66/67/68 Mustang chabadabada…
Il existe un phénomène mystérieux qui chuchote “chabadabada-chabadabada”, qu’on ne peut saisir que dans un seul lieu : Deauville…, ou, été comme hiver, par beau ou mauvais temps, tous les couples s’aiment et sont élégants sur “les planches” le long de la plage.
Cette même plage accueille depuis 1966 les incessantes liaisons amoureuses… et gargarise sa mémoire de tendresse et de voluptés éphémères ou intarissables.
Car, de ce petit coin de Normandie, rejaillit les effluves suaves d’un amour de cinéma devenu mythique, embaumant les ballets des bien-aimés d’esthétique, d’équivoque et de sépia…
Des couples sans âge, s’y amusent de leur extraterritorialité amoureuse et de sensuelles caresses…
Ils sont atteints d’une affection quinquagénaire qui persiste et s’objective par le rituel délicat des mains enlacées…
Instant d’évanescence symbolique, un jeune homme tourne autour de sa dulcinée…
Il y a 44 ans, Claude Lelouch virevoltait dans le sable avec la même passion autour de Jean-Louis Trintignant et d’Anouk Aimée afin de raconter leur histoire : celle d’un homme et une femme.
Si nos paradigmes esthétiques se nourrissent inconsciemment de notre libido, quoi de plus définitivement beau qu’une courbe ?
Que celui qui ne s’est point retourné sur la démarche ondulante d’une beauté bottée oscillant du fessier me jette la première pierre !
Il fut pourtant une époque où arêtes vives et lignes tendues exerçaient un puissant attrait au point d’inspirer aux designers un futurisme d’équerre.
A la charnière des années ’60 et ’70, des hommes, comme Marcello Gandini ou Giorgetto Giugiaro réinventèrent ni plus ni moins que la beauté automobile.
Une beauté cunéiforme dont la brutalité formelle exacerbait puissance et vitesse sur fond de miracle économique et de foi positiviste.
Souvenez-vous donc, nostalgiques d’aujourd’hui, le futur, c’était hier.
En ces temps d’abondances où les courbes de croissance semblaient devoir monter au ciel, la conquête spatiale nourrissait une foi béate dans la technologie.
La voiture du futur s’exposait aux foules matérialistes lors des salons internationaux.
Les coulures de chrome et ventre mou avaient vécu, les lignes se tendaient un peu plus chaque année, mais c’est en cette fin d’année 1966, que Ford marqua un non-évènement en re-stylisant la Mustang née en 1964…
Ce fait ne marquera pas l’avènement d’une esthétique radicalement futuriste.
Pour les siècles des siècles, Orff implique Carmina Burana…, il n’y a rien de nouveau chez Erich Maria Remarque (il est toujours à l’ouest)…, Kafka se métamorphose à l’infini… et Lelouch rime ad-vitam-eternam avec chabadabada et cette quasi même voiture, dans cette quasi même version dans la quasi même configuration… (le film date de 1966, ma Mustang est de 1967) !
Ne manquait que la couleur blanche…
Ainsi abondent les créateurs (re-)connus que par une seule et unique œuvre, et le constat se vérifie aussi en automobile.
Pas d’AC sans Cobra, de De Tomaso sans Pantera et de Mustang sans “Un homme et une femme, chabadabada”… !
Définitivement, la Mustang recèle et symbolise à elle seule cette année-là.
Et pourtant, elle n’est qu’une évolution.
Objectivement, son design marque déjà l’obsolescence d’une auto un peu trop typée pour écarter les franchouillards peugeotistes, citroënistes et/ou renaultistes convaincus de la suprématie du litron de pinard sur le Coca-Cola (marque déposée)…, pratiquant de ses références idéologiques.
La Mustang va cependant bénéficier d’une série d’opportunités marketing à même de façonner une légende.
L’emploi systématique d’images cinématographiques, telles que dans : “Un homme et une femme”, “Bullit” et “Gone in sixties seconds”…, va servir une image prétendument avant-gardiste de baroudeurs déjantés hors-normes en rupture avec les stéréotypes de l’automobile.
