par la vente du matériel ayant servi à fabriquer les Glasspar à la nouvelle firme Woodhill Wildfire.., ce qui explique leur ressemblance hallucinante.
Malgré de faibles chiffres de production, le plus grand succès de la Glasspar G2 a été qu’elle a engendré l’industrie des kit-cars, qui a explosé dans la décennie suivante, entrainant comme dans une combinaison distinctement américaine tout ce qui était Hot-Rodding et Kit-Cars/voitures de sport en récup’…
La Glasspar G2 a été construite de 1951 à 1953, personne ne connaît combien de carrosseries et/ou de voitures ont été construites et achevées, le chiffre de 150 a été évoqué par Bill Tripp sur son lit peu avant de décéder.
Les exemples survivants de la Glasspar G2 sont maintenant très “collectionnables” et, grâce à leurs méthodes de construction en fibre de verre telles qu’utilisé pour les coques de hors-bords, ils sont souvent en bien meilleure état que beaucoup d’autres voitures en fibre de verre de l’époque…, d’ailleurs Bonhams à vendu à Amélia Island il y a quelques mois la Glasspar illustrant cet article, pour presque 100.000 us$…
Cette Glasspar G2 1953 est un rare exemple spectaculaire et entièrement restauré de cette voiture de sport américaine pionnière…, seulement 29 Glasspar G2 ont survécu et sont répertoriées, de plus, selon les informations obtenues cette Glasspar G2 châssis G253038 est l’une des 10 (seulement) construite “usine” entièrement par Glasspar dans leur atelier de Santa-Ana…, dans la correspondance conservée entre Bill Tritt et le propriétaire, cette voiture est également identifiée comme la seule G2 construite en usine à être équipée du légendaire Cadillac OHV V8.
Maintenant entièrement restaurée et présentée dans une merveilleuse (sic !) couleur bronze saumonée, cette G2 est l’une des plus belles existantes…, car contrairement aux autres G2 peintes en marron lugubre, équipées de roues en fil de fer chromé et de pneus à flancs blancs sa peinture brillante et son intérieur blanc vif met en valeur les chromes de haute qualité (pare-chocs, calandre et cadre de pare-brise).
Avec des soupapes “aériennes” et près de 200 chevaux, le 331 ci Cadillac V8 était le moteur le plus “up to date” lorsqu’il a fait ses débuts en 1949…. et, positionné dans la très légère Glasspar G2 de 1953 disposant d’une boîte manuelle 3 vitesses, les sensations de conduite ne sont rien de moins que palpitantes…
Petit bonus avec quelques photos d’une autre Glasspar G2…