Dénoncez l’abomination du Schnitzel…
Revivre des moments qui ont marqué mon passé est pour moi une sorte de cure de jouvence… et en ce mois d’aût 2009, ce sentiment était mélé au besoin irrépressible de participer au 37 ième Old-Timer Grand-Prix du Nürburgring…
Alors, surprise, je m’y suis rendu du 7 au 9 août 2009…
La Clinique de la Forêt Noire : voilà un nom que connaissent aussi bien les Français et les Belges que les Allemands.
Série culte oblige !
La Clinique de la Forêt-Noire (Die Schwarzwaldklinik) est une série télévisée allemande en 2 épisodes de 90 minutes et 70 épisodes de 45 minutes, créée par Herbert Lichtenfeld et diffusée entre le 22 octobre 1985 et le 25 mars 1989 sur le réseau ZDF.
En France, la série a été diffusée à partir du 4 septembre 1987 sur M6.
Cette très coûteuse production (plus de 250 personnages, 2.300 figurants, tournages dans de véritables blocs opératoires…), a connu un immense succès en Allemagne, réunissant chaque semaine plusieurs millions de téléspectateurs.
C’est extraordinaire qu’après tant d’années passées, un tel feuilleton soit resté dans la mémoire collective !
C’est sans nul doute la même chose que pour mes anciens magazines Chromes&Flammes que certains d’entre-vous gardent en tête depuis presque trente ans !!!
C’est en ce lieu mythique que je voulais me rendre en même temps que participer au 37 ième Old-Timer Grand Prix de l’AVD…, mais ce que je ne savais pas avant, c’est que la Clinique de la Forêt Noire (la vraie) est spécialisée dans la cure d’amincissement plutôt que dans les cures d’anti-stress…, parce que gros ou pas gros ça ne rigole pas en Germanie…, le programme indiquait que je devais suivre deux journées de cure et faire attention à ma ligne en toute circonstance, ce qui n’est pas si facile quand on est toujours sur les routes.
Mais que soit, j’étais prèt à tout…
La Forêt-Noire s’étire sur 160 kms, de la frontière suisse à Durlach, et couvre approximativement 6.000 kms carrés, culminant à 1.493 m au Feldberg.
C’est un bloc de terrains cristallins basculé du S.-O. vers le N.-E., direction dans laquelle il plonge sous les couches sédimentaires tabulaires du bassin de Souabe et de Franconie.
La Forêt-Noire domine le fossé du Rhin moyen par des escarpements de failles rapprochés, disposés en gradins et découpés en collines.
Ces gradins qui portent le vignoble badois, s’élargissent vers le sud, aux abords de Bâle, dans le Dinkelberg, tandis que le bord occidental de la Forêt-Noire décrit un “rentrant” dans le Brisgau, par suite du recoupement de failles aux orientations diverses.
La ville de Fribourg-en-Brisgau est ainsi particulièrement bien placée pour communiquer avec l’intérieur du massif qui est caractérisé par des plateaux disséqués en croupes lourdes et entaillés de quelques cirques glaciaires et de petites auges (Titisee).
Les sommets les plus élevés se trouvent au S.-O., secteur davantage soulevé.
La ligne de partage des eaux entre le Rhin et le Danube traverse le massif.
Il en résulte une dissymétrie dans la dissection par l’érosion : à l’O., les rivières se sont fortement encaissées en fonction du niveau de base du fossé rhénan ; à l’E., au contraire, elles entaillent médiocrement le plateau pour rejoindre le Danube ou le haut Neckar, qui se jette dans le Rhin à la suite d’un long détour.
Certains clichés collent décidément à la peau des Allemands, surtout vu de l’autre côté du Rhin.
Nous, Français (Belges inclus), nous imaginons invariablement que nos voisins allemands sont les rois de la ponctualité…, à un point qui frise même la rigidité.
Au pays du coucou, la ponctualité est sacrée, elle fait même l’objet d’une guerre de clochers, entre les villages voisins de Schonach et de Triberg, qui se battent pour le titre du “plus grand coucou du monde”.
Consolation : tous les deux figurent au livre Guinness des Records.
Triberg a bel et bien le plus grand coucou du monde, avec 4,50 mètres de haut… et Schonach, détrônée en 1997, conserve le titre de “premier plus grand coucou du monde”.
Cet équilibre diplomatique garantit la paix entre les deux villages qui se partagent ainsi équitablement le flux de touristes.
Mais sur place, les habitants m’ont bien fait comprendre qu’il valait mieux éviter le sujet.
Chacun défendant “le vrai” plus grand coucou du monde.
En Forêt Noire, on ne badine pas avec l’heure.