Mieux, la publicité va jouer à fond sur le coté “Vroum-vroumesque”, qu’évoquaient vaguement la longueur du capot, les jantes larges et les échappements semi-libres.
Et tant pis pour le Cx quelconque, la Mustang était d’abord “différente”, un leitmotiv de la propagande Ford.
A cela s’ajoutait la bénédiction d’une version cabriolet particulièrement réussie puisque privée de tout disgracieux arceau qui enlaidissait bien des baignoires à l’époque.
Avec elle, l’amateur d’exotisme pouvait acheter une américaine sans rouler en char d’assaut.
La recette avait fait mouche dès 1964, particulièrement chez les “re-chercheurs” de libertés autoroutières d’outre-Atlantique, dynamitant simultanément l’identité Ford aux yeux de fondamentalistes convaincus d’appartenir à une élite définitivement à part.
Hélas, la clientèle va vieillir peu à peu, le réseau va se déliter et à la fin des année ’70, la marque va attendre comme Godot un renouvellement via l’abominable “New-Mustang” hyper-raccourcie, pataude et vulgaire…, tandis que de chimériques concept-cars vont meubler une actualité désespérément vide.
La fin de la grande époque des Muscle-cars ressemble étrangement à la fin des rêves d’adolescents…
Alors, que s’est-il passé chez Ford depuis les emblématiques 1967/68 ?
A vrai dire, quasiment rien, sauf peu de chose, sinon des Mustang de plus en plus lourdes, grandes, pataudes… et après 1972 il n’y a plus rien eu de transcendantal…, c’est à pleurer.
Pour la première fois en ces temps changeants, l’automobile avait cessé d’exalter le progrès, la liberté, le plaisir.
A raison sans doute.
Vous pouvez donc y arrêter l’histoire et jouir à l’envi des Mustang entre 64 et 72… et de ses cours à la hausse.
Sauf masochisme refoulé, je n’éprouve pour ma part aucune jouissance particulière à me saigner pour une boîte de métal et de plastique qui m’attaque le porte-monnaie jusque dans mon sommeil et dont je ne puis goûter aux performances sans réveiller ma haine pathologique du képi.
Oui, l’automobile telle que je l’ai rêvée au siècle dernier, appartient sans doute au passé.
Au rythme où va le moralisme écolo-hygiéniste, afficher la silhouette suggestive d’une phallique Mustang va devenir aussi répréhensible qu’exhiber un bout de sein devant l’Amérique puritaine.
Et viendra le jour où l’on mettra à l’index le moteur à explosion, tel un licencieux pousse-au-crime, quand la police des mœurs poursuivra les internautes écoutant des enregistrements pirates de huit cylindres hurlant à plus de 6000 tours.
Tolérance zéro pour incitation au gaspillage d’énergie non renouvelable !
C’est de ces sombres anticipations dignes du film 2012 (vous savez, le film catastrophe où Sarkoléon rempile pour cinq ans…) que doivent me venir mes envies brutales d’avoir acheté une Mustang 1967.
Comme une ultime envie d’encorner une gueuse à l’approche de la phase terminale, je ressens l’irrésistible attrait de cette marque fantasque au destin chaotique, mais qui ne laisse jamais de marbre.
Car la folle mélodie des V8 virtuoses ne cesse d’exciter mes nuits blanches tel un Graal obsédant.
Le ver est dans le fruit et le virus “Muscle-cars” me libère.
Géniale autant qu’affligeante dans sa qualité de construction, la Mustang ne cessait de hanter mes nuits.
“Avant la fin du monde, achète-en une…, c’est assez urgent”, me disait une petite voix à l’oreille…
A force de redite l’art, on le sait, s’appauvrit.
L’avant-garde prisonnière des musées ne remet plus rien en cause, on a couché mai ’68 sur papier glacé comme dans une tombe quand Lucien Ginzburg considérait lui-même l’anthologie “de Gainsbourg à Gainsbarre” comme son propre sarcophage.
