1954 Hudson Hornet “Twin-H-Power”…
Pour clore un chapitre de vie d’affaires diverses : bonnes, mauvaises et entre-deux…, malhonnêtes, crapuleuses et entre-deux…; les truands “se rangent des voitures”..., une expression qui dit plus que rien sans entre-deux… et ça signifie quoi, au juste ?
S’assagir avec l’âge, se ranger, régler sa conduite, arrêter de voler pour profiter de son butin, cesser ses activités délictueuses, être rangé des affaires, se mettre à l’abri, dans une situation sûre, ne plus exercer son activité, devenir inactif, arriver à la retraire, se mettre à l’écart, au repos, devenir devenu sérieux et sage !
Oncle Bob était un marchand de la Hudson Motor Car Company après la seconde guerre mondiale, il avait réussi à le devenir en suite de ce qu’il avait racketté et/ou flingué la moitié des gens qu’il n’aimait pas, à Chicago, puis “fortune faite” il a acheté un terrain le long de la Route 60 entre Williamsburg et Yorktown, en Virginie, et patiemment construit une masure avec un bureau/garage destiné à sa future entreprise…
Tout cela terminé, il a bricolé une énorme enseigne-néon, style Las Vegas, avec paillettes et lampes clignotantes : “Bob’Cars”…, ensuite il a fait trois photos de l’ensemble et s’en est allé discuter le bout de gras avec Texaco pour que son affaire soit d’abord une Station-service et débite de l’essence…, puis il a fait pareil avec Hudson Cy à Richmond pour devenir concessionnaire exclusif de son coin.
Persuasif, il a obtenu tout ce qu’il voulait, réputation de Chicago oblige, et quelques semaines plus tard la Station-Service brillait de mille feux tandis que 20 Hudson’s étaient alignées devant son garage…, tous les matins, il les plaçait dans le “front yard”, face à la Route 60 et peignait des prix qui changeaient de jours en jours, sur la totalité des pare-brise.
Les assoiffés d’essence et les curieux s’arrêtaient pour, soit faire un ajout d’essence, soit pour voir les Hudson’s… et Oncle Bob a vendu toutes les voitures en deux mois, persuadant tout le monde que la compagnie Hudson fabriquait les meilleures voitures du monde.
Au début des années cinquante, les Hudson-Jets ont été épurées et simplifiées de look, on appelait cela du “Design” par rapport aux voitures balourdes des autres marques, mais tout en gardant une grille de calandre massive qui se mélangeait à un pare-chocs élégant et brillant comme si c’était un bloc de diamant…, le tout complété d’enluminures “comme à Noël”, des phares aux feux arrière…
Pour “faire puissant”, le contenu du capot était rempli d’artifices, tout cela était impressionnant, dégageait une impression de richesse inépuisable…, tandis que le modèle-phare, la Hudson Hornet caracolait en tête de toutes les épreuves du circuit NASCAR de 1951 à 54, remportant 78 courses !
Hudson a décerné à Oncle Bob tout un tas de prix et récompenses, affirmant que c’était le meilleur vendeur Hudson de toute l’Amérique, un vendeur de rêve, ce que ses ventes prouvaient.
Jusqu’à sa mort, Oncle Bob a particulièrement aimé la 1954 Hudson Hornet, plus que n’importe quel véhicule jamais créé par Dieu et Detroit…, c’était la reine de la ruche de Hudson, une créature d’incomparable beauté automobile et de puissance, son “fabuleux” moteur (c’était ce qui était peint sur les flancs des Hudson Hornet de course) était alimenté par des double carburateurs “Twin-H-Power” permettant d’avoir 170 chevaux sous le pied droit, environ 30 de plus que n’importe quelle autre automobile de Detroit…
Quand Oncle Bob conduisait il prenait toute la largeur de la route et lorsqu’il dépassait, il poussait l’autre voiture à la limite du bord de route, en faisant un doigt d’honneur à son infortuné conducteur…
Malheureusement, la Hornet 54 ne pouvait pas sauver Hudson de la ruine financière, la société était en survie quand la première Hornet est sortie de la chaîne de montage à l’automne 1953 et en mars 1954 Hudson se retrouvait contraint de fusionner avec Nash-Kelvinator, un “petit” fabricant d’automobiles et de matériel de cuisine, le nouvel ensemble formant American Motors Corporation.