C’est en Forêt Noire que j’ai appris que je m’étais trompé d’endroit…, le circuit du Nürburgring ne s’y trouvant pas, mais étant situé dans le massis de l’Eifel…, une région de collines située en Allemagne occidentale, au sud de Cologne… et à l’est des cantons de l’est de la Belgique.
Elle occupe le sud-ouest de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie et le nord-ouest de la Rhénanie-Palatinat, avoisinant la Belgique et le Luxembourg.
L’Eifel est bordée par la Moselle au sud et le Rhin à l’est.
Au nord-ouest, elle est prolongée par le plateau des Hautes Fagnes (Hohes Venn), à l’ouest par l’Ardenne.
Ardenne et Eifel sont des régions géophysiquement et géologiquement distinctes mais géographiquement voisines.
Durant la période géologique tertiaire, l’Eifel a connu une intense activité volcanique.
Nombre des collines sont des volcans éteints, tandis que les lacs de la région sont généralement des cratères d’origine volcanique appelés des maars.
Les dernières éruptions eurent lieu il y a environ 10.000 ans, donc vers la fin du quaternaire.
On pense que l’activité volcanique de l’Eifel fut produite par l’existence d’un point chaud dans le manteau terrestre sous-jacent.
Des mesures géodésiques ont établi que l’Eifel est actuellement en surrection, et on estime le taux moyen de cette surrection à environ 1 à 2 millimètres par an.
Des études ont montré que le volcanisme actif de l’Eifel n’était pas un phénomène continu dans le temps, mais qu’entre deux phases d’activité il existait une phase inactive pouvant durer de dix à vingt mille ans ; se basant sur cette constatation, certains géologues n’excluent pas la possibilité d’éruptions futures, les dernières éruptions ayant eu lieu à une époque peu reculée dans le temps.
Plusieurs chaînes de collines peuvent être distinguées au sein de l’Eifel :
– Le nord de la région est appelé Ahrgebirge et s’étend au nord de la rivière Ahr dans le district d’Ahrweiler.
– Au sud de cette rivière se trouve la Hohe Eifel (littéralement Haute Eifel), avec le Hohe Acht (Haut Huit) culminant à 747 mètres au-dessus du niveau de la mer et constituant le plus haut sommet de l’Eifel.
– À l’ouest, sur la frontière belge, la région est connue sous le nom de Schneifel (ou Schnee-Eifel, littéralement Eifel neigeuse), culminant à 698 mètres au Schwarzer Mann (Homme Noir).
– La partie sud de l’Eifel est moins élevée, le massif est coupé de plusieurs rivières descendant dans la direction nord-sud vers la Moselle, la plus importante de ces rivières est la Kyll, et la forêt qui la borde est la Kyllwald.
– Au sud de l’Eifel se trouve la Voreifel surplombant la Moselle.
Le Nürburgring, un des circuits automobiles les plus célèbres du monde, se trouve donc dans l’Eifel et non dans la Forêt noire…
La partie nord du circuit (Nordschleife) est connue sous le nom d’Enfer Vert (Grüne Hölle) à cause de sa longue, difficile et dangereuse traversée de la forêt, tandis que la partie sud (Sudschleife) regorge de petits endroits pittoresques ou se découvrent quantités de restaurants…
Ne craignant rien, je m’y suis promené, accompagné de mon tempérament festif et blagueur…, en harmonie avec la nature innocente : les rossignols chantaient des mélodies entraînantes, les sangliers et les biches m’ouvraient la marche.
C’est à peu près avec ces joyeuses prédispositions que je suis arrivé dans un endroit ensoleillé, habité par des personnes lubriques…
Presque instantanément, une curieuse odeur m’indisposa le nez, mais je n’y ai accordé aucune importance.
En effet, tout dans ce singulier endroit suggérait la plénitude : maisons de toutes les couleurs, jardins à l’allemande, arbres fruitiers et aménagements floraux baroques semblaient appartenir à une autre époque.
Une troupe de créatures sautillantes m’entoura avec enthousiasme, chacune de ces mystérieuses beautés dénudées de la forêt… me regardait en riant et en poussant des “Hourras” exclamatifs.
Leurs mines réjouies semblaient me promettre un bonheur éternel.
Toute cette petite communauté me fit signe de la suivre.
Avec elles, j’ai découvert le village d’Adenau : sucres d’orge et bonbons à gogo y remplaçant briques et cailloux.
Des rires et des chansons accompagnaient ma visite mais, malgré tous mes efforts pour l’oublier, l’odeur malsaine persistait et même s’amplifiait.
