1970/1995 DeTomaso Pantera…
Si vous êtes maso et voulez vivre une aventure automobile transsexuelle, n’hésitez pas, la DeTomaso Pantera est une abominable joyeuseté mal pensée, mal construite, mal finie… Elle chauffe comme une cocote minute sans soupape de sécurité, tient la route comme une machine à laver la vaisselle, rouille pire qu’une AlfaSud… Son coffre avant est figuratif, il n’abrite que du vent… Son capot arrière pourrait contenir un moteur diesel de sous-marin, il ne contient que du vide… Et l’habitacle, positionné n’importe comment entre les deux, semble avoir été imaginé pour des nains bossus avec de longues jambes arquées d’inégales longueurs ! Ce n’est, de plus, pas la marque la plus réputée lorsqu’on parle d’automobiles sportives… Non !
La DeTomaso Pantera, avec son V8 en fonte Yankee-bourrin positionné sans logique avec le design de la carrosserie au look folklorique, est une crétinerie atypique et kitch qui fut immédiatement boudée par les puristes, puis haïe par ceux qui ont eu le malheur d’en avoir acheté une (j’en suis, une douzaine m’ont possédé et j’en reste marqué et traumatisé, remerciant le ciel de ne pas être sorti ruiné de cet épisode de ma vie aventureuse)… Mais elle est adorée des carrossiers véreux et vénérée par les garagistes sans scrupules pour qui sa tendance naturelle à pourrir et à exploser sa mécanique a représenté (et ça dure encore, quoiqu’elles disparaissent peu à peu) un fond de commerce important et régulier qui en a sauvé quelques-uns de la faillite…
Alejandro DeTomaso, né en Argentine, contracte très jeune le virus du sport automobile, maladie typique des riches désœuvrés certainement transmise par son père d’origine italienne… Rebelle de salon et audacieux comme un Roméo d’opérette, il fait ses débuts de pilote en même temps qu’il développe son activité de résistance face au pouvoir politique en place (gag !)… C’est cette dernière activité qui, selon la légende qu’il s’invente, le conduira à s’exiler (sic !) en Italie pour éviter la prison (re-sic !), à Modène précisément, une ville qui ne pouvait évidemment pas laisser indifférent un passionné d’automobile soucieux de tenter de faire fortune grâce à la crédulité humaine (s’exiler à Palavas-les-flots ne lui aurait apporté aucune image et l’aurait décrédibilisé)…
Les frères Maserati, inconscients du drame à venir, lui mettent le pied à l’étrier en l’engageant comme assistant-mécanicien sur leurs voitures de course OSCA, puis comme pilote… Alejandro DeTomaso en profite pour se forger une sorte de diplôme de respectabilité tout en se rendant compte que ce ne serait pas si complexe qu’imaginé de construire ses propres voitures s’il parvenait à “allumer” quelques-uns des riches désœuvrés qui font graver leur nom au frontispice de leur palais, comme pour dire à tout-venant, leur joie et leur fierté d’avoir mené à bonne fin une œuvre très laborieuse… Le 28 octobre 1959, la société DeTomaso Automobili voit le jour… Dans un premier temps, le pilote imagine, dans une sorte de local malfamé, des voitures de course improbables…
Il en confie la mise au point à des apprentis-ingénieurs inconnus, tout cela dans le but de faire tomber divers financiers inconscients dans ses filets…
Mais, pressé d’arriver rapidement à ses objectifs, DeTomaso néglige la mise au point de ses voitures qui ne sont que des concepts figuratifs dont les performances sont désastreuses et la fiabilité plus que perfectible. En 1963, DeTomaso présente sa première “vraie” voiture “routière”, la Vallelunga, construite autour d’un moteur 1500cc Ford Cortina et s’évertue, avec elle, d’hypnotiser Ford tombé en 1962 sous le charme bestial de Carroll Shelby et ses AC Cobra 260 puis 289… Il imagine alors pouvoir biaiser (enlevez le “i”) celui-ci en proposant à Ford de magnifier son image de constructeur automobile…
