Connaissez-vous l’Homme en slip, ce héros du cinéma turc capable de soulever les rochers en polystyrène avec des gants de boxe en amiante ?
Pour des questions de bonne morale religieuse, ses films ne sont plus disponibles car ils faisaient bander le public de rire !
Et Farid El Atrach, le super héros des Égyptiens et de la sérénade…, vous connaissez ?
Il faut l’avoir vu une fois dans sa vie, mais une fois seulement, au risque de mourir de rire !
Pourtant, l’Orient n’a pas le monopole des plus mauvais films du monde.
En France aussi, parmi les chefs-d’œuvre sucrés franchouillards, Paroles et musique où Catherine Deneuve se trémoussait sur la pop bubble-gum de Michel Legrand, valait aussi le détour !
Le climax du genre étant atteint dans l’inoubliable I Pescati di Madame Bovary, avec les seins d’Edwige Fenech bondissant de sa nuisette, poussant un gamin lubrique qui faisait semblant de manger du pop-corn, le nez plongé dans le décolleté affolant de la belle Edwige, à se masturber les yeux grands ouverts sur les appâts de cette gloire féminine du cinéma spaghetti.
A vous-mêmes, chers tousses qui lisez ceci, d’improviser les râles de plaisir !
Ah, la douche froide !
Arghhh, quelle déception !
Pourquoi débuter cet article avec de telles anecdotes ?
Simple, parce que ces acteurs, actrices, vedettes et starlettes ont en commun d’avoir tourné dans des nanars d’envergure planétaire…, mais aussi parce ces gens ont été propriétaires à un moment donné de leur vie, d’une Marcos Mantis…
300% débile, laide jusqu’à l’horrible…, mais “top hype” et phénomène dingo-alléchant précédé d’un buzz hyper favorable de l’autre côté du Gulf Stream (la presse automobile américaine s’est pâmée de plaisir à l’essayer), cet engin avait tout du vrai (faux) cool-project qui fait pourtant très vite débander (au bout de dix minutes à peine à son volant on sent la lose pointer ses gros naseaux).
Ça ne décolle pas coté mécanique, tout est naze, inconsistant au possible, et on s’ennuie ferme en regardant le paysage pour passer le temps (beaucoup trop long, le temps).
Le moteur est creux, jamais incandescent, le bruit de l’échappement n’est jamais poignant.
Du coup, après l’essai qui est une torture, l’après-séparation est similaire à une impasse sentimentale ; en clair, on s’en fout pas mal malgré que repassent en tête les séquences cauchemardesques, les temporalités existentielles et diverses pensées qui se télescopent et s’entrecroisent, formant un patchwork électrique aboutissant à un désordre mental qui vire au “very bad trip” !
Esthétiquement nulle, très grindhouse et cultivant un côté artisanal à la gloire de la précarité, la Marcos Mantis version routière (car il existe aussi une version course), affiche un look “arty” pathétique et cheap raté qui rappelle quelques œuvres du même acabit, genre Mad Max… et le nullissime (y a-t-il d’autres mots ?) Boulevard de la mort.
La Marcos Mantis, c’est de la glande pré-post-clash à deux balles.
Vraiment dommage qu’elle manque à ce point de panache ; dommage pour ce joyeux bordel au look chiadé ; dommage aussi pour ces êtres paumés quoiqu’attachants… qui en ont acheté un exemplaire au sortir d’une nuit de beuveries… et qui pour s’en séparer ne peuvent que se crasher en beauté comme la scie des bals populaires, ce chanteur à midinettes des thés dansants de la Queue-du-Bois, qu’était Claude François, la caricature des stars à paillettes.
Ce faux yé-yé qui a fait pleurer tous les transistors…, ce sex-symbol qui papillonnait en mocassins à talonnettes parmi un essaim de Clodettes en string sous les boules à facettes du disco… s’était en effet allé à acquérir un exemplaire de cette voiture.
Entré dans la légende pour avoir réussi à faire péter les plombs en sautillant dans sa baignoire…, ce chanteur de salle-de-bain qui aura vendu plus d’albums mort que vivant…, cette statue sans cœur taillée dans un costume électrique…, ce maniaque du succès populaire que toutes les Martine de France rêvaient de tenir la main…, ce drôle de KoKo, comme il se faisait appeler à ses débuts, qui leur a même fait danser le twist égyptien…, cette icône satinée, collectionnait les plus belles femmes du monde.
Il avait sa propre agence de mannequins : Girls Models… et son magazine de charme personnel : Absolu…, mais démaquillée, son histoire n’était pas toujours belle, belle, belle…, car tout à l’opposé, son choix pour les automobiles, était plus que navrant…, une Ferrari 250 gris terne, une Thunderbird blanchâtre et… une Marcos Mantis dorée rachetée à l’amant de Catherine Deneuve !
Elle a surtout symbolisé la descente aux enfers d’une marque qui s’acheva par un naufrage !
