2001/2002 Edonis V12… #1
Lorsqu’à la première nouvelle lune du Nouvel-Âge automobile, le soir du 31 décembre 2000, le crépuscule annonça l’arrivée des ténèbres, les artéfacts sacrés de l’Edonis V12 éclairèrent la voie qui devait mener les élus à l’ultime félicité…
Ces dits artéfacts étaient au nombre de trois, car trois était le chiffre de la race supérieure :
1- Federico Trombi (Administrateur délégué)…
2- Jean-Marc Borel (Président, mais travaillant sous la houlette du troisième)…
3- Nicola Materazzi (Ex-responsable chez Ferrari des projets Testarossa, GTO, GTO Evoluzione, F40 ou bien encore responsable de la R&D F1)…
Ces trois maîtres-d ‘œuvre, sont alors devenus les rois des vanités perdues, car le nombre 3 symbolisait l’Hidraz suprême qu’était B’Engineering, une société indépendante lancée par eux à l’automne 1999 et installée à Campogalliano, près de Modène en Italie, société qui réunissait ainsi les meilleurs talents de l’automobile d’exception venus de chez Ferrari, Maserati, Lamborghini, Bugatti ou encore Lotus.
Dans la plaine des ardents rêveurs, l’ombre du Phénix noir a ensuite étendu ses plumes trempées dans l’huile sainte de son moteur V12, conférant à divers élus le pouvoir d’influencer leur destin en achetant une des 21 Edonis qui devaient être fabriquées chaque année.
Dans les profondeurs des obscures forêts médiatiques, le rugissement de l’Edonis devait faire frémir les dieux-journaleux, tandis que dans les terres de la nuit éternelle, dans le long et sinueux serpent d’une route interminable, chaque conducteur ouvrirait le chemin du livre des prophéties mécaniques, celui-là même qui jadis avait annoncé la venue du Saint-Graal automobile, issu des rêves fous d’ingénieurs qui sommeillaient dans leurs cocons de cristal.
Le sang des enfants de ces génies créateurs, allait ainsi engendrer l’apothéose éternelle qui, toutefois, ne s’accomplirait que lorsque les 21 élus-conducteurs annuels de la glorieuse Edonis se retrouveraient tous réunis !
Première voiture du XXIe siècle, l’Edonis ne devait donc être produite qu’à 21 exemplaires annuels, dont chacun porterait le nom d’un illustre personnage ayant marqué son siècle dans les domaines de la technologie, du design ou des sciences…
Les plus grands secrets qui composaient cette voiture hors-normes, provenaient des fondements même de l’Obsumbre et de l’Hidraz, affirmant que celui qui détenait le manuel du conducteur fourni avec chaque Edonis, s’appropriait les Prophéties… et pourrait en cette suite demander à l’artéfact… la réalisation de son souhait d’érection éternelle.
Selon les légendes, le livre des Prophéties d’Edonis était un artéfact unique créé par un fou-furieux durant le second âge de l’automobile transcendantale.
Nul ne sait d’où provenaient ces Prophéties, mais l’on devine aujourd’hui qu’elles sont restées au cœur d’une des 19 Edonis oubliées que certains recherchent avec avidité.
Cette folle quête pourrait bien amener les êtres les plus démunis à vouloir s’emparer d’un bien sombre pouvoir…, le pouvoir de soumettre les autres au culte de l’automobile inutile… et de braver le destin…
Autant vous l’écrire dès ce début d’article, c’est du pipeau, du flan…, c’est du n’importe quoi…, l’Edonis n’est pas une légende mécanique, c’est un accident de l’histoire qui n’a heureusement pas engendré d’accident de la circulation…
Qui plus est, aucune chance que les 21 élus-conducteurs annuels puissent un jour se regrouper, se rencontrer, se réunir…, il n’y en eut aucun…, l’aventure s’est brutalement terminée en décembre 2002 comme en témoigne le site Internet du constructeur effroyablement figé dans le temps et à tout jamais !
Personne au monde, aucun terrestre ni extra-terrestre n’a jamais acheté (ou volé) d’Edonis !
Il n’y en eut que 2 construites, un prototype peint en couleur or-bronze qui a été conservé empaqueté dans un box en attente d’un renouveau… et une pré-production peinte en rouge qui a fait le tour des shows et du monde avant d’échouer en Croatie ou elle est secrètement vénérée par son géniteur principal qui y coule une retraite forcée et non-méritée (Regardez la vidéo en fin de ce panneau)…
Les hasards de la vie (si courte) m’ont amené (par hasard) en ce lieu si éloigné de toute civilisation, qu’il a durablement modifié celui qui fut l’âme de cette voiture…, me permettant de réaliser ce reportage !
