Excalibur, vers l’infini… (l’après Stevens)
Une épopée, une saga, une légende…, faite de Bricks et de “Brooks” !En 1980, les “Pirates”…, tels que Clénet, Sceptre-Griffin, Gatsby, Zimmer, qui proposent des “Néo-classiques” avec vitres électriques, sièges électriques, capotage simple, fabrication en polyester…, récoltent de plus en plus de succès…, les Frères Stevens doivent changer de cap.
La nouvelle génération d’Excalibur, la Series IV, est dotée de vitres électriques et d’un soft-top semi-automatique…, le style “fin des années ’20” des fantastiques et mythiques Mercedes SSK, est abandonné pour faire place au style “années ’30” des supra-fantastiques et hyper-mythiques Mercedes 540K…
Le châssis devient “camionnesque” et est allongé de 30 cm, tandis que le lourd et fantasque quoique fabuleux V8 454ci est remplacé par un léthargique V8 305ci General-Motors-Marine en pleine transmutation écologico-dépolluante (150 chevaux)…, le look extérieur est avenant car la voiture “en jette”, mais elle est lourde et pataude, l’esprit de Brook Stevens n’y est plus !
Caricature d’elle-même, la Series IV manque de tout : de coffre (en double sens), de place, de confort, d’agrément et de performances…, malgré une production quotidienne de 7 voitures, les affaires se portent mal, beaucoup d’Excalibur’s Series IV doivent être entreposées sur un parking extérieur par manque de clients… et Milwaukee est humide, très humide, particulièrement le parking de l’usine…, alors que l’année précédente (1979), la firme Excalibur vendait 367 Series III…, en 1980, la Series IV ne se vend qu’à 93 exemplaires à des braves, mais inconscients…
Miracle en 1981…, le Bling-bling devient à la mode : 199 Series IV Phaeton plus 36 Series IV Roadster trouvent acquéreurs, soit 235 au total…, en 1982 ça chute un peu : 152 Phaeton et 60 Roadster, soit 212 en tout et pour tout…, mais seulement 138 Excalibur’s sont vendues en 1983 (31 Roadster et 107 Phaeton), rien de pire qu’un tableau des ventes en dents de scie…
Pour “sauver les meubles”, les frères Stevens décident de fêter les 20 ans d’Excalibur en 1984…, en écoulant les Series IV invendues…, la société crée 50 Limited Editions Séries IV, en repeignant les dites Excalibur’s invendues : deux couleurs de peinture, gris et blanc, séparées par une barrette chromée…, 12 Roadster “Anniversary” et 38 Phaeton “Jubilee”… trouvent rapidement preneurs…, c’est la baguette chromée qui sépare le blanc et le gris qui fait tout à l’affaire…
235 Series IV “normales” (235 Phaeton et 32 Roadster), sont également vendues en cette année 1984 bénie des dieux du petit commerce, portant le total à 317…, c’est cela, le génie américain…, les frères David et Steve Stevens doivent faire évoluer la Series IV tout en réalisant des profits…, iIls se retrouvent face à un dilemme :
– soit produire plus
– soit augmenter le prix et la qualité.
Ils optent pour la deuxième solution, voulant positionner la “nouvelle” Series V au même niveau de prix que les Rolls-Royce Silver Shadow II…, en contrepartie, les véhicules seront encore mieux équipés : vitres électriques, auto-radio stéréo, cruise-control, verrouillage central, sièges électriques, air conditionné, capote semi-électrique et un hard-top amovible…, le moteur V8 “marine” de 150 chevaux poussifs peut être remplacé en option par le 5L7 V8 Corvette C4 CrossFire-Injection.
