2005 Holden Efijy V8 6L0 Chapitre 1
En quoi réside l’essence même d’une automobile dans l’iconoclastie du décalage, dans le charme de l’anachronisme ou dans le snobisme de l’absurde ?
Les débats s’enveniment et on s’égosille, on s’étiole, on s’étripe à longueur de plaidoyer enflammé : “Tout est sexuel“… aimait à écrire le père de la psychanalyse…
Bien que l’on n’hésite plus à brocarder ce brave Sygmund à longueur de best-sellers pamphlétaires, la pensée freudienne conserve encore un crédit certain appliqué à l’automobile, nul besoin à vrai dire d’entamer un doctorat de psychologie pour s’apercevoir que le coupé sportif est à la berline ce que la maîtresse est à l’épouse, mais où classer cette Holden Efijy Concept ?
GT automatiquement alanguie pour hommes murs rangés des tape-culs au long cours taillés pour le cruising, cette fausse indolente appelle un sérieux ramollissement des pulsions lubriques chez les aficionados tiffosi Ferrari qui, comme chacun sait, n’ont absolument pas la fibre du “Customising” et/ou du “Tuning” qui sont les moyens ultimes du “ça” dans nombre de cas quasi pathologiques.
Chacun s’en doute, rien qu’à la voir, dans le marasme libidineux du “Customising”, cette grosse baleine traîne la tare rédhibitoire de n’appartenir à aucune des catégories de voitures “Customisées” vernies en rouge catin ou en noir fétichiste, aux carrosseries bodybuildées comme des poupées gonflantes, couvertes de tatouages peinturlurés représentant des scènes cauchemardesques (pour qui les regardent) !
Leurs phares cernés de casquettes chromées tels les yeux surmaquillés d’une porno star, semblant aussi bien jouer les racoleuses qu’une Camilla Parker Balls déguisée en bunny-girl, qui, pour mieux raffermir les pervers, outre un cul surélevé, usent leurs pneus dans des “Burn-out” pathétiques, l’orgasme culminant à 130 km/h avec coït interrompu (les limitations de vitesse veillant toutefois à prévenir le risque de crise cardiaque chez les plus verts)
Fallait-il vraiment en arriver à de tels accès de vulgarité pour trouver du sex-appeal à ces vieilleries ? Les dépravations automobilesques cessent d’ailleurs assez rapidement lorsque les quelques téméraires courageux qui les aiment osent enfin s’acheter, à défaut de le construire, un vrai Hot-Rod digne de ce nom… à la lumière de l’expérience… et… n’en déplaise à ceux qui ne pensent qu’à jouir trop vite, trop mal, il semble bien qu’il faille laisser aux bêcheuses et bêcheurs du “Custom”, tout le temps nécessaire pour révéler leurs capacités trop longtemps refoulées : “Le snobisme est une bulle de champagne qui hésite entre le rot et le pet”... disait d’ailleurs Serge Gainsbourg en acteur lucide de cette grotesque comédie qu’est la frime…
Regardez-les ces péteurs et péteuses, s’afficher ostensiblement, pour aller forniquer bruyamment dans des exhibitions d’engins dantesques façon “art et d’essai”, qui se complaisent entre futiles minauderies et flagorneries surfaites autour des fruits du labeur de cul-terreux bien en peine de discutailler avec eux et elles, de peur d’offusquer leur aimable clientèle, en effet, les pauvres, ces gens vulgaires et sans raffinement, n’ont pas la délicatesse de brandir l’alibi culturel lorsqu’ils parlent de gros culs, même mécaniques…
Depuis la fin des “gauloiseries customiziaques“, le dernier chic dans les milieux tenus pour branchés consiste à s’afficher dans une voiture hors-norme faite des mains d’un ouvrier, un vrai, ceci écrit, tous les happy few ne pensent pas qu’un ouvrier tient de la mythologie communiste voire de la statistique, loin s’en faut, traduisez qu’un millionnaire en dollars, se fait parfois construire un Hot-Rod de 250.000 dollars (et bien plus) par les ouvriers d’un garage spécialisé de la masse laborieuse, les rêveurs franchouillards n’aperçoivent que les photos de mains expérimentées besognant amoureusement l’aluminium ou la loupe d’orme à longueur de reportages…
Depuis, ces gens ont pris l’habitude de convier les télévisions à venir faire les voyeurs en leur usine, pardon, manufacture, la terminologie agresse tellement moins l’oreille en ces temps de robotisation systématique… afin d’admirer les braves imbéciles œuvrant docilement à l’édification de leur gloire ambulante ? (Evidemment, on veille scrupuleusement à dépunaiser les calendriers de filles “à poils” et à cacher les revues porno de derrière les établis).