Après des festivités somptueuses, consistant en des “car-wash” d’automobiles pour compte de la station service Aral d’Adenau, durant lesquelles “mes” hôtesses ont revêtu divers déguisements locaux et ont balançé des confettis en fanfare… de même que le peu de vêtements q’elles portaient…, je suis arrivé en face d’un bâtiment singulier : planté dans le sol comme une tour, temple de cette civilisation miraculeuse, il s’élevait dans le ciel jusqu’à une altitude inconnue.
Danseurs, danceuses et musiciens se sont alors dispersés et j’ai pénétré (c’est sexuel) dans ce mystérieux sanctuaire.
Seuls quelques joyeux drilles m’escortaient tandis que les beautés dénudées s’en allaient en quète de touristes à plumer (en double-sens)…
Délirant !
J’ai traversé un corridor, puis les gnomes, toujours souriants, m’ont ouvert les portes de la salle principale.
D’un coup, l’odeur m’a prit tout entier : des milliers de Schnitzels étaient là en préparation… devant une foule de touristes rassemblés au même endroit…
Certains observaient un silence macabre, tandis que d’autres, encore conscients, hurlaient et vomissaient toute leur souffrance à venir…
Les Schnitzels ont littéralement pourri mon séjour au Nürburgring… de même qu’ils pourrissent la vie des touristes…
Le Schnitzel est un plat incontournable d’origine Viennoise, il s’agit d’une escalope panée à base de veau ou de porc.
D’origine italienne (sa petite cousine s’appelle coteletta alla milanese), le Schnitzel aurait été importé en 1848 par le maréchal Radetzky.
Les Schnitzels allemands ne correspondent plus à cette définition, ce sont en réalité des escalopes de poulet très fines recouverte d’une panure…, le goût de la viande bouillie avant d’être cuite au micro-onde étant camouflé sous les diverses sauces proposées…
Pour comprendre cette opération, quelque peu tirée part les cheveux, il faut connaître le mode opératoire culinaire lié à la préparation du Schnitzel : la viande étant frappée à l’aide d’un marteau spécifique de façon à la rendre plus tendre et plus fine… (en français, on parle “d’attendrissement“)…
Recette pour 4 personnes :
– Prendre 4 escalopes de poulet, de porc ou de veau (le veau est la variante plus noble quoique légèrement plus sèche), les aplatir longuement avec un marteau… et faire quelques petites incisions au long des bords pour que la viande reste plate (pour qu’elle ne “roule” pas sur ses bords autour d’un bigoudi invisible)…
– Préparer 3 assiettes creuses : dans la première mettre 80g de farine, dans la deuxième 2 œufs, du sel, du poivre et un peu de lait, battre le tout à la fourchette, dans la troisième 80g de chapelure…
– Poser les escalopes successivement dans les 3 assiettes pour les fariner, les enrober du mélange d’œufs et ensuite les recouvrir entièrement de chapelure…
– Faire chauffer 200g de matière grasse (huile) dans une poêle…, quand elle est très chaude, faire frire les escalopes environ 5 min de chaque côté (les escalopes doivent bien flotter dans la matière grasse, la chapelure doit être bien dorée, mais sans noircir)…
– Sortir le résultat obtenu et poser sur une assiette recouverte de saupalin afin d’éliminer le trop en graisse…
– Servir avec un quartier de citron, du persil et la traditionnelle salade de pommes de terre tiède…
Pour compliquer quelque peu, il faut savoir que les Schnitzels sont mis à toutes les sauces imaginables…, j’en suis le témoin (encore vivant malgré mon début d’intoxication alimentaire), certains restaurants (que je ne vous conseille pas) s’ingéniant à proposer une centaine de préparations, depuis le Schnitzel Hawaïen, jusqu’au Schnitzel Cordon Bleu, en passant par le Schnitzel au thon sauce Béchamel et le Schnitzel aux macaronis marinés sauce Hongroise…
La rentabilité des restaurants touristique est assurée par les Schnitzels, pré-cuits, industrialisés (c’est une firme Israélienne basée à Tel-Haviv qui produit 80% des Schnitzels dans le monde, ils ont poussé le gag jusqu’à donner l’apparence d’un marteau attendrisseur à leur barrière d’entrée)… dont la seule “originalité” est le choix des sauces (plus de 200 variétés), également industrielles, livrées en bocaux de 15kgs, dans le même esprit que les produits pour les “baraques à frites” très connues en Belgique…
La perversité culinaire liée aux Schnitzels vise même les enfants pour qui sont proposés (à des prix stupéfiants) des Schnitzels sur batonnets avec sauce barbecue…
J’ai été plus que choqué par la vision de cet immense escroquerie alimentaire et écœuré par l’odeur insupportable des Schnitzels…, alors que les touristes n’y font pas attention, plongés dans la muette contemplation d’un spectacle baroque acompagnant la présentation de ce plat dans les gargottes locales souvent aux mains de Bosniaques exilés, qui n’ont strictement aucune connaissance de l’art culinaire…
Je ne me souviens pas combien de ruelles j’ai traversé, ni combien d’escaliers j’ai monté, tellement cette déliquescence massive m’a ému.
