1971 Mercedes W113 280SL “Gentle Pagoda Vilner”…
Au détour de quelque coin de l’univers inondé des feux d’innombrables systèmes solaires, il y eut un jour une planète sur laquelle des animaux intelligents inventèrent la connaissance…
Ce fut la minute la plus orgueilleuse et la plus mensongère de l’histoire universelle, mais ce ne fut cependant qu’une minute.
Durant ce temps…, mais après quelques soupirs de la nature…, quelques secondes avant que la planète se congèle…, un humain inventa la Mercedes qui se déclina et mua jusqu’à sa propre caricature sous la forme de l’inénarrable Mercedes W113 type SL…
En cette suite, les animaux intelligents n’eurent plus qu’à attendre qu’un bulgare nommé Vilner la transforme en boîte à gâteux… pour mourir.
Telle est la fable qu’on pourrait inventer, sans parvenir à mettre suffisamment en lumière l’aspect lamentable, flou et fugitif, l’aspect vain et arbitraire, de cette exception que constitue l’intellect humain au sein de la nature.
Des éternités ont passé d’où il était absent (l’intellect humain)… et s’il disparaît à nouveau, il ne se sera rien passé, si ce n’est qu’en un temps actuellement incertain, a existé la Mercedes W113 type 280SL transformée par le spécialiste bulgare Vilner…, au sein du consumérisme automobile mondial.
A mi-chemin entre tuning turc et restauration Rock-and-roll ski-lankaise, je ne pouvais pas vous laisser passer à côté de cette abominable Mercedes “Gentle Pagoda”, dont l’habitacle a été entièrement re-conçu et re-réalisé couleur café au lait…, par ce “spécialiste”…, à l’aide de matériaux prétendument nobles (sic !) comme du cuir, de l’acajou et du métal chromé (gag !)….
Chaque élément et petit détail a été malheureusement pris en charge…
L’habillage en cuir deux tons avec une abondance d’horribles coutures décoratives rend l’ensemble pathétiquement indigeste, même le tableau de bord a été recouvert.
Le coffre quant à lui est devenu une pitrerie à l’image d’une vulgaire boîte de bijoux.
Le ciel de toit du hard-top, d’ou tire son nom la voiture éponyme (Pagode), assorti à l’intérieur, a également été défiguré…
Tendrement brodées par de petites mains bulgares, une quantité exubérante d’étiquettes “Gentle Pagoda” contribuent à donner la touche finale du mauvais goût à l’intérieur du véhicule…
Les rebords des portes sont recouverts d’une immonde plaquette en aluminium pleine de coups de marteau, sans doute pour paraître plus âgés.
Également dotée d’un échappement “différent”…, ainsi que d’une abominable décoration “racing” se voulant respecter parfaitement l’esprit vintage de l’engin (sic !), cette horreur “griffée” de partout (c’est un double sens), est ainsi censée attirer l’intérêt de très riches amateurs de Mercedes W113 280SL Pagode !
Je pense que ces rares loustics, se rendront compte que cette affaire est un attrape-couillons…
Produite entre 1963 et 1971 sous la véritable appellation Mercedes-Benz W113, la Pagode est une “petite” deux places cabriolet qui a été dessinée à l’époque par le designer français Paul Bracq et présentée au Salon international de l’automobile de Genève de 1963.
Située entre la Mercedes-Benz 300 SL et la Mercedes-Benz 190 SL, trois différentes gammes ont été construites à savoir la 230 SL, la 250 SL et la 280 SL.
Sur les 48.912 Mercedes-Benz Pagode construites, 34.215 ont été exportées hors d’Allemagne, dont 19.440 aux USA soit 40% de la production.
Pour ce qui est du style, la silhouette de la Mercedes Pagode n’a que très peu changé durant les huit années de production.
Entre la très exclusive Mercedes 300 SL, qui a forgé la légende des SL chez Mercedes-Benz, et la “petite” Mercedes 190 SL et son quatre cylindres, il manquait un modèle plus justement positionné.