Ce succès rencontré par ces nouveaux zoos humains aussi authentiques qu’un voyage formaté dans un eldorado de cartes postales, entraîne bien sûr son cortège de prestations folkloriques telles que le reportage photo de la famille Machin chez Mickey-Mouse devant leur totomobile… des fois que l’on soupçonnerait les mains expérimentées de besogner autre chose que l’aluminium et la loupe d’orme…
Entre l’Antiquité flamboyante des swinging sixties et la Renaissance néo-rétro fin de siècle, les années 70/80 n’évoquent pour les gens qu’une obscure parenthèse moyenâgeuse aussi peu connue que mal aimée… car… il ne s’agit certes pas là, reconnaissons-le, d’une époque particulièrement brillante, aussi bien pour les voitures dites “de série” que pour les voitures “customisées”...(j’en tiens pour preuve, l’AMC Matador, parce qu’elle est tellement laide qu’elle en devient extraordinaire…).
Après avoir enfanté tant de mythes et alimenté tant de fantasmes, le monde de l’automobile mesurait brutalement sa vulnérabilité à mesure que les crises pétrolières compromettaient prospérité éternelle et lendemain radieux… mais avec le Covid19 en moyen efficace d’asservissement des masses de Gnous, s’il n’y a plus de diktats pétroliers possibles, l’asservissement des populations s’opère plus malignement via de multiples contraintes dont le confinement des masses sclérosées, tétanisées à la simple idée d’attraper les virus chinois de chauves-souris sataniques !
Bien des marques automobiles donnent le ton : le “La” et le “Bémol”… suivis par des garages soi-disant spécialisés… et sombrent dans le chaos des faillites, sans autres perspectives d’avenir que les replâtrages d’un unique engin d’exposition, usé par le poids des ans et des “restylages” douteux, alourdis par les multiples couches de conneries mélangées à la choucroute des carrosseries…
Vacillant sur leur socle, les labels légendaires de la mythologie automobile populaire apprennent à leurs dépens que leur premier métier consistait à gagner de l’argent, tâche bassement prosaïque bien peu compatible avec les grandes exaltations visionnaires marquant à jamais l’Histoire… en ce compris leur participation à des manifestations automobiles anciennes ou à des customisations démodées avant d’être terminées…
Et pourtant, sortant du macabre tourment de ces âges obscurs, il y eut quelques chefs-d’œuvre… en point d’orgue, dont l’extraordinaire Chrysler Prowler, premier véritable Hot-Rod à être commercialisé par une firme d’envergure… et pourtant cet engin fabuleux fut boudé par les Hot-Rodders… Chrysler/Plymouth arrêtant alors la fabrication (irréprochable) de cette voiture réellement hors-normes.
Mais, quelques années plus tard (en 2005), à l’autre bout de notre monde, en Australie, la marque fétiche des kangourous : Holden, a construit cette chose, cette machine, cet objet non identifié venu d’un autre monde… qui a mis la raison en déroute, asséchant le verbe à force de tutoyer l’indicible, qui ne retient pas le regard mais le saisit violemment.
L’étourdissement du premier abord surmonté, on reste ahuri devant l’audace insensée de ces lignes, impressionnantes de sexualité et d’élan contenu… ce fantastique engin, même immobile, semble fendre les airs… libéré des contraintes castratrices de la grande série… les designers de Holden, sous la direction du Chief Designer Richard Ferlazzo, ont signés là une œuvre absolue, radicale, sans compromis, terriblement efficace dans sa pureté formelle, au départ des lignes intemporelles de la fameuse et iconique Holden 1953 FJ… pour une valeur finale d’un million et demi de US$ !