Du reste, il faut bien reconnaître que le néo-classicisme, pour ne pas sacrifier à la terminologie anglomaniaque du rétro-design, s’est imposée comme une tendance un peu trop lourde de l’esthétique et de la vente automobile.
De la résurrection de la Lotus Elan par Mazda avec la Miata en 1989, au phénomène de la Nuova Fiat 500, élue fer à repasser de l’année 2008…, voilà déjà deux décennies que cela dure.
Et l’on a encore battu des records d’anachronisme avec la “nouvelle” Bentley Mulsanne et son pastiche de radiateur en nid d’abeille façon années ’20, ses yeux exorbités de carrosse années ’30, sa ligne de caisse ondulante très années ’50 et son nom déjà usité dans les années ’80.
Sans oublier bien sûr l’immémorial V8 culbuté dont les origines remontent au Crétacé mais que les ingénieurs VW parviendront sûrement à faire encore fonctionner lorsqu’on ne trouvera plus guère d’énergie fossile que dans les livres d’histoire.
Alors, qu’est-ce que les passionnés de demain retiendront de l’automobile des années “Muscle-cars” si l’esthétique des automobiles actuelles ne se nourrit que des formes d’hier ?
Comble de l’ironie, cette rétromania pathologique recèle moult contresens historiques.
De la Volkswagen originelle, la New Bettle désormais “Old” n’eut ni la modicité ni les volumes de vente, réduits à la confidentialité une fois l’effet de mode retombé.
Les mensurations comme le prix de la New Mini tiennent plutôt d’une… Maxi.
Quant à la griffe Gordini, tout récemment exhumée par Renault lors d’une sauterie aux champs Elysées, il ne s’agit que d’un vulgaire faire-valoir adhésif pour citadine branchouillarde aussi éloignée de la spartiate caisse à savon des sixties qu’une DS3 pour pétasse en tregging peut l’être de la DS 21 du notable coiffant le feutre.
Les nécessités du commerce s’accommodent fort bien, reconnaissons-le, d’une vision superficielle et sélective de l’histoire, quitte à passer sous silence certains “détails” embarrassants.
A ce propos, on sera gré à VW de faire (discrètement) mention des origines nazies de la bête à bon Dieu dans son temple d’auto-célébration de Wolfsburg.
Pour le reste, il y avait relativement peu de chance qu’Alfa Romeo en pleine déconfiture commerciale nous rappelle au (très) bon souvenir d’Arna au moment de rebaptiser l’ex-Milano-ex-149.
Ou que Citroën fasse poser la BX à côté d’une C5 pour ses 90 ans.
Cette mémoire sélective a cependant trouvé ses limites chez Jaguar où le cours du temps semble s’être arrêté aux années ’60 et à trois icônes – E-type, Mk II, XJ – autant de modèles fondateurs dont on s’est évertué à “extraire l’ADN” pour les siècles des siècles de sorte qu’aucune nouvelle orientation esthétique n’a pu percer depuis la sortie de la XJ6, en 1968.
Dès 1972, pourtant, Pininfarina avait imaginé l’après-XJ via une intéressante étude XJ12PF tellement admirée du côté de Coventry qu’aucune occurrence Google n’en rappelle aujourd’hui le souvenir.
Quant à la XJS, modèle de rupture par excellence dont on oublie un peu trop vite le succès, les spécialistes ne veulent y voir qu’une trop oubliable parenthèse entre la E-type divinisée et sa ré-interprétation néo-classique de 1996, la XK8.
Las, à force de pasticher des pastiches, l’on imaginait guère l’habitacle d’une nouvelle Jaguar sans l’indispensable portrait officiel d’Elizabeth II trônant au beau milieu d’une orgie de cuir crémeux et de boiseries rococo.
Mais de ces clichés ambulants, même la clientèle la plus conservatrice en a eu la nausée.
