Je pense n’être exotique pour personne si je confesse ici un vice abominable quoiqu’inoffensif, qui consiste, lorsque viennent les heures avancées de la nuit où le sommeil me délaisse, à m’abîmer dans l’écriture, narrant ce qui m’a effleuré, voire touché, plus précisément des aventures hectiques et déjantées, enchaînant avec une régularité d’horloge en panne : moments vécus, gags attristants, humeurs rances, réflexions désabusées, jouissances exacerbées, folies meurtrières, soif de vivre et pétages de plomb durci…, qui tournent en boucle dans ma tête (bien pleine… et bien faite), pendant des heures, faisant inlassablement la redite de mes questionnements hallucinés, mon genre de prédilection dont je rirai moi-même dans dix ans en le comparant à la plouquerie populacière dans laquelle surnage la mélasse lacrymale des populations lambda…
Pourtant, de-ci, de-là, quelques prodigieux effets kitschs retiennent mon attention dans la souvenance des débilités du monde qui tentent, non sans un certain succès, de s’harmoniser dans l’immonde jusqu’à bouleverser les sens communs (en ce compris leurs rudiments artistiques végétatifs)…, des primates ordinaires qui constituent la majorité des beaufs parmi lesquels les tifosis et autres décérébrés mentaux, grands amateurs de F1, voire de football…, mais en ce cas, plus personne ne peut plus rien pour eux, moi y compris…
Face à cette profonde décadence, dont j’arrive néanmoins après beaucoup d’entraînement, à abstraire mon esprit…, je trouve dans la réflexion, allez savoir pourquoi, un délassement profond, qui m’aide à accepter l’idée d’aller dormir, puisque rien ne vaut qu’on échappe au néant en ces heures nocturnes et pré-matinales…, les autres, sans doute, même s’ils ne s’en doutent pas, sont manœuvrés, dans cette tâche abyssale, par la grande crise économique qui continue de frapper le monde de l’automobile…, dans le sens ou la fortune ne provient pas (vraiment et uniquement) de la vente (à prix d’or) des Ferrari de route à des ploucs fortunés (ploucs, parce qu’ils n’ont aucun discernement quand à la réalité du monde qui n’est pas le leur… et fortunés, parce qu’il faut l’être pour payer une Fiat de luxe 100 fois son coût de fabrication…, d’où l’obligation d’être simultanément plouc)…, ma réflexion a donc été : Mais que va donc devenir Ferrari ?
Je tiens à préciser qu’il arrive (rarement) que, de temps en temps, il se trouve un OVNI, un mec bizarroïde, imprévisible, dont le but en achetant une Ferrari nous échappe et dont les subtilités circonventionnelles des raisons invoquées nous laissent perplexes, interdits…, les rappeurs blacks (et ce n’est pas raciste) étant les plus gros cons et sommateurs de Ferrari au monde (et au delà)…, parmi ces gens étranges, j’ai vainement tenté d’en trouver d’intéressant, tous (il y a aussi quelques toutes, mais c’est rare), s’avérant incapables d’expliquer les raisons réelles de leur achat mécanique…, autrement qu’en langage binaire dépouillé nous interpellant au niveau de l’inconscient comme un disque dur rayé.
Je ne puis m’empêcher, à chaque diffusion de clips les mettant en scène avec une multitude de Ferrari et de Pin-ups dénudées avec des bouches de fellationeuses diplomées…, de m’y plonger avec délectation comme dans un plat de nouilles…, mais, comme je ne suis pas sûr que vous, amies et amis qui me lisez avec délectation, évoluiez dans le même flou que moi, je vais vous raconter ce que moi je perçois de ces imbécilités en apparence innocentes, dont je vois, il faut le préciser, uniquement le flou, le terrible flou inspirateur…, certes, on pourra me taxer de vision subjective, mais le plus important, n’est-ce pas qu’à partir du moment où moi-même je puis avoir ce type d’impression, d’autres aussi peuvent tout aussi bien le ressentir ?
Alors plongeons-nous ensemble dans l’apocalyptique, le mot n’est pas trop fort… et ce sont d’abord deux femmes qui apparaissent…, deux femmes minces, à la peau très blanche quoique noire (Michael Jackson a durablement marqué une génération), habillées et coiffées façon années ’30 (à la manière de la population touchée par la grande crise, pas à la manière Hollywoodiènne)…, elles se ressemblent un peu, mais n’ont pas l’air sœurs pour autant…, leurs visages sont expressifs dans l’inexpressivité chronique de celles qui n’en ont strictement plus rien à f… des autres (excepté si un espoir de gain naissait à la vue d’un geste apparemment anodin provenant d’un ou d’une spectatrice), mais leurs mouvements sont secs, nerveux, empressés…, l’une d’elles ouvre la porte à une sorte de gnome sexagénaire… juste avant que l’autre femelle suive le même chemin, semblant vanter les mérites d’une boisson revigorante… et, sans se préoccuper des demoiselles qui l’entourent, le gnome hideux tel un nain de jardin exhibitionniste, se dirige derrière la voiture en se grattant l’entre-jambe (toujours les séquelles de la période Jackson).
