1969 Hot-Rod Red Baron…
Maintenant je comprends…, une illusion est un rêve éveillé, le prolongement d’une absurdité dont on ne soupçonne pas qu’elle n’est qu’un cauchemar menant au bout d’une voie sans issue.
Les chemins de traverses sont des sens interdits…, il n’y a pas de possibilité de revenir sur ses pas, sauf de devenir hors-la-loi, politiquement incorrect…, faute de quoi celui qui n’a pas le courage ou le temps d’envoyer le monde au diable, va tenter de supporter le plus longtemps possible son choix malheureux, picolant suffisamment pour contenir la souffrance liée à la déception et à la frustration… et ensuite, si ça fait encore mal, il croit en Dieu.
A fond la caisse.
Pied au plancher.
Un vrombissement apocalyptique, un grondement sourd…
Je longe les quartiers chics en banlieue d’une ville fantôme.
Pas de signe de vie.
Tout semble souligner l’infernal quotidien d’un futur s’annonçant inévitablement gauchi, mensonger et sans guère d’échappatoire.
Sans guère d’humanité…
L’ambiance me ravit, quasi-toutes les maisons ont leurs volets bouchés.
Je stoppe mon ébauche de réflexion en accélérant “à donf”, histoire de me filer une petite sueur froide.
Je suis maintenant un de ces assassins à quatre roues, “4-wheels motherfuckers“, comme on dit ici…, un outlaw !
Ok…, c’est parti..
Ma godasse droite soudain en plomb enclenche le kickdown et le Hot-Rod “Red Baron” s’arrache à la pesanteur matinale en hurlant.
Un coup de volant à gauche, je passe un beauf qui trainasse, limite accrochage, bien sûr, puisque qu’il tente un coup de volant meurtrier pour m’envoyer valser.
Le Rod s’enfile vingt-cinq litres d’essence pour l’occasion et le laisse sur place.
Salut et à jamais !
Je continue sur ma lancée, puis comme je ne distingue pas de mauvais signe dans le rétro, je lève le pied.
Le monde explose… et la vie est belle…
La vie ne doit pas être un voyage en aller simple vers la tombe, avec l’intention d’arriver en toute sécurité dans un joli corps bien conservé, mais plutôt une embardée dans les chemins de traverse, dans un nuage de fumée, de laquelle on ressort usé, épuisé, en proclamant bien fort : quelle virée !
Merci et à un de ces quatre.
Le fameux Hot-Rod “Red Baron” est toujours aussi fantastique aujourd’hui qu’il l’était à ses début en 1969 quand il a été conçu directement en tant que maquette en kit-à-coller par Tom Daniel pour compte de la société Monogram qui fabriquait alors des kits-maquettes en plastique.
C’était monnaie courante à cette époque, le public ne se formalisait alors pas d’aller visiter ces shows (aux entrées payantes) pour y voir quantité de Hot-Rods et Custom-Cars construits spécialement pour assurer la promotion des maquettes Monogram en kits plastiques.
C’est Chuck Miller de Styline-Customs qui a fabriqué le Hot-Rod en taille réelle, afin de mieux assurer les ventes des Kits Monogram, en exposant le “Red Baron”, dans tous les shows Customs organisés par Promotions-Inc…, car pour cet engin, contrairement aux autres délires venus en maquettes qui copiaient des voitures en taille 1/1…, le “Red Baron” 1/1 a été construit avant les maquettes !
C’est resté un véhicule totalement dingo avec ses mitrailleuses de chaque coté de l’habitacle et le moteur Pontiac 6 cylindres en ligne qui rappelle les mêmes styles de moteurs qui équipaient les avions de chasse d’alors…
Ce Hot-Rod n’a pas vieillit et les retouches qui y ont été faites avec subtilité ont récupéré les touches tout aussi “fun” que le “Red Baron” abordait tel qu’il était, si ce n’est en bémol, la croix de fer peinte sur le casque à pointe typique des régiments allemands de la guerre 1914/1918 qui, sur la version actuelle est mal positionnée.
Tom Daniel m’a dit : “Un matin le big-boss de Monogram me téléphone et me commande en urgence un Hot-Rod de type avion biplan… Imaginez ! Je pense, je pense…, rien… L’après midi je vais me promener sur la plage de Venice et je vois deux surfers porter un casque allemand chromé… et le soir je vois trois motards type Hells-Angels qui portent les mêmes casques allemand chromés, mais cette fois avec une pointe semblable à la décoration d’un sapin de Noël… Les casques allemands ont été adoptés en signe de rébellion par les Bikers, les surfeurs, et d’autres hors-la-loi culturels. Ed Roth a même vendu des répliques de ces casques à côté de ses T-shirts, via des annonces dans des magazines. Je cherche quelques jours plus tard dans des livres sur la guerre 14-18, Internet n’existait pas fin des années soixante… et je flashe sur le triplan du Baron Rouge… J’ai imaginé le toit en forme de casque à pointe, deux mitrailleuses semblables à celles des avions de chasse d’alors et divers rappels de la fameuse croix allemande… Pour le moteur, un V8 n’allait pas dans ce style, j’ai pensé à un 4 cylindres et c’est finalement un 6 en ligne que j’ai choisi, avec des échappements inspirés de ceux qui se trouvaient sur le triplan..