N’en pouvant plus de rappeler la série II, la dernière XJ fut le duplicata de trop, particulièrement dans sa variante Daimler dégoulinante de chromes.
Bien, finalement Jaguar a changé de style…, mais ce qui en est sorti est pire, un gros tas identique à bien d’autres gros tas…, aucun esthétisme, aucune innovation stylistique…
Il faut donc rendre grâce à Ford d’avoir rompu ce cercle vicieux avec la Mustang dernière génération, première Mustang “moderniste” depuis 1972… mais dont l’habitacle contemporain évoque d’avantage un ensemble hi-fi Bang & Olufsen qu’un jukebox…
Gare à ceux qui s’égarent des formes trop universellement reconnues.
J’en arrive presque à considérer la Mustang 1967 comme une audace incomprise, c’est dire…
Le 17 avril 1964 est une date mémorable : ce jour là, Ford, second constructeur mondial, présente à la foire mondiale de New York sa Mustang.
Ford a inventé l’automobile pour les jeunes américains, en rupture avec les grosses berlines paresseuses.
Le concept de “Pony-car” est né : une voiture de “petite taille”, basse… et dont l’habitacle est reculé pour laisser place à un long capot et un profil élancé.
Pourtant, la Ford Mustang est conçue initialement comme un roadster bi-place, à travers un concept car présenté en 1962 au salon de Genève.
Mais Lee Iacocca, designer en chef très apprécié de Henry Ford II, décide de remanier le projet pour en faire une quatre places et toucher une plus large clientèle.
Le succès est immédiat, la Mustang qui devait être construite à 100.000 exemplaires, sera finalement produite à 700.000 unités pour le premier millésime, entre avril 1964 et août 1965 !
Mon modèle de 1967 est la première version retouchée de la Mustang première génération… et sera produite de 1967 à 1969.
Coupé classique comme la Mustang originale, par opposition au “Fast Back” proposé dans la gamme depuis 1965, cette version 289 de 1967 se “virilise” dans ses lignes et dans ses moteurs.
C’est d’ailleurs de cette évolution, en version fastback, que la Mustang 2005 semble la plus inspirée.
Les faces avant et arrière sont les principales modifications pour 1967 mais le dessin reste assez proche de l’original, tout en ajoutant une touche d’agressivité supplémentaire.
La calandre avant est plus proéminente, elle se détache des phares et ajoute un peu de longueur au capot.
A l’arrière, la poupe creusée et les triples feux vont faire date.
On note aussi les entrées d’air factices apposées sur les ailes arrières, mais que l’on pouvait faire supprimer en option.
Plus longue de quelques centimètres pour atteindre 4,66 m au total, plus large de 10 cm avec 1,80 m, mieux posée sur des voies élargies, la Mustang se démarque également à l’époque par une longue liste d’options ainsi qu’un prix de vente très attractif en regard des performances proposées.
Cette Mustang est une quadra en pleine fleur de l’âge, encore bien décidée à donner du plaisir.
Plaisir visuel tout d’abord, car sa ligne emblématique accroche toujours autant le regard des passants.
Comme à sa sortie, on se retourne sur elle, comme sur une star de cinéma qui a traversé les époques et les modes sans rien perdre de son charme naturel.
La présentation intérieure est celle des belles américaines, avec du similicuir, des chromes et des rappels de teinte de carrosserie, mais la finition trahit les efforts faits sur le prix.
Enfin rien de bien méchant, surtout qu’une Ferrari n’offrait guère mieux à l’époque et coûtait pourtant bien plus cher !
Au-dessus de la colonne de direction, le compte-tours et le compteur de vitesse sont incrustés dans une planche de bord délicieusement “rétro”.
Cet habitacle transporte dans une autre époque, et le voyage ne manque pas de dépayser.
Assis bas, on survole la route avec ce long capot qui s’étale vers l’horizon.
Incrustés dans le bossage du capot, des répétiteurs de clignotants sont le genre de détail qui amuse et surtout participe au charme de rouler dans une telle voiture.
