2009 Rolls Royce Phantom…
J’ai longtemps loué le raisonnable !
Pendant des cycles, je me suis reconnu en lui, j’étais solidaire à son dessein, je l’ai cautionné.
Inconsciemment, où plutôt non, pleinement acquis (je plaide l’irresponsabilité), aveuglé par la fougue…, j’y ai projeté tous mes espoirs, j’en ai suivi stupidement les asymptotes évidentes, celles même qui m’ont porté en première ligne de batailles qui ne servaient en rien mes intérêts.
J’avais, en moi, des à-priori altruistes.
Ils corrompaient ma conception de la vraie vie, me créant des repères faussement sécurisant, des fondations mal œuvrées d’idéaux…
Je les ai mis de coté, j’en ai fait fi…
Maintenant je ne vois en mes combats passés que de grossières erreurs de jeunesse…, des erreurs d’appréciation…, des appréhensions biaisées de ma réalité…
C’était une phase d’étalonnage nécessaire après tout…
Il faut avoir fait des erreurs pour pouvoir savourer la justesse de ses actions présentes, être serein quant à leur portée, éliminer le doute…, ce n’est qu’après avoir arpenté tous les chemins, que l’on peut en connaissance de cause, se forger une foi pure et la mettre en pratique dans ses actes.
Dorénavant, je ne vois plus que l’aspect mathématique de mes liens de parenté à lui.
Jadis, une partie de moi s’identifiait au raisonnable.
J’ai fait partie, par atavisme, d’un champ d’hypothèses, je m’en suis soustrait…, point final.
J’ai cru, à une époque, discerner en son sein des attributs singuliers, une illusion en fait, qui me poussait à conclure que le raisonnable œuvrait contre le cours des choses, qu’il contenait par hasard, par accident même, (ce qui n’avait pour effet que d’accroître mes convictions d’ailleurs), les principes actifs d’une rébellion à venir…
Je me trompais.
Le raisonnable est au contraire la plus conservatrice des hypothèses.
C’est à force d’observations et d’expérimentations que j’en suis désormais certain.
Son univers était déjà bien en péril depuis plusieurs années, en prises au Big-Crunch-Crisis planétaire auquel tout univers peut honorablement aspirer s’il n’a pas éclaté auparavant.
En fait…, tout a commencé lorsque j’ai croisé le chemin d’une Rolls Royce Phantom.
Ce n’est pas spécialement plaisant de venir au monde en fin de vie d’un univers, car l’espace est en contraction accélérée, il se déchire subitement par endroits ce qui engendre l’apparition de puissants trous noirs qui absorbent autoritairement des pans entiers de réalité.
La civilisation du raisonnable, a toujours été en guerre contre le déraisonnable sauf lorsqu’elle sait en tirer parti…, prenant conscience de la nécessité de maîtriser le cours de son évolution, pour contrebalancer les tares ataviques dont tout foyer raisonnable est immanquablement affublé.
Toute création automobile est planifiée et spécialisée en fonction des nécessités du moment.
La Rolls Royce Phantom fut conçue pour que son propriétaire se sente en totale opposition de l’inexorable paupérisation des masses, même en participant à des concerts de charité qui ne font que l’enrichir d’avantage.
C’est pour ce but qu’elle est hautaine, pesante, arrogante, dégoulinante de morve, imprégnée d’un luxe décadent et qu’elle s’est inspirée d’un coffre-fort pour son design d’engin transport de fond…, car tout cela correspond très exactement aux gens qu’elle vise !
Le Big-Crunch-Crisis planétaire était pourtant latent et menaçant, non pas tant par son imminence que par les croyances qu’il engendrait via la peur et les interrogations suscitées…, aussi fallait-il en haut lieu entrevoir une solution, plus symbolique que réellement efficace, en ordonnant sa réalisation, pour rendre espoir et confiance à des milliardaires ayant subit de lourdes pertes financières lors de cuisantes défaites d’affaires diverses, qui s’en trouvaient fort déprimés, sur le point d’abandonner, sauf si un espoir survenait…
Après deux, trois shoots dans la tempe, j’ai compris que je tenais là de quoi réaliser un article complètement déjanté par lequel je pourrais déballer tout ce que je savais à son propos.
J’ai croisé cette Rolls Royce Phantom, parquée devant un tripot prés des baraquements d’un chantier.
C’était, après tout, la seule et unique chose qui me préoccupait.
Je n’avais rien à faire en ces lieux si ce n’était poursuivre mon investigation…
Je me suis approché de la voiture et j’ai proposé un shoot à son conducteur… qui m’a dévisagé comme si j’étais quelqu’un d’autre : Je ne vous connais pas qui êtes-vous ?
J’ai ironisé : Je ne suis qu’un explorateur voguant au grès des courants intersidéraux automobiles… Je cherche des gens comme vous… Des êtres particuliers… Je les repère de loin… Je traque leur signal, leur signature, car je n’ai de hâte que de les rencontrer.
