77’Rolls Royce Krug, cotillons, champagne et révélations embrumées…
Jadis, pour livrer son champagne, la maison Krug utilisait un break Rolls-Royce.
C’était, bien avant les customisations de Warhol ou de Lichtenstein, une manière simple d’identifier la marque à une mécanique de précision, roulant dans les rues de Reims dans un silence de bulles, une ivresse de confort.
Aujourd’hui où la circulation routière est devenue l’ennemie du boire, que faire de ce délictueux concubinage ?
J’ai découvert cette Rolls trônant dans la cour de la maison rémoise, comme pièce de musée.
Cette Rolls Royce Krug, modèle Rolls Royce Silver Shadow II, 1977, fut une commande spéciale de Krug destinée à la promotion commerciale des champagnes de la maison rémoise.
Elle fut convertie en véhicule de livraison par PLM Panelcraft Ltd, London, devenant unique au monde.
Elle servit quelques années avant d’être revendue à droite et à gauche pour finir comme voiture de livraison dans un garage aux États-Unis.
LVMH, à qui Krug appartient depuis 1999, a décidé de la récupérer.
Pensée pour Krug, la Rolls Royce Krug a naturellement été restaurée aux couleurs historiques de Krug Grande Cuvée – beige, or et bordeaux – et en porte les signes de reconnaissance : de la plaque d’immatriculation KRU 149 au blason Krug et à la mention “Champagne Krug Reims” sur sa carrosserie.
Ce véhicule unique a été conçu pour donner l’image d’un service exceptionnel, un prospectus d’époque garantissant que les suspensions “légendaires” de la Rolls Royce permettaient que le bouteilles de champagne Krug ne soient pas trop “agitées pendant le transport de leur livraison. Cette Rolls Royce est également équipée de deux réfrigérateurs permettant de stocker chacun 16 bouteilles, de deux grandes caisses en bois contenant huit verres, deux seaux ainsi qu’une table pliante, cinq chaises et un petit auvent qui peut être attaché à la voiture pour former comme une tente.
La Rolls Royce Krug n’était en réalité qu’un outil de communication et non pas de livrer le champagne Krug dans une sélection de lieux à quelques clients privilégiés !
Elle a accompagné de grands événements tels que Le Grand Prix de Diane Hermès, à Chantilly, au cours duquel les invités partageaient un verre de champagne Krug et dont le gagnant de la course se voyait remettre un magnum de Krug.
Enfin, la Rolls Royce Krug a permis à quelques amoureux de la maison de s’inventer de manière impromptue leurs propres espaces de pique-nique dans des événements tels que Ascot et Epsom.
La Rolls Royce Krug a ainsi toujours contribué à créer des rêves destinés à embrumer le cerveau des amoureux de la maison Krug.
La Rolls Royce Krug fait désormais partie du patrimoine maison et reste la plupart de son temps dans la cour de la rue Coquebert, à Reims, pour le plus grand plaisir des visiteurs et de son chef de caves, Éric Lebel, passionné de belles voitures, qui veille à la préserver et l’entretenir.
Appréciez le porte clef, mais préferez un bouchon de champagne, de Chateau d’Yquem ou de Chateau de Pommard à un bouchon de Villageoise !
Toujours à Reims, dans les archives de la maison Clicquot, l’historienne Fabienne Huttaux-Moreau, me parlait de cette bouteille de champagne retrouvée l’année dernière au fond de la cale d’une épave, au large des côtes suédoises.
On l’avait authentifiée grâce au logo de l’établissement, une ancre gravée au feu sur le miroir du bouchon (la partie du bouchon introduite à l’intérieur de la bouteille).
Elle faisait partie d’une livraison de 47 bouteilles, probablement destinée à la cour de Russie, entre 1841 et 1850.
Fabienne Huttaux-Moreau y avait goûté.
Le sourire qu’elle avait à l’évocation de ce moment en disait aussi long que ses mots : “C’est comme une potion magique pour historien, c’est de l’archive liquide”…
Il me fallait la croire sur parole quand elle m’a dit que l’élixir remonté de la Baltique n’était plus un vin pétillant, mais perlant, car c’était la seule bonne définition de l’histoire : ce que les événements perdent en effervescence, ils le gagnent en goût.
De même que certaines productions artisanales acquièrent avec le temps le statut d’oeuvres d’art.
Après la visite qu’on m’avait réservée, Olivier Krug tout sourire m’a rejoint pour une dégustation.
A ma grande surprise, le premier vin qui m’a été servi fut le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998.
Je me suis dit que si on commencait comme ça, dans quelles mers inconnues allions-nous naviguer ?
Olivier m’a expliqué que le chemin serait fait en finissant par la Grande Cuvée, ce qui me semblait curieux.
Le Champagne Krug Clos du Mesnil 1998 est très floral, de fruits blancs et roses… et l’espace d’un instant, le goût des groseilles à maquereau que je dévorais dans mon enfance, malgré les piquants acérés, est revenu à ma mémoire.
Le Champagne Krug Millésimé 1998 d’ensuite, était moins floral, jouant plus sur la puissance, il était plus assis, moins frêle et moins romantique.
Le Champagne Krug Millésimé 1995, lui, était plus minéral au nez, comme du pain d’épices gastronomique, tant c’est un champagne gourmand, avec des aspects toastés montrant un début d’évolution, très rond et très charmeur.
Le nez du Champagne Krug Grande Cuvée fut le plus expressif des quatre, mais en bouche, j’ai été frappé par le fait que la matière était plus limitée, il manquait un peu de largeur, même si, à l’éclosion, on prenait conscience de sa complexité.
J’ai donc demandé pourquoi on finissait sur un champagne moins plein que les trois autres.
Olivier Krug m’a donné une explication intéressante, estimant que les trois premiers permettaient d’aborder le “Grande Cuvée” avec un œil différent, lorsque l’on avait exploré des complexités variées; parce que la maison Krug tient sa force de ses assemblages.
C’est ce travail de composition qu’Olivier tenait à mettre en avant dans cet ordre de dégustation.
Si je n’ai pas été totalement convaincu, car pour mon goût, les meilleurs sont dans l’ordre l’infiniment raffiné Clos du Mesnil 1998, puis le Millésimé 1995 déjà prêt pour la haute gastronomie, puis le Millésimé 1998 très prometteur et le “Grande Cuvée”, au nez brillant mais au coffre plus étroit.
Nous avons goûté à nouveau le “Grande Cuvée” au déjeuner… et là, il s’est révélé être le vaisseau amiral de la maison Krug.
N’empèche que je suis et reste un iconoclaste déjanté… et bien que ça n’a rien à voir avec le fait que ces champagnes sont vendus plus de 200 euros la bouteille…, le champagne me donne des maux de tête…, je préfère… et de loin, un cidre doux… ou un Spumante Italien rouge…, là je suis au paradis, pour un prix entre 1 euro 99 et 4 euros 99 !
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