Cette “nouvelle” Séries V mieux finie et plus rentable voit le jour début 1985…, mais le bilan en fin d’année est peu rassurant, le nombre de voitures vendues est en chute libre : seulement 6 Roadster et 91 Phaeton (soit 97 voitures), sont vendus et quittent les ateliers de Milwaukee…
Début 1986, dans l’urgence, la firme met en chantier 4 Excalibur’s à toit fixe dénommés “Royal” et propose une série “Limited 100″…, espérant faire revivre l’Excalibur Series III, hideusement “modernisée“…, la société fait faillite deux mois plus tard…, le rêve de la famille Stevens s’achève…
La firme Excalibur est rapidement reprise par Henry Warner, Président de la compagnie d’acquisition du Wisconsin, qui rachète les intérêts de la famille Stevens et réorganise l’entreprise en tant qu’Excalibur Marketing Corporation…, Werner investit plusieurs millions de dollars pour améliorer la Series V… et finaliser les 4 Excalibur’s à toit fixe “Royal”, ainsi que la résurrection de la Series III, baptisée “Limited 100″…
Tous ses efforts financiers, toute cette nouvelle diversité à la gloire du plastique, ne changent rien au déclin de la marque…, 6 Roadster, 57 Phaeton, les 4 Excalibur’s à toit fixe “Royal”… et 21 “Limited 100” sont fabriqués et vendus, soit 88 Excalibur’s…
L’année 1987 est plus tragique encore : seulement 22 Phaeton et 6 Roadster Series V sont vendus…, avec seulement 28 voitures construites, c’est la pire année de toute l’histoire d’Excalibur…
Reprenant la partie arrière du Coupé “Royal”, Henry Warner lance alors la Series V “Sedan 4 portes”, basée sur le châssis des Dodge Dakota (pont arrière rigide) et équipée du moteur 5L7 GM Marine avec boite automatique (avec en option coûteuse, le V8 CrossFire 5L7 de la Corvette C4.
Les “Sedan 4 portes” sauvent la mise : sur un total de 93 Series V, 47 Sedan sont vendues, en plus de 19 Roadster et 27 Phaeton..3., mais globalement, le succès tant espéré ne vient pas, il faut savoir que ces voitures sont proposées à plus de 125.000 US$…, la firme Excalibur voit avec effroi une seconde faillite arriver !
Une Series V “Limo” en deux allongements possibles, est fabriquée en 1989, sur le fil du rasoir, pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être…, mais c’est la fin…, les requins débarquent…
Les ventes ne sont plus assurées que par un voisin de l’usine, un marchand de voitures spéciales, Harry Kauffman, qui s’évertue (en contrepartie de commissions importantes) d’assurer les ventes en proposant les Excalibur’s neuves en dessous du seuil psychologique des 100.000 US$…
Le bougre réussit quelques beaux coups en 1989 : 18 Roadster…, 18 Phaeton…, 13 Limo 6 portes… et 54 Sedan 4 portes…, mais elles sont bradées à 20, 30, 40, 50% des prix de l’année précédente…
Henry Warner est ruiné…, les capitaux tant attendus pour compenser les dettes ne sont pas là…, comme plus personne n’est payé, aucune voiture n’est produite en 1990…, en conséquence, Excalibur fait à nouveau faillite (la seconde) en Juin 1990.
En Novembre 1991, l’Allemand Michael Timmer rachète la firme pour 1.330.000 US$, malgré que l’entreprise, sous la présidence d’Henry Warner est confrontée à des accusations de fraude fiscale…
Michael Timmer semble déterminé à mettre 1 million de dollars en plus, pour l’amélioration de l’entreprise avec l’idée de reprendre la production en avril 1992…
Il prévoit cinq modèles dont les prix de vente diminuent et se situent entre 50.000 et 75.000 $ suivant les modèles : Séries V Roadster, Phaeton et Sedan 4 portes, ainsi qu’une nouvelle relance de la série III Roadster toujours nommée “Limited 100″…, mais aussi une vraie fausse nouveauté : une réplique de Cobra !
C’est le seul modèle qui est mis en fabrication… et le succès ne viendra pas, la Cobra est disgracieuse, ses pare-chocs détruisent la ligne…, les Series V, quant-à-elles ne sont plus en phase avec le renouveau automobile…, de plus et malheureusement, Michael Timmer manque d’argent… de sorte que la Société Excalibur se retrouve à nouveau en faillite (la troisième), au milieu de l’année 1992…,ce n’est plus un désatre mais l’apocalypse…
La société est alors de nouveau sauvée grâce à deux allemands : Udo et Jens Geitlinger, le père et son fils, qui ont fait fortune dans l’immobilier…, ils s’assurent toutefois l’aide technique de l’ingénieur Dennison Scott et de 33 autres employés de la firme…
Ils reprennent l’entreprise dans l’état où Michael Timmer l’avait laissée et veulent produire une Nième “nouvelle” Series III Roadster qui serait rebaptisée : “Limited Edition 100″… (un gag !)…, les dieux veillent, aucune ne sera fabriquée… et seulement une demi-douzaine de Cobra sont vendues au rabais…, puis tout se fige durant de longues années !