La seconde renaissance de Bugatti (oublions la première qui n’est qu’une parenthèse avec les répliques de Type 55 et 57 en plastique réalisées par AX&co-DeLaChapelle), avec ses très performantes mais très laides (et très peu fiables) Bugatti EB 110, puis Bugatti EB 110 S…, n’aura été qu’un feu de paille…, éblouissant, plein de promesses, mais malheureusement trop court, n’engrangeant que 126 malheureux… (ou mâles heureux s’ils sont masochistes) !
Mais en 1999, des passionnés sont repartis de la base de ces fantasques GT… pour élaborer ce qu’ils imaginaient être une des supercars les plus performantes et abouties de tous les temps…, un beau gâchis.
La genèse de la Bugatti EB110 avait été assez mouvementée, c’est le moins que l’on puisse écrire…, technique ou design, les revirements de situation avaient été nombreux, avec notamment le départ des différents ténors dont Marcello Gandini pour la partie design.
Le résultat final présenté le 1er janvier 2001 à une heure du matin…, n’était donc plus que la somme des retouches de différents individus.
Nicola Materazzi fut pour mémoire, le remplaçant de Paolo Stanzani en tant que directeur technique du projet de la renaissance de Bugatti.
Bugatti fauché par la faillite inéluctable, il restait alors Jean Marc Borel et Nicola Materazzi pour souffler sur les braises de ce feu consumé…
Nos deux compères fondèrent donc la société B’Engineering et repartirent d’une base technique (plateforme et moteur) de la Bugatti EB110 qu’ils connaissaient bien.
C’est le français Marc Deschamps qui eu la charge de dessiner l’Edonis, dans un style beaucoup plus personnel et affirmé que feu la Bugatti EB110.
Avec 700 ch et 1300 kg, l’Edonis, dépourvue de toute assistance à la conduite, devait donc permettre de goûter aux joies des supercars, comme le fut en son temps la Ferrari F40…
Des modifications significatives avaient été apportées dans la chambre de combustion du bloc V12 Bugatti afin d’augmenter la cylindrée de 200 centimètres cube, ce qui lui donnait une puissance spécifique de 186 chevaux par litre.
Avec 4.35 mètres de longueur et 2.21 m de de large (semblable à un Hummer), le coefficient aérodynamique atteignait 0.30…, l’Edonis était une automobile aux lignes très lisses et peu conventionnelles, dont le moteur, véritable cœur de ce véhicule disproportionné, avait été développé à partir du V12 de la Bugatti EB-110.
Tout comme la Bugatti, le moteur était placé à l’arrière ou deux prises d’air nourrissaient deux turbocompresseurs qui atteignaient les 35 p.s.i. de pression.
Le moteur était accouplé à une boite à six vitesses au maniement extrêmement sportif.
Avec son poids réduit, le rapport poids/puissance atteignait 1.86 kilogrammes par cheval, un chiffre imposant qui pulvérisait les 2.06 kilogrammes par cheval d’une Ferrari Enzo mais n’atteignait pas encore celui d’une formule-1 (0,85 !).
L’Edonis accélérait jusqu’à 365 kilomètres/heure et freinait très fort grâce à des freins de 355 millimètres.
Le 0 à 100 km/h était pulvérisé en seulement 3,2 secondes !
Elle se dotait, par ailleurs, de pneus Michelin Pax avec système anti-crevaison (il n’y avait pas de roue de secours et il ne valait mieux pas la laisser seule sur le trottoir).
Malheureusement, il n’y a eu que 2 unités produites alors qu’il était prévu d’en construire 21 par an…
Au prix annoncé en 2001 de 700.000 €, il n’y eut aucun acheteur… et l’affaire sombra !
Marc Deschamps avait pu travailler sur le design de l’Edonis avec plus de sérénité que Marcello Gandini puis Giampaolo Bendini dans le design de la Bugatti, puisque les seules contraintes avec lesquelles Marc Deschamps avait du composer étaient l’efficacité aérodynamique et les dimensions de la plateforme reprises de la Bugatti.
Il pu ainsi élaborer un dessin agressif et très personnel…, l’Edonis V12 avait ainsi le mérite de se démarquer des autres supercars.
L’autre mérite de Marc Deschamps fut d’avoir su réaliser une auto qui conservait une efficacité aérodynamique pour pouvoir se dispenser d’appendices disgracieux.
