Excalibur 35X – Guy Storr / Michelotti…
Fin des années ’60, étant jeune (quoique je le suis toujours, au moins dans ma tête), j’ai flashé grââââââve devant une Excalibur première série croisée à Knockout-le-mazout et suivie jusque Zeebruge (Belgique)…
Début des années ’70, toujours jeune, je rêvais d’acheter une Excalibur…, la “séries II” était annoncée 17.000 US$ par Guy Storr, qui était l’importateur Excalibur à Monaco.
C’était alors beaucoup d’argent (hors taxes et autres frais), la voiture n’était livrée qu’à Monaco et l’importateur se moquait totalement des soucis relatifs à l’homologation et l’immatriculation…
En fait “d’importateur”, il “sévissait” au départ de son appartement…, il n’y a jamais eu de garage Excalibur digne de ce nom à Monaco… ni ailleurs en Europe.
On aurait pu le croire à lire et voir Guy Storr baratiner les “amateurs” (souvent des stars et des riches play-boy), sur “ses” extraordinaires Excalibur’s…, d’ailleurs, personne ne se posait de question…, on était dans les nuages, prêts à gober tout et n’importe quoi…
Guy Storr avait l’allure d’un chef-d’orchestre avec ses cheveux blancs portés longs en arrière, il faisait marcher tout le petit monde des “People” à la baguette…, quelle mélodie…, personne ne se souciait des fausses notes ni de la partition… et puis, quel panache…, surtout qu’en sus d’importer des automobiles extraordinaires, il s’était lancé dans la fabrication de l’Excalibur 35X !
Il a bénéficié d’un coup de pouce du destin quand le réalisateur cinématographique Pierre Grimblat lui a loué l’Excalibur N°1 pour être la co-vedette de son film “Slogan”, avec Serge Gainsbourg et Jeanne Birkin…
Inspirée vaguement de la Bugatti type 35, sa carrosserie et son châssis étaient construits chez et par Michelotti à Turin… avec les trains roulants et le moteur 6 cylindres de l’Opel Commodore.
Ce n’était pas une construction “à la chaine” comme chez Renault, simplement une commande de 27 exemplaires “en vrac” qu’il avait passé chez Michelotti.
Les carcasses peintes et les châssis roulants étant stockés dans un hangar situé près de Cannes… et ensuite assemblés/terminés “à la demande” dans un minuscule garage (l’ancien Daytona Garage situé près de Cannes, là ou a échoué mon Trike V12)…
Tout cela en fonction des commandes enregistrées dans le sempiternel appartement de Guy Storr à Monaco (20, rue Princesse Charlotte)…, puis les Excalibur’s 35X étaient livrées devant le casino de Monaco/Monte Carlo, les clients avaient intérêts à être ponctuels et devaient attendre quelques jours pour obtenir une immatriculation Monégasque provisoire que certains allaient utiliser illégalement “à vie”…
C’était totalement empirique et très amateur…, mais à cette époque (fin des années ’60, début des années ’70), comme les marques “exotiques” étaient toutes logées aux mêmes enseignes (même les Ferrari dans les années ’50 était vendues dans ce type de conditions assez précaires), ça faisait partie du folklore…
Autre exemple, Morgan, à Bruxelles, dans les mêmes années ’60 et ’70, était représenté par Jacques Elleboudt qui “officiait” au départ d’un château délabré situé rue Elleboudt à 1180-Uccle… (ses parents avaient été riches et célèbres), pas de garage, pas d’infrastructures…
Le château à disparu, Jacques Elleboudt aussi…, ruiné…, la rue existe toujours !
