1964/1969 FORD GT40…
En juin 1957, quelques jours après le drame des Mille Miglia du 12 mai 1957, alors que la tragédie des 24 H. du Mans 1955 est encore toute fraiche dans les mémoires, les « Big-Three » (Général Motors, Ford et Chrysler) signent un accord par lequel ils décident de ne plus participer à la compétition automobile pour des raisons d’insécurité.
Au début des années ’60, l’accord continue à être suivi par tous les signataires…, seules les courses de Stock-cars reçoivent une aide discrète de tous les constructeurs américains qui jusque là, n’avaient pas “noyé” le sport automobile de leur immense puissance financière…, leurs voitures se vendant comme des petits pains sans l’aide du sport automobile.
Toutefois, le groupe FORD ayant perdu la 1ère place sur le marché américain et mondial, décide, fin 1961, de rompre le pacte anti-Sport Automobile dans l’espoir d’améliorer son image.
Dès lors, une aide discrète est accordée à Caroll Shelby.
C’est un essai gagnant, le succès de la Cobra est rapidement exploité par les publicistes de Ford.
Dans la foulée, Ford s’attaque aux 500 miles d’INDIANAPOLIS et parallèlement se laisse aller à écouter les jérémiades d’Enzo Ferrari qui propose à Ford le rachat de sa “Scuderia”…
Tentative vaine, car Enzo Ferrari manipule son monde, il ne veut pas vendre, mais obliger Fiat à augmenter son aide financière à la « Scuderia ».
Cette “aide financière” finira par le rachat de Ferrari par Fiat en 1968…
Quand Henry Ford II se rend compte de la manipulation dont il se sent la victime, ce n’est plus uniquement une affaire financière ratée comme il y en a tant…, mais cela devient une affaire personnelle.
Les orgueils démesurés d’Henry Ford II et d’Enzo Ferrari donneront en cette suite quelques-unes des plus belles pages de l’Histoire du Sport Automobile.
Jamais, sans doute, le proverbe « La fin justifie les moyens » ne prendra autant son sens que durant ce combat de géants, car les moyens investis dans ce chocs de titans ont été énormes.
En dehors des années 30 où l’Etat allemand avait décidé d’employer le Sport Automobile comme propagande, jamais jusque-là, aucun groupe automobile n’avait investi ce que Ford dépensera pour atteindre son objectif, une victoire au Mans, fief de Ferrari !
A partir de 1962, Henry Ford II alloue un budget quasi illimité à la réussite finale, il veut une victoire sur les Ferrari au Mans.
Une armée de techniciens, ingénieurs et mécaniciens va amener Ford à cette victoire, qui prendra de longues années à se dessiner, mais aboutira ; quatre victoires !
Tout commença par… la FORD Cardinal, première traction de l’histoire de FORD, qui devait être lancée sur le marché américain en 1962…, mais la Cardinal ne sera jamais commercialisée aux USA, car les dirigeants de FORD se rendirent compte qu’elle était mal née.
Le fiasco retentissant de l’EDSEL restait un souvenir toujours très présent chez les dirigeants de FORD.
Pour ne pas perdre les fonds investis, la Cardinal devient, en octobre 1962, au Salon de Paris, la nouvelle Ford Taunus 12 M destinée au seul marché européen.
Pour le marché américain, la Cardinal étant six pieds sous terre, c’est un autre concept qui est présentée en 1962 par Gene Bordinat, le patron du Design chez Ford : le concept car Ford Mustang équipé du V4 de la Ford Cardinal/12M en position centrale.
Ce concept car, dessiné par Roy Lunn, aurait disparu de la mémoire collective, s’il ne s’était appelé Mustang et que sa conception générale ainsi que la forme de toute la partie avant ne se retrouvent dans le dessin original de la FORD GT 40 dessinée par le même Roy Lunn en copiant (en s’inspirant de…) la LOLA Mk6 GT d’Eric Broadley vedette du Racing Car Show de Londres 1963.
Très basse et bien profilée, elle était équipée d’un V8 FORD en position centrale… et avait réalisé une saison 1963 très honorablement, malgré les faibles moyens d’Eric Broadley.