Il subsistait certes un aileron arrière, mais il était intégré et pas plus large que l’habitacle de l’Edonis.
La proue affichait un regard à nul autre pareil que seule la Morgan Aero8 pouvait essayer de concurrencer avec ses yeux… originaux.
Les feux avant en forme de boomerang n’avaient encore jamais été vus sur la production automobile… et toute la face avant épousait des formes privilégiant refroidissement et appuis aérodynamiques.
La ligne de caisse retombait et était largement échancrée avant le passage de roue arrière, cela permettait d’éviter de tomber dans le syndrome de la Bugatti EB110 avec une ligne de caisse très droite avec des flancs hauts et prédominants.
L’arrière de l’Edonis laissait respirer le V12 biturbo de 700 chevaux avec une carrosserie découpée de toutes parts et ornée de petites grilles noires mat.
Au premier abord, il était difficile de trouver des repères visuels habituels : feux, pots d’échappement…, indéniablement, Marc Deschamps avait su donner à l’Edonis V12 un caractère stylistique bien plus marqué que la Bugatti EB110 en était pourvue…
Une fois n’étant pas coutume, l’habitacle était lui aussi un hymne au design.
Trop de supercars conservaient alors et en effet des habitacles tristes et convenus comme les Lamborghini Murciélago ou Lamborghini Gallardo par exemple.
Avec l’Edonis, on se sentait plus dans l’univers des exotiques TVR, avec une planche de bord et une console centrale dont le seul objectif était d’être beau et innovant.
L’ergonomie n’était d’ailleurs pas le point fort de l’Edonis V12, mais après tout, avec 700 chevaux à gérer, l’objectif était plus de se concentrer sur le volant et les pédales que sur le réglage de la bande FM ou de la numérotation de son téléphone portable.
C’est donc en repartant de la base du fabuleux V12 quadriturbo 610 ch de la Bugatti EB110 que Nicola Materazzi et Jean-Marc Borel sont repartis.
Mais ils ont opté pour des solutions différentes sur certains détails.
Ainsi, la cylindrée est passée à 3764 cm3 et la puissance portée à 700 ch à 7600 tr/mn !
Ces passionnés ont abandonné la technique des quatre turbos pour deux turbos à géométrie variable, plus simples à mettre en place, ils autorisaient en outre une souplesse dès les plus bas régimes et une courbe de couple plus exploitable avec 80,1 mkg dès 3200 tr/mn alors que sur la Bugatti EB110 GT, ou même Bugatti EB110 S, le couple étant 20 mkg moins important à des régimes de rotation supérieurs.
Positionné central arrière comme sur de nombreuses supercars, ce V12 héritait d’une distribution 60 soupapes étudiée pour les hauts régimes de rotation.
Une boîte de vitesses manuelle à 6 rapports permettait de faire varier les vocalises de ce V12 de 700 chevaux plutôt discret au ralenti.
En revanche, une fois en action, il faisait sonner la charge et affichait des performances rarement atteintes à cette époque par une voiture homologuée et immatriculée.
Avec 365 km/h en vitesse maximum et un 0 à 100 km/h franchit en 3,2 secondes, même une Mercedes CLK GTR (W208) était battue !
Les ingénieurs étaient repartis de la base technique de la Bugatti EB110, mais ils avaient tout de même effectué un travail considérable pour en arriver au résultat final que vous avez sous les yeux.
Le châssis était donc entièrement réalisé en carbone pour obtenir un compromis poids/rigidité maximal, et c’est l’Aérospatiale à Bordeaux qui avait en charge la fabrication.
Toute la carrosserie en aluminium était façonnée à la main par un ancien carrossier de Scaglietti.
Les suspensions étaient bien évidemment indépendantes à quatre bras avec amortisseurs réglables et barres stabilisatrices.
Seul l’ABS faisait figure d’aide à la conduite intégré, car pour le reste c’était le néant total, ou plutôt c’était au pilote de jouer léger avec ses orteils !
Un différentiel autobloquant venait aider à passer la puissance aux seules roues arrière.
Vous imaginez la jouissance totale de réaliser une petite séance de drift avec une auto de 700 chevaux avec la seule aide du différentiel et l’adresse du pied droit !
L’Edonis V12, capable d’aller tutoyer des vitesses de passage inavouables auprès de la maréchaussée, était donc à même d’offrir un comportement routier d’exception et très efficace.
Ses seulement 1300 kg faisaient d’elle une des supercars les plus agiles et également une des moins lourdes avec la McLaren F1.