Les Cobra’s étaient tout comme les Shelby’s vendues au départ d’un minuscule garage de la rue Vanderkinderen à Uccle, tenu par Claude Dubois, dans les mêmes conditions…
C’était folklorique, tout se payait en cash, le Boss se vantant de ne pas oeuvrer comme le spécialiste Porsche, Gaban, qui démontait les moteurs de ses clients pour les utiliser dans “ses” voitures de course les week-end…
Toutes les voitures, en finale se retrouvaient “à vendre” chez le plus génial escroc imaginable “papa Jorion” qui sévissait dans son “Palais de la voiture” d’occazz…
Dans ces années, dans cette faune d’hurluberlus, j’ai possédé une Morgan et une Panther J72 “neuves” qui avaient le même style “vintage” décalé…, puis je suis passé sur des “muscle-cars” d’occazz’s : Mustang Boss 302, Mustang Shelby GT350 cabrio…, De Tomaso Pantera et Cobra 289…, ce n’est que longtemps plus tard, en 1990 que je vais acquérir l’Excalibur séries 1 que j’avais pisté de Knockout-le-mazout à Zeebruge fin des années ’60)… et qu’en suite je vais en “collectionner” un assez grand nombre (un exemplaire de chaque type, jusqu’à plus d’une douzaine)…
Je suis allé jusqu’au bout du bout de ma passion de jeunesse, j’ai connu tous les intervenants de la Saga Excalibur : Brook Stevens, ses fils, les repreneurs (y compris l’ex-petite employée virée, reprise, humiliée qui a finalement hérité de l’affaire dans une sorte de vol à l’américaine façon Casino financier)…, les bradeurs, les branleurs, les branlés et les beaufs avides de ce spectacle barnumesque crétin…, ainsi que les escrocs, les rêveurs et les collectionneurs…
J’ai quitté ce cirque…, c’est comme ça que je peux “en causer” comme personne n’oserait…
Aux USA, les Excalibur’s ont été créées par Brook Stevens suite à une demande de la firme Studebacker, presque en faillite, qui cherchait à produire le modèle de la dernière chance…, c’est Raymond Loewy qui va ravir le marché avec l’Avanti…
Sinon…, au cas ou le projet de Brook Stevens aurait été accepté, c’est la “Mercebaker” qui aurait été commercialisée…, la première évocation d’une carrosserie à l’ancienne, une Mercedes SSK 1927, dont Brook Stevens avait un exemplaire dans sa collection personnelle…
Avec son projet refusé, Brook Stevens a décidé de l’exposer dans le salon de l’auto national… et là…, miracle, John Wayne, Steve McQueen et d’autres… ont passé commande…
Dans l’urgence, Brook Stevens a monté une “fabrique” pour que ses deux fils aient “un avenir”…, il a acheté 300 châssis Studebaker au rabais (cette firme avait quand même fait faillite)… et à ce moment, second miracle, un concessionnaire Chevrolet de New-York, Jerry Aleeen, à vrai dire le plus gros dealer General-Motors de la région, va financer l’affaire, pour autant que les Excalibur’s soient équipées d’un V8 GM…
Donc, tout fut empirique, pas professionnel, un joyeux délire typique de la période hippie…
C’est à ce point de mon récit…, maintenant que j’ai résumé comment elles ont été conçues et comment elles étaient fabriquées…, que je peux (enfin) vous donner la valeur des Excalibur’s…
Construites de brick et de brock, assemblées par des vendeurs de tapis (gag !)…, ces engins étaient simplement et basiquement esthétiques dans le culte des années d’avant-guerre, mais ne comportaient strictement aucune étude d’ingénieur…
La valeur des Excalibur’s est à l’avenant… ça vaut tout et rien…, si un doux rêveur (j’en fut un) en veux une, c’est un coup de cœur, le prix est en fonction de ce que l’acheteur sait et peut payer…, l’état du carrosse est donc important, de même que les couleurs…, on est dans la psychologie, pas dans le rationnel…
C’est comme un coup de cœur pour une femme (ou un homme), on craque, on réfléchit beaucoup plus tard, bien après les jouissances…, on ne voit les défauts qu’après un certain temps, de même que les coûts d’entretien !