Oncle Bob détestait les Nash’s…, il est presque devenu fou quand AMC a changé la carrosserie de la Hudson Hornet en 1955 pour la faire ressembler davantage à une Nash…, puis AMC a brisé son cœur quand il a abandonné la fabrication des Hudson en 1957 !
Oncle Bob n’était plus le même homme après ça…, il est devenu un vendeur de voitures “normal”, et ses chiffres de vente étaient humbles, même avec l’apport d’occasions Ford et Chevrolet, mais il n’a pas pu récupérer…, d’autant pire que l’année suivante AMC a cessé de fabriquer des Hudson’s !
Oncle Bob qui n’avait plus l’âge de retourner flinguer comme au bon temps de Chicago s’est découvert une vocation de prêcheur dans l’église voisine, son profond chagrin de la disparition des automobiles Hudson’s le conduisait dans les bras du Seigneur, mais il faut admettre que le timing était suspect…, sa motivation n’était pas une crise de foi passionnelle mais un dérivatif financier, il percevait de coquettes sommes d’argent grâce à ses prêches en chaire de non-vérité comme il faisait en vendant des voitures.
Avec ses plantureux gains, louant le Seigneur, Oncle Bob s’est mis en tête d’acquérir une Hudson Hornet Twin-Power “pour son plaisir”…, il a écumé la nation américaine toute entière et trouvé une Hudson Hornet Twin-H-Power 1954 abandonnée dans un champ dans le Vermont…
Sous la rouille, on pouvait voir des restes de l’emploi des deux tons de peinture d’origine : vert pâle/vert foncé…, l’engin avait toujours ses carburateurs Twin-H-Power démontrant (en plus de sa plaquette d’identification) que c’était un des modèles d’élite de la marque.
On pouvait voir le sol à travers les trous dans le plancher… et toutes les garnitures étaient déchirées, moisies et pourries…., mais “la chose” était authentiquement vieille… et Oncle Bob a pensé qu’il pourrait la restaurer…, alors il l’a achetée et l’a fait remorquer jusqu’en Virginie.
Il a alors décidé que ce Coupé devait être identique à la N°51 victorieuse…, toute pareille… en bleu avec les inscriptions “Fabulous Hudson Hornet” sur les flancs…et surtout pas dans les tons verdâtres d’origine…, mais il lui a été difficile de survivre à la restauration…, il est devenu presque fou en cause des trois années qui vont suivre : marchandages continus pour restaurer la mécanique, avec les garnisseurs/tapissiers, les chromeurs, la carrosserie et l’atelier de peinture…, mais le travail terminé, Oncle Bob a été transfiguré lorsqu’il a démarré la Hornet et réalisé une balade autour du bloc des habitations d’où il demeurait.
Le moteur tournait comme une toupie en fin de course, la voiture aussi…, l’intérieur sentait le menthol et les souris crevées…, mais l’extérieur était immaculé, quoique la Hornet ressemblait à un vieil appareil de chauffage de sous-sol avec sa peinture bleue qui recouvrait des dessous rouillés, mais Oncle Bob n’en avait cure et s’est mis à se promener à son bord du matin au voir et du soir au matin !
Une fin d’après-midi, alors qu’Oncle Bob roulait presque à fond (160 Mile/heure) sur une autoroute à quatre voies, son siège s’est auto-perforé d’un ressort cassé qui a percé la housse en ruine et lui est rentré de plein fouet, profondément, dans l’anus alors qu’il maintenait l’accélérateur au plancher…
Il a hurlé à la mort (qui l’a entendu) tandis que le moteur rugissait comme un camion Mack en pleine accélération… puis Oncle Bob s’est effondré sur le volant tandis que l’indicateur de vitesse continuait à monter lentement mais sûrement jusqu’à un peu plus de 170 Mile/heure dans la voie de dépassement… et a percuté un Ford F-150 qui circulait à 55 Mile/heure, l’envoyant de l’autre coté de l’autoroute, causant un carambolage apocalyptique.
Les conducteurs des voitures restées sur la bande de droite regardaient stupéfait le carnage général, alors qu’ils se faisaient doubler par la Hudson Hornet Twin-H-Power, aussi stupéfaits que s’ils avaient été dépassés par un sous-marin sur roues…, il n’avaient aucune idée de l’enfer qui allait se déchainer quelques secondes plus tard lorsque la Hornet et Oncle Bob ont emplafonné un bus scolaire remplit d’enfants…, c’est ainsi qu’Oncle Bob s’est rangé des voitures… !