1968-1982 Corvette C3…
La Corvette, qui prend en 1968 le relais de la Sting Ray de Bill Mitchell, se caractérise par un design entièrement nouveau.
De ce point de vue, elle ne fait pas mentir la publicité de l’époque qui la présente, non sans exagération, comme “all different, all over”…
Très inspirée du dream car Mako Shark II de 1965 au faciès de requin, la ligne apparaît aussi sobre que suggestive.
Outre ses arêtes tranchantes qui en soulignent l’agressivité, elle se singularise par sa longue forme de fuseau étranglée au niveau de l’habitacle, une trouvaille stylistique qui confère beaucoup de chien à la silhouette.
On la louera pour la taille de guêpe qu’elle donne à la voiture, à moins d’y voir une similitude formelle avec une bouteille de Coca-Cola…
De même, on remarquera la ceinture de caisse incurvée au niveau des portes, dont les vitres sont dépourvues d’encadrement.
Le long capot se termine par un visage aveugle au futurisme menaçant (les phares sont escamotables), alors que la calandre, timide malgré sa grande gueule, reste abritée sous le pare-chocs.
Prolongée par deux dérives latérales encadrant la lunette arrière, la custode vient mourir sur une poupe particulièrement racée.
Quant aux pare-chocs chromés, ils confèrent à la voiture un charme incomparable, dont seront dépourvues les versions ultérieures.
La Corvette est disponible en coupé et cabriolet, ce dernier représentant les deux tiers de la production en 1968.
Mais cette tendance s’inversera dès l’année suivante, avant le retrait qui interviendra en juillet 1975.
Quant au coupé T-Top, il présente une formule originale à toit amovible en deux parties, avec armature médiane et vitre arrière démontable.
Toujours en fibre de verre — une particularité qui remonte à la naissance du modèle en 1953 —, la carrosserie se signale également par sa quasi-absence de coffre à bagages.
En 1969, l’appellation Stingray, réapparaît sur la voiture, mais en un seul mot, tandis qu’intervient l’année suivante une modification mineure, avec une grille de calandre habillée de chromes.
C’est en 1973 que la nouvelle Corvette subit sa première retouche esthétique.
Elle concerne la face avant, où les pare-chocs chromés s’effacent au profit d’un bouclier en plastique déformable et teinté dans la même nuance que la carrosserie.
La poupe attendra un an avant de subir un traitement similaire.
Le profil convexe de son bouclier en polyuréthane dessinera alors une face arrière très dépouillée, dont les quatre phares ronds constitueront le seul ornement.
La carrosserie connaîtra en 1978 une seconde évolution, qui affectera cette fois la custode.
C’en sera fini des panneaux de style arc-boutant, remplacés par une bulle transformant l’arrière de la voiture en fastback.
Une manière peu coûteuse de rajeunir l’aspect de la Corvette pour le 25ème anniversaire du lancement du modèle.
Du reste, à cette occasion, une édition spéciale Silver Anniversary est commercialisée, qui se distingue par sa peinture argent métallisé.
Toujours en 1978, est produite une réplique de la Pace Car Indy de l’année.
Pourvue d’une peinture deux tons, noir et argent, ainsi que d’appendices aérodynamiques à l’avant comme à l’arrière (spoiler et becquet), elle sera diffusée à 6.502 exemplaires.
Pour satisfaire aux normes d’économie de carburant, la Corvette subit en 1980 une sévère cure d’amaigrissement qui lui fait perdre 113 kg grâce au recours à des matériaux synthétiques et à l’aluminium.
Cette préoccupation amènera même les ingénieurs à monter, en 1981, un ressort de suspension arrière en matériau composite, en lieu et place des lames en acier.
Quelques retouches de style sont encore apportées à la face avant, désormais inclinée et dont la calandre se trouve réduite à deux prises d’air étroites.
A l’image du Pace Car Indy, elle incorpore un spoiler, alors qu’un becquet prend place sur la poupe.
Après avoir fêté la sortie de la millionième Corvette en 1981, la fin de la cinquième génération de la Corvette est saluée, l’année suivante, par une nouvelle série limitée.
La Collector Edition, dont la bulle relevable apparaît comme la caractéristique la plus intéressante, est présentée dans une livrée en dégradé de couleurs, elle se voit également dotée de belles roues à ailettes en alliage.