Cela aurait dû suffire à meubler l’espace médiatique à moindre coût pour relancer les ventes de la marque et lui éviter de fermer ses portes… même si cet engin n’était qu’un gimmick de salon custom, vision naïve d’un rétro-futur fantasmé sur fond de conquête spatiale revisitée façon Star-Trek… une étrange manière de faire revenir les clients basiques… pourtant, cette Holden Efijy s’est évanouie dans la nature sitôt les lumières des shows éteintes… à ce niveau de science sans fiction, aucune usine même dans ses plus fastes années n’aurait osé se permettre pareille fulgurance.
Holden (qui n’existe plus) est totalement méconnue sur la majorité du globe… et pour cause, cette marque australienne sous le contrôle de GM était très peu exportée… seule le gros coupé V8 Monaro, au rapport prix/performances imbattable, était commercialisée au Royaume Uni par Vauxhall et aux Etats-Unis sous le nom de Pontiac GTO, petite audience donc…
Mais alors que le salon de Tokyo attirait tous les regards et que Holden aurait dû y parader, Holden a présenté au salon de Sydney cette folie roulante longue de 5.20m, large de 2m et reposant sur des suspensions pneumatiques, sa carrosserie en fibre de verre recouvrant un châssis de Corvette C6 à qui elle empruntait aussi le V8 LS2 de 6l, compressé pour l’occasion et développant 652chevaux et 775Nm…, rien de véritablement Holden là-dedans !
Le style, synthèse du design des années ’30 et ’50, hurlait “Hot Rod !” à qui voulait l’entendre (les visiteurs du show automobile de Sydney)… de quoi faire fumer les magnifiques roues pleines en aluminium de 20′ à l’avant et 22 à l’arrière… tandis qu’à l’intérieur de la chose, le style néo rétro continuait à fasciner les beaufs éberlués, mélangeant avec style bois, aluminium et cuir pour le tableau de bord, LED et bakélite pour l’instrumentation…
Mon acharnement quasi maladif à rester en dehors du troupeau me prédestinait à cette rencontre du troisième type le temps d’un tour de chauffe aux confins de l’espace… rien de tel pour une mécanique intersidérale que quelques centaines de millions de kilomètres hebdomadaires pour rester en forme passé le cap de l’année lumière au compteur… à peine installé sur mon siège de capitaine Kirk, je me sentais déjà dans l’antichambre du cosmos… sous mes yeux, une galaxie de diodes électroluminescentes constellait un ciel de roman SF.
Je cherchais dans cette nuée d’astres étincelants de quoi rejoindre l’hyperespace en vitesse lumière… à peine avait-elle quitté l’atmosphère que l’ordinateur me sommait de lui indiquer notre destination… au hasard de mes tâtonnements sur d’étranges claviers tactiles s’illuminant sous mes doigts, des combustions de turboréacteurs retentissaient dans mon dos tandis qu’au dehors, les lumières de l’éclairage public se dissolvaient en fines raies blanches à mesure que ma nef interstellaire s’arrachait à l’attraction terrestre.
C’était décidé, nous irions vers Jupiter sonder les mystères de l’univers dans le sillage de Kubrick et de l’énigmatique monolithe noir… la voix synthétique m’a remercié et calculé l’itinéraire le plus sûr en moins de temps qu’il ne me faut actuellement pour l’écrire… il aurait été dommage de risquer un impact d’astéroïde au prix du pare-brise unique (au retour, je désactiverai le pilotage automatique et me mettrai en mode submarine, histoire d’aller pêcher une appétissante sirène dans les flots étincelants de Coral Harbor)… non content d’avoir fait du système solaire mon carré de jardin… et je ne me contenterai certes pas d’une simple tisane avant d’aller au lit.
Je redescends sur Terre en tapotant cette histoire d’un autre temps… au sens propre et surtout au figuré, car pour être tout à fait honnête, le vol a connu certains contretemps. Il faut bien me rendre à l’évidence, aussi décevant que cela puisse paraître maintenant, cette Holden n’était qu’une voiture…, j’ai à vrai dire vrai… eu quelque mal à m’affranchir de la force gravitationnelle qui maintenait toujours mon astronef au sol.
