1966-2012 Avtovaz-Lada, c’est plus fort que tout !
Connaissez-vous l’angoisse de la page blanche, du mal écrire, de l’imperfection de l’agencement des mots en phrases et du non-sens mis en scène via des clichés surannés d’une chose aussi hideuse que banale ?
C’est celle du romancier avant la rédaction de son nouveau chef-d’œuvre, de l’étudiant devant sa copie d’examen, du chroniqueur cinématographique chargé de dire du bien d’un film alors qu’il n’a pas reçu d’accréditation pour aller le visionner au Festival des Cannes blanches .
C’est aussi celle du journaleux devant rédiger une sorte de nécrologie pour l’enterrement de troisième classe d’une automobile qui a été fabriquée de 1966 jusqu’au printemps 2012…, dont l’intensité technologique et le design quasi-surréaliste lui semble aller au-delà de sa compétence.
Il est des œuvres qui transcendent le jugement des simples mortels… et cette automobile classiquement banale est de celles-là : Avtovaz (Lada), c’est plus fort que tout !
Je me suis attelé à cette tâche avec presque deux ans de retard dus à d’intenses copulations et cogitations, le résultat, que vous avez sous vos yeux hébétés, s’il pouvait être déclamé, aurait la force théatrale et la justesse nécessaire pour sublimer la grâce d’un phacochère automobile né des ingénieurs déphasés, bourrés au picrate, de Fiat…
Mon texte est en effet un cri du cœur bouleversant qui devrait faire rire bien du monde…, il est censé fendre l’âme des beaufs sensibles aux sanglots, car profondément meurtris par la fin de la production d’une automobile familiale quelconque qui pourtant suscitait, chez les irréductibles amateurs de son look de frigo, une franche hilarité à laquelle succédait invariablement lors de discussions de bistrots, diverses interrogations incrédules : “Mais comment diable une automobile de masse aussi magistralement à côté de la plaque, à t-elle pu être construite durant 45 ans ?”…
Après m’être moi-même perdu un temps en conjectures, je pense aujourd’hui être en mesure de lever le voile sur ce mystère.
Mais prenons le temps d’aborder les choses dans l’ordre, en commençant par l’histoire, embrouillée au possible, celle-ci ayant nécessité de la part de l’auteur de ces lignes (c’est moi), un visionnage particulièrement attentif pour arriver à comprendre un tant soit peu de quoi il retournait.
Pour celles et ceux n’ayant pas le cœur à subir une telle déferlante, j’ai eu l’idée géniale et lumineuse de louer les sévices d’Alisa… afin d’agrémenter cet article, qui sans elle, n’aurait sans doute pas grand intérêt !
Mon rôle en cette épopée est d’être ici tel un phare guidant les matelots (et moussaillons) par une nuit d’épais brouillard, éclairant les malheureux lecteurs de cette intrigue d’une telle densité, qu’elle ne manquera pas de les laisser profondément perplexes…
Née à Turin en 1966, décédée à Togliatti (Russie) au printemps 2012, rien ne prédisposait cette brave berline italienne classique sans aucune innovation majeure, qui donnait l’impression d’être l’œuvre de dilettantes sous l’emprise de stupéfiants (ce qui était peut-être bien le cas)…, à une carrière aussi longue et historique !
Le constructeur automobile russe Avtovaz (Lada) a en effet finalement arrêté, après 46 ans, la production de la “2107”, ce modèle dérivé de la Fiat 124.
Au premier trimestre 2012, les ventes de ce modèle obsolète, rustique et peu fiable, mais pas cher (5.000 euros), aisément réparable n’importe où avec une profusion de pièces disponibles et qui acceptait d’ingurgiter n’importe quelle essence…, ont plongé en Russie de -70%, soit un peu moins de 10.000 unités.
Le modèle n’était plus que le seizième véhicule le plus vendu sur place… alors qu’il était encore en cinquième position en 2011.
Il est vrai que la firme russe, dans une démence paroxystique qui a été crescendo jusqu’à épuisement total de toutes les possibilités de ridicule en la matière…, a lancé en sa suite la Lada Granta, nettement plus moderne, pour la remplacer…
Avtovaz (Lada), a été plus fort que tout ! (je ne me lasse pas de répéter ce titre, tant il est porteur d’émotion pour moi)…, ce qui nous prouve une fois de plus que les entreprises les plus improbables peuvent être bénéficiaires…
Mais assez papoté, penchons-nous hardiment sur le plat de résistance : l’étude de l’œuvre proprement dite…, même si le grotesque de cette histoire est tel que je ne savais littéralement pas… par où commencer pour la décrire : il convient en conséquence pour vous (c’est votre part à assumer), de savourer le spectacle en vous laissant porter par la béatitude, comme devant un magnifique feu d’artifice sans fin, vous émerveillant que cette chose ait pu un jour exister.
“Très, très beau morceau”, ai-je dit en voyant arriver mon ami Igor Stravinsky en brandissant sa nouvelle trouvaille : Alesia…, j’ai toutefois attendu de pouvoir juger sur pièce pour estimer si la découverte de mon ami n’allait pas hurler de devoir poser avec une Lada, même historique.
Force m’est de reconnaître qu’en la dénichant, il a fait une excellente pioche : véritable feu d’artifice sexuel elle a été intensément festive, propre à réchauffer n’importe quelle ambiance…
Certains amateurs de culture populaire vont sûrement lui vouer un culte vibrant…
Ta-daaam…
Car c’est pas de la camelote : c’est du premier choix, la cerise sur le gâteux gâteau !