Produite à 6.759 exemplaires, elle est la première Corvette à dépasser les 20.000 $.
Par ailleurs, et indépendamment des versions spéciales, la Corvette sera équipée de 1968 à 1982 de roues standard en tôle (15 pouces) baptisées Rallye.
Les roues en aluminium apparaîtront en option en 1973, mais ne seront réellement diffusées qu’en 1976.
Relativement rustique, et d’une finition témoignant du caractère de grande série de la voiture, l’intérieur évoluera vers plus de confort.
S’inspirant de ceux qui équipent la réplique du Pace Car Indy, les sièges seront modifiés en 1979, leur articulation étant déplacée au milieu du dossier.
L’équipement de la Corvette fait l’objet d’une importante liste d’options, au nombre desquelles figurent la direction assistée, le servofrein, la colonne de direction réglable, les lève-vitres électriques, la climatisation, la fermeture centralisée des portes et l’installation stéréo.
La plupart d’entre elles seront cependant intégrées à l’équipement de série à partir de 1976.
L’année suivante, une nouvelle console apparaît (intégrant les commandes de chauffage et de l’air conditionné), tandis que le volant est reculé de cinq centimètres pour un meilleur confort de conduite.
Et la sellerie en cuir fait maintenant partie de l’équipement standard.
L’habitacle est profondément remanié en 1978.
Le nouveau tableau de bord offre un style plus conventionnel que l’ancien et somme toute plus banal.
Progressivement, la voiture s’embourgeoise (le cruise control a fait son entrée sur la liste des options en 1977) et l’accent est mis sur le confort.
La Corvette ne manque pas de chevaux, elle dispose même d’une “pocketful of horses”, comme le souligne Prince dans le refrain de sa chanson Little Red Corvette.
Du moins, cela est-il vrai pour le début de la période considérée, car les choses vont ensuite se gâter…
Quatre cylindrées de V8 GM seront utilisées entre 1968 et 1982 : les small blocks de 327 ci (5360 cm3) et 350 ci (5736 cm3), ainsi que les big blocks de 427 ci (6998 cm3) et 454 ci (7441 cm3), qui seront produits jusqu’en 1974.
Motorisation de base, le 327 ci (en versions de 300 ch et 350 ch) est remplacé dès 1969 par le 350 ci, dont les puissances sont identiques. Constituant en quelque sorte la monte standard de la voiture, ce dernier sera de loin le plus utilisé.
Quant au big block de 427 ci., seul en piste en 1968, il offre de 390 ch à 435 ch selon les versions.
Il sera remplacé en 1970 par le nouveau 454 ci, dont la puissance s’étagera de 390 ch à 460 ch.
Tout au long de la période, c’est une palette considérable de versions qui sera proposée à l’acheteur, qu’il s’agisse de montes standard ou de versions offertes en option.
Pratiquement chaque année apportera sa nouveauté…
A titre d’exemple, 1970 verra les débuts du moteur LT1 de 350 ci à poussoirs mécaniques, dont la puissance atteint 370 ch.
Ces moteurs sont équipés de carburateurs Rochester ou Holley, pour les plus puissants d’entre eux.
Quant à la transmission, l’option Powerglide de l’ancien modèle est remplacée en 1968 par la transmission Turbo Hydramatic à trois rapports.
Elle coexiste avec la boîte mécanique M22 à quatre rapports jusqu’à la suppression de cette dernière en 1982, année où la Turbo Hydramatic reçoit une surmultipliée qui en fait une boîte à quatre vitesses.
En 1972, intervient une rupture importante dans la carrière mécanique de la Corvette.
Les normes fédérales anti-pollution entraînent en effet la réduction de la puissance sur tous les modèles.
Trois moteurs sont alors proposés : le L 48 développant 200 ch, le LT1 de 255 ch et le LS 5 de 454 ci et 270 ch.
Toutefois, il convient de se méfier des approximations en cette matière.
Car une réforme est intervenue la même année dans le calcul américain de la puissance, qui a remplacé les gross SAE par les net SAE, calculés en sortie de boîte.
D’où des différences plus importantes sur le papier qu’en réalité.
