2009 Bentley Continental GTC “Le MANSory”…
Bentley a gagné au Mans cinq années quasi consécutives et a passé les soixante dix suivantes à s’en glorifier passivement sous obédience Rolls-Royce.
Jusqu’au jour où la mode du turbo et les manies néo-rétro ont accouché de diverses pachydermiques extravagances, hommage littéral aux “camions les plus rapides du monde” raillés jadis par Bugatti.
La passion a ses raisons que la raison ignore.
Quand bien même ce carrosse bi-coloré est agile comme peut l’être un morse hors de l’eau, la firme américaine Mansory s’enorguellit de sa création exhubérante… et affirme qu’elle est une voiture “sport”, et même “racing”, feignant d’oublier que les penchants de ses clients “happy few”, ramollis dans l’aisance, sont avant tout le confort… relevant du délit d’impuissance.
Ce tank, recyclage grotesque d’une base roulante déjà trentenaire, en sportive d’opérette pour les besoins de sa communication… et vu les moyens dont dispose la société Mansory en ces années à ne plus mettre un carrosse dehors, ce morceau de bravoure, donc, émeut jusqu’à la lecture de sa fiche technique.
Pensez-donc, des chiffres faramineux dont l’ouie abracadabrante bombarde l’esprit initié d’images dantesques quand l’illettré technique ne perçoit que barbares chinoiseries !
Pour l’amoureux des chiffres, c’est du Wagner, le souffle épique d’une loco Atlantic lancée à toute vapeur, la force irrépressible d’un brise glace balayant tout sur passage et bien sûr, la charge onirique d’une Bentley s’ébrouant brusquement à la faveur d’un kick-down exalté.
Avec son empattement aussi long qu’une Mini Cooper entière, ses trois tonnes de heavy metal et sa bonne grosse gamelle à la courbe de couple de Diesel industriel qui n’aurait certes pas déparé sur un autorail SNCF ou une groupe électrogène, cette Bentley Continental GTC “Le MANSory” (un stupide jeu de mot pour le plaisir commercial de recréer un lien avec les 24 heures du Mans), inquiète davantage les turbo-bahuts et autres panzer des sables que les bella machinas de la plus pure race.
Ce cétacé sorti de je ne sais quel Jurassic Parking défie à ce point l’entendement que toute tentative de jugement objectif se brise sur les fanons de son monumental fronton.
Elle n’occupe pas l’espace, elle l’emplit, l’envahit sinon l’écrase en s’imposant aux regards plus qu’elle ne se propose à eux.
Ni raisonnablement belle ni honnêtement laide, elle EST, tout simplement.
Définitivement étrangère à tous les critères d’évaluation contemporains, elle va jusqu’à se jouer des repères temporels.
Alors que s’éteignent les derniers dinosaures, ce coup de force magnifique et dérisoire comme un baroud d’honneur fait réaliser l’incommensurable absurdité d’un paquebot de sport.
Ce dont nous aurions bien tort de nous plaindre, tant cette vie est justement absurde.
L’auto n’est pas toute nouvelle, je ne l’ai jamais présentée dans GatsbyOnline jusqu’à ce jour.
Sous le capot, se trouve un boost moteur faisant passer la puissance d’origine (suffisante), à 650 chevaux à 6.100 tr/mn pour 780 Nm disponibles à 1.600 tr/mn…
L’auto s’autorise ainsi des performances de pointe avec 330 km/h en vitesse maxi et une accélération de 0 à 100 km/h en 4.4 secondes !
Pour stopper la bête, Mansory a équipé ce gros coupé d’un système de freinage à disques ventilés de 412 mm avec étriers Brembo à 6 pistons en alu à l’avant et de 405 mm avec étriers à 4 pistons à l’arrière…
Pour aller de paire avec les perfs’, la suspension a été rabaissée de 30 mm.
Côté boudins, la Bentley Continental GTC “Le MANSory” by Mansory est chaussée en 265/35 à l’avant et 305/30 à l’arrière, le tout avec des jantes de 22 pouces.
La firme Bentley, à l’instar de Bugatti et de Lamborghini, est tombée dans l’escarcelle de Volkswagen depuis 2002, date du rachat de la marque anglaise par le groupe allemand.
Depuis, Bentley surfe sur la vague du succès.
En l’espace de quelques années, ses ventes ont été multipliées par dix, un résultat que peuvent lui envier bon nombre de ses rivaux, à commencer par Rolls-Royce rachetée par BMW….
Le spectaculaire redressement de Bentley s’est opéré sur des fondations solides : la formidable banque d’organes et le savoir-faire des ingénieurs du groupe VW.