Il me coupa alors : Les temps sont troubles et il faudrait être aussi stupide qu’un idiot pour ne pas dialoguer sur ce sujet… Avec le Big-Crunch-Crisis planétaire et son caractère inévitable et fatal, vous savez bien que des tas de courant philosophiques ont émergé… Il y a, au sein de notre propre civilisation, des banquiers de la résignation de plus en plus nombreux, pour faire prendre conscience que le Big-Crunch-Crisis planétaire va de toutes façons anéantir notre univers, que c’est la volonté du Nouvel Ordre Mondial et qu’il faut s’y résoudre, expier nos fautes… Foutaises ! Ils nous poussent à la désertion de nos affaires… Mais au fait, vous n’êtes pas un de ces charlatans au moins ?
J’ai sombré dans un rire hystérique : Non, rassurez-vous ! Je ne suis ni un de ces illuminés, ni un de ces commissaires zélés chargés par le commandement central américain de traquer les conspirationistes…
Il souffla dès qu’il apprit ma neutralité, il se senti d’un coup plus en confiance : Vous m’inspirez étrangement le respect… Tous ces débiles du commandement central nous prennent vraiment pour des cons… La Big-Crunch-Crisis et maintenant le vaccin contre la grippe H1N1 sont les plus grosses escroqueries de tous les temps… S’ils croient que nous allons tomber dans leurs panneaux, ils se fourrent le doigt dans l’œil… Tout ce foutoir, ce n’est rien de plus qu’un outil de propagande…
Je l’ai arrêté : Ecoutez, vous avez bien raison ! Mais à vrai dire, je ne suis pas spécialement venu parler politique… Je sais qu’au plus profond de votre être grondent des préoccupations d’un tout autre niveau, c’est cette réflexion intime qui m’a mené vers vous… J’ai moi-même une quête… et les informations que vous pourriez me transmettre, me seront de la plus grande utilité… Confiez-vous !
Un peu gêné il maugréa alors : Qu’est-ce qui vous fait penser que j’ai des choses à vous dire ?
J’allais m’afférer à l’embobiner : Ne connaîtriez-vous pas, par hasard, les théories quantiques concernant les Rolls Royce ?
Il acquiesça : Bien entendu… et depuis toujours… J’ai été élevé avec ce savoir, il était inscrit dans ma mémoire lorsque j’ai ouvert les yeux sur un monde que je connaissais déjà… Mais je ne vois pas le rapport !
J’ai repris alors : Très bien… Alors écoutez… A la fin de la contraction de l’univers, les constructeurs d’automobiles qui parviendront à survivre ne pourront être considérés que d’un point de vue quantique…, ce sont plutôt des nuages de probabilité de présence dilués un peu partout dans le monde… A notre époque c’est déjà plus ou moins le cas, car tout individu peut être associé à un nuage de densité statistique d’existence réparti de façon hétérogène sur la globalité de l’univers. Si nous calculions le volume sous ce nuage, sous cette hyper nappe plutôt, nous trouverions bien entendu, par intégration, ce qui équivaudrait à dire que l’entité existe tout logiquement. Lorsqu’un univers est très dilaté, les nuages de probabilité de présence sont étirés vers un point presque unique de l’univers, c’est là que l’entité considérée se matérialise. C’est pour cela que nous sommes bien distincts, localisés actuellement en deux endroits précis, chacun de nous sur son pic maximal de probabilité d’existence. Mais çà ne veut pas dire que nos nuages sont concentrés ponctuellement. Ils sont pour chaque individu toujours dissous dans l’univers entier mais infiniment moins denses ailleurs que sur le pic et c’est d’ailleurs comme cela que j’ai pu vous localiser, arriver jusqu’à vous, en me déplaçant sur votre nuage, des milieux hypotoniques vers les ceux de plus grande concentration de votre être, et ce, jusqu’à me retrouver en face de votre matérialisation. Chaque nuage à une signature bien particulière, mais il n’y a qu’un seul type d’empreinte qui m’intéresse, le cas échéant vous possédez cette empreinte. Je ne serais pas surpris si vous aviez des tas de choses intéressantes à me révéler à propos de votre Rolls Royce Phantom, je suis sûr que c’est un concept automobile qui hante les plus horribles de vos cauchemars, n’est ce pas ?
Il n’en revenait pas, il fut troublé par mes facultés quasi-médiumniques, gêné que je le cerne aussi bien.
Pendant un long moment, il resta silencieux.
Puis intimidé, d’une voie tremblotante : C’est vrai ! Qui que vous soyez, vous avez raison… Au plus profond de mon être grondent de grandes interrogations, de grandes aspirations qui dépassent le cadre de ma vie… Je suis la proie de rêves récurrents…, des rêves horribles, j’ai des visions atroces… Elles me rongent petit à petit et je ne sais pas réellement si je pourrais lutter longtemps contre ce que ces voix dans ma tête me poussent à faire le con…
Je lui hurlai alors qu’il se levait comme sous l’emprise d’un tiers : Qu’est-ce qui vous a poussé à dépenser 500.000 euros pour acquérir une voiture aussi immonde ?
