1968 Molzon Concept Corsa GT38…
Vous me connaissez, je n’ai jamais eu peur de rien, j’ai entendu siffler pas mal de dialogues débiles à mes oreilles…, il m’est même arrivé de ne pas les entendre passer…, pour la bonne raison que des effets foireux m’avaient intercepté au vol…
Je me suis également bagarré avec des margoulins plus colosses que celui de l’île de Rhodes… et j’ai pris des gnons visuels…, sans jamais connaître le sentiment de la peur.
On m’a fait tous les coups tordus imaginables, celui de la voiture atomique à 6 roues, les fausses Ferrari bricolées aux Philippines, les autos de “Mad Max” bidons…, diverses arnaques (surtout dans les shows et les ventes aux enchères), et toujours sans m’arracher un cri ni un mot…, c’est à peine si je perdais le sourire…
Pourtant…, aujourd’hui, j’éprouve un sentiment diffus de haine et de tendresse mêlés de rage en cause d’une poignée de personnages tous plus stéréotypés les uns que les autres, se retrouvant pour les obsèques d’un des leurs…., ils s’étaient quittés après leurs folles années d’études… et que sont leurs beaux rêves devenus.
C’est Steve Blankett, un journaliste de presse people, conspirationniste benêt, yuppie revendeur d’ecstasy, comédien de soap opéra…, ancien ado attardé échappé d’un “Friends” de seconde zone ayant troqué ses idéaux de gloire et d’absolu pour une réussite matérielle minable et frelatée…, qui m’a informé de l’existence de la Molzon Corsa GT38…, une automobile qui suinte le pathétique.
Le mec a de suite digressé sur les gonzesses qu’il aurait aimé sauter, plutôt que faire du journalisme automobile…, une scène surréaliste où il est parti dans des tirades du style : “Vous venez au monde un jour, respirant la vie, et le jour suivant vous n’êtes plus rien ! Pouf !”…
On devrait commencer à se méfier quand l’étude d’une bagnole démontre que personne y ayant participé n’est vraiment à sauver…, n’empêche que rapidement tout s’est compliqué de manière sournoise, du style : “Viens faire bécot que je te refile quelques infos en échange d’un paquet d’argent frais”, façon psychopathe “inarretable” qui veut absolument contaminer GatsbyOnline avec un article qui risque d’inciter les internautes à se barricader dans leur cave…
– Ecoute, Steve, cette bagnole n’a plus rien d’humain, ça fout les jetons !
– Il faut faire face à la réalité ! La patine du temps est l’élément qui permet d’apprécier l’engin, plus encore aujourd’hui qu’à son époque. Chaque décennie qu’elle a passé dans un box lui a fait gagner 50 ans plus tard un style immédiatement reconnaissable qui fait qu’on se met à la considérer d’un œil nouveau et attendri, teinté d’une nostalgie pour une époque aux allures de paradis perdu.
– C’est un phénomène qui commence à être particulièrement bien connu des amateurs de mauvaises automobiles sympathiques. Soyons clairs, ton cynisme n’est qu’un stéréotype. Cependant j’accepte de relativiser la crétinerie de cette chose qui affiche un second degré certain. Mais ce qui passe assez bien avec des beaufs par définition un peu “concons” et irresponsables, si la voiture présentée est franchement “surréalistement” laide … et quand les internautes sont des quadragénaires, voire plus… des cinquantenaires installés qui pensent d’abord avec leur braguette plutôt qu’avec leur tête et qui foncent tête baissée dans les situations les plus idiotes, là, on va droit dans le mur…
– Les vieux internautes ne sont pas totalement dupe de la débilité profonde de ce qu’ils voient et lisent… ils savent que tu arrives à grossir journalistiquement les traits, pour arriver à un résultat qui devient parfois décalé à force d’être improbable.
– En fait on sent que le créateur de cette Molzon, qui se nomme Molzon… a souffert de tout un tas d’errements au long de sa conception et a pris l’eau financièrement au fur du temps qui passe. Pourtant à la base on sent qu’on n’évolue pas dans un style totalement fauché mais plutôt confortable… On a parfois l’impression que cette Molzon a été conçue sérieusement au départ; le concepteur faisant son taf comme ils pouvait avec le matos qu’il avait… puis que, soudain conscient de la vacuité de ce qu’il était en train de faire, il a lâché progressivement la bride et s’est mis consciemment à faire de plus en plus n’importe quoi. Ce qui pourrait expliquer pourquoi, s’il y a une certaine ambition au départ et la volonté de créer, on sent qu’à un certain moment il n’en a plus rien eu à faire de façon de plus en plus j’m’en-foutiste.
– Plus rien n’a d’importance.