J’ai voulu reprendre mes esprits en allant dîner dans un respectable restaurant sis à l’entrée du château de Cochem, mais…, arrivant dans une espèce d’amphithéâtre, on m’a fait asseoir dans une chaise en métal rouillée et balancé un Menu en pleine figure…
Horreur, il n’y avait que des Schnitzels…
“184 variétés de Schnitzels” était-il indiqué en grand et gras sur les murs…
Dans une lumière dorée, vaguement violette, des lilliputiens ou je ne sais trop quoi piaffaient d’impatience du choix que j’allais faire, leurs pantalons courts ou longs, leurs salopettes rouges ou vertes, leur teint vermeille, tout se connectait avec la scène.
Leurs yeux exorbités pleuraient presque de joie à l’idée des €uros qu’ils allaient me prendre ; tantôt ils éclataient de rire entre-eux, tantôt ils poussaient des piaillements nerveux.
Or et violet fusionnaient, produisant comme un tourbillon fantastique dont l’épicentre serait mon assiette.
Un tambour a alors retentit ; la tragicomédie surréaliste à laquelle j’allais assister a commençé.
Une forme s’est détachée progressivement dans le flou d’un tourbillon lumineux : debout se tenait une petite créature trapue, habillée en bouffon, un sourire goguenard aux lèvres ; figurez-vous l’absurde personnifié, c’est exactement celà…
Subitement, il a poussé un cri perçant, quelque chose de totalement incompréhensible composé de consonnes Bosniaques rares, quelque chose qui sonnait comme le prélude d’un cauchemar.
J’ai répondu : Agaga Shitzel-Hawaï…
Alors, comme par magie, le décor fut planté.
D’un côté, une table derrière laquelle se trouvait une femme presque nue, dans la position d’abandon la plus absolue ; de l’autre, un plat de Schnitzel sauce Béchamel avec des morceaux de chocolat, le tout parsemmés de fruits rouges.
Cette femme… et je le découvris à ma plus grande terreur, il s’agissait de Lorenza, ma plus fidèle amante.
Du coup…, la lumière vira au rouge sang.
Un plat fut déposé majestueusement devant la vénus offerte.
Cela fit frémir toute l’assistance.
La violence de la scène secoua tout mon corps d’un coup, réveilla tous mes membres.
Elle se débattit en glapissant, demanda grâce, mais les nabots lui interdisaient toute échappatoire.
Mon sang se glaça et mon cœur faillit s’arrêter de battre, lorsque, en tournant la tête, j’aperçus les gnomes se masturber joyeusement, d’une manière aussi indiscernable que l’était leur allure générale.
Et là, emporté par la communion générale, focalisée elle-même sur l’épicentre de la scène, sur l’acte sacrilège entre la bête et l’homme… et fixant le visage de mon amante, j’ai cédé à une douloureuse passion… et je m’en confesse, j’ai ressenti un plaisir vicieux qui envahissait tout mon être : mon moi intime, en ébullition, me procura un bonheur soudain en me délivrant de profonds refoulements, ceux qui, ancrés dans la moelle de l’humanité, corrompent et rongent pendant toute une vie.
Peu après, tout s’éteignit.
Un instant passa, réveillant en moi les réflexes angoissés véhiculés par ma conscience.
Un instant, le remord me prit.
Brusquement, une explosion de couleur, bleutée cette fois-ci, remplit la salle.
Les drôles de gremlins, comme si rien ne s’était passé, adoptaient la même posture que tout à l’heure, en attente de touristes égarés.
J’ai alors tempété que mon verre de Coca était plat, sans âme ni bulles… et que j’en avais soupé des Schnitzels !
Le chef-coq est réapparu comme dans un souffle, toujours grinçant, l’air cynique et moqueur.
Dans un élan semblable à la première fois, il a beuglé une formule équivalente : Fouz-allez Bayez l’addiction, bitte, et vite ze fous brie, Bôssieur…
J’ai ressenti un mouvement à côté de moi et mon regard s’est détourné…, sur mon visage buriné se creusait un sourire béat, comme halluciné.
Je me suis levé et j’ai hurlé : Je ne paye pas pour cette infâme cochonerie, j’en ai ras-le-bol des Schnitzels et des Cocas plats et sans bulles… et j’ai commençé à descendre les marches du Palais du Schnitzel…, d’un pas alerte, dans un tressaillement avide d’en découdre…
Les avant bras du chef-coq se sont levés, ses gros doigts se sont agités vulgairement dans la hâte d’attraper mon porte-feuille… et de sa bouche lubrique, de ses lèvres provocantes, amas de chairs licencieuses, a coulé une bave acide qui a goutté sur le marbre des marches.