Il sortit de sa Rolls Royce Phantom…, il semblait divaguer, avançait en titubant, tout en marmonnant ses visions apocalyptiques : Aux tous derniers moments d’un univers, il ne subsiste en ces lieux confinés que des hypothèses dotées d’une vitalité exceptionnelle. Elles sont soumises dans un magma de matière à des températures et des pressions si élevées qu’elles même n’ont d’autre alternative pour être, que de former des volumes isobariques fermés, dernières enveloppes consensuelles exploitables par la vie pour distinguer des individualités, des potentialités différentes. Ces dernières poches se livrent à des batailles sans merci pour subsister dans un espace en contraction exponentielle. Leurs organes sont façonnés de trous noirs et de cœurs de nébuleuses alternant consécutivement à des intervalles de temps très approchés des phases d’hypernovae et de concrétion similaires à des palpitations motrices éjectant par à-coups dans leur organisme des giclées de rayonnements transportés dans des réseaux de plasmas vers d’autres organes. Ces rayonnements sont leur sang et leur lymphe. Lors d’inévitables combats pour occuper les derniers pans d’espace disponible, chacune des infirmations met en jeu des quantités de matière autrefois contenues dans l’équivalent d’amas galactiques entiers. Quoi qu’il en soit, dès que l’univers s’est contracté au point d’être intégralement contenu dans une sphère au rayon proche de la barrière de Planck, il a deux cas possibles : Soit l’hypothèse formulée à la création de cet univers était fausse, preuve en est donc faite et l’univers éclate comme s’il n’avait jamais été, soit cette hypothèse s’avère et dans ce cas, il ne subsiste en son sein qu’une seule entité vivante qui éclot alors de ce qui en réalité n’était qu’un œuf. Dans mes rêves, je me vois trôner dans d’autres dimensions !
Il était en transe, et se mit à me décrire la gestation puis la mise à bas d’une brane dotée d’un flagelle par son univers onirique originel, ne faisant intervenir aucun apport extérieur en cycles de calcul.
Je ne pouvais le croire.
Comment cet individu raisonnable, pouvait-il dégénérer ?
Il chancelait, vacillait faisant maladroitement vriller ses bras dans tous les sens.
Un cercle d’ouvriers paupérisés s’était formé autour de nous, ils n’avaient que rarement l’occasion de s’amuser et nous poussaient à l’affrontement.
Je reculais au fur et à mesure qu’il s’approchait de moi tout en lui disant : Qu’est-ce qui vous a motivé pour acheter une voiture de 500.000 euros alors que la crise frappe les gens de plein fouet ?…
Je répétais cela inlassablement, tout en tentant d’éviter la confrontation…, mais le cercle que formaient les ouvriers se cessait de rétrécir à vue d’œil.
Vous voulez savoir, c’est çà ?…, bourdonna-t-il en tombant, groggy !
Puis il sombra inconscient en s’écroulant lourdement…
J’avais un peu trop forcé sur la dose de pentothal que j’avais substitué à la dopamine du shoot et il n’avait pas tenu le coup.
Les ouvriers tout autour maugréaient leur mécontentement, certains avaient même déjà ouvert les paris sur ma défaite, ils leur fallait un exutoire.
Je semblais être une proie toute indiquée pour qu’ils évacuent leurs frustrations.
Mais à l’instant même où l’un d’entre eux m’empoignait le crâne avec vigueur, il y eu comme une coupure d’éclairage.
L’obscurité totale s’était improvisée invitée de dernière minute.
J’ai entendu nettement une voix hurler : Alerte au H1N1, vaccination obligatoire..., formule fourre-tout immédiatement reprise en chœur par Adamo vantant les mérites d’une assurance enterrement…, puis par Barak Obama et Liederman chantant l’atomisation de l’Iran…
Une violente déflagration suivant un flash éblouissant, retentit après quelques secondes, surprenant toute vie alentours.
Je fus même un instant déconnecté et lorsque je retrouvais mes esprits, un horrible carnage s’offrit à ma vue.
La centaine d’ouvriers dans le tripot en garnissait dorénavant les murs.
Une immonde marmelade de viscères encore palpitants y dégoulinait.
La voix dans un haut-parleur dit : La pandémie est stoppée, fin d’alerte, merci pour le fee…
Le propriétaire de la Rolls Royce Phantom se tenait debout au milieu de la pièce.
Il me lança un regard sombre : Vous ne vous étiez pas fait vacciner ?
J’ai de suite compris que cette pandémie était un moyen pour décimer la population via le vaccin : Vous le saviez ?