Tout comme pour les Ferrari, les propriétaires ne disent jamais que ce sont des bricoles, faute de quoi personne ne leur achèterait…, de plus, il y a aussi les amours sado-masochistes…, il y a aussi les comparaisons, pour avoir l’air, même sans les paroles, beaucoup peuvent payer aux environs de 10.000 euros, beaucoup moins aux alentours de 50.000… et au delà de 100.000, c’est impayable, donc les gadgets pour bobos aux environs de 50.000 se vendent aux bobos qui ont 50.000 à y dépenser…
Ça devient toutefois de plus en plus difficile parce que les temps sont durs…, là aussi, le prix dépend du vendeur, s’il a faim ou non… et de l’acquéreur potentiel…, généralement, on annonce les Excalibur’s à 60.000 et on laisse venir…
Certains osent demander plus… mais elles se vendent quasi-toutes à 50.000 maxi… et se revendront à 30.000 (suite à l’écoeurement du proprio) à des profiteurs d’affaires…, pour repartir dans le carrousel…
Pour ma part, certaines de mes Excalibur’s ont nécessité plus de 20 ans d’attente pour pouvoir être revendue avec profit…
Aucun “marchand” ne se risque là-dedans, car un “turn-over” de maxi deux mois avec faible profit est préférable qu’attendre un cinquième de l’espérance de vie…, mais comme on s’y attache, car c’est décoratif comme un Juke-Box…, on laisse aller si pas trop, besoin d’argent frais…
Les Excalibur’s sont des voitures “casino”, faut être patient pour doubler voire parfois quadrupler la mise…
Pour parfaire certains illuminés (comme Pierre Valiton auto-proclamé “Excalibur-Europe”) les transforment en “kitcheries” avec loupiotes multicolores clignotantes, faux tapis Persans, toile de capote en faux tissus Vuitton, phares démesurés, porte-fanions et ajouts grotesques de faux tuyaux d’échappements quasi sortis du radiateur…
J’ai moi-même sévi la-dedans, j’avoue moins gravement… transformant l’Excalibur 35X N°27 accidentée, quasi en perte totale (Guy Storr perdit la vie à son volant) en une sorte de “chose” bleue (avec mes logos Chromes & Flammes), la motorisant d’un V8 Oldsmobile Rocket’88 récupéré de mon Hot-Rod Oldsmobile “Black’Magic” qui s’équipait du V12 du fameux Trike V12 (les astucieux verront par ailleurs que les jantes chromées à rayons provenaient également de l’Olds’48)…
Pluche tard, j’ai re-peaufiné mon “oeuvre” en la relookant en rouge… elle sera vendue 100.000 $ à un Japonais propriétaire d’une chaine de restaurants chinois…
Concernant l’Excalibur N°1 qui avait été co-vedette du film “Slogan”, je l’ai finalement achetée et l’ai gardée presque 20 ans…
Elle était 100% d’origine, magnifique, mais… fallait être maso pour s’aventurer à plus de 20kms d’un “point de chute-garage”, de plus bien que “décapotable”, elle était “in-capotable”, le système des compas ET le levier de blocage en haut du pare-brise étant “in-fonctionnel” sauf si manœuvré par 4 balaises ayant une heure à perdre…, je l’ai vendue 100.000 euros dans un “deal” Suisse en 2005…, l’acquéreur l’a vendue en 2015 pour 75.000 euros dans une vente aux enchères
Comme dit ci-avant, Guy Storr est décédé dans l’Excalibur N°27, un accident spectaculaire sur la moyenne corniche en direction de Monaco…, sa veuve m’a vendu la 27 que j’ai refaite totalement et équipée d’un V8 Oldsmobile Rockett 88 (on la voit sur quelques photos)… et c’est Xavier DeLaChapelle qui a acheté les caisses d’accastillage dans l’idée de construire une refonte des 35X sous forme de types 55 aux 8/dixièmes…
Lors de la faillite AX&co et DLC, je rachèterai le stock, mais c’est une autre histoire à conter…