L’une des filles accompagne le petit vieux jusqu’à un lieu proche de la voiture et situé devant un mur de parking, tandis que l’autre ouvre le coffre du véhicule pour y prendre une chaise en bois…, cette jeune femme, avant de rejoindre sa comparse, lance au chauffeur, un regard insistant, légèrement libidineux, mais du genre zombie scotché : sans sourire, sans œillade, sans rien…, presque comme si elle venait soudain de s’apercevoir qu’il était là, avec son charisme “ombrageux” de Black-lover en rogne…, le vieux gnome s’assoit sur la chaise et se met alors à jouer de la guitare en débitant un texte saccadé (jouer est un bien grand mot…, débiter à une connotation sexuelle, disons qu’il se contente d’effectuer des mouvements très secs de sa main droite, de haut en bas…, tandis que les deux jeunes filles se mettent à danser lentement sur la musique).
C’est un moment privilégié que la danse de ces deux créatures amorphes et néanmoins inquiétantes, d’abord parce que les mouvements sont souples mais frigides, tout en retenue et en sensualité glacée, ensuite, parce que les visages de ces hétaïres des années folles remixés à la manière du masque mortuaire de Michael Jackson (toujours lui), restent figés, inexpressifs, dénués de tout sourire, de toute mimique chaleureuse ou simplement humaine, les yeux errants dans le vague, comme brouillés par l’opium, exprimant la terreur d’une vision intérieure et l’abandon total et immédiat à la torpeur ultime…, c’est très impressionnant…, on devrait interdire aux choristes et danseuses de se masturber avant d’effectuer leur numéro !
De son côté, le chauffeur courroucé continue de débiter sa mélopée d’un air buté, légèrement éberlué, avec une voix déconcertante (pour un black) de canard au nez bouché avec laquelle il annone sans prétention une mélodie dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’a pas plus de raisons que la guitare du gnome, de mettre ces demoiselles dans une telle transe, preuve que définitivement, elles ont absorbé quelque chose d’illicite, la question est de savoir si c’est avant ou après leur masturbation… par souci de stigmatiser son bonheur d’avoir acheté une Ferrari California 2009, ce qui fait partie intégrante de son texte…, il déclare, ce qui laisse assez perplexe, qu’il y va amener le monde aux frontières du réel…, car là est la terrifiante métaphore de cette chanson Rap…
Cet infect petit vieux et ses deux grognasses sont en fait des Ferraristes cons et vaincus…, j’en viendrais presque à vouloir frapper ces marionnettes humaines pour qu’elles cessent leurs agaçantes singeries…, ce ne sont pas ces conneries là qui vont modifier l’angle de rotation de la terre…, en tant que spectateur, torturé mais indulgent, je m’attends à ce que le vieux gnome raconte enfin ses impressions au volant de cette Ferrari California, un essai scientifique version Rap, concernant les conséquences qu’une telle voiture donne sur le système nerveux (j’avais vu à l’époque un reportage saisissant sur quelques Tifosis Ferraristes, légumes humains tressautant du soir au matin, en gestes contradictoires, une comparaison aurait ajouté un grand plus dans ma compréhension de cette affaire nébuleuse)…, mais le plus beau reste à venir.
Cynisme extrême…, provocation ultime…, exactement comme une éponge effacerait une tâche, il chante en marmonnant que la vie est une éponge et lui une tâche qui renait à la vie sexuelle parce que sa Ferrari est sa reine, que ses meufs sont ses meufs, qu’il emmerde tout le monde, qu’il a une montre Cartier au poignet et un zizi d’enfer qui le démange…, du vrai Rap…, seulement 372 personnes ont acheté ce Dvd aux USA…, le bruit court que ce sont exclusivement des Ferraristes noirs et Californiens…, et ces malheureux individus, après avoir été abrutis et lobotomisés, ces gens prisonniers de leur achat frénétique… sont tout simplement réduits à néant, gommés, annihilés, peut-être même digérés…, qu’est-ce que cela veut dire ? Que signifie cette propagande élitiste de purification sociale via une Ferrari et une montre Cartier ?
Avec une indifférence calculée, qui suggère le terrifiant aspect routinier de ce rituel, le petit vieux gnome se lève, les filles récupèrent la chaise et les trois monstres regagnent paisiblement la voiture…, avant de mettre la Ferrari California en route, une des deux filles jette néanmoins un regard interrogateur dans le vide…, c’est le moment où je me suis dit que, peut-être, j’allais enfin apprendre la finalité de cet acte atroce qu’est l’achat d’une Ferrari California…, mais non, aucune parole supplémentaire…, le clip est terminé…, quel est le message ? Qu’en penser ?
Est-ce une métaphore plus subtile ? Manipuler le peuple ? Dans tous les cas, ne croyez pas que cette vision floue en est pour autant lacunaire…, les impressionnistes ont été les premiers à se rendre compte de la puissance d’évocation du flou par rapport au figuratif…, faites comme bon vous semble, mais ne prenez pas de risques, n’achetez pas ce Dvd…, n’attendez pas non plus que la California ravive notre flamme pour la Dino de 1968, l’impie à V6 central arrière.
