Toujours difficile d’aborder une bagnole inutile… d’autant qu’elle me fatigue autant qu’elle me fascine… et pourtant, je l’adore… il y a d’abord la fâcheuse manie des gens qui dirigent Gullwing America (GWA) à trop en faire, que cela soit dans les concepts ou dans les réalisations elles-mêmes : on n’est jamais à l’abri d’un étranglement de stupeur ou d’un twist gâchant une jouissance…
Alors forcément, quand divers merdias annoncent (beaucoup n’ont fait que copier/coller un vieux communiqué de presse) la re-re-re-création d’un bazar éculé centré sur un style qui a passé l’arme à gauche depuis plus de 15 ans, avec un “retour aux sources” quasi-christique, alors que cet engin n’est qu’un concept qui n’a abouti à rien et que GWA semble avoir disparu des radars (on ne capte plus rien)… je flippe un peu, même si je sais mettre de la légèreté dans le mortuaire automobile, car cette ancienne nouvelle ancienne est tout sauf un retour aux sources, c’est une continuité larvée, un aboutissement sans fond, une première éculée…
Je vais faire simple, mais que ceux qui aiment le coté expérimental ne partent pas en courant, car cette 1955/2020 GWA-AMG-CSL300 fantôme reste foncièrement hors du temps… et ça, c’est un soulagement… mais surtout, c’est un bazar qui continue de prendre la gueule à chaque fois qu’on retombe sur des photos… et ça file la frousse et fracasse la colonne vertébrale…, tout en retenue… c’est que le bestiau tel qu’imaginé une nuit de pleine lune est bourré de légers détails à filer le vertige et se prendre un coup de coude dans le thorax.
En 2012 quand je suis tombé nez-à-nez devant cette chose, j’ai poussé un hululement de dépressif désabusé, le genre qui flingue le palpitant, calmement, mais surtout, la vision de cet engin, n’a fait que monter, monter, monter, mon rythme cardiaque, avant un décollage affolant (chœurs lointains, ouverture lumineuse)… si tu ne pleures pas, toi qui me lis, c’est que tu es un putain de salopard insensible.
Il y a tout dans cette GWA, un coté tire-larmes pur et dur, aucune surprise en elle-même… tout le peuple chiale en la voyant et c’est beau, magnifique, une perfection, l’équilibre parfait qui donne autant envie de s’arracher la peau de tristesse, et de courir au loin avec un sourire gigantesque parce qu’on est heureux de savoir qu’un tel engin n’existe qu’en virtuel !
Et le plus drôle, c’est que ce bordel est comme un miracle, on n’en finit pas de s’en prendre plein la tronche… quoique juste après, commence aussi la stupéfaction, filant la chair de poule… rien d’autre, on s’attend a une explosion des neurones, mais tout s’arrête subitement pour partir en couille à chialer…, une montée en puissance jusqu’à strangulation de la zone “réfléchir posément” du cerveau !
Attends attends, Popu…, ne zappe pas…, il te faut savoir que les loustics de Gullwing America (GWA) avaient sans doute imaginé que cette chose aurait pu être la construction la plus folle jusqu’au présent de 2020 qui est maintenant le passé… la voiture “donneuse” devrait être une SLS AMG Roadster, transformée en une interprétation moderne de la rare 1955 Mercedes-Benz 300 SC, qui a eu une faible production de 92 unités…
Selon la légende créée de toutes pièces bidons pour appâter les merdias, GWA a imaginé une histoire ou un client européen leur aurait demandé de créer une voiture “one-of-a-kind” nommée “CSL 300”, un re-carrossage composé de panneaux en aluminium “à la main”, y compris des ailes bien roulées, imitant la 1955 Mercos 300 classique SC… bien que la plupart des gens peuvent continuer actuellement à y voir des similitudes avec les plus courantes Morgan Aero ou Roadster.
Calandre massive avec une demi-douzaine de lattes pour faire “zoli”, phares minces en forme de larmes (de crocodile)… extrémité arrière comprenant un pare-chocs métallique avec feux arrière simples, rectangulaires, monté sur le dessus…. un spoiler local électrique positionné sur le bord du couvercle de coffre (je me demande encore et toujours quel appui aérodynamique cet emplacement offrirait) !
La capote de la SLS AMG demeurerait telle-quelle, mais avec possibilité d’adjoindre (en option hors de prix car il n’y a pas de petits profits) un toit rigide amovible… sans oublier le montage de roues personnalisées de 22 pouces à l’arrière et 21 pouces à l’avant.
Le projet initial ne comprenait pas de modifications fondamentales à l’intérieur, quant au moteur V8 de 6,2 litres, il était inchangé et continuerait à produire 563 chevaux et 479 lb-pi de couple…., par contre des réglages mécaniques étaient envisagés (pour augmenter la facture et le profit), avec un échappement personnalisé et une suspension réglable…, sépulcral, comme projet, n’est-il pas ?