Le déficit de puissance n’en est pas moins réel et le pire sera atteint en1975 avec l’introduction du pot catalytique.
Le 350 ci ne développe plus que 165 ch ou 205 ch en fonction du type de carburateur (Rochester).
La situation s’améliorera très légèrement l’année suivante, avec 180 ch et 210 ch.
Mais il faudra attendre 1979 pour voir remonter la puissance du L48 (monte standard) à 195 ch et celle du L82 (optionnel) à 225 ch.
A la recherche tout à la fois de chevaux et de moyens propres à économiser le carburant, Chevrolet réintroduit un système d’injection sur le moteur Cross Fire en 1982, soit après 17 ans d’interruption.
Mais la technique a beaucoup évolué depuis l’époque 1957-1965.
Il s’agit maintenant d’une injection électronique multipoints à double régulateur, gérée par ordinateur.
Le gain de puissance s’élève à 10 ch par rapport à l’année précédente (200 ch).
La Corvette a ainsi durement subi le contre-coup des lois fédérales antipollution.
Pour autant, cette période, crépusculaire au plan de la puissance, n’a en rien freiné la diffusion du modèle.
Bien au contraire, avec une production de 542.861 exemplaires en quinze années de carrière, dont 70.586 cabriolets, la Corvette de cinquième génération a connu un succès commercial très supérieur à celui de ses aînées, le record absolu de diffusion sur un an ayant été atteint en 1979 avec 53.807 unités.
A la différence des premiers modèles sortis entre 1953 et 1962, et dans une moindre mesure de la Sting Ray, l’image de la Corvette de la génération 1968 souffre d’un déficit de crédibilité.
Voiture de grande diffusion, elle ne peut guère se prévaloir d’un raffinement qu’elle n’a pas et sa finition laisse quelque peu à désirer.
De plus, son caractère démonstratif est souvent assimilé à un souci de paraître, qui peut se révéler inversement proportionnel à la hauteur du compte en banque de son propriétaire.
Une connotation sociologique qui cause un préjudice certain à la voiture.
Elle lui vaut d’être méprisée par certains, qui ne la reconnaissent pas digne de figurer dans la collection d’un honnête homme.
Il conviendrait sans doute de faire un effort sur soi pour la regarder avec des yeux neufs.
Par exemple, l’imaginer décorée d’un Cavallino Rampante !
Cela contribuerait sans doute à faire changer son statut…
Quoi qu’il en soit, l’agrément de son moteur et son superbe design, moderne et épuré, mérite bien mieux que l’ostracisme qui la frappe.
Le premier des conseils est de ne pas acheter une voiture par correspondance.
Si ce principe peut paraître élémentaire, il semble toutefois utile de le rappeler, la sagesse n’ayant pas toujours prévalu dans ce domaine, particulièrement en ce qui concerne les voitures américaines.
Le collectionneur se proposant d’acquérir une Corvette en commencera l’inspection par le châssis, dont il recherchera le cas échéant des traces de chocs.
Les parties les plus fréquemment touchés en pareil cas sont, à l’avant, la traverse ainsi que les coudes des longerons.
La corrosion attaque fréquemment les points de fixation du train avant, de même que la traverse du support de radiateur, la condensation causée par le condenseur de climatisation en étant la responsable.
Il faut alors changer tout le support qui présente la forme d’un cadre, et la réparation coûte cher…
Réalisée en fibre de verre, la carrosserie n’est pas sujette à la corrosion.
Pour autant, on prendra soin de passer la main dans les passages de roues pour vérifier que la coque n’a pas fait l’objet de réparations.
Si tel est le cas, cela signifie que le châssis a pu, lui aussi, subir un choc !
Si les pieds de pare-brise sont souvent corrodés, cet inconvénient ne paraît pas très grave, car il n’affecte pas la structure de la voiture.
Du reste, ce défaut est quasiment irréparable.
Quant aux lève-phares pneumatiques actionnées par la dépression du moteur, leur réfection s’avère des plus coûteuses.
L’état de conservation de l’intérieur revêt une importance toute particulière car la finition de grande série qui caractérise l’habitacle apparaît d’une solidité très relative et les pièces s’y rapportant — disponibles par ailleurs à 95% — s’avèrent fort chères à l’achat.