Alors, ce fut innommable, j’ai bien cru que ma raison allait m’échapper lorsque, tout autour, les lutins ont adopté la même posture, le même manège, en rythme.
Lorenza criait, elle exprimait tous les stades de la douleur morale (et digestive)… et cette résistance vaine, je dois l’avouer, a réveillé en moi une perversité cachée… et j’ai joui, pauvre de moi qui me suis damné pour l’éternité.
Tout fut terminé dans un soupir.
Une terrible souffrance m’obscurcit alors les idées : ce qu’on m’avait inculqué toute ma vie avait été détruit en l’espace d’un instant, j’avais également été détruit…
C’est alors qu’un son lugubre a résonné dans la salle.
Cette fois-ci, seule la lumière dorée revint.
Au milieu de la salle se tenait le Chef-coq, dans une attitude sentencieuse, un sabre à la main.
Il a levé la lame au-dessus de sa tête, en position de frappe.
Les gnomes de l’assemblée étaient suspendus à chacun de ses gestes, ils semblaient contribuer à l’action ; je contribuais aussi à l’action en ne faisant strictement rien… guettant le fil de l’épée.
D’un geste il a tranché un Schnitzel géant, qui a rebondi une fois puis a roulé sur le sol…
Alors, le délire s’est emparé de moi, j’ai descendu les marches une à une, avec la résolution de ne plus jamais manger de Schnitzel…
Vision prophétique : des guerres, par centaines !
Des massacres, par milliers !
Des morts, par millions !
Toutes les victimes innocentes de la malbouffe allemande…
Un à un défilaient sous mes yeux tous les évènements sanglants de l’histoire : les croisades, l’inquisition, l’absolutisme royal, les États-Unis d’Amérique, Israël surtout, responsable à 80% de la fabrication de cette saloperie !
Dans un immense cortège paradaient tous les malheureux malades d’avoir mangé des Schnitzels, tous les païens, les sodomites, les sodomisés, les sarrasins, les philosophes…, l’immense armée des écartelés, des lapidés, des pendus et des carbonisés.
L’horreur s’est emparée de moi, complètement… et puis la pitié… tandis qu’un touriste agonisant, le visage tordu par une abominable grimace de souffrance, me suppliait : Vous devez faire quelque chose, vous devez agir…, dénoncez l’abomination du Schnitzel.
Et tous de crier en chœur : Oui, c’est le Schnitzel le coupable, il faut que vous vous opposiez aux noirs desseins de la cuisine allemande…
Alors, j’ai pris la décision inéluctable de vous narrer la vérité vraie des dessous du Nürburgring…
Il faut toujours garder à l’esprit que le tourisme de masse est The Big Secteur de l’escroquerie du siècle à venir.
Attention je n’invente rien.
Les poids lourds de l’économie sont déjà sur le coup, les restaurateurs aussi, mais sur ce point je vous ai déjà tout écrit…
Evidemment, les poids lourds de l’économie et moi, nous ne jouons pas dans la même catégorie.
Ce n’est pas que je manque d’ambition mais il faut rester raisonnable…, Bill Gates a bien construit son fameux prototype d’ordinateur dans le garage de la maison familiale.
Mon créneau à moi, c’est la sauvegarde de la passion automobile… pour peu qu’elle ait jamais existé…. J’ai pu observer que la passion automobile ravit les enfants et les jeunes couples.
Une fois j’ai même surpris un couple d’exhibitionniste s’interrompre en pleine action dans leur voiture… C’est ce jour que j’ai compris le pouvoir du sexe sur la passion automobile.
“Ceusses” qui me connaissent, savent que dans les années ’80, il me fut facile de monter une action caritative au sujet du Custom.
Sur un document succinct, j’avais expliqué que le Custom se voyait amputé chaque année d’un fort pourcentage par l’ingurgitation de stupidités et par la pollution dûe au rejet d’oxyde de carbone en cause de la circulation.
Pour sauver les exemplaires menacés de cette espèce, j’avais envisagé de créer un parc à thème pouvant permettre la protection et les meilleures conditions de vie aux amateurs et amatrices d’engins exotiques.
Mon affaire s‘annonçait juteuse.
Passé du statut de chômeur à plein temps à celui d’icône “prophétisateur” de la protection des espèces menacées, j’aspirais à une reconnaissance et la bienveillance de l’humanité me permettait de toucher mon cœur de cible : toute la population franchouillarde, des vieux des divers patelins en train d’agoniser d’ennui dans leurs existences fossiles, aux jeunes plein d’ambition préoccupés par leurs fonctions érectiles…
Bien sur, je n’avais aucune ambition de créer un véritable parc à thème.