En dépit de son nom, cette Ferrari n’est pas un remake de la mythique 250 GT California Spyder de 1958…, cette voiture s’inscrit quelque part entre l’orthodoxe V12 avant de la 250 GT et le 6 cylindres irreligieux de la berlinette : elle est la première Ferrari à V8 central avant…, cette initiative rebelle n’est un sacrilège qu’aux yeux des vieux caciques qui re-écrivent l’histoire de l’automobile…, deuxième manquement, cette fois à la doctrine régissant les types de carrosserie : la California n’est ni un coupé ni un spyder, mais les deux à la fois grâce à un toit rigide qui lui grossit le fessier, sans l’empêcher d’exhiber le plus beau et plus complexe toit du genre…, avec ce sens pratique, inconnu de Ferrari (ce qui garantit des factures d’entretien au même niveau qu’une Ferrari Enzo), elle prend du poids…, mais pas d’inquiétude quant à la répartition des kilos qui, grâce à la boîte de vitesses ancrée en aval du pont arrière (l’ensemble pesant 120 kg), s’établit à 47% sur l’avant et 53% sur l’arrière…, il s’agit de la Getrag 7 rapports à 2 embrayages du même type (il parait en réalité que c’est la même) que celle de la Nissan GTR, montée ici au dos du différentiel arrière.
Premier V8 à injection directe pour ce premier coupé-cabrio Ferrari et première fois qu’une voiture au Cheval Cabré porte un 8 cylindres à l’avant, c’est un nouveau bloc au vilebrequin calé comme celui d’une Ferrari et non d’une Maserati ; les hauts régimes hurlants l’attestent en glaçant les sens sur la crête des 8.000 tours…, la California étrenne aussi une boîte 7 robotisée à double embrayage Getrag, qui jette dans l’obsolescence la F1 à simple embrayage…, le freinage moins directement mordant que sur les modèles radicaux rassurera un client de conquête moins à cheval (ou moins cabré) sur la science du pilotage…, des disques en carbone-céramique sont là pour des décélérations décapantes et indéfectibles et pour des coûts prohibitivement spectaculaires en cas de remplacement, il n’y a pas de petits profits…, de ces faits (et même sans), la California sillonne les petites routes au revêtement douteux sans perdre en confort : le débattement de suspension étant nettement plus important qu’à l’habitude.
Le rapport poids/puissance moins favorable et la suspension plus conciliante n’empêchent pas de titiller le châssis transaxle (moteur AV, boîte accolée en aval du pont AR) en tournant graduellement le Manettino au volant (Confort, Sport, CST, Off)…, arceaux anti-tonneaux déclenchables (ce qui est destiné à rassurer dans l’angoisse qu’une telle auto puisse partir en tonneau après que vous soyez parti en couille)…, on peut parler de souplesse, voire, à l’inscription en virage, de roulis léger…, en dehors des ayatollahs de la conduite sportive et des quelques ferraristis obsédés par la posture à tenir sur la route, personne ne relève… et peu s’en relèvent, mais c’est là une digression humoristique !
Ce n’est pas la moins chère, même si elle squatte la première ligne du tarif…, et sûrement pas le client de conquête, qui attend d’une Ferrari qu’elle soit superfacile à utiliser au quotidien…, ni la plus petite, loin de là: elle est 5 cm plus longue que la F430 et aussi lourde que la 599 GTB…, le poids de deux voitures en une, coupé stylé et performant, cabrio de sport pratique et spacieux…, caves à pieds profondes, cotes d’habitabilité généreuses et coffre à séparateur toujours utilisable, les grandes statures y trouvent leur bonheur, abritées du vent en open-air.
S’il fallait donner crédit à la phallocratie rampante des gu-gusses qui portent le Cavallino en médaillon sur leur gourmette, la California serait la toute première Ferrari pensée pour les bonnes-femmes (c’est volontairement macho)…, nullissime, cette réflexion a au moins le mérite de vous faire sortir de vos gonds, bien sûr, les Californiennes vont l’adorer, parce qu’elle est surpuissante et au moins aussi facile, conciliante, douce et docile…, à conduire qu’une Mercedes SL…, en clair, ces zozos misos lui reprochent ses qualités : une boîte automatisée parfaite sous tous rapports ; un châssis équilibré posé sur une suspension particulièrement amène ; un habitacle spacieux, un cocon abrité des turbulences à plein ciel ; un coffre toujours utilisable et un sens pratique inhabituel et unusuel à Maranello.
Ces points étonnants font de la California, la Ferrari la moins déraisonnable jamais produite, la raison ne chassant pas une âme que l’on peut apprécier au quotidien, sans la mythifier…, tant qu’à pousser l’idée plus loin, je préférerai la savoir entre les mains d’un sacré bout de femme plutôt que pilotée par un mecton falot…
Et toc !