C’est à ce moment qu’un jeune designer en devenir, Paul Bracq, intervint dans le dessin du futur roadster SL qui devait être équipé d’un moteur 6 cylindres en ligne pour la noblesse et les performances… et va en outre bénéficier d’un design simple et classique, dont la forme du hard-top lui donnera son surnom : la Pagode…
On a fait un grand pas en avant lorsqu’on a fini par inculquer aux grandes masses (aux esprits plats qui ont la digestion rapide), ce sentiment qu’il est défendu de toucher à tout, qu’il y a des évènements sacrés où elles n’ont accès qu’en ôtant leurs souliers… et auxquels il ne leur est pas permis de toucher avec des mains impures…, c’est peut-être le point le plus élevé d’humanité qu’ils peuvent atteindre.
Au contraire, rien n’est aussi répugnant, chez les êtres soi-disant cultivés, chez les sectateurs des idées modernes, que leur manque de pudeur, leur insolence familière de l’oeil et de la main qui les porte à toucher à tout, à goûter de tout et à tâter de tout ; et il se peut qu’aujourd’hui, dans le peuple, surtout chez les paysans, il y ait plus de noblesse relative du goût, plus de sentiment de respect, que dans ce demi-monde des esprits qui aiment les Mercedes, particulièrement les “Pagode”… et plus particulièrement encore ceux qui érectionnent devant les fantaisies de Vilner, lisent les divagations des journaleux… et se considèrent des gens cultivés.
Dans les années ’50, Mercedes a osé mettre sur le marché une pseudo voiture de course, la 300 SL, bâtie sur un châssis tubulaire complexe et très frayeux à construire et réparer, soi-disant pour une meilleure rigidité, d’ou l’obligation technique de portes papillons.
La bête a été motorisée avec un lourd et encombrant 6 cylindres en ligne dérivé de la compétition, celui de la célèbre 300 SLR, sous les conseils mercantiles de Max Hoffman, importateur Mercedes aux États-Unis.
Les acheteurs de roadsters, amateurs de Mercedes, n’avaient alors le choix qu’entre :
– la 300SL “papillon”, un coupé pur et dur, tout juste soi-disant échappé des circuits et vendu à un tarif prohibitif…
– la 300SL “roadster”, la même mais avec un châssis plus conventionnel autorisant des portes “standards”…
– la 190SL “roadster” de même inspiration, mais totalement “cheap”, plus petite, avec un petit moteur et une petite ligne, que les rieurs nommeront de suite : “la 300SL du pauvre”…
Mercedes devait donc évoluer en cherchant une voiture intermédiaire pour la prochaine génération.
Le cahier des charges fut fixé : la prochaine Mercedes SL devait être élégante, lumineuse et pratique (sic !), avoir une sécurité optimale et reprendre des éléments déjà existant dans la gamme Mercedes-Benz pour réduire les coûts (gag !)….
Finalement, en cours d’élaboration, le directoire Mercedes enfin conscient que sa gamme SL était esthétiquement périmée, à ajouté une ultime mission à la “prochaine” SL : remplacer les prestigieuses 300 SL “papillon” et “roadster”… ainsi que la petite 190 SL.
Problème, tout le travail fourni avait donné naissance à une voiture intermédiaire, sûrement pas de taille à éclipser les 300SL…
Tout homme d’élite aspire instinctivement à sa tour d’ivoire, à sa retraite mystérieuse, où il est délivré de la masse, du vulgaire, du grand nombre, où il peut oublier la règle “homme”, étant lui-même une exception à cette règle…
Tout esprit profond a besoin d’un masque.
Je dirai plus encore : autour de tout esprit profond, grandit et se développe sans cesse un masque, grâce à l’interprétation toujours fausse, c’est-à-dire plate, de chacune de ses paroles, de chacune de ses démarches, du moindre signe de vie qu’il donne.
Les yeux agiles ont directement détecté de suite (sic !), que la nouvelle série W113 SL était fade quoique élégante, tant elle semblait n’exister qu’aux confins d’un certain champ de vision ; sa simple existence paraissant nécessiter de formidables efforts pour que les personnes autour d’elle finissent par la remarquer.