Fossoyeuse de sa propre lignée, la Marcos Mantis a donné au design britannique une fraîcheur toute légumière dans la catégorie primeur !
Pour clore définitivement son cas, de l’aveu même d’un ancien fossoyeur dirigeant d’Austin-Morris, Ray Horrocks : “Elle ressemblait à un oeuf pourri et était chère à fabriquer ! A postériori, les esprits facétieux en ont pourtant fait une star malgré elle”…
Au pays de l’humour caustique et des paris débiles, la Marcos Mantis avait tout pour devenir une icône !
Entre autres détails mémorables, il y a bien sûr cette face de topinambour que des enfants peu doués auraient tenté d’humaniser pour Halloween sans parvenir à esquisser autre chose qu’une expression à la profondeur bovine.
Tout aussi incontournable, la ligne sans queue ni tête est son attribut définitivement “culte” qui lui confère un indéniable statut de collector.
Mon cœur balance cependant en faveur de l’exécution “Sport Racing”…
Non contents d’avoir accouché d’une citrouille, les ingénieurs de chez Marcos ont voulu en faire un carrosse de course.
Et quel carrosse !
On ne sait si la face du monde eut été changée si le nez avait été moins drolatique, mais dans tous les cas de figure, pareil engin donnait à son conducteur un autre point de vue sur les voitures de luxe, avachi au fond de son siège au raz du bitume, le buste recroquevillé sur le volant plus horizontal que vertical et les jambes écartées.
A une époque où les préoccupation aérodynamiques et sécuritaires semblaient avoir eu définitivement raison des ornementations les plus fantaisistes, il fallait oser une ligne “carrée à facettes” préfigurant les avions furtifs…, à ce point ostentatoire, surannée et inutile, extrapolée de la voiture de monsieur et madame Smith.
Certes, il s’agissait de rendre le kitsch fashionable… et d’élever le has been au rang de must tout en faisant de l’anachronisme un art de vivre…
Les amateurs de décalage ont ainsi, sans doute, trouvé là leur carrosse, car “la bagnole” confère toujours un fort pouvoir d’attraction sexuelle à son propriétaire.
Alors que les inamovibles Ferrari et Lambo continuaient en cette époque d’exalter le degré d’hydrométrie féminine, la Marcos Mantis était un tue-l’amour, un camouflet au bon goût…
C’était bien la peine de débaucher un designer et de s’échiner à insuffler de l’auto-émotion à une voiture au mieux méconnue qui, même à la casse ou abandonnée au fond d’un bois, continue de mettre à mal l’image de Marcos.
Comme la rumeur, la Marcos Mantis s’est répandue tel un microbe dans les mauvaises blagues et les on-dit…, le spectre de sa silhouette continuant à épouvanter les clients potentiels.
Incendie, broyage, immersion, fusion…, les remèdes les plus radicaux n’ont rien donné contre elle.
Le fléau est resté à la hauteur du traumatisme ressenti à l’époque par les sujets exposés au virus.
Souvenez-vous des premières intrusions de Marcos sur divers circuits.
Il ne s’agissait alors que d’une sous-espèce de Kit-Car dégénéré, pourvu d’un antique moteur à arbre à came latéral et d’un essieu arrière rudimentaire qui équipait les automobiles du bloc de l’Est.
Bien que présentant le même aspect de sac à main géant, la Marcos n’en attirait pas pour autant la même sympathie chez les ménagères et les étudiants fauchés…, ce que les illettrés de la technique n’étaient pas sensés soupçonner en voyant dépasser les barres semi-elliptiques des bas de caisse.
Le pays du nonsense est friand de hit-parades, à fortiori frapadingues.
Nous touchons là une institution aussi respectée que les top ten du Time magazine.
Et l’imagination de nos faux-amis anglais n’a guère de limite lorsqu’il s’agit de dégoter le plus improbable classement : palmarès des présentateurs télé les plus mal habillés, du plus gros suicide politique de l’année ou de la plus rapide voiture de gogo.
Les prétendantes ne manquent cependant pas et après de longues et fastidieuses recherches et toutes les peines du monde à départager l’hideuse Alfa SZ de la bigleuse Morgan Aero 8…, la perle, c’est la Marcos, artisan groupusculaire issu d’un pays où il suffit d’avoir un garage au fond du jardin pour s’improviser constructeur automobile.
Bizarrement, aucun esprit suffisamment tordu n’a encore attribué le grand prix de la plus rapide mocheté automobile… pourtant cette minuscule firme avait déjà créé nombre d’horreurs en kit telles la célèbre Mini Marcos que seul un excellent rapport prix/jouabilité avait érigé au rang d’objet culte…, mais la monstruosité de trop, fut le coupé 2+2 lancé en 1971, la Mantis, en référence à la monoplace éponyme de 1966 et à la mante religieuse…, sans doute parce que l’on ne retrouve semblable repoussoir que dans le monde des insectes.
