Tout le monde se souvient de la Renault 8 Gordini.
La Gord’, comme la surnomme affectueusement ses admirateurs, fut la représentante de toute une génération qui connu les Trente Glorieuses.
Pas trop chère, sportive à souhait, nécessitant une bonne dose de savoir-faire, et surtout habilement promue par une coupe monotype révélant toute une série de pilotes français, la Renault 8 s’est hissée au rang d’icône de la voiture de sport.
C’est au début des années 50 que Renault s’engage officiellement en compétition.
C’est d’abord avec sa petite 4 CV 1063 (qui servit notamment de base à Jean Redélé pour créer son coach Alpine A106 première d’une longue lignée…), puis avec ses Dauphine 1093 que Renault réalise de nombreux coups d’éclats.
La maniabilité de ses puces vitaminées alliées à des équipes solides constituées de pilotes de talents fut une véritable aubaine pour Renault.
De nombreux pilotes passèrent par cette école Renault avant de devenir célèbres par la suite tel Gérard Larrousse.
En 1962 Renault remplace sa Dauphine par la nouvelle Renault 8.
Si son physique est des plus traditionnel et bien dans le ton de l’époque (une caisse très carrée genre boîte à savon), la nouvelle de la Régie recèle dans ses entrailles des nouveautés intéressantes.
Si l’architecture générale est toujours le moteur placé en porte-à-faux arrière, ce dernier est en revanche tout nouveau par sa conception.
Il va permettre ainsi quelques années plus tard au “sorcier“, Amédé Gordini de réaliser un moteur sportif.
Dans les années 63, on verra quelques Renault 8 quitter les ateliers du garage Gordini boulevard Victor Hugo dans Paris avec un toit surbaissé.
“La Renault 8 Gordini doit permettre à toute une clientèle d’enthousiastes et d’amateurs de conduite sportive de satisfaire leur passion sans pour cela devoir investir plus que le prix d’une voiture de grande série “…,
C’est avec cette phrase que débute le dossier de presse diffusé à l’automne 1964.
Le message est clair et correspond à la tendance de l’époque.
Passé la reconstruction du pays et le redémarrage de l’économie, nous sommes alors en pleine période de croissance et tout le monde veut en profiter, y compris les amateurs peu fortunés d’automobiles sportives.
C’est Amédé Gordini qui fut sollicité pour préparer la petite bombe de Billancourt.
Reprenant le 4 cylindres de 956 cm3, déjà monté sur les Estafette et Caravelle, Amédé Gordini l’équipe d’un robuste vilebrequin à 5 paliers (le moteur des Renault 8 étant déjà doté d’origine des 5 paliers) qui doit lui permettre de supporter une augmentation notable de ses performances.
La culasse a été redessinée et la cylindrée est portée à 1 108 cm3.
Ce moteur est connu en interne chez Renault sous la dénomination R1134.
Avec ses 77,5 ch DIN (donné pour 95 ch SAE à l’époque), ce bloc autorise des performances alors peu communes pour des véhicules de tourisme.
Avec une vitesse maxi de 170 km/h en 1964, peu de berlines pouvaient alors rivaliser.
La mythique DS19 plafonnait à 160 km/h et la cossue et traditionnelle Peugeot 404 peine à dépasser les 140 km/h !
La Renault 8 Gordini 1100 est équipée d’une boîte mécanique à 4 rapports.
Si cela est normal pour l’époque, les sportifs et journalistes d’alors vinrent à regretter l’absence de cinquième rapport, d’autant plus que la commande de boîte manque de précision et d’agrément.
Le “sorcier” du boulevard Victor a revu intégralement le châssis de la Renault 8 pour pouvoir passer la puissance au sol en toute quiétude, dès que le conducteur a assimilé le principe du tout-à-l’arrière.
Les ressorts sont donc durcis et raccourcis, les demi-arbres de transmission arrière reçoivent deux amortisseurs et l’épaisseur des disques de freins est accrue.
Enfin, non contente d’être efficace et performante, la Renault 8 Gordini 1100 offre une présentation unique et spécifique.
Dans une livrée intégrale bleue, elle se pare de deux bandes blanches qui courent tout le long de la carrosserie et qui marquera les esprits, comme plus tard les capots noirs mats dans les années 70.