Non pas sur base d’une antique AC-Bristol américanisée par un ancien éleveur de poulets, mais d’une voiture de sport moderne, voire futuriste, une GT40 au design italien… Les discussions n’aboutissent à rien de concret, Ford étant depuis le printemps 1963 très occupé pour réussir un coup fumant car il avait été contacté par Enzo Ferrari qui vivait d’insondables difficultés financières et voulait lui vendre son entreprise… Aux fins d’une acquisition, Ford avait alors dépensé plusieurs millions de dollars dans un audit comptable et financier complet de la compagnie italienne et en frais juridiques, mais Enzo Ferrari s’était retiré des négociations au dernier moment, tout cela n’étant qu’un stratagème pour mieux se vendre à Fiat…
Vexé, Henry Ford II, ième du nom, décidait de créer une voiture pouvant concurrencer la marque au cheval cabré : la GT40 (qui sera terminée en avril 1964)…, C’était là une incroyable opportunité pour Alejandro DeTomaso qui proposa de réaliser une sorte de Ferrari-Ford commercialisée dans l’esprit de la GT40… Bingo… Ford se fait ainsi habillement manœuvrer et, après négociations, un partenariat est scellé permettant à la Mangusta motorisée par un V8 4L7 Ford, de voir le jour à Turin en 1966 (pour l’anecdote, il faut savoir que la mangouste est l’animal le plus redouté par les cobra’s, DeTomaso étant persuadé que sa Mangusta enverrait balader les AC Cobra 289 et 427 de Carroll Shelby…
Malgré sa ligne spectaculaire (dans la lignée de la Lamborghini Miura), la Mangusta dessinée par Giorgetto Giugiaro et construite chez Ghia à raison de 400 exemplaires, est un coup d’essai qui se transforme rapidement en fiasco… La voiture souffre d’une mise au point approximative… La Mangusta est belle mais fantasque, à haute vitesse l’avant se soulève et la voiture devient incontrôlable, de plus elle chauffe comme une bouilloire et tient la route comme une savonnette… Carroll Shelby ricane, Enzo Ferrari également, mais, en 1969, le rapprochement entre Ford et DeTomaso se concrétise plus que jamais car Ford qui veut toujours se venger d’Enzo, passe à l’offensive dans la Sarthe avec les GT40, souhaitant écraser pour de bon la suprématie et l’insolence de Ferrari…
L’idée de Ford se nomme “vengeance et rétorsion”… En pratique le plan est de commercialiser une Mangusta fiable, une GT-40 civilisée… Le géant américain rachète donc 80% des parts de DeTomaso et 100% du capital de Ghia précédemment acquis par la belle-famille d’Alejandro… Suite au fiasco de la Mangusta, Ford exige “Du nouveau… et vite… une nouvelle forme et un nouveau nom”… Et en 1970 au salon de New York : la Pantera est née… A ses côtés le petit constructeur dévoile simultanément une berline luxueuse, la Deauville, DeTomaso veut en effet grandir vite, mais va commettre les mêmes erreurs que Lamborghini, autre rival direct de Ferrari, confondant vitesse et précipitation.
Propulsée par un V8 Cleveland 351ci en fonte, la Pantera dispose alors de 270 chevaux pour figurer parmi les plus rapides GT du moment (et notamment la Corvette aux USA), conçue sur une coque autoporteuse et carrosserie en acier bon marché, la Pantera n’est pas très légère… Le V8 Ford tout en fonte n’aide pas à gagner des kilos… Le bestiau, plutôt le bovin, ne sait que beugler comme à l’abattoir, pas d’envolées lyriques comme un V12 Ferrari mais un grognement viril qui se transforme en hurlement de râles et d’agonie dans les tours et qui prend aux tripes et fait vibrer tout le corps espérant qu’il sera rapidement mis fin aux tortures… Questions sensations, on est servi, c’est glauque comme dans un abattoir, mais tout le reste c’est du grand n’importe quoi !
Compte tenu du prix attractif de la Pantera face à ses rivales de l’époque, c’était une bonne affaire sur le papier, car en France, pour environ 80.000 FF en 1972, on pouvait hésiter avec une Porsche 911 2.4 S, une Ferrari Dino V6 ou encore une Lamborghini Urraco… Pour trouver meilleur rapport prix/puissance, il n’y avait guère que la Corvette (C3) 5L7 qui est la pire Corvette imaginable (!!!)… Malheureusement, tout comme la Mangusta, la Pantera ne tient pas ses promesses et les premières livraisons laissent apparaître une quantité inouïe de problèmes de fiabilité (surchauffe moteur constante, climatisation toujours en panne, corrosion immédiate de l’ensemble, impraticabilité, position de conduite fantasque, inconfort total, fiabilité douteuse et tenue de route aléatoire).