Bien campée sur des pneumatiques aux dimensions gargantuesques, l’Edonis ne semblait en outre ne pas trop souffrir de problèmes de motricité.
Pour ralentir l’auto, le pilote pouvait compter sur un système de freinage puissant et endurant signé Brembo avec quatre disques ventilés et perforés de 355 mm.
C’était donc une véritable supercar avec une définition totalement dédiée au pilotage pur qui tranchait singulièrement avec les dernières offres dans ce segment.
L’Edonis V12, en raison de sa très faible diffusion (2 exemplaires réellement fabriqués sur une projection illusoire de 21 voitures annuelles seulement !), reste une auto d’exception à tous les égards.
Prix stratosphérique, mais marché quasi nul…, entretien compliqué, clientèle potentielle inexistante…
Tout indique que nous sommes bien face à une supercar dans tous les sens du terme !
La plus grosse contrainte concerne bien évidemment l’après-vente, car la société B’Engineering s’est endormie et ne donne plus signe de vie… après avoir claironné que plus aucun stock de pièces de rechange n’existait…
Sans compter sur l’impossibilité de toute éventualité d’un rapatriement systématique à Modène en Italie pour de grosses interventions.
Nada, zéro, nothing…
L’usage d’un tel missile sur route ouverte peut s’apparenter soit à un intense sentiment d’injustice d’être prostré à 130 km/h sur autoroute alors qu’elle peut rouler presque trois fois plus vite… et chaque déplacement risque de vous attirer les passants sur vous dès que vous vous garez.
Il convient donc de regarder cette supercar comme une toile de maître ou un objet d’art très précieux.
C’est avec parcimonie que l’on y goûte… et les quelques instants de plaisir sont si intenses et l’émotion si vive, que c’est dans ces moments là que l’achat d’une Edonis V12 aurait pu trouver toute sa justification.
Avec un petit plus néanmoins pour l’Edonis V12 d’avoir le fol espoir d’être capable de maîtriser sans assistances électroniques ses 1,8 kg/ch, ses 700 ch et ses 365 km/h !…
J’ai pu la conduire (piloter)…, au tour de clé, le feulement du V12 conserve une certaine discrétion.
La première s’enclenche sans douleur, le reste tient de la fiction….
Légère (1300 kg) et généreuse en couple (80 mkg), l’Edonis arrache tout sur son passage.
S’il n’y prend garde, le conducteur, lui-même, se retrouve le souffle coupé…
La poussée, spectaculaire, s’apparente à celle d’une monoplace au feu vert.
La commande de boîte, bien guidée, permet même d’enchaîner les quatre premiers rapports à la volée.
A l’accélération, l’échappement se fait plus strident, l’ambiance devenant rapidement assourdissante sous l’effet de la décompression des soupapes de turbos.
Le bang ponctuant chaque changement de vitesses rappelle celui d’un chasseur franchissant le mur du son.
Dans cette atmosphère Mach 1, le pilote doit pourtant garder la tête froide car l’Edonis a la faculté de raccourcir les lignes droites.
Dépourvue d’assistance électronique, en dehors d’un ABS et d’un différentiel autobloquant, la furieuse propulsion n’est donc pas du genre tout public.
L’Edonis V12 ne laisse pas indifférent, surtout en Croatie ou les voitures de luxe ne sont que des Lada Niva…, d’abord, c’est l’une des rares Supercars produite par un micro-constructeur qui est mue par une mécanique maison, ce qui est rarement le cas des autres reprenant le plus souvent des mécaniques Mercedes-Benz AMG, BMW, ou des moteurs américains.
Ensuite, sa définition technique de préserver intacte la notion de pilotage pur, fait regretter que ce parti ne soit plus retenu dans les supercars, avec toutes leurs assistances à la conduite.
L’Edonis V12, la Supercar du 21 ième siècle ?… Suite dans la #2…
Caractéristiques…
Marque : B’Engineering Edonis
Année de fabrication : 2001-2002
Moteur : V12 de 3764 cc et 48 soupapes
Puissance : 700 CV a 7600 tpm
Couple (maximum) : 735 Nm a 3200 tpm
Transmission : Propulsion
Vitesse maximale : 365 km/h
Accélération (0-100 km/h) : 3.2sec
Suspension : Indépendant avant et arrière
Freins : Disques “aérés” aux quatre roues
Poids : 1300 kg
Rapport poids/puissance : 1.91 kg/HP
Empattement : 2565 mm
Pneus : Michelin 245-650 ZR480 à l’avant et 225-670 ZR500 à l’arrière
Prix (2001) : 700.000 € (inestimable aujourd’hui)