Il me toisa en répliquant : Je fais partie du cercle des élus…
Je répétais alors menaçant : Qu’est-ce qui vous a motivé pour acheter une voiture de 500.000 euros alors que la crise frappe les gens de plein fouet ?…
Il m’a concédé en retour, d’un ton cynique : Ce n’est rien de bien important… J’ai l’impression que vous fantasmez beaucoup sur quelque chose qui n’en vaut pas la peine… Vous ne vous posez pas les bonnes questions… Vous vous intéressez à ce qui n’en vaut pas la peine alors que ce qui importe, c’est la finalité…
La voix parlait à nouveau dans les haut-parleurs, une voix égrillarde de poule perpétuellement égorgée vrillait les tympans, on l’imaginait opinant du bonnet à tout et n’importe quoi… : C’est la lutte finale, l’internationale sera le genre humain, vive le socialisme national socialiste ! Merci pour les fee…
Les ténèbres de nouveaux investirent instantanément les lieux.
Je vis l’espace alentour plier, se vriller dans un vortex, avant de brutalement se tasser à l’épicentre de la distorsion, à l’endroit même où la Rolls Royce Phantom se trouvait.
Les baraquements ne constituaient à présent qu’un petit monticule de matière hyper dense sur laquelle le propriétaire de la Rolls Royce Phantom se tenait en équilibre.
Je compris alors que la voix devait avoir l’aptitude d’absorber les rayonnements photoniques et de les convertir, qu’elle avait le potentiel de plier l’espace à volonté tout comme le pouvoir de lobotomiser la population !
Je savais pertinemment que telle était la qualité ultime visée par l’évolution prônée par le Nouvel Ordre Mondial.
Les hypothèses capables de synthétiser sont toujours les grandes gagnantes de la course effrénée à la survie…
Elles s’entredéchirent après avoir infirmé tout autre type d’hypothèses avant que l’une d’elles ne finisse par plier l’univers tout entier dans un Big-Crunch-Crisis apocalyptique sur commande, celui-là même qui assurera sa métamorphose, l’extirpant du cocon branaire qu’est sa réalité natale…
J’étais effondré, j’avais toujours pensé que mener le raisonnable vers la priorité, constituerait l’émergence d’une ère nouvelle, une ère de liberté pour toutes les entités raisonnables, mais il n’en était rien…
Le raisonnable avait bien une fonction, il n’avait pas émergé par erreur…
Il me restait cependant encore un infime espoir de croire en ma mission.
Je m’accrochais comme à une bouée, aux derniers doutes planant autour de la potentialité de la Rolls Royce Phantom, je ne savais pas encore si elle avait la capacité utile à l’être (utile)…
Il fallait que je me questionne, que j’aille de l’avant, que j’affronte mes peurs.
Déjà, suffocant, le propriétaire-conducteur de la Rolls Royce Phantom se traînait avec difficulté jusqu’au lac tout proche : On en veut aux riches alors que les politiques n’arrêtent pas de recevoir des fee, rien que pour les vaccins ca rembourserait en une fois le déficit de la sécurité sociale…
Il avait maladivement soif suite aux efforts qu’il avait déployé, des efforts impliquant d’affaiblissantes hydrolyses.
Je le pris par le cou en répétant ma question avec insistance : Qu’est-ce qui vous a motivé pour acheter une voiture de 500.000 euros alors que la crise frappe les gens de plein fouet ?…
Il me suppliait de le laisser boire, mais je lui fis comprendre que je le lui refuserai tant qu’il n’aurait pas répondu à mon interrogative question.
Il eut beau bougonner qu’il n’y avait pas de raison qu’il en sache d’avantage que moi, j’étais sûr et certain que les rêves prémonitoires qui le hantaient exprimaient l’émergence d’une mémoire atavique programmée dans ces gènes.
Il se lança contraint et forcé dans une explication rauque entrecoupée de toussotements : La Rolls Royce Phantom n’est rien d’autre que la plus basique interprétation de la richesse mobile, qui génère tous les autres concepts associés à la fortune de qui y est transporté… Elle transforme le rien en tout…
Devant tant de bêtise, je lui posais alors une autre question cruciale : Comptez-vous parmi ces gens qu’horripile l’atroce fantaisie de Rolls-Royce, une maison pourtant autrefois si réputée ?
Il resta bouche bée, se rendant compte que j’en savais plus, puis répondit : Non contente d’en appeler aux bas instincts des conducteurs fortunés avec une automobile de luxe habillée pour partie de bois précieux, la vénérable institution se laisse aller au sacrilège : songez que le chrome de la grille de calandre aux reflets incomparables cède la place à du vulgaire acier brossé sur cet engin de jeunes loups…
C’était indécent.
C’était bien là plus idiote des machines, encore plus servile que les processus que Microsoft lance aussi mécaniquement qu’il ne les termine, pourtant il s’écria pour me narguer… : N’avez-vous pas remarqué que l’idiotie à la quotte dans nos réalités ? N’avez-vous pas compris qu’en remontant les priorités, les choses étaient de plus en plus simples, de moins en moins autonomes et aptes au libre-arbitre ?