Si la Mustang incarnait à l’époque la vitesse et la compétition, je me contente pour ma part de promener ma belle en me délectant des gargarismes “camionesques” de son V8.
Ce V8 justement, parlons-en.
La Mustang 289 ci (rapport à la cylindrée unitaire en “cubic inches” du V8) se positionne en milieu de gamme, au-dessus des versions d’attaque équipées du 6 cylindres en ligne 2.8L de 115 ch et 120 ch.
Ce V8 289 va représenter le gros des ventes.
Le V8 4L7 à carburateur 4 corps Autolite 4100 développe donc pour sa part 228 ch SAE à 4800 tr/mn.
On trouve aussi au-dessus la version 289 “HP”, qui n’a ici rien à voir avec 289 “Horse Power” !
En effet, une option HP pour “Hi-Power”, correspondant au code moteur “K”, permettait de faire grimper la puissance du V8 289 ci à 271 ch SAE à 6000 tr/mn.
Ces versions sont rarissimes au millésime ’67, moins de 500 ont été fabriquées.
Enfin, en haut de gamme, le gros V8 390 ci de 320 ch SAE fait son apparition en 1967.
Il faut savoir aussi qu’avant 1971, la norme SAE (pour Society of Automotive Engineers) utilisée aux USA exprime la puissance “brute” du moteur, c’est à dire en sortie de vilebrequin et donc démuni de tous ses “périphériques” : transmission, roues, alternateur, ventilateur de refroidissement, silencieux d’échappement, etc.
Évidemment flatteuse pour le marketing, cette norme masque aux clients que les chiffres annoncés sont souvent très éloignés de la réalité, jusqu’à 25% de moins pour certains moteurs !
Cet honnête 8 cylindres en V tout en fonte à arbre à cames latéral est accouplé sur ce modèle à une transmission automatique “Cruise O-Matic” à 3 rapports.
Flash back dans les “sixties”, j’emprunte les petites routes, plutôt que les “highways”.
Je règle le tuneur sur radio Nostalgie, ça y est, c’est parti !
Le temps de faire chauffer la mécanique, je profite des 40 Mkg de couple, l’oreille captivée par les glougloutements évocateurs du V8.
Quelques occasions pour pousser un peu le moteur et faire ronfler le double échappement en inox me permettent de cerner à la fois le poids de l’auto et la puissance qui l’anime.
En effet, côté performances, le moteur n’aime pas spécialement les tours et malgré une sonorité merveilleuse, il convient de prendre un certain recul face à cette quadragénaire qui est aux antipodes de ce qu’on attend d’une voiture de sport moderne.
Malgré tout, même si tous les chevaux ne sont pas là (on peut supposer que le moteur en fournit réellement 200), avec peu d’efforts on peut tutoyer près de 190 km/h en pointe.
Il y a près de 40 ans, lorsque la vitesse était libre et qu’on risquait moins son permis que sa vie sur les routes, c’était déjà bien plus que la majorité des voitures de série !
Bien qu’elle se fasse accrocher par la première petite GTI venue et qui n’aurait pas le respect dû à cette Mustang, reprises et accélérations se montrent assez satisfaisantes (moins de 10 secondes pour passer de 0 à 100).
La Ford Mustang s’imposait à l’époque alors comme une voiture performante et abordable, une base idéale pour les amateurs de course automobile.
Petite pause, il est déjà temps de refaire le plein !
C’est que le réservoir n’est pas énorme (65L) et la jauge imprécise ne m’incite pas à risquer de continuer sur la réserve.
En conséquence, l’autonomie se montre plutôt réduite en raison d’une consommation moyenne qui tourne et ne descend pas, sous les 15 L/100 Km.
Un bidon d’additif plus tard, pour ne pas encrasser le gros carbu, et me revoilà prêt à reprendre ma balade.
La plupart des éléments de châssis de la Ford Mustang sont hérités des Ford Falcon et Fairlane.
