1958 Shelby – Corvette – Scaglietti…
L’histoire fascinante et complexe de la Corvette Scaglietti a commencé lorsque Gary Laughlin, un riche pétrolier et gentleman racer du Texas, venait de briser le vilebrequin de sa Ferrari Monza… comme la plupart des réparations Ferrari, cela n’allait pas être une solution simple et bon marché.
À l’époque, Laughlin était un participant actif de la scène américaine des compétitions automobiles et ami de nombreuses personnalités clés, y compris son compatriote Texan Carroll Shelby, c’est ainsi qu’ils ont développé le projet de construire un roadster pour routes ouvertes ET pour circuits, un double usage rendu possible avec une mécanique puissante et fiable, tel le V8 de la Chevrolet Corvette.
Une carrosserie en alliage d’aluminium ou en fibre de verre de style européen couronnerait cette réalisation… Laughlin possédait quelques concessions Chevrolet aux USA et avait un ami particulièrement précieux pouvant présenter la voiture dans la presse en termes élogieux via quelques articles dithyrambiques : Peter Coltrin, un journaliste automobile qui avait de surcroit un lien très positif avec divers Italiens influents.
Laughlin a réuni Jim Hall et Carroll Shelby pour définir la forme que prendrait leur italo-américaine, le consensus général étant qu’il fallait créer une voiture qui offre le meilleur des deux mondes : une Corvette pour la mécanique et une Ferrari pour la Carrosserie, une véritable GT haute performance avec suffisamment d’espace pour les jambes et la tête pour répondre aux attentes américaines.
Une fois que cela a été décidé, Coltrin a mis Laughlin en contact avec Sergio Scaglietti… et, avec l’aide du directeur général de Chevrolet Ed Cole, trois châssis roulant motorisés de Corvette 1959 ont été discrètement acquis de l’usine Corvette de Saint-Louis avant que les carrosseries Corvette soient installées… l’une était une “fuelie” avec boite manuelle quatre vitesses, les autres disposaient d’un V8 mono carburateur 4 corps et d’une boite automatique..
Lors d’un de ses fréquents voyages en Europe, Laughlin a rencontré Sergio Scaglietti qui a accepté de produire une petite série de 3 carrosseries pour les 3 châssis Corvette… à l’époque, Scaglietti fabriquait la Berlinette “Tour de France” Ferrari et quelques autres Ferrari de course… les 3 Corvette Scaglietti allaient disposer du même design de la Ferrari “Tour de France”, mais adapté pour s’adapter à l’empreinte plus large de la Corvette….
Dans un effort pour impressionner, ou peut-être pour apaiser la direction de GM, Laughlin a spécifié qu’une calandre Corvette typique serait installée sur les 2 Corvette Scaglietti… et que l’intérieur serait également “hybridé” avec des Jauges Stewart Warner, frein de stationnement à poignée en T, pommeau de levier de vitesses de GT italienne classique… un tableau de bord au fini craquelé, des sièges en cuir profondément renforcés (Les trois hommes derrière cette histoire Corvette Scaglieti un peu spéciale mesurant plus d’1,80 mètre, l’intérieur devait rappeler des Ferrari GT adapté aux grands gabarits texans !)
La première voiture achevée est arrivée au Texas à l’automne 1960, près de 18 mois après l’acquisition du châssis, elle était la seule des trois à être terminée en Italie et renvoyée aux États-Unis en tant que voiture complète.
Lorsque Laughlin a reçu la voiture, l’ajustement et la finition n’étaient toutefois pas tout à fait ce à quoi il s’attendait, d’autant plus que le projet avait pris près de trois ans de plus, de la conception à l’achèvement partiel.
Enzo Ferrari aurait été assez mécontent d’apprendre que son carrossier exclusif travaillait sur des projets parallèles pour un groupe de Texans… donc, au crédit de Scaglietti, la voiture était en grande partie un prototype et le travail a été exécuté dans un linceul secret.