Je me contentais d’encaisser les chèques des vieux humains plein de compassions qui habituellement se payaient des vélos d’appartements lors de séances effrénées de télé achats et qui trouvaient là une nouvelle façon de dilapider l’héritage de leurs enfants qui n’en pouvait plus de se demander quand ils allaient hériter.
Je les entendais beugler : Mais bon dieu cessez donc d’acheter des vélos d’appartements. D’abord, tout ce sport vous empêche de crever dignement et vite et ensuite vous avez vu le prix de ces machins ? Offrir un avenir professionnel à vos petits enfants ne serait-il pas plus judicieux ? A tout le moins, avancez-nous au moins de quoi nous payer une voiture de sport ou un Custom-Car.
Rien de tel pour faire enrager la descendance pressée…, je fournissais à chacun de mes adhérents un certificat d’authenticité, ainsi qu’un assortiment d’autocollants Chromes&Flammes.
Cette fois, je n’avais pas laissé le train de la bonne fortune filer sans moi.
Malheureusement, le créneau s’est encombé significativement.
J’ai alors viré vers l’automobile dite “de collection“, un bazar regroupant toutes les voitures chères…
Et…, c’est là que se situe la fusion avec le Nürburgring…
Si vous ne la voyez ni ne la sentez pas, ce n’est pas (encore) grave…, contentez-vous de terminer la lecture de ce texte passablement déjanté !
Bref…
Retour au Nürburgring…
Après l’intoxication alimentaire décrite ci-avant, je m’en suis retourné à l’Hôtel Rieger et… à vrai dire et dire vrai, je vous confesse que j’ai singulièrement manqué de chance…, la literie de l’endroit étant semblable à une planche recouverte d’un drap…
A mes hurlements, le patron de l’endroit m’a rétorqué que les Allemands aimaient les lits durs…
Vous pouvez admirez sa bonne mine joviale sur la photo ci-avant, dûe au fait que je venais de lui payer les 716,80 €uros pour les 4 nuitées et dîners du soir…
Le matin, tout courbaturé, j’ai été réveillé par une bande de surexités qui s’amusaient avec leur nouvelle Porscherie à 4 portes…
Je n’ai jamais bien compris ou se situait le génie allemand dans l’édition…, rapport aux essais d’automobiles qu’on peut y lire… :
Ach so…, cezi ebst eine auto.
C’ebst eine auto noire.
C’ebst eine auto noire de Porsche.
Eine Porsche noire.
Eine noir zwarte foncé noir profond, code # ZiY654/GY3074586/864FH97.
Je vaise oufrir la Borte noire.
Je brend la Klé dans meine poche droite afé mein main droite et/// brezzant la dite Klé en acier de KruppGMBH, entre meine pouce et index, apresss afoir tourbné à l’inferze des aiguillez deine montreb, la borte s’oubvre maggestueusement…
Moment PATHETIK…
Je m’assbied deine le siège noir de la Porscbe noire et regarde le MAGNIFIK tableau de bord de la Porsche noire eb buis che reffermeb la Borte deine geste BRuske…
Ach zo…
Afek la mebme Klé, che tourné la Klé dans le mebme sens ke la barillet de l’auto et MIRAKLE du génie du Heer Doktor Porsche, ke le dieu des Bielles lui en soubt rekenaizzant, le moteur Fonkzionne a merfeille…
Che laibbe sauffer le moteur mirakuleux et enklanche ma Bremiere Bitesse abres afoir débloké le frein et puyer sub la bédale d’czzelerator…
Che brofite de l’ocazzion ki mé faite izi pour soulibgner le chénie immémorial deu Heer Doktor Porsche…
Enz enz enz…
Fatiguant…
Je me suis donc levé pour aller participer aux ripailles “Nürburgringnestes” en préalable à la vente aux enchères organisée par Coys… Un feu d’artifice de sang et de boyaux , puis de carrosseries calcinées…
Le ciel même saignait, comme s’il avait su ressentir le mal ici présent, avant de repartir explorer le désert.
J’allais, cherchant et incertain, m’enfonçant dans les dédales du paddock bondés d’arsouilles braillards et péteux des beaux quartiers d’ailleurs d’où résonnaient des rires gras de clodos clopants réchauffés à la Graffen Walder tiède, autour desquels s’agitaient nerfs et muscles devant de jeunes et appétissantes créatures aux poitrines rebondies, vibrant au son de leurs gloussements, un larsen fuyant de conversations stupides, de rires, de cris, d’un quotidien sur lequel je crache généralement allègrement et avec conviction.