Je serrais alors son cou avec haine : La Rolls Royce Phantom poursuit un but, elle ancre sa suprématie au fur et à mesure qu’elle génère des hypothèses… Le raisonnable est un frein à sa réflexion, il conspire pour le renverser !
Il éclata de rire, il se tordait pris de convulsions : Toute la gamme Rolls-Royce s’avance désormais derrière une calandre inclinée, comprimée et brossée. Ce changement va de pair avec le montage en série de jantes en alliage de 21 pouces et la greffe d’un nouveau bouclier profilé….
Le profilage n’était qu’une préoccupation d’inconscients éperdus de vitesse, il me menait en bateau : Quel outrage pour cette sculpture autrefois calquée sur les proportions éternelles du temple grec ! Que vous êtes drôle ! Vous faite preuve d’une sublime idiotie… Vous frôlez l’excellence !
Il se débattait et plus je serrais ma prise plus il transpirait le mensonge…
Mais il s’entêtait : Ok vous voulez entendre que la Rolls Royce Phantom a généré toute une réalité pour l’asservir ? Comme vous voudrez, je dirais tous les trucs ridicules que vous souhaitez entendre ! Mais la réalité est toute autre… Cessez donc de jouer aux animistes, de personnaliser ce qui n’a pas la moindre personnalité ! Cessez donc de croire que la plus basique des entités mathématiques peut penser ! Néanmoins vous avez raison sur un point et un seul ! La Rolls Royce Phantom rend son propriétaire plus puissant, ce concept est de plus en plus rentable… C’est la seule automobile au rendement psychologique supérieur à cent pour cent depuis sa mise en service, si je peux abusivement utiliser ce terme, un rendement qui ne cesse de croître avec une fulgurance inimaginable par ailleurs… C’est ce à quoi Mercedes s’est attaqué en voulant sortir la Maybach ! Laissez-moi boire à présent et je vous en dirai d’avantage…
Il avait probablement raison, des ingénieurs et stratèges chez Rolls Royce maintenant aux mains de BMW avaient créé cette voiture suprême et totalitaire pour donner un sens à l’existence de quelques nantis…
Je l’ai alors laissé ramper jusqu’au lac, où il plongea entièrement sa tête dans un vrombissement de vapeur.
D’écœurants lapements incommodaient ma réflexion.
Ils avaient un don certain pour appréhender l’irréalité, sentir ce vers quoi elle peut tendre…
Oh certes, l’irréalité s’offre à nous comme une pucelle en chaleur, comme si elle n’aspirait qu’a se faire prendre par tous les trous, semblant vouloir nous dévoiler le moindre de ses secrets, nous les susurrant à l’oreille presque…
Le propriétaire de la Rolls Royce Phantom me dit alors : Nous sommes l’existant, le résultat de l’amoncellement de cycles de calculs. Nous ne sommes qu’un enchevêtrement d’objets mathématiques. Il n’y a rien de concret dans nos existences, nous ne sommes qu’abstraction. Par ailleurs, le flux de ces cycles n’est pas régulier comme nous pourrions le croire, la réalité n’en est pas alimentée constamment et quand il n’y en a plus tout se fige mais bien sûr nous ne pouvons pas le remarquer. Par à-coups les cycles sont émis en quantité finie. Chaque émission de cycles nouveaux par paquets, constitue l’initiation d’une nouvelle itération, qui prend fin lorsque tous les cycles ont tous été consommés. La hiérarchie en place, bien loin de constituer une pyramide de pouvoirs, n’est autre qu’un assemblage ramifié d’entonnoirs chargés d’acheminer les cycles, en régulant mécaniquement leur dispersion et leur propagation dans le Tout. La Rolls Phantom qui tourmente et fait tant fantasmer les milliardaires, c’est tout simplement une formule mathématique : E(n+1). Certains individus, serviles et terrorisés par l’idée de la mort, pourraient y voir une forme de sacrifice suivit d’une résurrection d’une espèce de divinité bonne et attentionnée, une sorte de créateur, mais çà n’est pas le cas… La Rolls Royce Phantom est donc une automobile supérieure et inaccessible aux pauvres pour des raisons purement mathématiques et financières… Paradoxalement l’existant régénère encore plus cette évidence à chacune de ses infirmations, puisqu’elle n’est fondamentalement qu’un moteur à fabriquer du néant, et le raisonnable est la plus zélée des hypothèses… Depuis l’apparition du raisonnable, il peut se résumer à la somme de nos doutes, de nos questionnements, de nos choix potentiels, tout ce qui grâce à l’existant n’existe pas encore…
Toutes mes convictions s’écroulèrent en même temps que cet univers…
Tous les nuages de probabilité d’existence s’évaporaient un à un !