Au-delà de l’ajustement et de la finition, la dynamique de la voiture n’avait pas encore été résolue… bien que près de 400 livres aient été supprimés du poids standard, le châssis et la suspension n’avaient pas été ajustés pour compenser… surtout que la voiture venait d’être équipée d’un tout nouveau moteur à injection de 315 chevaux qui avait été mis à disposition pour la 1961 Corvette.
Vers la fin du projet, Carroll Shelby, qui vivait alors en Italie, a reçu un appel téléphonique en fin de soirée d’Ed Cole qui avait été réprimandé par la direction de GM : on lui avait ordonné d’abandonner le projet pour des raisons quasi politiques, car Enzo Ferrari avait découvert le pot-aux-roses.
Tout se déroulait de plus, dans un mauvais timing, les constructeurs automobiles américains étaient sous pression pour réduire leurs programmes de haute performance et de course, le tout ensemble étant qu’ils ne pouvaient tout simplement pas faire face aux répercussions d’une Corvette italienne semblable à une Ferrari, soutenue par GM…
Les 2 voitures restantes ont été expédiées à Houston dans un état partiellement achevé et Jim Hall en a pris livraison… Shelby, de son coté avait certes aidé à concevoir le projet général, mais a fini par se fatiguer que tout cela prenne tant de temps à se concrétiser…
Bien que le projet ne s’était pas terminé comme prévu, la première Corvette Scaglietti, a reçu une excellente couverture presse… et a été présentée dans Road & Track en mars 1961 et a fait la couverture de Car Life en juin 1961.
C’était peut-être la Cobra de luxe qu’il aurait fallu fabriquer, mais les trois du Texas ont finalement tourné leur attention vers d’autres voitures, y compris vers l’AC Cobra pour Carroll Shelby !
1) PREMIÈRE VOITURE (rouge Ferrari)
– Châssis #J59S102405. Voiture construite et terminée en Italie par Scaglietti. Propriété de Gary Laughlin elle a été la première construite. Elle a été vendue un an plus tard au collectionneur japonais Akinori Sato et a résidé jusqu’à la fin des années 1990 au milieu de sa collection d’automobiles au Japon. La voiture a ensuite été achetée par G AND S MOTORS, USA, société qui a revendu la voiture à Abraham Joseph, Chicago.
2) DEUXIÈME VOITURE (bleu Shelby)
– Numéro de châssis non dévoilé (#J59S102…)car il existe un doublon fantôme équipé d’un V12 Ferrari chaque propriétaire prétendant disposer du seul vrai numéro ! Voiture fabriquée en Italie mais assemblée et terminée aux USA. Propriété de Jim Hall (Shelby). Elle a été restaurée en 1989 et présentée aux prestigieux concours de Pebble Beach, Santa Barbara et Newport Beach. Lors de la vente aux enchères Barrett-Jackson à Scottsdale en 1990, elle a été vendue un demi-million de dollars. Elle a fait partie de la collection Patrick Getriede en France puis a été vendue à JW Marriott, Jr., Californie.
3) TROISIÈME VOITURE (rouge foncé)
– Châssis #J59S102367. Voiture fabriquée en Italie mais assemblée et terminée aux USA. Propriété de Carroll Shelby jusqu’en 2000 année ou cette voiture a été vendue au Petersen Automotive Museum, Los Angeles USA.
Quand on pense à Carroll Shelby, on a surtout tendance à penser immédiatement à la Shelby Cobra, la voiture avec laquelle il a bataillé intensément contre Ferrari… avec son small block d’origine Ford, la voiture s’est forgée une fantastique réputation en compétition… mais saviez-vous que ce moteur n’était en réalité pas le premier choix de Carroll Shelby pour propulser le roadster d’origine britannique ? En effet, il avait dans un premier temps plutôt misé sur un small block Chevrolet, avant que l’idée ne soit retoquée par les dirigeants de General Motors en cause de cette aventure Scaglieti !
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