Soyez quand même admiratif devant mon travail qui réussit à donner un vague semblant de cohérence à cette tambouille, bien que les paragraphes qui la composent viennent d’une demi-douzaine de sources différentes.
Ta-daaaaam…
Et maintenant, l’histoire !
La 2107 est l’héritière, à la calandre et aux feux arrière près, de la première Jigouli de 1970…
Celle-ci était le résultat d’un contrat remporté par Fiat pour créer un constructeur automobile de toutes pièces.
Togliatti, ville où est implantée l’usine sur les bords de la Volga, à un millier de kilomètres au sud-est de Moscou, doit d’ailleurs son nom au célèbre dirigeant communiste italien Palmiro Togliatti…, une façon un rien ironique pour l’Union soviétique de remercier les Agnelli, héritiers et dirigeants de Fiat dans les années ’60, pour leur contribution à la création d’une vraie industrie automobile en URSS.
Jusque là, seuls existaient des petits constructeurs avec des produits totalement dépassés (Moskvitch, ZAZ, GAZ).
Les ingénieurs italiens ont aidé à la construction du site et l’accord comprenait une licence pour la fabrication de la berline moyenne 124.
La Lada “italienne” a eu notamment son heure de gloire en Europe de l’ouest dans les années ’70 et début ’80 avec son prix imbattable…, nettement plus intéressant pour l’acheteur que celui de Fiat : “Elle représentait le rêve des Soviétiques. Elle a été ma première voiture”…, m’a expliqué Igor Komarov, patron d’Avtovaz, lors de ma visite à Togliatti.
Cette 124 a d’ailleurs eu un destin extraordinaire au gré des grands contrats à l’international signés par le constructeur piémontais : elle a été fabriquée en URSS…, mais aussi en Espagne par Seat…, en Turquie par Tofas…, en Inde par PAL… et, sous une forme différente (la 125), elle a aussi été assemblée en Pologne par FSO…, en ex-Yougoslavie par Zastava… et en Argentine par Fiat-Concord.
En 2011, Avtovaz a transféré la fabrication de l’ancêtre dans l’usine de Ijavto, à Ijevsk (1.100 kilomètres à l’est de Moscou), pour pouvoir produire d’autres modèles plus récents à Togliatti.
Avtovaz, détenu à 25% par Renault depuis 2008, a entrepris de moderniser ses lignes de production pour faire face à la concurrence étrangère…, il a inauguré notamment le 4 avril 2012 une ligne de production commune avec l’alliance Renault-Nissan pour y produire des modèles sur base Logan.
La Lada Largus, version locale de la Dacia Logan break, a été lancée en cette suite burlesque…, des modèles Nissan, puis Renault, s’y sont ajouté entre la fin 2012 et début 2013.
En mai 2013, l’alliance Renault-Nissan est montée au capital de la première entreprise automobile russe pour prendre 50% et une action…, Renault restant l’actionnaire de référence, mais son allié japonais Nissan le suivant de près.
Sur le marché russe Avtovaz était en chute de 15% à 109.388 unités, avec une pénétration de 18%…, l’ensemble Avtovaz-Renault-Nissan a grimpé de 2% soit 193.655 unités (une part de 31%).
Tout ce toutim ressemble de loin a une organisation secrète (dirigée par un chef invisible), qui va aller sérieusement botter le cul de l’occident… et ce, dans un bonheur total, car l’action du groupe ne va littéralement jamais s’arrêter… et le ridicule non plus !
C’est le début d’une nouvelle histoire dont l’ennui, littéralement banni, sera à nouveau de la folie furieuse du début à la fin, regorgeant en trouvailles d’une stupidité réjouissante, qu’il serait dommage de gâcher en les révélant.
Et après, on s’étonne que la criminalité internationale prospère, en cause de la capacité de l’équipe à enfiler des âneries les unes après les autres…, une vraie source de ravissement, qui plongera les gens réceptifs dans une autre dimension !
Alors là, pas de discussion possible ! Hop, un petit concours de ridicule ! Du début jusqu’à la fin, cela garantira aux aventureux, des moments d’intense folie (visuelle, sonore, mentale, olfactive… tout !) propres à faire baisser de dix points le Q.I. des malheureux psychopathes et/ou alcooliques qui se risqueraient à l’overdose.
Vous l’aurez remarqué en arrivant à la fin de cet article (si, si, c’est vrai !), que la complexité de cette histoire ne le cède qu’au ridicule, car appréhender du premier coup tous les tenants et aboutissants d’une intrigue aussi nébuleuse relève de l’exploit pur et simple.
La faute à une voiture à l’origine bancale et mal foutue, certes, mais avec une vaine multitude d’éléments confus…, la faute surtout à ma narration proprement sibylline, qui constitue a posteriori l’unique intérêt de ce petit texte crapoteux en le propulsant au rang d’épopée mirifique, nanti d’une des fins les plus débiles de tous les temps, une sorte de descente hallucinée dans les abysses du néant.
Spectacle intense, à la limite de l’indécence, cet article est à redécouvrir d’urgence par tous les amateurs de curiosités, de pétards, de série Z californiennes et de viande de dindon.
A regarder une seconde fois avec prudence, et en vous soutenant entre amis, tant le choc est rude et peut provoquer l’effondrement mental des lecteurs débutants : du brutal mais du bon !