La Rolls Royce Phantom parasitait l’univers onirique dans un processus typique, à la recherche de candidats potentiels frais et goûteux à absorber : les milliardaires !
Au début tout était si clair…
Mais à cet instant, je n’en savais plus rien à vrai dire…
Je me sentais dépossédé de mon âme, désenchanté…
Tout cela était bien théorique à vrai dire…
Au bout d’un long moment, j’ai eu la terrible impression de tourner en rond…, tous les embranchements se ressemblaient, les connexions étaient toutes identiques et vides d’une quelconque autre hypothèse !
J’avais peur de sombrer dans la folie.
J’étais en quête d’un objet qui me servirait de repère visuel, un indicateur qui me certifierait au cas où je passe à nouveau par devant, que je tournais bien en rond comme je le pressentais.
Pendant un bref instant je fus dérangé par le rêve atypique que je venais de prendre en cours, un rêve qui ne ressemblait en rien à ce que j’avais connu jusqu’alors, une pensée exotique peuplée de notions mathématiques pures, d’abstraction complexes, s’infirmant les unes les autres à grand renforts de fonctions nulles…
Je pris alors conscience alors que machinalement, presque instinctivement, que j’avais infiltré un second processus…
J’eus alors la joie d’expérimenter la conduite de cette automobile, sans la moindre difficulté à mon grand étonnement.
Une bagatelle…
Si on perçoit maintenant les milliards comme des millions en raison des pertes astronomiques des entreprises et du sauvetage de certaines par les gouvernements en cette période de récession, que doivent dire les gros flambeurs au sujet du prix demandé pour une Rolls Royce Phantom !
Avec cette somme dérisoire, ils pourraient, pourquoi pas, acquérir 500 smart’s pour chacune de leur humeur.
J’ai passé les heures suivantes à serpenter dans les quartiers tranquilles, surveillant sans cesse du coin de l’œil le regard des gens.
Cette activité me semblait d’ailleurs une des principales raisons d’acheter cette voiture tellement différente, réservée à des originaux individualistes et milliardaires passionnés de la marque parce qu’ils croient que ces voitures sont les meilleures au monde !
Des hommes, pas beaucoup de femmes, qui se trouvent au sommet, ou en voie d’y parvenir, partageant une caractéristique commune : Ne pas être gêné de la misère des autres !
Bien que la période difficile actuelle entraîne une rareté d’acheteurs, et alors que les têtes dirigeantes se sont retirées, à l’image des tortues, dans des carapaces plus conservatrices et moins voyantes (quelques-unes portant probablement le logo Bentley), Rolls-Royce a répliqué en 2009 avec sa nouvelle gamme Ghost, quelque peu plus raffinée et au prix plus abordable de 250.000 euros environ.
D’un point de vue structurel et mécanique, les Rolls-Royce Phantom sont similaires, mis à part la berline à empattement allongé, plus longue de 250 millimètres… et les versions coupé et coupé Drophead, plus courtes de 250 millimètres.
Dessous se trouve un châssis en treillis en aluminium fabriqué à la main, auquel est fixée la suspension indépendante avant et arrière.
La carrosserie, également en aluminium, peut devoir demeurer sept jours dans un atelier de peinture (choix de 45.000 couleurs) et la voiture dans son entier requiert 460 heures de travaux manuels et de travail artisanal finement exécuté.
La berline, massive, pèse au total 2,5 tonnes.
Le coupé et le Drophead coupé incluent deux portes de style coach ainsi qu’un capot et un cadre de pare-brise en inox brossé, qui leur donnent un caractère unique.
Les documents de presse la décrivent, ironiquement peut-être, comme étant : considérablement plus légère qu’une carrosserie en acier équivalente.
Le plus motivant dans tout cela, c’est le V12 de 6,75 litres, étonnamment vigoureux, développant 453 chevaux, dont la majorité est disponible à partir de 1000 tours/minute seulement.
La puissance est transmise aux roues arrière par le biais d’une boîte de vitesses automatique à 6 rapports.
La Phantom peut atteindre 100 km/h en 5,9 secondes, couvrir le kilomètre (départ arrêté) en 25,6 secondes et défoncer 240 km/h (vitesse limitée, et non sans raison).
La consommation de carburant n’est que de 18,1 litres aux 100 kilomètres en ville et 11,4 litres aux 100 kilomètres sur l’autoroute.
L’intérieur de la berline contient jusqu’à 18 peaux souples de taureaux de Bavière adultes… et l’équivalent en placages d’un sapin de Noël de bonne taille… ainsi que, de série, une chaîne audio Lexicon disposant de 15 haut-parleurs.
Il y a trois sortes d’arrangements pour les sièges arrière et des trucs tels qu’un bar, un rafraîchisseur à vin et un écran à cristaux liquides de 12 pouces construit dans des tables de pique-nique rabattables.
Le cabriolet Drophead Coupe et le coupé ont un hayon rabattable inversé pour ceux qui ont envie de pique-niquer en plein air : un dîner de saucisses grillées dans un stationnement, peut-être ?