Sur le cabriolet, on s’assurera que l’armature de la capote ne manque pas, car son prix se révèle prohibitif !
Les V8 GM sont des mécaniques conventionnelles et simples, dont la fiabilité constitue un atout important. A l’instar de la plupart des V8 d’outre-Atlantique, ils souffrent cependant de la contenance insuffisante de leurs carters d’huile eu égard à leurs cylindrées.
Ainsi, le circuit de lubrification du 5,7 litres ne contient que 4 litres et celui du 7 litres ne dépasse pas les 4,5 litres !
Il est donc très important de contrôler régulièrement le niveau, surtout quand on sait que 0,7 litre seulement sépare, sur la jauge, le minimum du maximum.
En règle générale, on évitera les hauts régimes prolongés et l’on procédera régulièrement à la vidange (tous les 7.000 kilomètres) pour laquelle une huile semi-synthétique suffit.
Il est également possible de monter un carter plus gros ainsi qu’un radiateur d’huile.
Quant au réglage de la carburation, il ne doit pas être trop riche (c’est souvent le cas en pratique) au risque de lessiver les cylindres.
Le moteur Cross Fire à injection, monté en 1982, souffre d’une mauvaise réputation qui paraît peu justifiée.
Cette mécanique tourne en réalité fort bien, et les problèmes qu’il a pu connaître tiennent le plus souvent à une défaillance du faisceau électrique.
Ainsi, l’alarme peut se trouver à l’origine d’un dérèglement du système d’injection !
Très sollicité sur le 350 ci, l’axe de pompe à eau constitue une pièce fragile (surtout à partir de 1976) car il entraîne en même temps l’alternateur, la pompe de la direction assistée, la climatisation et la pompe à air du système anti-pollution !
Prendre garde également aux courroies qui ont une fâcheuse tendance à sauter.
Vérifier aussi la poulie du moteur qui sert d’amortisseur aux vibrations.
En s’usant, elle peut se désolidariser de son logement et venir frotter sur le carter.
Dans ce cas, l’intervention mécanique s’avère coûteuse en main d’œuvre.
D’une manière générale, et compte tenu du prix très raisonnable d’un bloc embiellé neuf, mieux vaut changer un moteur qu’avoir un intérieur à refaire !
Même si cela choque certains collectionneurs américains, scrupuleusement soucieux des matching numbers (correspondance entre le numéro du moteur et celui du châssis), une caractéristique qui, aux Etats-Unis, valorise grandement une Corvette.
Les boîtes GM sont réputées pour leur robustesse, qu’elles soient automatiques ou manuelles.
Dans ce dernier cas, il importe de faire attention au jeu que prend volontiers la tringlerie et qui vous fait passer deux vitesses en même temps (la première et la troisième en particulier) !
Se méfier également de la première boîte automatique à quatre rapports apparue en 1982, qui connaît quelques problèmes de fiabilité.
Mal entretenus, les exemplaires en provenance des Etats-Unis présentent généralement une suspension usée, dont il sera nécessaire de remplacer les éléments.
On pourra en profiter pour durcir la suspension afin d’améliorer la tenue de route de la voiture en remplaçant les amortisseurs AC Delco par des Koni ou des Bilstein, et en substituant des bagues en polyuréthane, plus rigides, aux silentblocs en caoutchouc fixés sur les trains avant et arrière.
Il est également conseillé de monter une barre stabilisatrice à l’arrière sur les small blocks.
D’autre part, il est utile, afin de compenser la faiblesse de la batterie, de monter un coupe-circuit.
Pour ce qui est des freins à pistons flottants, ils se corrodent avec l’âge et ont alors tendance à fuir.
On les remplacera avantageusement par des étriers en inox, même si la réparation s’avère coûteuse (au moins 1.000€ de pièces).
La Corvette est une mangeuse d’embrayage.
Avec un moteur de 350 ci et selon le style de conduite, celui-ci peut tenir jusqu’à 20.000 kilomètres.
Mais si la voiture est animée par un big block, la longévité de l’embrayage se limitera à 6.000 kilomètres !
Il faut savoir que sa réfection revient à environ 800€…
Quant aux pneus, leur espérance de vie atteint 15.000 à 20.000 kilomètres dans le meilleur des cas.
Photos : © Alexandra De Bruyne