Elle était si insignifiante pour la plupart des gens, qu’apparaissant dans un roman, l’auteur n’aurait même pas prit soin d’en parler ; tout au mieux, il aurait écrit : “Ah si…, dans un coin, il y avait un mec qui se grattait les coucougnettes, mais personne n’a retenu son prénom, alors revenons à l’intrigue : il avait décidé de dire à sa belle qu’il l’aimait si fort qu’il avait envie de lui faire des enfants sur le capot de la 230SL surnommée “pagode”, parce qu’elle avait été conçue par un chinois”… (tout le monde aura reconnu dans ce passage l’inimitable style de Marc Levy…, mais passons)…
Ainsi, il est possible que dans l’histoire de la littérature, des milliers de romans aient intégré cette voiture insipide sans qu’aucun lecteur ne le sache : dans La Bête Humaine, elle est peut-être sur un parking de gare sans qu’Émile Zola ne daigne en parler ; dans Tristan et Iseult, elle sert probablement d’engin transportant l’anti-héros… et, à la fin de la saison 02 de Dexter avec le Morholt à son volant (qui adore aussi Glee, qu’il regarde entre deux coups d’épieu empoisonné dans la gueule des passants), avant que celui-ci n’aille tataner Tristan, mais la légende ne l’a pas retenu.
Outre que les légendes urbaines prétendent que la Mercedes 230SL était un roadster pour les femmes et sûrement pas un engin “viril”, les hommes qui achetaient cette bétise s’en moquaient comme de leur premier lange (c’était l’époque ou les couches-culottes n’existaient pas encore)…
Ces voitures sont finalement tombées dans l’oubli, période ou elles valaient de moins en moins jusqu’à raréfaction presque complète…
C’est alors qu’une nouvelle race d’humains est apparue, les Mi-Geek (qui est mi-geek, mi-raisin…, attendez, qui vient d’écrire ça ? Qu’il se dénonce !), un geek sans l’être.
Fléau des temps modernes, le Mi-Geek est curieusement apparu en nombre croissant dans nos sociétés occidentales, au même titre et en même temps que les (démodées) Mercedes W113 230SL… ressortaient en rue… au même titre que les infections urinaires.
Tout comme le Migou est légendaire dans Tintin, faisant cordialement chier la moitié du Tibet à aller kidnapper des gens, courir la montagne pour faire peur aux alpinistes… et déféquer devant la porte des monastères bouddhistes (d’où l’expression “couler un bonze”)…, pour jouer de bons tours aux pauvres moines se promenant en tongues, le Mi-Geek est un être de légende qui apparaît ici ou là pour prétendre tout et son contraire…
Parfaitement invisible de prime abord tout comme son cousin des montagnes et appartenant presque au statut de légende à la réalité contestée (Attends, on était pas que huit à la soirée chez Thomas ? Neuf tu dis ? Je vois pas du tout qui c’était le neuvième. Attends je recompte… naaan, on était que huit, je t’assure, tu as dû mal compter. Ah si, à un moment, j’ai cru voir une ombre dans la cuisine. J’ai sûrement rêvé)…, le Mi-Geek fait partie de ces gens au physique passe-partout que l’on ne remarque jamais ; pourraient-ils braquer une banque que l’on ne saurait les décrire : plutôt grands, mais pas trop, pas gros mais pas maigres non plus… le visage de Monsieur Tout-le-monde… bref : vous avez compris le principe : nul ne sait reconnaître le Mi-Geek dans la foule des passants.
Sauf que sous cette carapace de banalité, ces créatures insidieuses ont développé une stratégie visant à les distinguer de la masse afin de briller en société : s’auto-définir en affirmant leur personnalité, en achetant le moins cher possible quelque chose d’indéfinissable…
Pour toutes sortes de raisons (toutes mauvaises), c’est la Mercedes W113 type SL… qui va devenir leur élue en seconde main (et bien plus)…et ils vont faire tout leur possible pour le crier à la face du monde pour enfin avoir quelque chose à dire….
Pas de bol pour l’humanité, d’être re-tombé sur une voiture des plus ennuyeuses.
Cette Mercedes, qu’elle soit une 230SL, une 250SL, voire une 280SL…, n’avait rien de très glamour au temps ou elle était neuve… et c’est bien pire avec plus de 40 ans passés à rouiller et cancériger : la police en trouve parfois en faisant des descentes dans des parkings souterrains ou elles ont été abandonnées depuis plusieurs années !
Malgré tout cela, les Mi-Geek ont vu dans la Mercedes W113 SL, une sorte de label chic qui leur permettrait de se définir en société comme ayant une caractéristique leur faisant sortir de la masse des anonymes.
En général, ces pauvres bougres s’auto-persuadent tant bien que mal que, si, si, grave que ça fait tellement bien d’appartenir à un groupe, au même titre qu’une gamine de 14 ans se disant “gothique” parce qu’elle porte souvent un t-shirt noir et aime Tim Burton.