Une suspension avant indépendante par ressorts hélicoïdaux et un antique essieu rigide à l’arrière contrôlé par une paire de ressorts à lames, déjà bien démodés dans les années ’60, sont donc chargés de maintenir le cap de cette authentique américaine, accrochée au bitume tant bien que mal via 4 roues de 17 pouces et non de 14 ou 15 sur les originales….
Sur petite route, la direction à billes (moins démultipliée à partir de ’67) non assistée se montre assez imprécise, tandis que le premier gros freinage après une forte accélération me lance des sueurs froides !
Diable, il y a pourtant des freins à disque à l’avant mais il vaut mieux anticiper au maximum !
Les commandes sont fermes… et encore…, je dispose de la boîte automatique qui évite d’avoir à me muscler le mollet gauche sur la pédale d’embrayage.
Petit transfert de masses avec un gauche droite à bonne allure, la caisse tangue gentiment.
Aie, le poids des ans est finalement plus cruel qu’il n’y parait et ma légende roulante a bien du mal à afficher le caractère sportif tant vanté autrefois.
Enfin, disons qu’elle demande l’art et la manière.
Sous la pluie, un dérapage imprévu peut vite arriver… et vu la trop grande démultiplication de la direction, le contre-braquage n’est pas des plus aisés !
Si déjà une Porsche 911 de 1967 exige un certain talent de pilote pour être menée vite, que dire de la Mustang…
Dès que je la bouscule un peu, l’essieu arrière redonne au cheval sauvage tout son sens !
Et les fans de la Mustang n’auraient pourtant avoué que sous la torture qu’au plan dynamique il y avait quand même à redire.
Les nombreuses victoires de la Mustang en sport automobile (notamment au Tour de France Auto), tendent pourtant à leur donner raison.
D’ailleurs, pour les vrais amateurs de conduite sportive, Ford proposait avec le V8 289 HP un “compétition handling package”, option très rare et très chère, associée à l’option “GT equipment group” et comprenant des freins à disques (mais freinage non assisté), des ressorts plus raides, des amortisseurs réglables, une direction plus directe, une barre stabilisatrice de plus gros diamètre et un différentiel à glissement limité en plus de quelques éléments stylistiques propres.
Ainsi dotée, la Mustang pouvait revendiquer une tenue route plus en accord avec la puissance de son V8 “Hi-Power”.
L’option GT, chère et inutile pour beaucoup d’acheteurs américains, était en revanche très demandée en France… et c’est tout bonheur que ma Mustang en a été équipée.
Loin de pousser mon exemplaire dans ses derniers retranchements grâce à cette “sécurisation”, je maintiens un rythme de croisière bucolique, toutes vitres ouvertes et coude à la portière pour savourer les odeurs de la campagne d’été et les vociférations du V8 à bord de ce morceau d’Amérique.
Voiture préférée des stars et vedettes du show-biz, mais aussi des pilotes et des “snobs”, sacralisée en France sur grand écran en 1966 dans le film Un homme et une femme avec Jean Louis Trintignant mais aussi et surtout en 1969 avec Steve McQueen dans Bullit, la Ford Mustang est aujourd’hui encore une idole qui fait rêver, les jeunes et les moins jeunes.
Pour le prix de six Citroën 2CV de l’époque, soit environ 30.000 FF, on accédait au rêve américain par excellence.
On l’achète toujours pour le plaisir de la regarder et de s’émerveiller devant ses détails stylistiques à l’exotisme américain si rétro, tout autant que pour la sonorité viscéralement prenante de son V8.
Malgré sa très grande diffusion, la Ford Mustang est devenue aujourd’hui un plaisir de connaisseurs et passionnés qui ont réussis à sauver quelques exemplaires de l’hécatombe de la route et de la course.
Sur les 2000 exemplaires environ de Mustang 1 importés entre 1964 et 1969, les survivantes sont finalement peu nombreuses.
La cote s’en ressent, puisque pour un beau modèle de Mustang 289 “standard”, il faudra compter entre 15 et 20.000 euros, tandis qu’avec quelques options, les prix montent rapidement au delà de 30.000 euros.
