1955 Astra Coupé…
Lorsqu’en 1955 le magazine américain “Hot-Rod” a interrogé Jay Everett sur ses motivations et son inspiration l’ayant amené à créer son Astra Coupé, une voiture alors qualifiée de “Kustom révolutionnaire”…, il a répondu d’un air naïf : “Je suis fatigué de voir les barges de plomb de Georges Barris, il me paraissait plus que temps d’évoluer vers de véritables créations surpassant même les carrossiers/designers italiens”…
C’était une réponse étonnamment claire quoique succincte concernant un engin : “qui lui a nécessité des efforts considérables au départ d’un talent exceptionnel”… selon ses proches, enthousiastes !
Ben voyons…, à force de combler les manques et d’égaliser les courbes, surtout en cas d’un toit surbaissé (top-chopping), les engins visés par Jay Everett devaient être enduits de centaines de kilos de plomb, d’où leurs surnoms de “luges de plomb” et “barges de plomb” eu égard à leurs piètres qualités routières, surtout en virages…
Les “barges de plomb” désignaient les éléphants/mammouths-auto-mobiles nommés “Kustom-cars” reconstruits au départ des grosses et typiques berlines et coupés des années cinquante, à grands renforts de plomb, comme c’était la règle en carrosserie en ces années ou Synthofer et fibres-de-verre n’existaient pas encore à un niveau industriel telle la Corvette qui fera œuvre pionnière…
Bien qu’Everett a mené une carrière très réussie en tant que maquettiste professionnel dans l’industrie automobile de Détroit, la voiture présentée ici précède tout ses projets…, entre autres réalisations, Jay Everett a le mérite d’avoir développé la forme caractéristique de la bouteille de bière “Michelob”, ainsi que les modèles de pré-production de la célèbre chaise “Eames” en plastique moulé, de même que le design des appareils photo Polaroid en partenariat avec l’architecte finlandais Eero Saarinen.
Everett, vivant en Californie, était un jeune père de famille, assistant de cours à l’Art Center College of Design de Pasadena, le vivier des plus grands designers automobiles de l’époque… et chaque soir et Week-end il travaillait à son projet d’une automobile “Kustom” d’un autre genre que les “Eléphants et Mammouth de Georges Barris”, dans un petit garage derrière sa maison.
Plutôt que de commencer avec une voiture existante et de la modifier, comme le faisait Georges Barris, Jay Everett a rejeté cette coutume et a décidé de construire une voiture de A à Z dont la forme avait été définie après la construction du châssis constitué d’un entrelacs de petits tubes soudés à d’autres tubes de plus fortes sections, le tout formant une “bird-cage” autour de laquelle Jack Sutton et Dennis Powers ont laborieusement sculpté “à la main”, une carrosserie en aluminium selon les dessins et croquis de Jay Everett…, l’ensemble de ce processus s’inspirant des techniques de la construction aéronautique.
Le pare-brise de l’Astra Coupé avait toutefois été prelevé sur une Cadillac 1952, la vitre arrière avait été retaillée à partir de celle d’une Chevrolet Fleetline…, les vitrages latéraux étant élaborés avec des récupérations de voitures décapotables de diverses origines…
Sutton, était spécialiste de cette technique qu’il avait déjà employé pour la fabrication de nombreuses voitures de courses, comme la Ol’Yaller de Max Balchowski, exécutée de main de maître, déjà sous la supervision de Jay Everett (Viva Las Végas en “Ol ‘Yaller”…).
L’avant et l’arrière de sa conception initiale étaient certainement les plus frappants, les grilles d’entrées d’air sous les phares et sous le nez, canalisaient l’air vers un radiateur, un système “innovant sans hélice de refroidissement” car refroidit ainsi “naturellement” par le flux des turbulences de la zone de basse pression du soubassement de face avant.
Le groupe motopropulseur résident sous le capot en aluminium était un V8 Buick 303ci Rocket récupéré neuf sur une Buick tombée du camion transporteur, sur le toit.
Le capot avant sur charnières-compas, inspiré du coquillage-palourde “Shell”, était totalement nouveau de conception en début des années cinquante, précédant de 10 ans des procédés semblables qui seront utilisés dans l’industrie automobile.
Quant à l’intérieur, en place de l’habituelle banquette des lourdes américaines, Jay Everett y avait placé des sièges baquets… et au lieu du sacro-saint changement de vitesse au volant défini comme une avancée technologique depuis les années ’49, Jay Everett avait placé un levier de vitesses au plancher fabriqué au départ d’une conception de George Hurst.
Avec son design “Fastback” en pente douce (également innovateur en 1955), ses bords d’ailes d’une netteté remarquable, ne nécessitant pas de joncs chromés pour être embellis… et ses grands enjoliveurs de roues typique des Rolls-Royce, l’influence Européenne de la voiture était sans équivoque.
Après deux ans d’efforts, Everett, alors âgé de seulement 25 ans, avait presque terminé sa voiture qui fut exposée au Motorama Petersen… elle était programmée en reportage pour un numéro spécial d’été 1955, mais ne fut totalement terminée “roulante” que début août, juste à temps pour être programmée simultanément dans l’édition de Septembre 1955 de “Motor Trend” et de “Hot-Rod Magazine”.
