1979 Ferrari 250MM Sbarro…
Les répliques d’automobiles sont une dualité mortifère en quête d’immortalité pour ceux qui les fabriquent, quoiqu’en fond véritable c’est avant tout pour en faire profit auprès de gens qui ont la soif de paraître, le besoin de donner l’illusion d’une possession tout en se donnant l’illusion de cette possession. C’est une passion terrible qui détruit l’humanité dans l’homme. Elle est insatiable. Elle assèche la source intérieure. Vouloir s’extraire de la condition humaine est un leurre et un vertige. N’est-il préférable de chercher à s’élever, à créer ce qui est tout autre chose.
Ainsi le paraître apparait comme une solution à la souffrance d’un manque, d’une déprivation de ce qui existe mais n’est pas atteignable, hors des moyens. Le pare-être devient un mécanisme de défense qui permet de résister au manque, c’est un mécanisme de défense qui tend à faire disparaître, illusoirement, le manque, c’est-à-dire le vide, l’insoutenable réalité subjective de ne pas exister ou ne pas vivre. sans posséder l’automobile convoitée. Cela conduit ce que d’autres répondent à la demande par réflexivité en créant des réalités illusionnées qui calmeront les tensions pulsionnelles appelant à combler leur manque.
Mais la satisfaction de la pulsion conduit à ce qui est appelé un prix à payer, en sus d’une incomplétude de la satisfaction qui est envisagée illusoirement, donc une frustration. Ainsi, le paraitre répond à un discours interne qui repose sur une perception subjective. Par conséquent au même titre que la réalité serait insoutenable si sa perception était sans pare-excitation alors le paraître est un filtre protégeant d’une réalité interne insoutenable au sujet. Le paraître permet d’être dans l’illusion de l’absence du manque qu’on cherche à combler indirectement : le Moi social adapté dans un environnement.
L’homéostasie des principes de réalité et de plaisir est ainsi déséquilibrée et celui qui a soif de paraitre vit un quotidien par procuration qui épuise son énergie psychique à satisfaire son environnement sans répondre à son propre besoin. Ce stress psychique pourrait le conduire, à son point répressif ultime, à la dépression et au désir de disparaitre. Franco Sbarro, de son vrai nom Francesco Zefferino Sbarro, en quittant son Italie natale pour Neuchâtel, en Suisse, afin de vivre sa passion de la mécanique automobile, n’avait strictement aucun souci psychologique de cet ordre, il voulait simplement devenir riche !
En 1957, il trouve un emploi de mécanicien qui lui permet de rencontrer Georges Filipinetti, propriétaire de la célèbre écurie de course automobile. Il devient alors chef mécanicien et, tout en entretenant les voitures de course, il met au point sa première automobile : le coupé Filipinetti. En 1968, il quitte Filipinetti et créé l’ACA, Ateliers de Construction Automobile, à Grandson, sur les bords du lac de Neuchâtel. Dès lors, ayant perçu que divers riches sont atteint de la soif de paraître, il va non les guérir mais en tirer parti pour en faire commerce et il se lance dans la construction de répliques d’autos de légende.
Celle qui illustre cet article se veut-être une Ferrari 250MM qui n’en est pas une et qui de plus n’a même pas l’allure de la seule qui a vu le soleil se lever sur le port de Messine (situé à la pointe nord-est de la Sicile), le 26 juillet 1953, à bord de laquelle Eugenio Castellotti et Giulio Musitelli semblaient tenir la victoire. Ils jouissaient d’une avance confortable aux 10 Heures de Messine, mais les pannes mécaniques qui avaient marqué les premiers mois de la première saison de course de leur 250 MM ne pouvaient pas être loin de leur esprit.
C’était la troisième fois cette année-là que Castellotti, né dans une famille aristocratique originaire de Lodi près de Milan, courait la 250 MM (s/n 0256MM) en Sicile, mais les deux premières tentatives s’étaient soldées par un échec. Il n’était pas étranger aux faiblesses de l’île, après avoir commencé à courir en 1951 avec l’équipe familiale Marzotto, il avait ouvert sa saison 52 avec une victoire de classe au Giro di Sicilia, terminant cinquième au classement général – et il était déterminé à refaire son bien. Lorsque la Ferrari a pris le drapeau à damier à 8 heures du matin dimanche, elle avait quatre tours d’avance !
Sur le circuit de 4,8 milles, elle avait parcouru 685 milles depuis son départ à 10 heures la veille. Quatre autres 250 MM ont terminé dans le top 10, confirmant que la Ferrari pouvait atteindre le type d’endurance requis par la course pour laquelle elle avait été nommée : les Mille Miglia. Mis à part une couverture de poussière et une bande tricolore italienne qui avait été ajoutée à la peinture, leas/n 0256 avait le même aspect aujourd’hui que lorsque Castellotti et Musitelli sont retournés dans le paddock de Messine.