L’autre grande force de la Renault 8 Gordini est son prix de vente évidemment très inférieur à celui des GT d’alors, mais également inférieur à la Mini Cooper S et à la Ford Cortina Lotus.
Le succès commercial des Renault 8 Gordini est porté par un engagement en compétition couronné de succès.
Un mois après la présentation des Renault 8 Gordini, elles triomphent en rallies au Tour de Corse, puis récidivent en 1965 et 66, devant les Alfa Romeo GTA et autres Porsche 911.
Devant la pression des passionnés, des sportifs et de la presse, la Régie fait évoluer sa star dans le bon sens.
Ainsi en 1966 apparaît la Renault 8 Gordini 1300.
Reconnaissable extérieurement à sa calandre 4 phares et ses jantes plus larges, son capot arrière bleu bardé des deux mythiques bandes blanches abrite un nouveau moteur.
Après de nombreux tests et essais effectués par Amédé Gordini, ce 1255 cm3 qui développe 88 ch DIN (soit 110 ch SAE) permet d’accroître très sensiblement les performances des bombes bleues.
Avec une boîte à cinq rapports le tableau général est parfait.
La concurrence directe est inexistante et la Renault 8 Gordini se pose en réelle icône chez les sportifs.
Moins de 32 secondes au kilomètre DA (c’est aussi bien qu’une Peugeot 205 GTI 1.6 105 ch !) et plus de 170 km/h malgré son physique d’armoire normande, la Renault 8 Gordini a conservé l’un de ses principaux atouts : son prix abordable pour (presque) tous.
Si l’engagement en compétition continue, Renault va mettre sur pied une coupe monotype qui deviendra une pépinière de jeunes talents français.
Initiative alors unique en France de la part d’un constructeur français, Renault lance donc la coupe Renault 8 Gordini en 1966.
Epoque alors bénie et pittoresque, bon nombre de concurrents arrivaient par la route avec leur Renault 8 Gordini immatriculée, et courraient avec dans la course.
On imagine quel désarroi pour ceux d’entre-eux qui connaissaient une sortie de route fatale à leur auto.
En 1970, après très peu d’évolutions, si ce n’est des coloris différents avec toujours les deux bandes blanches, la Renault 8 termine sa carrière.
Elle tourne la page de toute une époque tant dans le monde automobile que chez Renault.
Les propulsions avec moteur arrière disparaissent progressivement du catalogue de la Régie et cet esprit “Salut les Copains” s’évanouit pour laisser la place à l’industrialisation.
La Coupe Gordini, change elle aussi radicalement puisque le 28 septembre 1970, le drapeau à damier salue une dernière fois les Renault 8 Gordini maculées d’huile et bosses qui quittent la piste.
Quelques mois plus tôt, les 18 et 19 juillet sur le Circuit Paul Ricard du Castellet, dans le cadre du jour G, la remplaçante de la Renault 8 Gordini, la Renault 12 Gordini, est dévoilée.
Autre époque, autres techniques, la nouvelle venue est une traction avant avec moteur avant.
Les aficionados de la Renault 8 Gordini crient au scandale, mais il faut bien se rendre à l’évidence.
Après plus de 11.000 exemplaires produits, la Renault 8 Gordini a conservé une aura intacte.
Rarement une auto sportive aura possédé et développé un capital sympathie aussi fort.
Demandez donc à votre paternel ou à votre grand-père s’il a connu la Renault 8 Gordini… et, à moins qu’il n’ait jamais été passionné par les voitures, il aura alors les yeux rêveurs et vous apprendra que le pédalier était déplacé vers la gauche par rapport au siège… et qu’avec la Renault 8 Major de ses parents il faisait comme si…
Le fait qu’une auto sportive ancienne soit adulée et devenue mythique présente au moins un avantage : sa cote relativement élevée lui permet d’être restaurée correctement sans occasionner de grosses pertes financières à la revente.
Autre avantage, les pièces sont souvent refabriquées car la demande est forte et les spécialistes nombreux. Alors acheter une Renault 8 Gordini, histoire sans problème ?
Non bien entendu car il faut éviter les pièges suivants avant de se précipiter :
– être certain d’acheter une vraie Gordini (se référer au numéros de châssis) et non une Renault 8 S modifiée,
– éviter les autos ayant subit les affres de la course,
– acheter une auto complète, car certains accessoires sont difficiles à trouver.