Je me languissais de cette morosité, des jours banals tant bien qu’ils me manquaient… et de ceux qui composent mon cercle de relations, même si la plupart sont “dispensables“.
Dans une psychose généralisée, personne n’a ici conscience de sa vraie nature.
L’Humain qui refuse de n’être que provisoire, achève de renaître fou, dans l’agonie d’un monde suffoquant et instable.
Quand ces boutiques de toiles recrachent leurs stocks et les éléments qui constituent leurs vitrines, quand ces êtres affolés se pressent à corps perdu pour échapper à ceux qui n’ont pas supporté la vérité et sont pris de violence aveugle ; quand dans un accès de désespoir certains se font jaillir la raison au moyen d’une quelconque voiture peinturlurée de sigles et numéros… l’instinct de survie n’a plus de raison d’être puisque que survivre ici est impossible et trop futile, car la Bête reprend le pas sur l’Homme dans une charmante urgence qui génère parfois la mort .
A l’angle des allées, je déambulais nonchalamment, le regard vert, comme à mon habitude, fouillant et reniflant alcools, bouffe, sapes de luxe, matériel high-tech, produits automobiles en tous genres, quelques gadgets et de quoi jouir…
Quelques mois auparavant, je ne m’attendais pas à une telle finalité…, si ce n’est, certes, que quelques adeptes de théories paranoïantes et controversées, néanmoins bien loin de la réalité des évènements, ne viennent embrumer l’atmosphère…, agissant comme un gaz mortel en pourrissant les mentalités…
Il n’a fallut que deux journées chaotiques, en plusieurs endroits, avant d’officialiser l’apocalypse par le biais d’un brouillard à couper un Schnitzel au couteau !
Aucune échappatoire, conclurent-ils tous.
Des Hommes enfin égaux, dans la panique et dans l’hémoglobine, sous forme de violence récursive.
L’annonce officielle de ce fléau de la course automobile a plongé celle-ci dans une frénésie destructrice. Des corps déchiquetés, hurlants, parsemés de spores et d’excroissances noirâtres, démembrés, immolations et meurtres, viols et cannibalisme, incestes, évidages d’organes en tout genres… et jouissance sordide pour qui pouvait se laisser aller à être ce qu’il se refusait d’être, retenu par l’éthique et la bienséance que lui imposaient la sécurité et le bon-sens…
Les pilotes de voitures de course ne sont que les âmes refoulées d’antiques Humanoïdes, violents et cruels. Tombé par le pur hasard sur l’horreur, pendant que je fuyais la folie de mes contemporains car poussé par mon instinct de survie, la carcasse innanimée d’une Shelby GT350 de l’une de mes antérieures conquêtes amoureuses automobiles, s’est révélée à mes yeux révulsés !
Une gigantesque tumeur sombre et sanglante sortant de chacun de ses orifices ; les entrailles infestées de vermines grouillantes, qui se délectaient de la substance organique…
J’aurais pu y rester indifférent, connaissant la froideur dont celle-ci pouvait faire preuve.
Mais à la vision de ce spectacle mortifère, j’ai vomi au moins une bonne demi-heure, avant de reprendre ma route, titubant, en quête d’un abri respectable.
Isolé avec mon angoisse croissante, avec pour seule compagnie divers chocolats qui trainaient dans mes poches, ainsi que quelques bouteilles d’alcools forts, bercé par les coassements de quelques sinistres charognards en chasse aux alentours, attendant l’ouverture de la vente aux enchères Coys pour faire leur marché.
Ça sentait l’essence et l’huile brûlée, le sang dans la cendre unifiés, les émeutes sauvages…
Cette ambiance avait métamorphosé le béton et le bitume en une matière organique putréfiée, spongieuse, suintante de haine et de douleur.
J’étais pourtant un élément du décor, dès lors, tout ce qu’il me restait à faire était d’attendre le début de la vente…, mes yeux rougis par les gaz putrides qui se dégageaient des damnés de l’automobile que j’étais obligé d’enjamber soigneusement pour me faufiler vers la tente Coys, calme et propice à l’oubli et la défonce intellectuelle…
J’ai fouillé chaque recoin, méthodiquement…, d’innombrables trésors nécessaires à ma survie mentale s’offraient à mes yeux.
J’ai alors attendu la fin de cette histoire et me suis octroyé du bon temps ; une trace…, une gorgée de Coca tièdasse, quelques gouttes de jus d’orange pur…, l’anesthésie dans ce qu’il faut est un job à plein temps.
Recroquevillé dans un coin confortable et néanmoins improvisé, dans l’abstraction la plus totale, j’ai patienté les yeux ouverts…, résistant à l’appel du vide qui m’encerclait, faible face au néant, compensant cette faiblesse par la prise répétée de produits variés, de plus en plus fréquemment et avec rage.