Pourtant, les Mi-Geek sont souvent discrets de prime abord ; tout d’abord parce qu’ils ne sortent pas naturellement de la masse par leur charisme ravageur, mais aussi parce qu’ils passent tellement de temps inutile, qu’au bout d’un moment, les gens ne se souviennent même plus qu’ils existent.
Hélas, tel les sous-marins germaniques se tenant invisibles à l’écart des convois de joyeux marins britanniques s’enivrant au son des vagues de l’Atlantique nord roulant contre la coque…, les Mi-Geek finissent toujours par trouver une occasion, ce qui leur permet de parler de leur Mercedes “pagode” pour plomber l’ambiance : qu’il s’agisse d’une âme charitable leur adressant la parole, d’un cercle mal fermé laissant une place où s’insérer… ou tout simplement d’un malheureux isolé passant dans leur proximité immédiate (pire encore, si c’est un autre Mi-Geek, la comparaison avec les u-boot se poursuit, puisqu’ils se mettent à chasser en meute), sachant exploiter toute faille.
Dès lors, ils ouvrent grand leur bouche pour en sortir quantité de torpilles verbales qui viennent percuter les esprits honnêtes, faisant flamber les sujets intelligents et sombrer le niveau ambiant des conversations.
En un mot, ils s’empressent de prétendre que leur Mercedes W113 SL est le top du top, à savoir ses gadgets, accessoires et autres nullités pouvant leur permettre d’expliquer que : halala, je ne dis pas du tout ça pour faire un concours de kiki avec ce que je peux !
Comment peut-on leur faire comprendre que si Mercedes inventait une dynamo à mépris, cela permettrait de résoudre la crise énergétique mondiale ?
Le Mi-Geek actuel, collectionneur de ce que son père possédait à crédit, c’est un peu comme Christine Boutin qui se déclarerait Love-Coach : on est sûr qu’elle le pense, mais on n’a pas encore bien compris pourquoi et on préfère éviter ses conseils.
L’étalage de leurs discours creux drapés d’atours supposément techniques concernant leur Mercedes W113 SL, permet à chacun de comprendre en un coup d’oeil à quel point ils n’y connaissent strictement rien de plus que leurs ancètres… et vivent simplement au milieu de leurs illusions et préjugés présentés comme des vérités générales…
Autant de signes qui permettent à chacun de savoir que oui, les Mi-Geek qui suivent une mode absolument consternante consistant à prendre pour chic une Mercedes qui ne l’est pas…, doivent donc être bien malgré-eux des sortes d’enveloppes vides errant sur quatre roues, se réclamant de n’importe quoi…, se proclamant mécanos, grease monkeys… parce qu’ils adorent aller au salon de l’auto, même s’ils n’y pigent rien à la mécanique… mais qui tentent de caser “Mercedes Pagode” le plus possible pour faire expert à chaque fois qu’ils croisent quelqu’un…, bien qu’infoutus de simplement trouver seuls où se trouve le boîter à liquide lave-glace sur leur voiture.
En fait, simplement des types qui auraient envie de s’inventer des qualités pour mieux parler de leur voiture !
En deux mots, des beaufs, qui comme tous les beaufs, suivent la mode en matière de voitures anciennes pour mieux se mettre en avant…
Evidemment, tout cela aurait pu rester sans conséquence : les Mi-Geek n’étant finalement simplement que des personnages des plus ennuyeux (qu’importe leur sexe), tentant de se définir au travers d’une marque qu’ils ne comprenent pas eux-même.
Mais hélas, la chose est bien plus affreuse : ils incarnent désormais un fléau pour les sociétés modernes, puisque leur passion pour la mercedes W113 SL et la passivité des gens à ne pas les renvoyer à leur incompétence crasse, leur permet de briller auprès de plus crétins qu’eux…, au grand dam des gens un peu doués !
Mais il y a eu une évolution apocalyptique…
Un bulgare du nom de Vilner a eu la mauvaise idée de cibler la crème des Mi-Geek, tablant que ceux-ci pourraient vouloir posséder une Mercedes W113 280SL “re-masterisée”… qu’il pourrait leur vendre un prix stupéfiant, soit 5 à 6 fois la valeur haute…
Vouloir leur ressembler et devenir un ersatz de ces créatures peu ragoûtantes en possédant une Mercedes W113 SL, c’est déjà faire preuve à la fois d’un goût curieux et d’un certain sens de l’absurde…, mais vouloir être un super-Mi-Geek est une dégénéréscence…
En quoi, réellement, cette voiture est-elle faite que pour ainsi être considérée comme une sorte d’oeuvre d’art ?…
La Mercedes 280 SL Pagode a été dessinée par Paul Bracq et l’équipe de design Mercedes-Benz de l’époque.