Une clé toute bête servait à la mettre en route… il fallait encore insuffler de l’air dans les pneus taille basse effrénés… je craignais également que les principes poussiéreux de “Beaux de Rochas” sévissent sous le capot où les pistons montaient et descendaient comme sur toutes les voitures… même si c’était le V-8 de 6 litres version turbocompressé de la Corvette Z6.
Malgré l’invraisemblable complexité d’un système qui avait coûté bien des cheveux blancs aux ingénieurs, j’ai parié (et gagné face à moi-même) que le dernier téléphone portatif dans le vent de l’époque, possédait dix fois plus de technologie embarquée… et… tombé des nues, j’ai regardé avec tristesse mon rêve évanoui.
A l’image de 2001, l’Odyssée de l’espace, le futur, décidément, vieillit mal… il s’est révélé depuis, que la réalité des Mégane sans clé et autres “1007 ouvre-toi toute seule” dépassait la fiction de mon carrosse ringardo-futuriste… donc dans un ultime sursaut d’orgueil, j’ai repris les commandes du Faucon Millénium… brusque marche arrière… à ma décharge, les oscillations paresseuses de la caisse trahissaient des réglages d’une autre planète, mais le V8, infiniment plus moderne soit dit en passant que le monument historique animant encore les Twingo, possédait un allant sauvage qu’exprimait avec ferveur un son rauque et rageur.
Frissonnant d’excitation, je jouissais à l’ouïe de cette Chevauchée des Walkyrie en m’envoyant en l’air à grande giclée d’essence…, que m’importait dès lors les folies customiesques, j’étais transporté vers d’autres cieux, la route aux étoiles s’offrait à moi…. et, alors que défilaient les automobilistes lambins dans le rétroviseur, j’ai saisi au mieux le sens de l’adjectif anglais “pop-eye”… il n’y avait rien d’étonnant à ce que les yeux leur en sortent des orbites, à ces braves gens qui regardaient cet engin passer… ils n’avaient jamais vu de vaisseau spatial planer à si basse altitude.
Arrivé à la station-sévices compris pour effectuer le plein de kérosène, j’ai craint de raviver la haine des riches chez les collectionneurs de points Total… mais l’envie de tester les réactions humaines excitait en moi la plus perverse curiosité, surprise et consternation, la Holden glissait dans le morne quotidien et les mines d’ordinaire ennuyées des passages à la pompe se muaient en illuminations béates…
Il n’y avait pas de regard en biais comme je le craignais, mais plutôt une expression déconfite consécutive au passage de cet OVNI…, les aliens, me semblait-il, échappaient à la lutte des classes…, même les mômes dont on pouvait croire la curiosité intellectuelle à jamais annihilée par l’overdose de télé et d’ordi, n’avaient d’yeux que pour cette Sainte Apparition.
Les djeunes multipliaient les « j’hallucine » dans la limite de leur vocabulaire formaté, le caissier interchangeable était scotché contre sa vitre alors que ses poireaux de clients tendaient déjà le bras, appareil numérique au poing…, eux aussi voulaient faire un tour dans le cosmos, tant il est vrai qu’on n’a jamais été aussi bien sur Terre que dans l’Espace… et, après pareil choc, comment voulez-vous faire remonter la marmaille dans le Scénic à Papa ?
Ma petite expérience accomplie, jubilant comme un gosse, j’en ai oublié de m’acquitter de ma passable besogne ravitailleuse et j’ai filé dans l’hyperespace périphérique sous les regards médusés…, on a beau dire, pour un engin conçu en des temps soi-disant moyenâgeux, la Holden Efijy me semble encore en avance de quelques années-lumière…
2 commentaires
V8 chromé, 1000W de sono et écrans LCD à une époque où la grande série tournait tout juste le dos aux cristaux liquide… c’est une vraie showcar !
C’est un des rares articles du site sans fille nue… donc la vidéo est utilisable pour vendre du contenu vidéo à diffuser dans les salles d’attente des dentistes ! Imaginez mon cher Gatsby : le même produit passerait de contenu web/magazine non défiscalisable à vente de contenu pour salles d’attente de professionnels ! Factures, déductions fiscales, profits !
Bof ! Encore des paperasseries en perspective !
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