L’espèce de carapace en fibre de verre repose sur un imbroglio d’éléments mécaniques péchés chez Triumph et Ford UK, la propulsion du monstre étant assurée par un six cylindres en ligne de 2,5l et 150 chevaux d’origine Triumph TR6 PI.
Marcos annonçait 193 km/h en pointe, une bonne performance dans l’absolu, mais il y a l’art et la manière d’y parvenir… On a beau tourner autour, aucun angle de vue ne la sert.
Je recommande aux esthétes par trop sensibles de fuir tout contact visuel avec la chose, car la Marcos Mantis frappe l’oeil plus qu’elle ne le flatte.
D’ordinaire, les stylistes ne font pas exprès de râter leurs oeuvres, mais l’auteur de la Mantis, Denis Adams, est un génie à sa manière : un avant plongeant brutalement, des phares aussi discrètement intégrés qu’une verrue faciale, une ligne de caisse ridiculement chaloupée, un porte-à-faux arrière à la Moby-Dick et des roulettes rase-motte…, chaque élément de ce puzzle disparate tutoyant l’effroyable.
La Mantis ne fut produite qu’à 32 exemplaires seulement, dont quelques exemplaires furent vendus aux personnalités citées en début de cet article…
Un six cylindres Volvo devait remplacer le Triumph en vue d’une exportation outre-Atlantique.
Allez savoir pourquoi Marcos fut mis en liquidation judiciaire un an après son lancement !
Mais ne jetez pas la pierre à Dennis Adams, sa Mantis tient du chef d’œuvre, car elle est génialement moche au point d’en être désirable.
Peut-être parce que la laideur a ceci de supérieur à la beauté : elle dure…
Lancée an 1968, l’année ou la marque va sombrer en faillite, cette dernière était l’auto la plus ambitieuse jamais réalisée par le petit constructeur anglais, dans un but bien précis : participer la même année aux 24h du Mans.
Par contre, il y a eu peu de voitures à concilier ligne aussi étrange et destin aussi météorique que la Marcos Mantis XP…, la version “course” de la Marcos Mantis…
Il n’en sera rien.
Voici le parcours de cette étrange auto.
Inconstance du crayon de Dennis, l’autre Mantis, de route cette fois, que beaucoup considèrent comme la plus laide voiture de l’histoire automobile.
C’est Dennis Adams, le designer maison, qui signera la ligne de la Mantis XP, en s’inspirant visiblement beaucoup des barquettes Probe sur lesquelles il travaillait à la même époque.
Les deux détails les plus marquants de cette ligne sont bien sur les larges surfaces en plexiglas : les portières en sont par exemple entièrement constituées (ce qui se révélera désastreux)… et l’interminable capot avant ultra-effilé.
Pour la petite histoire celui-ci renferme un cofre à bagage dans le porte-à-faux avant, subtilité visant à contourner une des nombreuses aberrations du règlement de l’ACO.
À noter que Dennis Adams n’était pas du tout satisfait avec le résultat final : il souhaitait que le toit bascule d’un seul tenant pour accéder à son bord.
Sous le capot on retrouve un V8 Brabham-Repco de Formule 1, en lieu et place du BRM choisi au début, mais trop cher…, de quoi assurer à l’auto des performances plus que “suffisantes”… à noter que la cellule centrale est, comme sur les autres Marcos d’alors, en contreplaqué.
Engagée pour sa première et unique course aux 1000 km de Spa en 1968, ce sera un fiasco total.
La voiture n’arrivera sur place que le dernier des trois jours d’essais, alors qu’aucun des deux pilotes ne l’avait encore jamais conduite.
D’ailleurs l’un d’eux renoncera et c’est Jem Marsch, co-fondateur de la marque qui prendra le volant, avec Eddie Nelson.
La voiture est ensuite repartie dernière, réussissant à remonter à la 21 ème place, puis elle est partie en tête à queue à la Source, a reperdu 5 places, en a regagné 3 avant d’abandonner : l’alternateur inondé provoquait des ratés et l’on craignait de perdre le précieux moteur.
Problème supplémentaire, le jour de la course s’est abattu une pluie d’une intensité rare…, la voiture dont les portes en plexiglas n’avaient pas de joints, fut complètement inondée dès le premier tour de course… et du s’arrêter… pour que l’on puisse percer un trou d’évacuation dans sa coque !
Jem remplacera le moteur par un V8 Buick bien plus économique et utilisera un temps l’auto sur route ouverte (!) avant de s’en débarrasser de l’autre côté de l’Atlantique.
Comme en mai 1968, en France, les étudiants faisaient la révolution, les 24h du Mans ont été reportées à septembre, beaucoup trop tard pour la firme Marcos qui, au bord de la faillite, a décidé de jeter l’éponge.
La voiture est aujourd’hui en Californie ou elle a été récemment entièrement restaurée pour être présentée au Festival de Goodwood ou le photos ont été prises.
Depuis elle participe à de nombreux événements historiques, pour le plus grand plaisir des fans de Marcos. L’occasion d’enfin la faire courir…, mais elle ne gagne jamais rien !