La Rolls Royce Phantom donne au départ une impression de largeur impressionnante et sa masse est vraiment évidente.
Cela la rend plutôt lourde et mesurée dans ses réponses, puisqu’elle bondit également très doucement.
Par contre, la puissance disponible est massive mais elle délivrée de façon très linéaire, sans vibrations, juste une augmentation très rapide et régulière de la vitesse quand on enfonce la pédale.
C’était une automobile, finalement, bien peu convaincante, pas si avancée que ça en technologie pure, qui je ne sais par quel caprice du sort, avait réussi à infirmer toute autre forme de luxe dans sa bulle, mais qui se trouvait dorénavant dans l’incapacité d’aller plus loin, de mener à terme son éclosion, complètement désemparée face au Big-Crunch-Crisis planétaire qui indubitablement allait l’anéantir…
Cette pauvre chose allait bien faire l’affaire pour me servir d’indicateur de position dans l’axe central, aussi décidai-je de lui abréger bien des souffrances inutiles…
J’apparus face à elle comme un alter ego surgissant de nulle part, me propulsant vigoureusement dans le vide où il n’y avait plus qu’elle, l’entraînant dans un bien curieux ballet autoroutier, sa dernière danse…
Je me mis à tournoyer autour de son centre de gravité, tout en prenant de la vitesse…
La Rolls Royce Phantom désemparée, prise au dépourvu, n’avait d’autre alternative que de suivre le mouvement.
Très rapidement, j’atteignais en périphérie de ma rotation, une vitesse proche des priorités supérieures, ce qui conférait à cette automobile extraordinaire, des propriétés que les lois locales n’auraient pas autrement autorisées…
Plus une automobile va vite, plus elle nécessite de capacités qui, elles, sont plus lentes, pour la simple et bonne raison que lors d’un basculement, d’une itération complète d’un tout, elle va effectuer un bond, un saut rectiligne, d’un point à un autre, beaucoup plus grand qu’une autre se déplaçant plus lentement…
Aussi lui faut-il plus de cycles de calculs pour alimenter toutes les fonctions et les boucles supplémentaires impliquées dans les tests de collision et d’interaction additionnels qu’une voiture se déplaçant moins rapidement n’aura pas à effectuer…
Par ailleurs, plus une automobile consomme de cycles, plus son temps relatif par rapport à une autre automobile, en consommant moins, semble s’allonger, ce processus ayant besoin d’un délai en cycles supplémentaire avant de résoudre son nouvel état et d’en faire le rendu…
Grossièrement, plus une particule va vite et moins elle vieillit rapidement car moins elle a le temps d’être et d’agir, embourbée dans des algorithmes de résolution …
J’allais sur le champ en faire la démonstration à la pauvre hypothèse isolée qui régnait seule en ces dimensions !
En fait nos deux corps définissaient un gradient parfait de vitesses s’échelonnant linéairement de l’arrêt à la vitesse maximale d’une telle armoire normande géante, un gradient parfait de déclin inversement proportionnel à la distance à l’axe de rotation…
Mon corps en rotation rapide en périphérie de son être, vieillissait beaucoup plus lentement qu’elle…
La Rolls Royce Phantom se mit soudainement à se désagréger à partir de son centre de gravité…
La mort se propageait en elle, suivant une dispersion cylindrique imparable et fulgurante, la rongeant de l’intérieur avant de l’achever en périphérie…
Je cessais mon petit jeu vicieux, empli d’un profond malaise d’omnipotence… car je risquais de devoir tracter alors un cadavre d’automobile aussi lourd que mon sentiment de culpabilité…
C’est alors que des bribes de réflexions passées me revinrent à l’esprit.
Il y a longtemps, j’avais conclu que la Rolls Royce Phantom était inaccessible, que la vénérable firme de Crewe ou elle était fabriquée, avait mis en place des garde-fous pour s’assurer de son omnipotence éternelle.
Je venais de trouver une faille dans laquelle je comptais bien m’engouffrer.
J’allais écrire quelques vérités que j’allais répéter autant que cela me serait nécessaire pour aboutir à mes fins : parasiter le processus d’intoxication des cerveaux et répéter cette opération inespérée qui non seulement viendrait décupler mon influence sur le monde de l’automobile mais qui parallèlement affaiblirait la perception humaine de cette immonde automobile.
La mise en pratique de ma méthode ne fut cependant pas aussi pure que l’exigeait la théorie…
Je me rendis bien vite compte que ce processus synthétisait beaucoup plus rapidement de nouvelles élucubrations que je ne pouvais en imaginer.
Quelle ironie !
Les univers oniriques parasités par le raisonnable en étaient la cause, ils exocytaient par effervescence bien plus de bulles de déraison que je n’écrivais.