Patatra… La réplique Sbarro de cet article, nommée “1979 Ferrari 250MM Sbarro” bien que très réussie, n’est pas celle qu’elle prétend être sous cette appelation… Et c’est un drame ! Qu’elle se nomme 1978 Sbarro 250MMMXZRA, alors là, bravo, belle pièce, mais la vraie Ferrari 250MM était unique. Mais Sbarro voulait capitaliser sur ses mérites et créer une réplique avec un peu de Spyder Michelotti, de Vignale et de Pinin Farina pour que les foules au Salon de l’automobile de Genève soient impressionnées…
Comme l’avait brillamment écrit le 20 juillet 2015 mon confrère Thomas Drouart (visitez son web-site : https://pdlv.fr/ ) : “Quand on parle d’automobile, on distingue deux types de personnalités, il y a d’abord le néophyte, pour qui la voiture est un simple outil reliant le point A au point B puis le fin connaisseur. Bien sûr, il y a des nuances et certaines sont plutôt cocasses. Quand on parle de répliques automobiles, c’est un savant mélange des deux qui nous est concocté. Il est facile d’assimiler une personne roulant dans une réplique de Ferrari comme un “beauf”, ou un “pauvre” qui n’a pas les moyens de se payer la vraie”.
Il ajoutait plein de bon sens : “Sur le fond, le deuxième point est véridique et le premier dépend clairement de l’individu. Après recherches, le profil type de l’individu possédant une réplique a la trentaine, rêve de Ferrari ou de Lamborghini depuis tout petit, roule dans une voiture citadine sans prétention, s’est parfois essayé au tuning et a des rêves de grandeur mais se trouve bridé dans un métier qui n’excède pas le smic et le contraint à uniquement fantasmer ses rêves automobiles… Il faut toutefois différencier le type de réplique, s’il s’agit par exemple de modifier une Clio en RS, les modifications ne sont pas lourdes !”…
“Puis vient le moment où ce passionné décide de franchir le pas et d’afficher une réussite sociale erronée qu’il veut afficher. L’achat de la base n’est généralement pas très coûteux, une Opel Calibra rincée ou ayant déjà subi la passion dévorante d’un tuneur, ou une antique Toyota MR2. Ou bien encore une Peugeot 406 coupé. Les kits carrosserie sont commandés sur eBay directement. Un véritable marché de la réplique s’est installé et comprend généralement des pièces issues directement du modèle copié. Les kits sont de belle facture et ne dénotent pas. Ils sont alors montés fièrement par l’individu”…
“À partir de ce moment-là, plus de retour arrière possible, l’investissement (si on peut parler d’investissement) est colossal et dépasse souvent le prix d’achat de la base. Il faut donc s’y donner corps et âme et tenter de s’approcher le plus possible sans jamais atteindre l’original. C’est à ce moment que l’on doit décider : “Vais-je accepter d’avoir une réplique approximative qui fera glousser n’importe quel puriste ou connaisseur ou vais-je faire de l’approximatif juste pour épater à la sortie des boîtes de nuit ?” Il est triste de constater que c’est la solution de l’à-peu-près qui est adoptée régulièrement”…
“Deux écoles interviennent ensuite qui dépendent directement de la lucidité et de l’objectivité du créateur de la réplique. Soit la personne se rend compte que son projet pour lequel il a investit beaucoup de temps et d’argent ne vaut plus le coup et que le résultat n’est jamais à la hauteur des espérances et dans ce cas le projet est vendu “en l’état”, soit il est terminé parce que “Maintenant que c’est commencé, autant finir”. Quand le projet est revendu, la personne ne se doute pas forcément qu’elle perdra beaucoup d’argent. Aussi belle soit-elle, une réplique restera une réplique et n’aura jamais le prestige de l’originale”…(Voir le texte intégral ICI)
7 Sbarro similaires auraient été construites, toutes sur base de Ferrari 400GT entre 1972 et 1976 ou 400 entre 1976 et 1979 ; Moteur V12 4L8 340cv ; 25.790 kms ; 299.500 €… Aucune ne ressemble à aucune Ferrari 250MM qui n’ont existé qu’en 1953. Nous avons affaire avec une sorte d’évocation que souvent on nomme “hommage” pour se tirer d’affaire, sachant que William Favre avec ses fausses 250GT après avoir gagné le procès lui intenté par Fiat s’est suicidé de joie d’une balle dans dos tirée à 5 mètres derrière lui… Affaire classée…
2 commentaires
En comparaison, la Sbarro Function Car présentée dans le magasine Calandres numéro 6 était bien plus originale !
Ca me fait grand plaisir que vous me lisiez déjà du temps de Calandres… Un article qui date du 1er août 1982… Quarante années ! Quel âge aviez-vous alors ? De surcroit, vous les avez conservé… Je suis zému !
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