1969 Lombardi Abarth Scorpione 1300 S...
En 1969, la voiture de sport connaissait ses grands crus, tout au moins sur le plan de la renommée, le nom de MG sonnait encore haut et clair, celui d’Alfa Romeo faisait frémir le cœur des amateurs de mécanique transalpine et Alpine commençait à acquérir une flatteuse image de marque auprès du public.
A l’inverse, d’autres noms ne franchissaient pas la frontière qui séparait le monde des initiés de la masse profane et Abarth était de ceux-là, sans d’ailleurs que cet état de fait ait une signification technique particulière.
C’est donc avec curiosité que j’ai dernièrement pris le volant (rassurez-vous, je l’ai rendu après l’essai en même temps que la voiture) d’un petit coupé 1300 Scorpione, constitué par un soubassement de Fiat 850 Sport monté avec un moteur Fiat 124 à arbre à cames latéral, le tout carrossé par F. Lombardi.
Longue de 3,71 mètres, large de 1,49 mètre et seulement haute de 1,05 mètre, la Scorpione n’est pas grande et je le sens bien lorsque je tente de m’installer sur le siège (1M90, 100kgs), l’espace libre entre le fauteuil et le haut de la portière est vraiment très faible tandis que la disposition des pédales interdit à ma jambe droite de se glisser très profondément.
Lorsque je me trouve installé au volant, et que je cherche une position de conduite…, le problème m’apparait sans aucune résolution possible…
Le siège-baquet (toutefois bien dessiné pour des nains), dont le dossier n’est pas réglable, ne peut se reculer suffisamment en arrière et ma tête touche le ciel de toit, au niveau du pare-soleil, quant à la visibilité, elle est bonne sur les côtés, au risque d’un torticolis…, très médiocre sur l’arrière… et si la surface du pare-brise ne souffre pas la critique, l’unique balai d’essuie-glace possède un champ d’action bien réduit.
Les positions du court levier de vitesse ainsi que du frein à main sont satisfaisantes, alors qu’en revanche, les commandes de l’essuie-glace et du poussif lave-glace sont dispersées, très exactement là où il ne faut pas.
Quant à l’équipement général, il ne comporte que le strict indispensable mais le petit tableau de bord décalé vers la droite est bien agréable.
Pourquoi le nier, pendant longtemps, les Abarth m’ont fait peur… et je ne suis pas le seul…
C’est avec une inquiétude rétrospective que je me souviens de certains bolides à la trajectoire sinusoïdale, que n’aurait pas désavouée une Porsche 1100 de 1950…, mais avec la Scorpione, tout est changé…, d’abord, la voiture tient fort bien son cap en ligne droite et le petit volant a seulement besoin de sollicitations discrètes pour que longues courbes ou virages serrés soient absorbés dans les meilleures conditions d’équilibre ou encore en déboîtant gentiment de l’arrière.
La direction est directe, très précise, à peu près exempte de vibrations mais avec un rayon de braquage trop important pour manœuvrer agréablement en ville.
Les freins sont à disque sur les quatre roues et j’ai obtenu des puissances de décélération impressionnantes en appuyant toutefois énergiquement sur la pédale, les éventuels écarts de trajectoire étant très facilement corrigés au volant.
Le moteur dérivé de la Fiat 124 est situé à l’arrière…, en arrière des roues motrices…, avec 75,5 mm d’alésage et 71,5 mm de course, il affiche 1280cc et sa puissance est de 75ch DIN à 6000 t/min avec un rapport volumétrique coquet de 10,5.
L’alimentation est assurée par un carburateur horizontal double corps Weber de 32… et le radiateur situé à l’avant contient 6 litres d’eau avec un ventilateur électrique à commande manuelle qu’il est conseillé de mettre en marche à partir de 85 degrés au thermomètre.
Malheureusement, selon mon chronomètre, la vitesse réelle ne dépasse pas 167,4 km/h tandis que les 400 mètres départ arrêté sont couverts en 18s 2/5 et les 1000 mètres en 34s 4/5…, côté performances, le constructeur annonçait 185 km/h et cette performance est effectivement atteinte au compteur.
Le compte-tours se trouvant dans ces conditions à 6200 t/min, il n’est pas possible de dépasser beaucoup les chiffres que j’ai atteint et si l’optimisme en toutes choses témoigne d’une bonne nature, il est certain que les clients de l’époque devaient être déçus.
Mais si la boîte à quatre vitesses bien synchronisées permet de monter au compteur à 40 km/h en première, à 85 km/h en seconde et à 130 km/h en troisième, bien des berlines de l’époque étaient capables d’aller plus vite.
Ce n’est donc pas sur autoroute que la Scorpione impressionne le plus, il n’en est pas de même sur route sinueuse où la Scorpione fait preuve d’une maniabilité et d’une sûreté qui la classent au tout premier rang des voitures de sport de son époque.
Toute question de puissance mise à part, j’ai l’impression qu’un match en virage entre une Alpine et une Scorpione devait être plutôt impressionnant à suivre quoique la Scorpione est plus facile à conduire…, neutre en virage, elle vire sans se coucher et la suspension du modèle SS que j’ai entre les mains est très ferme.
Contrairement à la Scorpione normale, la suspension avant de ma voiture d’essai est munie de ressorts hélicoïdaux à la place d’un ressort transversal à lames, tandis que la suspension des roues arrière indépendantes demeure inchangée…, les deux modèles disposent de deux stabilisateurs transversaux…, en bref, l’Abarth Scorpione n’étonnait certes pas les foules de la fin des sixties en raison de sa puissance mais, bien campée sur ses gros pneus 155 x 13, elle procurait à ses utilisateurs un plaisir de qualité en montagne et bien entendu, tout spécialement en descente.
La carrosserie n’est pas d’une beauté indiscutable, ne serait-ce qu’en raison de la finesse de la proue qui contraste avec la poupe massive, pourtant la Scorpione se remarque et le nom a été bien choisi en raison de l’agressivité latente, affichée même au repos.
Voiture confidentielle (sauf pour le bruit, mélodieux mais important), la Scorpione plaisait en raison de sa silhouette et de son aptitude à virer… du reste, la mode et la notoriété publique ont ici toujours leur mot à dire !