1976 Luigi Colani Aiglon…
Il fut un temps (maintenant révolu), ou une armée de designers-carrossiers dont l’enfance épongea la contre culture américaine s’échina à produire des répliques et des néo-classiques dans la mouvance des kit-cars sans toutefois en faire partie, le but étant d’utiliser les mêmes artifices mais les engins assemblés “usine” étaient alors vendus au même prix qu’une Rolls-Royce flambant neuve….
En fait “d’usine” il s’agissait le plus souvent de granges hativement ré-aménagées, voire d’une arrière cour semi couverte… et parfois même “l’usine” n’était qu’un box miteux…
A cette époque, pour alimenter mes magazines Chromes&Flammes et Calandres, une fois par mois j’allais silloner les Etats-Unis ou l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse, la France et l’Italie, à la recherche de constructeurs-fabricants, affichant leur production automobile et leur savoir-faire, dans des publicités publiées dans des magazines spécialisés…
Il y avait effectivement de grandes firmes, mais surtout énormément de petites affaires bancales.
Toutes étaient en difficultés financières permanentes, quasi aucune n’a survécu au passage de l’an 2000.
En ces temps reculés, pourtant, il fallait l’équivalent d’un annuaire téléphonique pour réunir des informations sur elles toutes…, cette culture automobile était dominante, les réalisateurs de cette nouvelle vague se plaignaient malgré-tout, un peu partout, d’ostracisme, fustigeant l’attitude des grands magazines de vraies automobiles qui les boycottaient ou les dénigraient… condamnant la censure du système médiatique “papier” et maudissent l’indifférence d’un certain public…
Jusque dans le milieu des années ’70 peu de ces voitures avaient bénéficié d’une promotion aussi large que celle dévolue à Excalibur qui restait une marque à part du fait que son créateur était le styliste Brook Stevens reconnu mondialement pour ses designs d’avant-garde, nottamment pour Studebacker et Kaiser-Jeep.
Mais en 1974 lorsque Clénet sortit sa Séries 1, une cellule de MG Midget posée sur un châssis de Lincoln MKIV, vendue en série limitée de 300 exemplaitres au prix d’une Rolls-Royce Corniche…, beaucoup de petits carrossiers sentirent l’odeur de l’argent facile et se mirent à fabriquer des clones, mais avec quelques subtiles différences.
L’âge d’or des néo-classiques va durer 10 ans, puis va péricliter rapidement…
Sans nul doute que le public va se rendre compte que ces copies et/ou évocations de voitures d’avant guerre (surtout des années ’30) n’étaient que de la poudre aux yeux, des grosses choses en plastique qui finalement ne valaient pas les prix exigés…
Et puis…, les lois avaient elles aussi changé, de plus en plus de restrictions sécuritaires et d’obligations à des normes draconniennes ainsi que les contrôles techniques et autres tracasseries, particulièrement les certifications et homologations, ont finalement dégouté les amateurs de bizarreries automobiles… confrontés à un renouveau des gammes des grands constructeurs… sans oublier que l’essence coutait de plus en plus…
Avant de devenir le commentateur thuriféraire du web avec GatsbyOnline, j’étais un vrai passionné de ces engins qui remplissaient les pages de mes magazines.
Ma gouaille fleurie a ainsi officié durant des années, fustigeant avec pertinence et bonne humeur le cynisme des journaleux en costards cravates qui vendaient leurs articles comme un boutiquier de vulgaires bidons de lessive…
Pour ma part, questionnant les thématiques qui nous interrogent sur la condition humaine en tirant la substantifique moelle des voitures funs, jouissivess et décomplexées qui dérangeaient tant les outres bourrées à la bière qui sévissaient dans les médias automobiles “classiques”, je suis devenu culte pour la défense d’une certaine automobile marginalisée que je reconsidérait comme un genre créatif et ludique.