– Ce n’est pas un final de chronique absurde et sortie de nulle part en guise d’explication qui va sauver l’ensemble, avec un grand fou derrière tout ça qui jaillit soudain pour venir débiter des explications misanthropes débiles du genre : “Les humains sont trop nuls, ils ne méritent pas de vivre, c’est pour cela que j’ai créé ma propre bagnole pour me venger du monde !”…en prenant des airs sardoniques…
– Cette voiture est un OVNI qui, avec le temps, ne cessera de se bonifier…
– Sans doute…, mais dès qu’elle amorcera son virage vers plus d’horreur encore, on va se prendre le mur avec un enthousiasme qui forcera le respect.
– On aurait tort de bouder son plaisir devant un résultat aussi hilarant…
La Molzon Concept Corsa GT38 est une voiture sportive, unique, bricolée et laide, créée puis développée par William Bill Molzon après avoir obtenu son B.S…, un diplôme en design industriel de l’Art Center Collège of Design de Los Angeles.
Ensuite il a réussi à se faire engager comme concepteur chez General Motors, ou il s’est fait remarquer comme visionnaire, déjanté et brouillon, ce qui lui a permis d’œuvrer en étroite collaboration avec Larry Shinoda sur certains des modèles les plus réussis dans l’histoire de Chevrolet.
Bien que son travail consommait l’écrasante majorité de son temps, il avait toujours le désir de créer une voiture qui était 100% de sa propre conception, c’est-à-dire sans la participation de la haute direction GM avec les restrictions journalières des employés-comptables, surnommés “les compteurs de haricots”…, donc, après ses “exploits”, William Bill Molzon a débuté son projet “Molzon Corsa GT38” en 1963 avec une ardoise vierge et un plan ambitieux.
Il était anxieux mais décidé, de savoir s’il pourrait concevoir et construire une voiture alliant une meilleure accélération que la Corvette la plus rapide…, l’économie de carburant d’un moteur Corvair…. et les capacités de manipulation (c’est un double-sens) raffinées d’une Lotus Seven si elle avait existé en version Coupé-Berlinetta.
Pour lui, il était clair dès le départ qu’il allait avoir besoin d’une voiture avec un châssis rigide et léger comportant une suspension indépendante à tous les coins (sic !), couplée à une carrosserie en fibre de verre.
Sa conception initiale présentait une forme en coin angulaire qui pré-datait les futures conceptions (similaires dans l’esprit) de Gandini et Giugiaro…, cependant William Bill Molzon a développé son design dans une forme beaucoup molle, un peu nouille courbée, affirmant au (rare) public éberlué…, que sa création offrait une aérodynamique nettement meilleure…
Le châssis a été conçu multitubulaire en zigzag…, utilisant principalement des tubes en acier de 1 pouce sur une longueur totale de 136 pouces comportant une sous-structure avant semi-monocoque…, l’empattement étant de 90 pouces, cette conception avait été développée secrètement alors que William Bill Molzon était encore étudiant à l’Art Center Collège of Design de Los Angeles… et il a même testé structurellement un modèle réduit de ce châssis dans le laboratoire de cet établissement.
La suspension avant est composée de bras triangulaires de longueurs inégales, avec les bras inférieurs constitués d’une entretoise transversale et d’un bras avant comportant une géométrie anti-plongée… et la suspension arrière est constituée de deux bras oscillants.
C’est un small Bloc 6 cylindres Chevrolet Corvair en aluminium léger, refroidit par air, préparé à 200 chevaux par Don Eichstaedt, un ancien pilote de course sur Corvair, qui motorise l’ensemble, avec une boîte/pont VW/Porsche 901.
Pour sculpter la carrosserie, William Bill Molzon a coupé une série de blocs de styromousse pour assortir toutes les sections de son dessin de développement, chaque pièce a ensuite été finie et rectifiée avant d’être scellée dans une mousse de polyuréthane, la voiture étant prête à l’été 1967.
Trois ans plus tard, en 1970 “Road & Track Magazine” a publié un article chantant les louanges de cet engin :
“La Molzon Concept Corsa GT38 de William Bill Molzon est maintenant complètement terminée, elle est rapide et agile (c’est un euphémisme), notre journaliste, habituellement cool, nous a avoué être estomaqué par son accélération et sa réactivité directionnelle au-delà de toute attente. Le fait que la voiture soit rapide ne devrait pas surprendre, elle pèse 1 100 lb et affiche 200 chevaux, ce qui lui donne un rapport poids-puissance qui embarrassera confortablement de nombreuses voitures de sport beaucoup plus modernes”…
William Bill Molzon a parqué sa voiture dans un box durant 50 ans, la voiture n’avait préalablement seulement parcouru que 950 miles, dont quelques-uns de ceux en compétitions d’autocross.
Au début de l’année 2017, à l’âge de 78 ans, il a décidé de vendre sa voiture, accompagné d’une copie originale du magazine Road & Track de 1970 et d’une centaine de factures pour les pièces utilisées pour créer la voiture, ainsi qu’une farde contenant ses notes manuscrites détaillant chaque processus de sa construction…