Surprise simultanément de découvrir une voiture semblable réalisée par William “Bill” Flajole https://www.gatsbyonline.com/automobile/1955-flajole-forerunner-convertissable-349398/…, qui s’était largement inspiré des efforts de Jay Everett
L’engouement du public fut tellement énorme en faveur de la voiture “Kustom” de Jay Everett, qu’un autre article a réapparu moins d’un an plus tard dans le numéro de Mai 1956 du magazine américain “Rod and Custom”, toutefois elle était sensiblement modifiée… et portait le nom de “Astra Coupé”, qui lui est resté.
Dick Hoy, une des têtes associées dans la boutique de George Barris, a acheté “rubis sur l’ongle” l’Astra de Jay avec le plan machiavélique de récupérer la création de Jay Everett en faveur de Georges Barris chez qui il a immédiatement amené la voiture pour “lui refaire une fraîcheur”, incluant une repeinture en bleu-Barris…, Everett, pas vraiment vexé, avec cet argent, a co-fondé “Scale Design”, une société avec laquelle il voulait créer des prototypes avant-gardistes.
Georges Barris était impatient de tirer parti de cette “affaire”, mais peu après avoir mis la main sur cette voiture pour en faire “une nouvelle base de ses créations”, par un étrange concours de circonstance, au moment de pouvoir représenter l’Astra comme étant “son œuvre”, il était malade, indisponible… et c’est Johnny Morris de El Monte qui l’a achetée à l’associé de Georges…, pour la revendre 11 ans plus tard à Fred Torrisi, propriétaire de “Antique Auto Parts“…, selon sa fille Brandy, il a été enseveli dans son garage qui s’est effondré, alors “Qu’il faisait de la place pour y entreposer l’Astra…, avec laquelle il n’a donc jamais roulé”….
C’est le camionneur qui était en charge du transport de l’Astra, de chez Johnny Morris vers le garage de Fred Torrisi, qui l’a lui achetée sans la décharger…, 14 ans de bonheurs mécaniques plus tard, en 2004, l’Astra a été vendue à Jeff Allison, de Spokane, USA, un artiste très connu à Washington qui a directement déposé l’Astra chez un carrossier restaurateur pour y apporter des touches personnelles…
En voyage d’agrément en Californie, Jeff Launier a repéré la voiture dans cette carrosserie ou elle était en attente du début des travaux…, Jeff Launier était un ancien “Ridler Award” semi-finaliste du 59e Autorama de Sacramento en Californie, le plus important challenge-concours de Customs et Hot-Rods…. et le propriétaire de “JF Kustoms” en Colombie-Britannique…, il a demandé à qui appartenait l’Astra, a pris contact avec Jeff Allison et lui a acheté… pour ensuite envoyer l’Astra dans sa carrosserie en Colombie-Britannique…
A la manière de Jay Everett plus de 50 ans plus tôt, Jeff Launier a terminé la restauration de l’Astra en seulement 10 mois… et à ce terme, il l’a vendue à Barry et Carole Blomme qui ont ramené la voiture aux USA… et en 2007, l’Astra était exposée au “West Coast Customs ‘Paso Robles”, ou Kim Everett-Enriquez (la fille de Jay Everett) était venue par hasard…, elle a regardé la voiture et, toute excitée, s’est mise à crier : “That’s my dad’s car !”
Kim n’avait plus vu la voiture construite par son père depuis cinq décennies…, John Everett, le frère de Jay, est venu le lendemain avec sa femme et a négocié son rachat…, Kim Everett-Enriquez s’est laissée interviewer à cette occasion : “Au “West Coast Customs ‘Paso Robles 2007”, les participants étaient les plus occupés de l’histoire de cet événement, tous “en affaire” (excités) par la participation de l’Astra. Le nombre de véhicules acceptés et enregistrés officiellement avait été plafonné, une voie obligée depuis quelques années, mais le nombre de véhicules non-enregistrés sans incription, qui tournaient et stationnaient dans les rues rayonnant à partir du parc d’exposition, avait facilement doublé en comparaison de 2006. Dès le vendredi soir ou l’Astra est arrivée, il y avait une vibration étrange dans la foule. Mais, le samedi ce fut le délire, lorsque l’Astra s’est parquée en face de l’auberge de Paso Robles. C’est là que je l’ai vue. J’ai hurlé : “That’s my dad’s car !” … puis j’ai téléphoné à John, le frère de mon père qui cherchait la voiture depuis longtemps. Il m’a répondu qu’il arrivait de suite avec de l’argent pour l’acquérir immédiatement. C’était un moment magique”…
Cette Astra Coupé 1955 est une extraordinaire starlette, publiée dans de multiples publications des années cinquante : “Hop-Up”, “Hot-Rod Magazine”, “Motor Trend”, “Rod and Custom”…, elle à de nouveau été présentée en 2009 dans toute une série de magazines qui ont loué son style novateur et décrété que c’était sans nul doute le Kustom-car le plus iconique des années cinquante.