Paul Bracq s’est attaché à respecter le cahier des charges de l’usine en y apportant sa touche personnelle. La ligne ponton a été totalement aplatie pour pour “accroître la visibilité vers l’extérieur” (gag !)…
Pour l’anecdote, c’est suite à une petite erreur de dessin que la SL Pagode possède des petits bourrelets d’ailes qui donnent un caractère stupide d’inachevé et mal pensé à cet ensemble assez classique.
En effet, la plate-forme réalisée à Untertürkheim était légèrement trop étroite, ce qui a contraint les designers de cette usine à élargir les passages de roues…, laissant aux ingénieurs chargés de la carrosserie le soin d’essayer de joindre les deux bouts….
La malle arrière et toute la poupe de la Pagode ne sont donc pas de niveau…
Les petits feux arrière sont reliés par un jonc chromé qui court sur la largeur de la malle de coffre.
L’avant reprend les phares sous globe, dont les Facel-Vega se sont inspirées par la suite.
A partir des 280 SL Pagode, l’acheteur pouvait opter en option pour des jantes alu en lieu et place des jantes tôle avec enjoliveurs pleins bicolores…, certains modèles eurent des pneus à flancs blancs…, tout cela donnait un petit cachet plus sport, bien que la 280 SL Pagode, malgré ses piètres performances, même pour l’époque, n’a jamais eu de prétentions sportives.
La ligne de la SL 280 SL Pagode recèle quelques petits détails d’époque, comme le bouchon de remplissage d’essence qui ressort telle une verrue à droite de la plaque minéralogique arrière.
Mais la grande particularité de la SL Pagode (son surnom), c’est bien évidemment son hard-top à la forme peu commune.
Béla Baréyni, le Directeur du Bureau des Projets de Mercedes-Benz (Plus de 2.500 dépôts de brevets à son actif !), avait alors pensé adapter cette forme de toit à une berline.
L’intérêt de ce toit “Pagode” concave permettait d’améliorer la visibilité intérieure, avec des montants plus fins, des vitres plus hautes…, l’accès à bord était également facilité.
Mais c’est Karl Wilfert qui eu l’idée de le transposer sur un roadster tandis que Paul Bracq fut chargé du style final et de l’intégration du hard-top dans le dessin du SL W113.
Une fois la porte ouverte, la SL Pagode se distingue par une habitabilité correcte.
Pas nécessaire en effet de se contorsionner pour s’installer à bord !
La place pour les jambes est généreuse et derrière les sièges, on trouve de la place pour glisser quelques bagages ou mettre un enfant…, en dépannage en biais.
Nous sommes loin des standards des petits roadsters anglais de la même époque dans lesquels quelques notions de souplesse étaient requises…
La position de conduite est antique, les grands gabarits, congestionnés…, ne savent s’y tenir confortablement.
Le volant (tout comme le levier de vitesses de la boîte automatique), possède une épaisseur qui fait sourire aujourd’hui.
C’est du bout des doigts que l’on change le statut des rapports et que l’on tourne le volant.
Deux gros compteurs sont regroupés derrière le (grand) volant et situés entre les deux compteurs des informations complémentaires (essence, eau…) sont montés.
La finition ne souffre pas vraiment la critique, surtout près de 40 ans après sa construction…
Petit détail très innovant pour l’époque : les buses d’aérations : deux de chaque côté : une grande ronde à volet pour les occupants… et une petite à basculeur pour supprimer la buée sur les vitres latérales.
Personne ne le disait à l’époque ou les légendes urbaines qualifiaient les W113 SL de voitures pour femmes…, mais c’est une vérité, il faut être deux pas trop faiblards pour retirer le hard-top…, pas possible donc qu’une faible femme puisse utiliser un tel cageot ?
La capote manuelle se manœuvre difficilement, là encore, il ne faut pas être trop petit(e) et avoir un peu de muscles.
Le système de verrouillage, compliqué…, fonctionne avec une clé et est identique à celui des SL R107 suivantes.