Il existe deux solutions pour vous : acheter un modèle en état… ou vous lancer dans une restauration plus ou moins complète si vos talents vous le permettent…
Quel que soit votre choix, sachez qu’une Mustang équipée du V8 289 comme celle présentée ici, est largement préférable à une version 6 cylindres, anémique et pas vraiment plus sobre.
Vérifiez impérativement, les passages de roue avant et bas d’ailes avant, points de corrosion fréquents, ainsi que la jonction du sommet des ailes avant et le coffre, sous la moquette, les longerons et la traverse sous le radiateur.
Un autre point important est la grille d’aération placée entre le capot et le pare-brise : vous devez vous assurer que les cheminées d’évacuation d’eau ne sont pas bouchées.
Les moteurs qui ont équipé la Mustang sont de réputation très solides.
Ainsi, avec le V8 289ci on peut parfaitement parcourir 300.000 kilomètres sans connaître de gros problèmes.
Inspectez le système de refroidissement qui doit être en parfait état car la Mustang dispose d’un carter d’huile de faible contenance (4,5 litres), pour des cylindrées énormes (de 4,7 à 7 Litres pour les V8), d’où des problèmes évidents de lubrification et donc de chauffe.
La présence de cliquetis moteur trahira une usure prononcée des poussoirs ou de l’arbre à cames.
La patience, la persévérance, et les conseils de connaisseurs sont les clefs de la réussite de votre achat.
Car en ce qui concerne l’entretien courant, il n’est pas des plus prohibitifs ni des plus exigeants.
Les pièces d’usure ne coûtent pas plus cher que sur une voiture moderne.
Finalement, le plus important sera de faire rouler le plus régulièrement possible votre Mustang, ce qui n’est pas le plus désagréable !
Quadragénaire mythique et adulée, la Ford Mustang fait partie des icônes automobiles incontournables.
Un morceau d’Histoire et une machine pour retourner voyager dans l’Amérique des années Rock’n Roll.
Abordable en prix, comme à ses débuts, elle vous offre des sensations d’un autre temps, aux antipodes des sportives actuelles.
D’ailleurs, pour le sport, ça fait un moment qu’elle a raccroché et sauf à courir en VHC, elle vous donnera tout autant de plaisir à flâner au rythme du cœur battant de son gros V8.
“Un homme et une femme” est une histoire simple…
Un homme, Jean-Louis Duroc, coureur automobile ayant perdu sa femme quelques années auparavant, rencontre à Deauville Anne Gauthier, script-girl, également veuve d’un mari fascinant.
Après avoir parlé de leurs amours perdues et de leurs enfants, ils s’aiment.
Malheureusement, le passé peu enclin à préserver l’avenir de son amertume… persiste à troubler cette romance.
C’est avec un scénario aussi épuré, que Claude Lelouch a réussi à faire d’un long métrage un mythe.
Avec un budget limité, une dizaine de techniciens, une presse récalcitrante, des caméras bruyantes posées sur l’épaule, quatre semaines de tournage, 3.500 plans, etc., les qualités du film, sa singularité ont dû être arrachées ailleurs, dans l’imaginaire et l’authenticité des sentiments.
Mais de ces contraintes, le réalisateur a su tirer l’avantage, plus ou moins volontairement.
L’envoûtement esthétique, par exemple, provoqué par l’alternance des extérieurs filmés en couleur et des intérieurs filmés en noir et blanc a pour cause un manque de moyens.
Progressivement, le tournage est devenu une histoire dans l’histoire qui ne devra rien ni à la technique ni au budget mais bien plus à la générosité des participants.
Comme le notera Lelouch en 1966 : “Le tournage de ce film lui aussi est une histoire de gens qui s’aiment. Et je sais que cela se verra sur l’écran”…
Sans parler de la complicité du ciel de Deauville qui a su fraternellement offrir la diversité de ses couleurs et de ses lumières.