Tu as l’impression d’entendre un The Seer’s Tower upgradé, une fresque magnifique noyée sur un piano avec des synthés ambiants, le tout te faisant frétiller du cul comme une groupasse, j’en ai presque honte pour toi… mais bordel, je comprends, car waouhhh… comme c’est beau, j’ai juste envie de me planter les ongles dans la gorge histoire de me débarrasser de cette boule à sanglot au plus vite.
Alors tu vas me dire “Ouais, tu exagères, c’est beau, mais là tu pars en couilles, comme souvent”… et tu as raison…, mais d’habitude, je ne m’attarde pas vraiment sur les conneries autrement que d’en sourire, parce que chacun interprète tout à sa manière… tandis que là, c’est une conversation entre des internautes en train de caner de désespoir face à leur écran, et moi qui m’étouffe de tristesse.
Et vu que j’ai toujours (ou souvent) fait dans le documentaire ultra réaliste, bien que poétiquement déjanté, ben forcément, ça me renvoie à mes propres démons, et aux imbécilités dégueulasses où le monde disparaît comme dans le puits sans fond de la bêtise humaine, ça pue…
La fan-base de ce genre d’élucubration pratique l’auto-branlette 24h sur 24… l’humanité est vouée à disparaître, mais le but de cette évidence, ce n’est pas ça… le but du système, c’est de nous faire bouffer notre merde, avant de nous faire sauter le caisson direct…
Bref, Popu… le mieux à faire après avoir subi tout ça… c’est d’aller tester l’aérodynamisme de ton enveloppe charnelle entre le 13ième étage de ton immeuble et l’asphalte pisseuse en bas, ça va pas t’enrichir des masses… tu seras ensuite littéralement hanté par des morts qui viendront te caresser l’échine… alors que t’étais tout joyeux au départ d’imaginer que cette bêtise puisse être réelle…
L’arnaque est quasiment mielleuse et guimauve, elle aboutit à ce que le populo atteigne des sommets de dépressions désabusées comme dans une fête foraine de film d’horreur…., le genre qu’on sent qu’il y a un moignon de caché quelque part, un truc vicié, quelque chose qui ne va pas du tout derrière le bruit du banjo mignon en fond musical.
Evidemment, sans que tu t’en aperçoives, de façon discrète, ça glisse vers le christique lumineux, oui, mais à chialer… et part dans un ambiance funèbre, avec pour seul compagnon la solitude du con qui se fait avoir bien profond, un moment d’extase où tu as le temps de maudire mille fois la vie de te filer un bourdon pareil… c’est l’art de la cassure, d’une atmosphère à une autre, dans un océan d’imbécilités, noir (l’océan) comme la mort… et moi, je suisse là pour t’ouvrir les portes du paradis, mais les brusques surprises sont forcement plus marquantes… c’est beau, c’est cool, c’est triste, et hop, tu as mille anges qui déboulent pour faire sauter ton cerveau, qui ne sait plus comment réagir devant ce tsunami guimauve parfait.
Cette bagnole et ma chronique qui vrille en mode voyage vers la lune, reléguant Interstellar au rang de vulgaire reportage de France 3 sur un planétarium dans l’Hérault… mérite une conclusion superbe du genre berceuse au piano qui va soudainement partir dans une electronica limpide, lumineuse, avec une vague de synthés fous, habillés par des “wouououuuu” à t’arracher le cœur…. putain de merde, j’en ai le vertige !
Allongé sur un lit (je ne sais plus lequel est-ce ni quelle créature est allongée à mon coté), 4h du mat, retour zombie de boite de nuit, la musique à fond, à moitié plein d’alcool, je ne m’attendais pas à cette pause soudaine, en allumant l’ordi… à ce décollage affolant, indescriptible, qui a littéralement violé mon cerveau… adieu mon pays, mes fantômes, pluie et femmes nues, c’est ça, les derniers moments.
Je n’avais pas envie de l’écrire, mais je vais quand même lâcher le morceau… il me semble que cette chronique est un sommet… parce que pas une fois, j’ai eu envie d’aller pisser entre deux phrases (seul moment passionnant)… parce qu’il est complet et sublime de bout en bout, gargantuesque… comme si j’avais tout testé pendant ma carrière, avant de balancer une chronique définitive sur un sujet qui m’a hanté, style : souvenirs avec un fantôme.
Forcément, ce n’est pas un truc à lire quand tu ne vas pas très bien, mais comment puis-je le savoir… parce que même si les flingues ne sont pas légaux dans ton coin, tu vas vouloir te dégotter un calibre aussi rapidement qu’un camé en manque de Méthadone… mais passé ce cap, ce sera lumineux, chaud, beau, touchant et tu seras (enfin), Popu, touché par la grâce.
Parfois joyeux… désabusé, toujours, mais joyeux… l’ambivalence… hésitant constamment entre un cercueil empli de larmes et des souvenirs ensoleillés… et dans le genre, je peux affirmer tranquillement qu’il n’y aura rien de mieux, rien de plus aboutit… personne ne viendra squatter mes genoux, je viens d’accoucher d’un monument de littérature automobile…
Galerie Photos