De quoi insuffler une sacrée dose de modernisme à une gamme certes digne, mais obsolète, techniquement parlant.
La nouvelle vague constituée par le coupé Continental GT, la berline Flying Spur et le cabriolet Continental GTC a remis les horloges à l’heure en prenant la luxueuse limousine VW Phaëton comme base.
Converties au W12 et à la transmission intégrale, les Bentley ont retrouvé une seconde jeunesse tout en conservant l’inimitable distinction de leurs aïeules.
Le charme irrésistible du cocktail anglo-allemand a permis de conquérir nombre de nouveaux clients et une majorité d’entre eux s’est laissé enivrer par le puissant parfum de compétition exhalé par les versions Speed.
Ce label sportif repris des Bentley qui couraient dans les années 1920 se traduit ici par une montée en puissance du W12 suralimenté.
Cela fait de la Bentley Continental GTC le coupé quatre places le plus puissant du moment…. et aussi le plus rapide.
Plus encore que la puissance, c’est le couple maxi délivré par le douze cylindres qui impressionne.
Avec la boîte automatique et la transmission intégrale, chaque démarrage s’apparente à l’envol d’un avion de chasse.
Les suspensions surbaissées et les superbes roues de 22 pouces améliorent la tenue de route sans entamer le confort.
Les très hautes performances sont obtenues dans un luxe que seules les marques anglaises savent recréer.
Le seul frein au plaisir de conduire cette GTC, c’est un poids comparable à celui d’un gros SUV.
Malgré un châssis d’une grande tenue et un freinage au-dessus de tout soupçon, les 2,5 tonnes de ce coupé embarquent inévitablement lavoiture vers l’extérieur des virages.
En étant pointilleux, je regrette que les palettes de commande manuelle de la boîte de vitesses soient trop éloignées du volant et que le coffre et les places arrière soient aussi exigus.
Je me suis consolé grâce à la moquette si épaisse qu’elle m’a donné envie de conduire pieds nus !
La seule véritable faute de goût, je l’ai trouvée en voulant admirer la fabuleuse mécanique logée sous le capot.
Figurez-vous que la calandre chromée de cette prestigieuse Bentley Continental GTC “Le MANSory” est confectionnée en matière plastique.
Shocking !
Malgré les trésors de sémantique inusités que renferme le Littré, j’ai peine à traduire la notion de “cool car” attribuée à cette GTC, dans la langue de Montaigne…, vaine tentative eu égard à la subtilité d’un concept que l’on ressent plus qu’il ne se démontre et dont cette Bentley exprime à mes yeux actuellement la quintessence.
La coolness de ce morceau d’anthologie mécanique échappera probablement au futur acquéreur de Twingo !
Cette GTC, déclassée, démarquée, pour consommateur sans passion ni grande idée de l’automobile est un choix par dépit, un choix à défaut, uniquement justifié par des pingreries de pense-petit.
Puisque personne n’est dupe sur la provenance de l’objet, on aurait tout aussi bien pu la vendre en supermarché avec comme tout commentaire “VOITURE NEUVE” inscrit sur la fiche descriptive de l’article.
Une auto seriously uncool…, quand bien même Bill Murray la conduirait dans le plus inclassable des road movies, ce dont n’aura cure l’acheteur possédant une calculette à la place du coeur.
Parce qu’elle vous hôte de l’esprit toute préoccupation bassement rationnelle, parce que l’on ne croise guère de monuments historiques sur nos routes et parce que le monde serait tout simplement moins savoureux sans d’aussi extravagantes survivances, je qualifierais cette Bentley d’overcool.
Quant à la quantité de CO2 rejetée par kilomètre, avouez que demander cela est notoirement uncool.
Fiche technique :
Moteur : W12 biturbo 48 soup., 5 998 cm3
Puissance : 650 ch à 6.100 tr/mn
Couple : 780 Nm de 1.600 à 5.600 tr/mn
Transmission : 6 vitesses automatiques, aux quatre roues
Dimensions : 4804 × 1927 × 1388 mm
Coffre : 235 dm3
Poids : 2.485 kg
Accélération : 0-100 km/h : 4,4 s
Vitesse : 330 km/h
Consommation : 26,1 l (moyenne UE)
Émissions Co2 : 396 g/km
Prix : Un très grand nombre d’€uros
BIEN VU : Très grande classe, performances de haut vol, sonorité moteur envoûtante, comportement souverain, confort et silence…
À REVOIR : Poids élevé, places arrière et volume du coffre restreints, vorace en carburant, détails de finition…
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