Toutes ces horreurs font hurler les rares clients qui exigent d’être remboursés, une situation ubuesque qui laisse un goût amer aux concessionnaires Lincoln/Mercury en charge de la distribution des DeTomaso aux USA. Enzo Ferrari jubile, Carroll Shelby ricane à nouveau (mais depuis 1970 il s’est retiré de l’aventure Cobra et surtout de la saga des Mustang Shelby)… En 1972, une première tentative pour rectifier le tir abouti à la Pantera L, complétée par la Pantera GTS dont le V8 atteint 350 chevaux… Le L pour Lusso (luxe) caractérise une présentation plus soignée et une nouvelle planche de bord… La Pantera prend quelques kilos dans l’histoire mais ne gagne absolument pas en qualité.
En 1974, seulement 4 ans après leur union, le divorce est prononcé entre Ford et DeTomaso, qui n’est pas homme à se laisser abattre.., Son esprit (tordu) de conquêtes encore à réaliser (et les poches pleines des millions de dollars que Ford à englouti dans DeTomaso), le dirige vers des rachats de marques aussi emblématiques que Moto-Guzzi, Maserati et Innocenti, tout en continuant de fabriquer la Pantera. C’est une longue et pénible agonie qui se terminera en 1995. Sur une production totale de 7.210 exemplaires, seules 200 Pantera auraient été importées en France pour quelques dizaines encore en circulation aujourd’hui, selon le club officiel… En réalité, la DeTomaso Pantera est une voiture-arnaque, “un piège à cons” qui n’impressionne que les quidams…
Elle parait aussi exubérante qu’une Lamborghini Countach, mais sans aucune classe… Et surtout sans aucun savoir-faire… On peut ainsi compter sur environ 40.000 euros pour “se faire avoir” avec un exemplaire “moyen” de Pantera L de 1973… C’est, pour ainsi dire/écrire, quasiment la pire super sportive italienne des années 70’s, un gouffre financier pour tout collectionneur qui espérait pourtant rouler sans avoir un portefeuille de millionnaire… et qui se retrouve piégé, obligé à son tour de raconter les pires bobards du genre à des pôvres hères égarés dans le panier de crabe de l’automobile de collection, pour espérer en être quitte, moyennant d’accepter un prix “à la casse” pour minimiser l’étendue de la ruine…
La corrosion est le premier élément à inspecter scrupuleusement, pas pour la déceler, mais pour jauger les rares parties épargnées (qui sont souvent alors des réparations en choucroute), parmi ses mauvais gènes italiens, la Pantera a en effet celui d’une grande sensibilité de sa structure à la rouille qui s’y installe durablement… La mécanique venue de chez l’oncle Sam est loin d’être idéale, le bloc V8 culbuté en fonte est fragile, il ne supporte pas les hauts-régimes et la surchauffe est chronique… De plus l’accessibilité est malaisée pour la majorité des interventions, le moteur étant mal positionné juste derrière l’habitacle en un endroit situé avant l’ouverture du capot-moteur arrière qui ne s’ouvre que sur du vide et la boîte de vitesse…
Pour la moindre réparation, pour le moindre réglage, il faut démonter les sièges et la cloison derrière eux… Cette disposition rend la cabine étouffante, comme un sauna roulant, avec en sus l’inconfort de la position en grenouille inversée, cela dans un vacarme assourdissant, avec en prime, l’obligation de se contorsionner pour sortir de cet enfer, le pilier d’ouverture de porte se trouvant à hauteur du bassin, obligeant à avoir des jambes en caoutchouc pour en sortir… La DeTomaso Pantera est une automobile camionnesque transsexuelle autiste et tyrannique, œuvre de salopards-prédateurs-pervers et sans scrupules, qui la destinaient aux nouveaux-riches américains voulant s’encanailler à bon compte avec une sorte de Maîtresse en bottes de cuir…
Ils se sont tous retrouvés avec un camionneur vulgairement maquillé qui les a sodomisé bien profond… Celles qui restent survivent grâce aux mêmes techniques de sujétion… Si vous êtes maso et voulez vivre une aventure transsexuellement automobile, n’hésitez pas ! La Pantera est faite pour vous.
CHRONOLOGIE
1970 : Présentation du prototype Pantera au salon de New York.
1972 : Premier restylage (Pantera L) et nouvelle Pantera GTS (300 chevaux DIN). Modèle de compétition Groupe 4 (500 chevaux).
1974 : Séparation de Ford et DeTomaso.
1981 : Pantera GT5 avec ailes rivetées en polyester.
1986 : Pantera GT5 S, V8 de 330 chevaux.
1991 : Second restylage par Marcello Gandini, la Pantera type 200 (ou Pantera II) inaugure un V8 Ford 302 ci de 305 chevaux DIN.
1995 : Arrêt de la production de la DeTomaso Pantera. 7.210 exemplaires construits.