Bien évidemment le copinage fait qu’après avoir éreinté sans pitié tout ces zouaves dans de bondissantes et joyeuses chroniques, ils ont eu plutôt tendance à me discréditer, tentant par exemple de justifier maladroitement la sincérité de mes écrits, un projet certes bancal mais dont la substantifique moelle blablabla…
Avec le recul (presque 30 ans plus tard), je me demande si le seul exploit réalisé avec Chromes&Flammes et Calandres, n’a pas été d’initier dans l’esprit de mes lecteurs une réévaluation à la hausse de ces engins alors que ce “marché” périclitait…
En tous cas, ce fut indubitablement une pelletée de plus pour le trou où s’enterraient année après année les réplica et néo-classiques françaises.
Alors que la situation dégénèrait et que les idées manquaient, des zombies ont envahit le décor.
Vous pouvez deviner la finalité de l’ensemble.
Réutiliser la mythologie des néo-classiques américaines en l’adaptant à la réalité des banlieues françaises, comme DeLaChapelle qui, dans ses premiers catalogue, nous parlait de l’authenticité de ses copies de Bugatti, l’a finalement plongé en faillite.
Placé dans un tel contexte, les factions rivales qui transformaient le marché des réplica et néo-classiques en terrain de guerre ont eu à faire face à une horde de zombies, métaphore monstrueuse de la déstructuration totale de la société.
Utiliser les codes du genre américain pour les mixer avec les particularismes franchouillards a débouché sur une issue radicale et désespérée, le constat d’un profond nihilisme.
Abandonnés, les clients potentiels ont disparu et les fabricants de répliques et néo-classiques ont fait ce qu’ils pouvaient pour se dépêtrer de ces enjeux confus.
Aucune chance n’a été laissée à ces personnages aux destins sans intérêt et dont on se contrefout…, toute identification étant sabrée par une radicalité de façade et par des choix hasardeux, créant l’impression d’avoir assisté à un spectacle irresponsable, bien loin de l’irresponsabilité ludique et assumée des meilleures créations des années ’70.
N’importe quel comateux pourtant engourdi par une lassitude profonde, en conviendra : tant qu’on se fait du bien personne ne s’occupe de savoir si ce moment purement potache n’est pas en contradiction totale avec le tragique appuyé de la fin de ce marché automobile se vautrant dans une transgression dépassée qui leur sert d’alibi pour hurler à l’injustice en vulgaire cache misère d’une absence abyssale de propos et de talent.
Produits dans la douleur et à peu de frais par des constructeurs-carrossiers “nouvelle génération” avouant que l’existence même de leurs automobiles tient du miracle, ils se sont bien vite mis à couiner à qui voulait l’entendre qu’ils étaient forcément victimes d’un désintérêt qui ne veut pas dire son nom, d’un dédain bourgeois de l’establishment et des refus étatiques de laisser exister leurs automobiles.
Sans se douter que si elles sont boudées du public c’est peut être aussi parce qu’elles sont incroyablement inutiles et chères.
L’histoire humaine tente souvent des resucées !
C’est malheureux mais depuis quelques années, être fan d’automobiles réplica et néo-classiques en France (je laisse le terme geek aux gamins de 14 ans, ça les amuse) c’est carrément un acte de foi, une sorte de passion pentecôtiste où il semble qu’il faille se faire humilier et frapper par l’objet même de son adoration.
Les messages dithyrambiques qui s’alignent dans les forums les concernant ressemblent pour moi à ces processions d’illuminés qui parcourent des kilomètres en se fouettant le dos.
Le sourire béat vissé sur leurs faces ébahies ainsi que le style passionnel de leurs témoignages gravés dans la roche du 2.0 montre qu’ils ont abdiqué toute rationalité et rappellent aux yeux des incrédules qu’un croyant est prêt à gober n’importe quoi, tant qu’il a la Foi.
Catalysés par les trompettes de l’autocélébration d’une presse spécialisée, ils se couchent devant les prophétiques sentences qui s’étalent chaque mois en couverture de leurs magazines préférés !