Sur les premières 230 SL Pagode, le moteur était le six en ligne sept paliers de la berline 220 SEB (W108) réalésé de 100 cm3.
De plus, une pompe injection Bosch à 6 pistons était montée pour améliorer la puissance et le couple.
Pour toute la partie mécanique, la SL Pagode devait en effet reprendre un maximum d’éléments de la grande série.
Cela permettait ainsi de bénéficier pour le client de la fiabilité des mécaniques de série… et également pour Mercedes-Benz d’économiser les frais d’études d’une nouvelle mécanique, de rationaliser les pièces détachées et, enfin, d’éviter que le réseau ait recours à de multiples formations.
Dès 1966, Mercedes-Benz a donc réalèsé le bloc à 2,5 litres (sa course fut allongée de 6 mm).
Sa puissance et ses performances étaient inchangées, mais le couple progressait de manière significative.
Pour sa 280 SL Pagode, Mercedes-Benz va l’équiper du nouveau six en ligne de 2,8 litres équipé d’une injection de la berline 280 SE (W108 E28).
Ce nouveau moteur était plus puissant avec 170 chevaux à 5750 tr/mn et était plus souple grâce à un couple supérieur de 24,5 mkg à 4500 tr/mn.
Son rendement moteur de berline haut de gamme, 61,37 ch/litre, lui empêchait toute velléité de pure sportive.
Ainsi motorisé, la 280 SL Pagode pouvait aller tutoyer les 200 km/h, ce qui restait une valeur peu courante dans les années 60… et avalait le 0 à 100 km/h en 10 secondes et le kilomètre départ arrêté en 31 secondes.
Elle pouvait être équipée de série d’une boîte mécanique à 4 rapports, ou en option d’une boîte mécanique ZF à 5 rapports ou d’une boîte automatique à 4 rapports.
Avec la boîte auto, la 280 SL Pagode offre deux visages.
Soit on cruise tranquillement et il se révèle le compagnon idéal des balades sur les petites routes.
Soit on sollicite l’accélérateur et le kick-down à câble… et le six en ligne change de tonalité, il rugit et propulse la 280 SL Pagode avec une réelle énergie.
Les relances sont vives à défaut d’être sportives et il convient vite de se concentrer ensuite sur la conduite, car on est tout de même dans une auto des années ’60…, pas question en effet de l’attaquer bras à la portière…
Basé sur une plate-forme de berline 220 SEB (type W108) raccourcie et renforcée, la 280 SL Pagode reprend également ses suspensions.
C’est donc une structure autoportante sur laquelle sont greffées les suspensions.
A l’avant on retrouve des roues indépendantes avec triangles superposés, des combinés ressorts hélicoïdaux et amortisseurs télescopiques et une barre stabilisatrice.
Pour l’essieu arrière, une solution plus originale a été retenue : si les roues sont également indépendantes, c’est un essieu brisé avec demi-arbres oscillants et ressorts compensateur hydraulique, ressorts hélicoïdaux et amortisseurs à gaz.
Pour la sécurité passive, Bélà Barényi, véritable apôtre de la sécurité avait imaginé une cellule rigide dont les éléments avant et arrière étaient déformables.
Pour limiter la prise de poids, les ouvrants étaient en aluminium.
Mais cela n’a pas empêché l’escalade dans la prise d’embonpoint avec un poids total de 1.415 kg.
La direction fut alors conçue avec un boîtier à re-circulation de billes avec 4 tours de volant.
Ce système a été monté jusqu’aux années ’90 sur certains modèles.
Pour les modèles équipés de la direction assistée, le rayon de braquage passait alors à 3 tours de volant de butée à butée.
Le plus gros défaut du boîtier “à billes” est l’absence de précision autour du point milieu.
Quoiqu’il arrive, volant en main, l’absence de direction assistée oblige à se concentrer sur sa prise de main et l’amplitude des bras, surtout pour ceux qui conduisent aujourd’hui avec la paume de la main.
Les suspensions sont à l’image des sièges : très souples.
Les quatre freins à disques ATE répondent présents et freinent efficacement le 280 SL Pagode.
La génération des Mercedes SL Pagode W113 ne remplacait pas les modèles existants.
Les 300 SL cabriolets étaient plus exclusives et très chères alors que les 190 SL avec leur petit quatre cylindres ne pouvaient rivaliser ou prétendre à la généalogie…, avec ses performances limitées.