Tom Daniel a ainsi créé ce qui est devenu l’un des kits de maquettes-à-coller les plus populaires dans l’histoire de la modélisation, aucun enfant ne pouvait résister à ce casque chromé géant, aux mitrailleuses de chaque côté du capot, ou au puissant moteur en ligne avec ses trompettes de carbus, le même genre de moteur que celui qui alimentait le Fokker triplan Rouge sang piloté par le vrai Baron Rouge.
Alors que Monogram présentait le Kit à la Chicago Toy Fair 1967, Bob Larivee Sr., dont Promotions Inc. était l’une des organisations de premier plan en matière de salons d’automobiles “hors normes” de l’époque, est arrivé, a vu le kit, et a immédiatement décidé de faire réaliser une version pleine grandeur de la maquette “Red Baron” pour que les kits Monogram se vendent encore mieux et pour simultanément créer de l’évènementiel pour ses salons.
Larivee a contacté Chuck Miller pour transformer le modèle en plastique de Tom Daniel en une vraie voiture…, Miller, qui dirigeait styline Customs à Detroit, travaillait pour Promotions Inc. depuis un certain temps, réparant les voitures de spectacle qui avaient été endommagées en transit d’une ville à l’autre…, Miller venait également de remporter le prix Ridler pour son “Fire Truck C-cab”, de sorte que le projet semblait un bon investissement.
-“La voiture a pris environ six mois pour être construite, mais le plus dur…”, se souvient Chuck Miller, …“c’était le moteur. Dans la vraie vie, le moteur d’avion Mercedes vintage de la Première Guerre mondiale, que Tom Daniel avait mis dans son kit, était beaucoup trop long pour un Hot-Rod. La solution fut d’utiliser l’un des nouveaux moteurs Pontiac OHC “six-bangers”. Le seul problème est que les sorties d’échappements du Pontiac étaient situées du côté gauche du moteur alors que celles du kit de Tom Daniel étaient à droite. Nous les avons laissées sur le côté gauche, c’est la seule grande différence entre la voiture et le kit. L’emplacement des échappements n’était pas une grosse affaire pour le public venant voir le baron rouge à l’échelle 1/1 à ses débuts à Detroit, les gens ont adoré. Le Baron Rouge a été un énorme succès, si grand que j’aurais probablement dû en construire deux, un pour les spectacles de la côte Ouest et un pour ceux de la côte Est. Une fois que le Baron Rouge est sorti du circuit, Bob Larivee l’a vendu à Jim Brucker pour son “Movieworld Cars of the Stars museum” en Californie du Sud” !
Quelques années plus tard, le “Red Baron” a été revendu, cette fois au “Speedway Motors Museum of American Speed” de Bill Smith à Lincoln, Nebraska.
Le Boss d’Hallmark Guitars, Bob Shade, est un fanatique déjanté de voitures, lorsqu’il avait 10 ans il a vu le “Red Baron” au salon de l’automobile de Washington, D.C…, à partir de ce jour, le “Baron Rouge” a été pris dans ses pensées comme le plus cool des Hot-Rods jamais construits.
Les éléments du “Red Baron” ont par la suite trouvé leur chemin dans les guitares faites sur commande, qui ont alors mené à une association avec George Barris pour construire des instruments en édition limitée inspirés par le roi du Kustom.
Shade fabriquait des guitares uniques dont il faisait don à des ventes aux enchères de charité, et c’est lors d’une telle vente aux enchères qu’il a croisé Bob Larivee et Chuck Miller.
-“Chuck et Bob semblaient tous les deux vraiment enthousiastes de voir mes guitares personnalisées, et ils m’ont demandé de créer la guitare Red Baron ! J’ai donc du travailler d’urgence sur un design et je me suis présenté avec l’une des guitares Prototype Red Baron au Cobo Hall de Detroit ou Bob Larivee m’avait invité à installer sur son stand et nous avons eu un “return” extraordinaire, j’ai alors décidé de mettre la guitare Red Baron en production en édition limitée”.
Il a fallu un an à Shade pour que la guitare passe à la production, puis le magazine Guitar Player a écrit une critique élogieuse de la guitare “Red Baron”, l’appelant : “Une manière divertissante de mettre le public musicalement à mort en cause de ses accords saisissants et de ses tonalités de tueuse”.
Seulement 50 guitares Red Baron ont été fabriquées, chacune logée dans un étui en cuir rouge et velours et avec un certificat d’authenticité signé par Larivee et Shade.