Une LOLA Mk6 GT, pilotée par Dick Atwood et David Hobbs, avait participé aux 24 H. du Mans, pointant à la 8ème place durant la nuit mais abandonnant sur sortie de route à la 15ème heure de course.
Eric Broadley fut engagé pour participer aux débuts de la conception de la GT40 avant de se retirer du projet.
En 1964, le manque d’expérience de la Ford Advanced Vehicles se fit cruellement sentir…, aucune des 10 FORD GT40 alignées ne finira une course…, étudiée sur les ordinateurs les plus puissants de l’époque, elle se révèle très instable.., d’ailleurs, à sa première sortie officielle, lors des essais des 24h du Mans d’avril 1964, Jo Schlesser détruisit un des deux prototypes existants, tandis que le second sortait lui aussi de la route.
Sans le pragmatisme et le savoir-faire de Caroll Shelby appelé à la rescousse, les Ford GT40 ne seraient peut-être pas rentrées dans la légende du Sport Automobile.
Immédiatement, le pragmatisme de Shelby va payer.
Il demande le remplacement du V8 tout alu pour le V8 4,7, il fait supprimer les jantes à rayons et les remplace par des jantes en alliage…, ensuite il tente de modifier la boîte de vitesses Colloti, avant de la remplacer par la nouvelle boîte ZF.
Et…, dès la première course, les 2000 Km de Daytona, c’est la victoire.
Il faudra pourtant attendre 1966 pour que Ford gagne au Mans avec les Ford MkII 7Litres, en 1ère 2ème et 3ème places).
Avec Shelby aux commandes, les moteurs vont beaucoup évoluer…, début 1964, c’est un moteur V8 4.2L tout en aluminium préparé pour Indianapolis qui équipait les GT40.
Suivront les V8 4.7L en fonte mince des Cobra, les V8 « big block » de 7 Litres (Ford MkII 1965 & 66 et Ford MkIV 1967), les V8 5.3L et 5.7L (Ford Mirage de J.Wyer 1967), les premiers à tester les culasses Weslake… et enfin les V8 5.0 L à culasses Weslake (Ford GT40 1968 & 69).
Enfin, la première victoire au Mans a été remportée en 1966… et Ford gagnera encore Le Mans en 1967 (1ère & 4ème places) avec la Ford MK IV, une version extrêmement sophistiquée de la Ford GT40 !
Grâce à la persévérance de J.Wyer et l’aide financière du pétrolier Gulf, les GT40 vont obtenir des victoires par la qualité qui leur manquaient au début : une fiabilité extraordinaire.
Résumons : en 1968, soit 5 ans après leur conception, les Ford GT40 gagnent Le Mans…, ensuite c’est la victoire mémorable de J.Ickx/J.Oliver en 1969.
La plupart des Ford GT40 ont été construites en Angleterre, à Slough, dans les ateliers de John Wyer,
directeur sportif d’Aston Martin, jusqu’à ce que cette marque se retire en 1959.
Quelques dates importantes :
Décembre 1961 : Henry FORD II décide de lancer FORD dans la compétition en vue d’améliorer son image via la FoMoCo.
Janvier 1963 : Eric Broadley présente au Racing Show de Londres sa Lola GT équipée d’un V8 Ford.
Avril 1964 : Essais préliminaires du Mans, premiers tours de roues officiels de la Ford GT40.
20 & 21 Juin 1964 : Dan Gurney et Bob Bondurant sur AC Cobra coupé “DAYTONA” 4,7L finissent à la 1ère place GT 1964 et à la 4ème place absolue des 24H du Mans.
28 février 1965 : Victoire d’une Ford GT40 4,7L aux 2.000Km de Daytona…, elle est pilotée par Ken Miles et Lloyd Ruby.
1966 24h du Mans : 1ère victoire de Ford aux 24 H du Mans avec les Ford GT40 MkIV, extrapolations des Ford “J”, apparues aux essais du Mans d’avril 1966.
Juillet 1966 : La première GT40 MKIII entre en fabrication.
janvier 1967 : John Wyer s’associe à John Willment pour créer la J.W. Automotive Engineering…, ce team est sponsorisé par Gulf.