En mars 1963, au salon de Genève, Mercedes-Benz fit sensation en dévoilant son nouveau roadster le SL 230.
La Mercedes 230 SL était équipée d’office d’un moteur six cylindres en ligne de 2,3 litres développant 150 chevaux et 22 mkg de couple.
Donné à l’époque pour 200 km/h, la Mercedes 230 SL pouvait alors passer pour une GT, à défaut d’être une vraie sportive pure et dure.
Pour sa première année de commercialisation, la Mercedes 230 SL remportera en compétition son seul fait d’arme marquant avec une victoire au rallye Liège-Rome-Liège 1963 aux mains de l’équipage Böhringer-Kaiser.
L’année suivante, les premières modifications, mineures, vont être opérées par l’usine sur son porte drapeau.
De nouvelles roues de 6 pouces au lieu de 5 vont en effet être montées sur les 230 SL Pagode.
A partir de novembre, la roue de secours sera montée à plat et non plus verticalement.
En décembre 1965, la Mercedes SL 230 sera remplacée par la SL 250 type W113 A.
Son nouveau moteur restant toujours un 6 cylindres en ligne, de 2,5 litres de cylindrée développant 150 chevaux et 22 mkg.
Les enjoliveurs de roues reçoivent un tour chromé supplémentaire pour l’occasion, tandis que quatre disques ATE sont montés au lieu de deux disques Girling avant et des tambours arrière.
Enfin, le réservoir d’essence passe de 65 litres 82 litres pour augmenter l’autonomie.
Pour le marché américain où certaines contrées ne sont pas inquiétées par les précipitations, une version California sans capote avec hard top et 2+2 places est commercialisée.
A partir de janvier 1967, Mercedes stoppe la production des SL 230.
Quelques modifications de détails interviennent sur la gamme SL comme des nouveaux enjoliveurs de roues monobloc.
En fin d’année, Mercedes-Benz présente et commercialise la SL 280 type W113 E28.
Son moteur est une évolution du 6 cylindres en ligne réalésé à 2,8 litres développant 170 chevaux et 24,5 mkg.
Les performances demeurent inchangées en vitesse maximale, sauf pour le 0 à 100 km/h qui gagne une seconde.
L’intérêt principal est l’augmentation du couple qui accroît le confort de conduite et les reprises.
En 1968, Mercedes-Benz arrête la production des 250 SL.
Jusqu’en 1971, la Mercedes 280 SL Pagode ne connaîtra que peu d’évolutions notables.
En 1971, c’est l’arrêt de production des SL type W113.
Mercedes-Benz présente la SL type R107 avec moteurs V8 et 6 cylindres en ligne.
Plus cossue, plus lourde, plus puissante, cette nouvelle SL marque une nouvelle étape dans la généalogie SL, mais s’éloigne encore plus de la notion de sport qui est pourtant l’une des initiales du modèle (SL = Sport Leicht – Léger en Allemand).
Il faudra attendre les premières SL type R129 des années ’80 dessinés par Bruno Sacco, pour revenir à des produits plus efficaces et performants et attendre véritablement la gamme actuelle avec les Mercedes SL 55 AMG et SL 65 AMG pour enfin revenir au sport.
La boucle est bouclée…
Avec l’image indestructible de Mercedes-Benz, les 280 SL Pagode sont-elles des autos sans histoires ? On pourrait le penser pour les SL qui ont été entretenues selon les préconisations du carnet d’entretien et de l’usine.
On ne le répétera jamais assez pour les autos prestigieuses de la classe des SL, l’historique et un entretien ad hoc est impératif pour éviter toute déconvenue.
Car, même un roadster des années ’60, si sa cote est accessible, conserve des tarifs de pièces d’une auto de ce rang, donc chères.
Gros avantage chez Mercedes-Benz, toutes les pièces sont disponibles et peuvent être commandées directement chez votre concessionnaire local.
Dans la famille des SL Pagode W113, il conviendra d’éviter soigneusement les 250 SL, dont la mécanique souffre d’une faiblesse de sa ligne d’arbre qui tend à se déformer.
Les premiers symptômes se traduisent par des fuites d’huile jusqu’à ce que le vilebrequin soit hors service.
Il faut alors procéder à la réfection de tout le bas moteur.
Le moteur 2,8 litres est robuste et fiable.