Le film devra évidemment beaucoup à ses deux acteurs, Anouk Aimée, sublime, énigmatique, envoûtante… et Jean-Louis Trintignant, élégant, touchant, impliqué.
Une histoire d’amour à la fois simple et singulière ne pouvait faire l’impasse sur ses représentants.
Claude Lelouch a écrit le scénario en pensant à Trintignant.
Pour le rôle d’Anne, il évoqua Romy Schneider, puis Annie Girardot après un différend avec Anouk Aimée (elle refusait de tourner la scène sur le bateau).
Rapidement, le tournage annonça une entente loin de toutes les espérances et l’harmonie que révéla ce couple a engendré le mythe.
Le film, attaché à l’humain, traite de deux thèmes fondamentaux : l’amour et la mort.
Coureur automobile, Jean-Louis Duroc conduit une Mustang qui brise les distances et enchaîne les allers-retours entre Paris et Deauville.
Décidé à vivre pleinement, il est apte à s’investir dans le futur malgré le tragique décès de sa femme.
Anne est le symbole même d’un passé persistant.
Rivée à l’image englobante de son défunt mari, inconsolable, elle restera rivée à ses souvenirs étouffants.
Malgré cette dichotomie face au réel, ils s’aiment pour une raison simple : ils parlent le même langage, celui de la mort et du deuil.
L’histoire dans l’histoire est aussi technique.
Les deux acteurs ne connaissent que le matin le contenu du scénario.
Quant aux dialogues, Lelouch n’en donne que des fragments afin de préserver la spontanéité de l’improvisation.
Chaque plan connaît ses événements, rien n’est jamais figé.
Décidé à tourner une course de voitures, malgré la contrainte financière, il accepte la proposition du jeune patron de Ford de participer effectivement au rallye de Monte-Carlo.
Assis à l’arrière de la Mustang blanche, armé d’une caméra 16 mm, il filmera la totalité de la course avec Jean-Louis Trintignant au volant.
Enfin, il y a la complicité immédiate avec son futur ami Francis Lai qui aboutira à la genèse de la musique du film. Des mélodies et des voix (celle de Nicole Croisille) qui tout autant que les images participeront à l’émotion et au charme de ce film.
En 1986, sort dans les salles la suite inattendue d’un homme et une femme.
Était-il possible d’imaginer une fin à une histoire qui reposait sur l’absence de dénouement ?
Serait-elle à la hauteur de son aînée ?
La réponse fut évidemment négative.
Lelouch lui-même reconnaissait avec le recul, les raisons objectives d’une suite improbable.
Il en retenait une, frappante : les conditions de tournage.
Un homme et une femme est un pur produit d’un contexte contingent, de la sensibilité, de l’imagination, de l’improvisation, de la précarité technique et financière, de l’équivoque et de la simplicité.
Au contraire, Vingt ans déjà fut réalisé dans le confort d’une profusion technologique et d’un budget colossal.
Or, comme l’a noté Claude Lelouch : “Toute la technologie bouffe l’humain. Et ce que préfère le public dans un film c’est l’humain, les yeux d’un homme et d’une femme”…
Loin pourtant de bouder le film, il a su en capter la scène la plus sincère, comme un hommage à son aîné : celle des retrouvailles, au restaurant, d’Anouk Aimée et de Jean-Louis Trintignant.
Il avouera d’ailleurs : “Si j’avais été producteur de ce film, j’aurais écrit un dialogue d’une heure et demie à table, au restaurant”…
A la tombée de la nuit, un jeune couple persiste sur le sable de Deauville.
Il court à la rencontre d’une mer lointaine trahie par le bruissement des vagues.
De retour sur les planches, l’homme tente maladroitement d’avouer son amour à sa bien-aimée.
Passant devant une plaque où est inscrit “rue Claude Lelouch”, il entend une voix douce et sensuelle lui susurrer ces mots tendres : “Une femme qui vous écrit sur un télégramme ‘Je vous aime’, on peut aller chez elle. Oh ! Oui, je vais chez elle, pourquoi pas ? Alors, je vais chez elle”…