1967 1000 Km de Spa : La Ford Mirage de Jackie Ickx ne quittera pas la première place… suivie par la Ferrari de Willy Mairesse.
1967 24h du Mans : 2ème victoire, la Ford Mk IV (Dan Gurney- A.J.Foyt) gagne à 218,038 Km/h de moyenne.
1968 24h du Mans : 3ème victoire, Lucien Bianchi et Pedro Rodriguez gagnent à 185,536 Km/h de moyenne sur une Ford GT40 5,0L du team Wyer Gulf.
1968 24h du mans : 4ème victoire, FORD engage 3 voitures aux couleurs du pétrolier Gulf, la 11 fera une sortie de route qui engendrera des problèmes d’embrayage, la 10 cassera son moteur… et la 9 remportera la victoire à 208,250Km/h de moyenne, avec Lucien Bianchi et Pedro Rodriguez.
Mai 1969 : Arrêt de la production de la Ford GT40…, 107 Ford GT40 ont été construites, dont 31 de route dont certaines de celles-ci ont participé à des compétitions avec succès.
1969 24h du Mans : 5ème victoire, Jackie Ickx, associé à Jacky Oliver, gagne ses 1ère 24 H du Mans au volant de la Ford GT40 5,0L du team Wyer Gulf qui avait gagné l’année précédente à 208,250Km/h de moyenne…, ce sera la dernière grande victoire de la Ford GT40. Cette 1ère victoire de Jackie Ickx au Mans 1969 avec la Ford GT40 en fin de carrière est, sans doute, la plus légendaire victoire au Mans .
La paternité d’une telle merveille avait de quoi susciter des jalousies.
Et ce fut le cas.
La GT40 était-elle Américaine ou Anglaise ?
Ces derniers la considèreraient presque comme pouvant faire partie du patrimoine national, au même titre que les bijoux de la couronne.
Une véritable bataille s’est engagée entre américains et anglais.
Nées aux Etats-Unis, les lignes de la GT40 furent améliorées en Angleterre…, mais de l’autre côté de l’Atlantique, on estime qu’elle est un symbole du mythe américain.
Ce fut également Outre Manche que l’on décida d’implanter le projet, pour la proximité de l’Europe continentale, théâtre de la majorité des courses automobiles, et pour l’excellence des ingénieurs britanniques.
Mais, c’est l’équipe de Ford Etats-Unis qui mit au point le fameux V8 de 7 litres, qui allait mener la GT40 à la victoire.
Les bolides vainqueurs des éditions 1966 et 1967 furent déclarés comme venant des Etats-Unis…, pour les années 1968 et 1969, Grande Bretagne et Etats-Unis furent désignés comme pays d’origine “conjoints” de la GT40.
Peine perdue donc…, peu importe après tout, sauf que cela permet d’alimenter bon nombre de discussions entre amateurs : “Faut-il s’attacher à la nationalité du constructeur ou à celle des ingénieurs ?”…
D’autres débats se sont ensuite engagés sur la valeur des GT40 reconstruites et les répliques de GT40.
C’est que comme n’importe quel objet culte, l’utra sportive de Ford, voiture mythique, a été copiée, recopiée, répliquée.
C’est que les rares GT40 construites se négocient toutes très facilement au delà du million d’Euros, parfois beaucoup plus s’il s’agit de véhicules historiques ayant gagné des courses.
Les copies et répliques que seuls des experts peuvent différencier des originales, s’échangent à prix d’or…, de petites sociétés de construction automobile se sont fait une spécialité de produire des modèles extrêmement proches des vraies GT40, souvent même meilleures que les GT40 originales !
Que ce soit dans la musique ou au cinéma, depuis les années ’80, le “remake” est plus ou moins toléré/accepté… et l’industrie automobile n’a pas échappé à ce phénomène et a suivit la mode du Néo-Rétro : nouvelles Mini, New Beetle, Fiat 500 en sont le résultat.
Présentée au Salon de Detroit sous forme de concept, la GT40 nouvelle génération a eu un tel succès que la firme a décidé de la produire en série…
Ainsi, afin de fêter dignement son centenaire, Ford a décidé en 2002 de rééditer la GT40…