Bien que ce fut sans raison aucune, si ce n’est pour se jouer de mon sort, comme je le pensais souvent de mes soirs d’amertume.
J’ai assisté à tout…
J’ai aussi tout compris…, c’est pire !
Une cinquantaine de voitures présentées… et seulement une douzaine de vendues !
Suffoquant, je me suis levé péniblement, dans un gémissement sourd.
Crier ma douleur aurait été vain.
J’ai effectué quelques pas chancelants vers la sortie.
A l’extérieur, la chaleur de la brise m’a insupporté.
Une montée de nostalgie m’a submergé, alors que je suait de grosses gouttes écarlates !
Ahhhhhhhh !, m’enfuir pour aller prolonger ma croissance dans la nature, en quête d’un nouveau home…, en vain évidement.
Pris de spasmes et de courts vomissements, l’air chaud s’est insinué dans mes synapses…, j’ai alors fermé les yeux et…
Dans un dernier effort, mon revers de main a repoussé un fantôme.
Je devais essayer de tenir ici deux heures, histoire de pas trop m’afficher devant les boulets qui m’entouraient…
J’étais mal là, vraiment mal.
J’aurais aimé partir à l’instant.
C’est dingue, ils me faisaient limite peur tout ces gens.
J’aurais pu partir, de toute manière, je ne les reverrai plus jamais.
Mais non : j’étais bloqué.
J’ai essayé de tuer le temps en réfléchissant au concept de la mondialisation de l’automobile de collection dans un univers de voitures de course...
Ce devait être contagieux…
Je suis resté dans ma sphère.
J’avais beau réfléchir, je n’avais jamais autant eu envie d’être ailleurs.
19h33, ça passait pas.
Il fallait que je reste là jusqu’à 20h.
Décidemment, je continuais à rêver là.
A 20h pile…, un vieux tiré à quatre épingle et avec l’air de quelqu’un qui a tout compris à la vie et ses mystères m’a tendu un carton me donnant droit de partir et me dit sur un ton de connivence agrémenté d’un sourire sarcastique : Vous avez quand même le droit de venir demain dimanche si vous voulez vous entraîner pour l’année prochaine…
Le Nürburgring est un mensonge.
On vous y cause d’automobiles de rêve, de libertés alors que les routes sont jalonnées de check-points, de barbelés, parcourues de gardes-chiourmes lourds et en tenue de combat avec des règlements au fond des yeux.
On fait mine de parier sur un lendemain qui finira par chanter en s’accrochant au statu quo, les doigts serrés sur le cordon de la bourse internationale… et tout le reste est mensonge pieux.
Seul Coys est fidèle aux apparences et à sa réputation.
Camions et voitures de course se serrent, englués dans un énorme embouteillage.
Au carrefour, un allemand aux couleurs rouges de l’AVD, surexcité bat des bras pour lutter contre le chaos. Plus loin, un autre, les yeux vides, suit le jour qui décroît et le grand charivari d’automobiles et de gens.
Au Grand Hôtel nouvellement construit à l’entrée, la cafétéria est peuplée d’hommes sombres, pas rasés, noyés dans un nuage de fumée âcre, groupés autour d’un alcool de prune et de quelques femmes trop maquillées.
Le Nürburgring est maintenant semblable à un château rose bonbon, ventru, enflé comme une tumeur par des attractions surpeuplées de personnages de dessins animés, joufflus et grotesques.
Un cauchemar pastel pour marmots hystériques malmenés par la masse grouillante, indistincte, des gnous aux articulations malmenées, aux ventres et aux bras mêlés dans un grand bourbier de chairs compressées.
C’est ça la fête des fous…, ça tortille et ça grimace, ça s’agite en cadence sous la baguette fumante d’un bouffon en chef.
Les hauts-parleurs débitent en grésillant une petite ritournelle euphorique, les fuyards font les choeurs. Même les détonations des pots d’échappement ne couvrent pas leur vacarme.
Dans la cohue, tous les visages se ressemblent.
Comme les autres, j’ai fait la queue et payé mon billet pour le paradis factice.
Emporté par la plèbe avide de sensations, j’ai passé ses arches bariolées.
Que le spectacle continue : un coup pour l’homme, un coup pour la bête.
Tous les bons spectacles ont une fin.
Les haut-parleurs se sont tus et bientôt le grand troupeau, apaisé, pourra reprendre son activité habituelle. Et tout oublier.
Le rideau tombera… et tout recommencera, comme si rien n’était arrivé.
En attendant, je me gorge de silence.
Je n’entends plus que le vent dans les branches.
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