Autre écueil à éviter, la corrosion. Comme bon nombre d’autos de cette époque, la corrosion peut faire des ravages et les travaux de réfection en carrosserie coûtent fort cher.
Pour une Renault 8 Gordini 1100 en bon état d’origine il faut désormais compter jusqu’à 15.000 € et pour une 1300 il ne faut pas espérer moins de 20.000 €.
Attention, la cote de ces belles bleues ne cesse de monter.
On peut même trouver dans les annonces des modèles (restaurés ou en parfait état) à plus de 30.000 € !
Et le récent retour en grâce de la “griffe” Gordini au sein de la gamme Renault Sport pourrait bien accentuer le phénomène…
Véritable icône d’une génération, la R8 Gordini est devenue un véritable collector et fait aujourd’hui cher payer son statut peu commun dans la gamme Renault.
Il faut dire qu’avec le temps, les vrais beaux exemplaires d’origine ne sont plus si faciles à trouver et, malgré des performances largement dépassées, la “Gorde” offre toujours un caractère affirmé pour qui aime le pilotage sans artifice et la glisse !
1962 : Commercialisation de la Renault 8. Elle est destinée à remplacer la Dauphine.
1964 : En octobre, présentation de la Renault 8 Gordini 1100 de 95 ch SAE.
1965 : Des carburateurs Weber remplacent les Solex en première monte sur certaines Renault 8 Gordini.
1966 : Montée en régime avec le nouveau moteur 1300 cm3 pour la Renault 8 Gordini 1300. Elle est en outre dotée d’un équipement enrichi et son moteur développe 110 ch SAE et est adjoint d’une boîte mécanique à 5 rapports.En avril, démarrage de la célèbre Coupe Renault 8 Gordini.
1968 : Quelques détails d’équipements évoluent et désormais 4 coloris sont disponibles.
1970 : Fin de la production en juin des Renault 8 Gordini après 11 607 exemplaires.
1964 : 1.001 ex.
1965 : 1.625 ex.
1966 : 1.602 ex.
1967 : 3.805 ex.
1968 : 884 ex.
1969 : 2.075 ex.
1970 : 615 ex.
Total 1100 cm3 (d’octobre 1964 à juin 1966) : 2.626 ex.
Total 1300 cm3 (de juillet 1966 à juin 1970) : 8.981 ex.
TOTAL GENERAL …………………………………….: 11.607 exemplaires
REVUE DE PRESSE RENAULT 8 GORDINI…
“Avec la Gordini la Régie s’est forgé un outil de valeur dans la gamme des voitures sportives de petite cylindrée. A la fois rapide et confortable, nerveuse et habitable, compétitive et familiale, elle n’est -pour le moment- pas exempte de défauts, les principaux étant la mauvaise carburation à bas régime et la tenue de route discutable dans certains cas. Par contre, les performances tiennent leurs promesses et répondent amplement aux espoirs que les amateurs de conduite sportive ont mis en elle ; pour le prix auquel elle est offerte, il nous semble qu’elle réunit une somme de qualité et surtout un brio que ne rassembleraient pas nombre de modèles beaucoup plus onéreux et prétentieux“…
SPORT AUTO – 1964 – Renault 8 Gordini 1100.
“Les accélérations sont bonnes ; 18s 4/10 au 400 m DA et 35 s au 1000 m, sont en effet des temps pratiquement identiques à ceux de la BMC Cooper S, qui dans ce domaine, jouit de la réputation que l’on sait. […] La Renault 8 Gordini est l’illustration intelligente et honnête de la vocation sportive qu’il était possible de donner à la Renault 8 normale sans se risquer à de hasardeux et coûteux bricolages. Intelligente, parce qu’elle doit permettre à l’amateur de conduite sportive de s’aguerrir ou de s’affirmer, sans budget ni risque particulier“…
AUTOMOBILE MAGAZINE – 1964 – Renault 8 Gordini 1100.
“En France, aucune autre voiture que la Renault 8 Gordini 1300 n’offre un rapport prix-performances équivalent. Naturellement, l’amateur de lignes fuyantes et agressives, ou de finitions poussées, fera la moue devant l’aspect pataud et l’habitacle sans raffinement de cette berline. Mais un petit tour à bord pourra leur faire aisément surmonter ces préventions, s’ils sont sportifs dans l’âme“…
SPORT AUTO – 1966 – Renault 8 Gordini 1300.