Hérétique que je suis, après avoir été banni de divers forum, me voilà condamné à errer comme un paria, fouinant les shows obscurs pour y trouver une nouvelle victime sur qui cracher les molards de ma gluante arrogance censés irriguer les coliques de mon impuissance dans laquelle se dépose le limon immonde de ma frustration.
C’est donc sur l’Aiglon de Luigi Colani, créée en 1976, donc en plein milieu de la période faste des néo-classiques, que ma carcasse suintante de haine a jeté son dévolu.
Loupée question design, c’est sur cette expérience, forcément ultime, que j’ai posé l’œil torve de mon mépris.
Du cloaque repoussant qui sert de niche au chien d’infidèle que je suis, je sais bien que l’Aiglon, avait des atouts indéniables… et même si je n’avais pas vraiment aimé cet engin baroque lorsqu’il fut présenté à la presse, j’avoue avoir été séduit par des détails intéressants.
Hélas, loin de concrétiser ce premier essai, Luigi Colani s’était défendu de faire partie de la même engeance en portant un regard très sérieux sur son oeuvre, ne faisant dès-lors que rendre sympathique la joyeuse nullité des autres néo-classiques.
Alors bon, c’est sûr que c’est un peu court, mais, m’avait-il dit-il, ce n’est pas ça qui m’intéresse, ce qui me passionne c’est d’expérimenter. Ce qui m’intéresse le plus, c’est le style… et j’essaie d’en avoir au maximum…
Parce qu’avec un design inexistant aux enjeux totalement évidents et sans ambiguïté, Luigi Colani n’avait comme excuse, qu’une vaine déambulation.
Ca n’a pas semblé le freiner car ses expérimentations “néo-classiques” se sont succèdées stérilement pendant des années, il a secoué nerveusement chaque idée comme un hochet pour avoir de la classe mais ça ne fut qu’agaçant, un peu comme un morveux qui vous tire la veste pour vous montrer ce qu’il sait faire avec son nouveau jouet.
Luigi Colani semblait penser n’avoir pas besoin de suivi de forme, comme il le disait lui-même : mes choix, je les ai faits de manière radicale…
Du fond de mon trou, j’avais alors plutôt l’impression de voir un créateur qui se la pètait mais qui n’avait rien à dire… et qui avait la prétention de croire que son style faisait la différence en voulant donner un sens à un design rabâché.
Ça se voulait immersif et provoquant, c’était juste d’une effroyable vulgarité.
Une vision de beauf sur le luxe…
On était plutôt dans la redondance d’effets évidents et déjà vus qui choquaient.
Avec tout ça, il ne fallaitt pas s’étonner que les gens pouffent.
Masochisme : Le masochisme est la recherche du plaisir dans la douleur qui peut-être psychologique (humiliations) ou physique…
Il faudrait rajouter une ligne à cet article consacrée aux hurluberlus de mon genre qui se posent des questions étranges…
Surtout quand on connaît la réponse, ou qu’on la devine aisément.
Il est évident que ce n’est pas que c’est mieux, c’est surtout que c’est désespérant et qu’il n’y a même pas une béquille solide à tordre.
De la culture prémachée destinée à un public qui avale des conneries au rythme de ses cocas.
J’en suis venu à me demander si Luigi Colani avait pris son pied à massacrer les chefs d’œuvres de la contre culture automobile des années 70’s pour les forcer à rentrer dans ses schémas idéologiques, ou si c’était uniquement dans un but de rentabilité immédiate… qui s’est avérée inexistante ?
Pour moi la conclusion de tout ça a été toute simple : Quelle misère…, m’enfin tant qu’il laissait tranquille ce qui existait déjà…
Une autre création de Luigi Colani… : À vendre, 70’Luigi Colani Lamborghini Miura LeMans…
www.GatsbyOnline.com