Si vous l’entretenez régulièrement (vidange tous les 5.000 kms, et une révision complète tous les 10.000 km), votre 280 SL Pagode pourra vous mener au-delà des 200.000 km.
Comme toute ancienne, si la plupart des SL Pagode ne sont pas abîmés par la corrosion comme certains modèles transalpins, il faut tout de même rester vigilant et scruter les dessous du modèle convoité pour détecter toute corrosion.
Les frais de carrosserie restent en effet très chers lorsqu’il faut y avoir recours.
Pour les boîtes de vitesses, la ZF, très rare, laisse quelques fuites d’huile perler tandis que la boîte automatique peut perdre sa douceur de fonctionnement et générer des à-coups au changement de rapport si le moteur est mal réglé.
Pour les trains roulants, le train avant est plus souvent touché avec l’usure des axes de fusée, le désserrage des axes de réglages de carrossage et les silentblocs de berceau du train.
Il n’est pas rare de voir arriver des SL Pagode à l’atelier avec l’arrière avachi.
Il faut procéder à la réfection du système d’essieu brisé.
Aujourd’hui on trouve des SL Pagode à partir de 15.000 euros.
Mais à ce niveau de prix, on trouve rarement des 280 SL Pagode en bon état…et encore moins en état concours.
Mieux vaut être prévoyant et opter pour un très bel exemplaire entretenu et au passé limpide à 20 voire 25.000 euros.
Quoiqu’il arrive, les frais de remise en état sont tels, qu’une Pagode fatiguée ne mérite même pas 10.000 euros.
Sondez également le vendeur pour vérifier que la Pagode convoitée dort bien dans un garage fermé tous les jours.
Si vous respectez tous ces préceptes, vous jouirez alors d’un roadster au charme et à l’élégance inimitable qui a le bon goût de toujours démarrer au quart de tour et de ne jamais vous laisser en panne sur le bord de la chaussée.
Mais la tranquillité a un prix qu’il faut payer pour suivre la bonne étoile…
Voiture mythique, le 280 SL Pagode reste une auto désirable surtout pour les amateurs français puisque sa ligne est l’œuvre d’un de nos compatriote talentueux et très inspiré, Paul Bracq.
Fiable, presque utilisable au quotidien s’il n’y avait le coup d’entretien et remise en état, élégante et performante, la 280 SL Pagode jouit en plus de l’image SL et Mercedes-Benz.
Un véritable label qui incite à la prudence lors de l’achat pour trouver le bon numéro afin de pouvoir profiter du soleil sous le signe de l’étoile.
CHRONOLOGIE…
1963 : En mars au salon de Genève, présentation de la nouvelle Mercedes SL 230 (type W113). Moteur 6 cylindres en ligne, 2,3 litres, 150 chevaux et 20 mkg. En juillet, démarrage de la production des Mercedes SL 230. Victoire au Rallye Rome-Liège-Rome avec l’équipage Böhringer-Kaiser.
1964 : Nouvelles roues de 6 pouces au lieu de 5. En novembre, la roue de secours est montée à plat et non plus verticalement car le réservoir est de 82 litres au lieu de 65.
1966 : En mai, une boîte mécanique ZF à 5 rapports peut être choisie en option. En décembre, la Mercedes SL 230 est remplacée par la SL 250 type W113 A. Moteur 6 cylindres en ligne, 2,5 litres, 150 chevaux et 22 mkg. Enjoliveurs de roues avec tour chromé supplémentaire, 4 disques ATE au lieu de 2 Girling AV et de tambours AR, l’essieu arrière brisé reçoit un nouveau compensateur, désormais hydraulique. Version California sans capote avec hard top et 2+2 places.
1967 : En janvier, Mercedes stoppe la production des SL 230. Le 27 février, la 250 SL est commercialisée. Enjoliveurs de roues monobloc. En fin d’année, présentation de la Mercedes SL 280 (type W113 E28). Moteur 6 cylindres en ligne, 2,8 litres, 170 chevaux et 24,5 mkg.
1968 : Mercedes arrêtt la production des SL 250.
1969 : Nouvelle option au catalogue pour la 280 SL Pagode : les jantes alu.
1970 : Modifications moteur : le régulateur situé à l’arrière disparaît et la pipe d’admission est modifiée.
1971 : Arrêt de production des SL type W113. Lancement de la nouvelle Mercedes SL type R107 avec moteurs V8 et 6 cylindres en ligne.