En 1999, une ancienne employée de l’usine Excalibur, Alice Preston, qui n’a pas les moyens financiers d’acheter la firme Excalibur à Udo et Jens Geitlinger…, ni l’envie d’œuvrer au renouveau de la firme sous leur coupe, ouvre son propre commerce sous le nom de Camelot…, un nom qui se veut dans l’esprit de la légende du Roi Arthur, l’épée Excalibur et le pays de Camelot…
Ce cinéma théâtralisé dans les normes du petit commerce…, a sans doute un rapport avec “camelotte” puisque l’idée d’Alice (au pays des merveilles)…, est de fournir des pièces et des services (et non plus des sévices comme du temps d’Henry Warner), à ceux (et celles) qui possèdent une Excalibur…, la quasi totalité des quincailleries étant dès-lors fabriquées en Chine, en Inde et en Thaïlande… !
Mieux encore…, Alice à un lapin blanc en tête…, elle a scruté le manège du vieillissant Harry Kauffman, qui s’évertuait, à la fin de l’époque Stevens, d’assurer les ventes en contrepartie de commissions importantes, en proposant les Excalibur’s neuves en dessous du seuil psychologique des 100.000 US$…, Alice, va donc, en plus, vendre des Excalibur’s d’occasion et en assurer l’entretien et la réparation !
Alice Preston a appris à réparer les voitures de par son père, un mécanicien auto et machiniste, elle travaillait dans une station service de Milwaukee en 1964 lorsqu’elle rencontra Ronnie Paetow, qui, à Mequon, entretenait les voitures de collection de Brooks Stevens…, Alice s’est retrouvée comme au paradis lorsqu’il l’a engagée pour le seconder !
Dix ans plus tard, en 1974, Alice a été engagée comme responsable de la surveillance du processus de fabrication, ainsi que de la recherche et du développement…, Alice était sûrement une mécanicienne habile et un manager efficace…, mais sa responsabilité dans l’enlaidissement à outrance de l’Excalibur Roadster Séries III (comparez avec la Series II), a du être en partie la cause, de la baisse de production de 1980 (seulement 93 voitures vendues)…, Alice fut congédiée début 1981…
Après qu’Excalibur Automobile fut en faillite et vendue à Henry Warner par la famille Stevens (début 1986), Alice, qui purgeait sa peine en travaillant dans la rénovation de maisons…, fut embauchée en 1987 par David Stevens pour mettre à jour le Wienermobile d’Oscar Mayer Foods Corp, basé à Madison…, un an après, Brooks Stevens embaucha Alice comme conservatrice de son musée automobile de Mequon, une collection de plus de 80 voitures anciennes.
Voici ci-dessus, en vidéo-diaporama, la part de ce rêve que j’ai pu prendre (emporter), lors de ma visite à l’usine, au musée et à mon ami Steve Stevens, quelques semaines avant le décès de Brooks Stevens…
Après la mort de Brooks Stevens en 1995, la famille liquida la collection… et ferma le musée en 1999…, la même année, Alice créait Camelot Classic Cars…, concentrée sur la restauration et l’entretien des Excalibur’s…, 5 ans et 500 Excalibur’s restaurées plus tard…, grâce à ses gains… et 205.000$ financés par un prêt souscrit auprès de la Milwaukee Economic Development Corporation, banque fédérale de Tri-City…, Alice a pu acheter ce qui restait de Excalibur Automobile, y compris la marque déposée et les logos, auprès de Udo et Jens Geitlinger…
Plus jamais ce ne sera possible, plus jamais on ne reconstruira une évocation des mythiques et maintenant financièrement inaccessibles Mercedes SSK et 540K… (leur prix dépassent les 4 millions d’euros)…, c’est cela qui rend les Excalibur’s uniques.
Plus jamais…, c’est ce qui doit être gravé dans l’esprit lorsqu’on regarde une Excalibur.
Excalibur a été la première marque-usine au monde qui a inventé le concept de “Néo-classique“, de “réplique” et “d’évocation” des voitures de l’âge d’or de l’automobile…, elles sont d’autant plus rares que les moteurs 454ci qui équipaient les Series II et III, sont actuellement les plus recherchés dans le monde des collectionneurs de “Muscle-cars“…, si la firme existait encore, il est certain qu’elle vendrait à nouveau…, Brook Stevens est décédé en janvier 1995, son rêve lui survit…, mais tous les rêves survivent aux rêveurs…