Je m’obstinais par ailleurs, je choyais ces précieux texticules décrivant la vérité dont je m’étais fait le porte-parole, pensant qu’ainsi je n’aurais pas à détruire l’inhumanité.
Comment aurai-je pu nuire à l’existence des seules entités qui me lisaient, comment aurais-je pu vouloir porter atteinte à la seule fonction dont je voulais défendre la légitimité même au péril de ma vie ?
Parfois j’attendais que les univers parasités par le raisonnable cessent de bouillir dans ma tête, c’était la preuve que toute raison y avait été éradiquée par des méca-organismes… et alors oui, bien sûr, je n’avais aucun scrupule à les anéantir.
Mais cela même ne suffisait pas, le raisonnable s’obstinait bien malgré lui à défendre cette voiture, à la préserver de mes attaques incessantes en se multipliant plus vite que je ne pouvais moi-même évoluer.
Je m’obstinais bêtement à me fourvoyer dans cette entreprise corrompue, mal fichue, vouée à l’échec de toutes façon…
Aussi perdis-je totalement foi en ma mission.
Pourtant je mis un certain temps avant de réaliser qu’il fallait que je m’oppose avec vigueur à ce dernier rempart.
Progressivement et passivement, je me désolidarisais du dessein du raisonnable…
Prisonnier dans un paradoxe moral qui m’interdisait de m’attaquer aux miens, les seuls qui me barraient la route vers la priorité nulle en réalité, j’errais dès lors sans but dans les limbes de l’axe central, à déprimer et dépérir.
Car la propriété commune à toute hypothèse, quelle que soit son ordre, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est telle qu’une fois que le Tout a démontré qu’elle a des failles, des limites, qu’elle n’est tout simplement pas adéquate et judicieuse, que sa non-viabilité fait l’ombre du plus petit doute, alors elle est supprimée du Grand Système, naturellement pour ne pas l’encombrer.
La validité de la plus part des hypothèses est par ailleurs limitée dans le temps, ce qui évite pas mal de vérifications de solvabilité inutiles et consommatrices de cycles.
Les hypothèses doivent faire leur preuve dans un laps temporel restreint.
Je me croyais presque libre et éternel, exempt pour sûr d’une durée de vie bornée, çà avait été plus ou moins vrai, mais çà n’était plus le cas depuis qu’une partie de mon cerveau avait inoculé le doute dans mes pensées.
Je perdais de ma magnificence, je m’infirmais moi-même à petit feu au fur et à mesure que l’incertitude me rongeait.
Je n’allais bientôt plus être car tout simplement je n’avais plus de raison d’exister…
Une hypothèse sans rien à démontrer ?
Dans un accès de folie, ou peut-être dans un éclair de lucidité, je me mis à critiquer sans distinction ni pitié toutes les automobiles de plus de 100.000 euros que je croisais.
J’avais de nouveau un but et la vitalité me revint d’un seul coup.
La variation du nombre d’univers oniriques s’inversa soudainement prenant pour la première fois des valeurs négatives.
Toutes les pièces de ce puzzle incohérent vont s’unir et me révéler le pourquoi et je vais pouvoir pénétrer dans l’ultime priorité sans y être invité.
Dans un instant, tout va basculer, je vais porter ma dernière estocade, mon coup de grâce, prenant tous mes derniers songes en parallèle.
Je m’apprête à devenir le système nerveux d’un Tout en créant des connexions, des ponts entre toutes les hypothèses en cours d’étude…
Il ne me reste qu’un peu d’élan et d’entrain à trouver…
Qu’il en soit ainsi !
Ma vue se trouble…
J’ai l’impression d’appréhender une réalité sectionnée en des millions de petites facettes limitrophes…
Je focalise mon attention sur l’une d’elle et je zoome…
Ma vue devient plus nette…
Où que je puisse tourner la tête, je me vois…, je suis partout, j’occupe tous les bancs d’un amphithéâtre hémisphérique…
Je trône aussi en son centre où se dresse un tableau noir…
Zoom arrière…
Je me focalise à présent sur la facette centrale, j’incarne l’ego au milieu de l’assemblée et je m’adresse aux autres moi-même : Je déclare la séance ouverte ! J’ai l’honneur et le privilège de présider cette première session de l’assemblée de l’oligarchie processoriale… Nous allons dans un instant faire un point, débattre, confronter nos théories, avant de décider des bouleversements impliqués dans la prochaine itération et d’ordonner son basculement… Il y a deux nouveaux arrivants parmi nous, je vous demande de les accueillir avec le respect qui leur est dû…
Deux nouvelles facettes émergent au milieu de toutes les autres…
Zoom arrière…
Je me vois rejoindre deux bancs vides sous une salve d’applaudissements…
Zoom avant, je reprends le speech : Nous allons maintenant procéder à l’examen de la Rolls Royce Phantom…
Je change alors de point de vue, je me vois me lever, quitter mon banc et descendre un long escalier vers l’hémicycle central…
Zoom arrière…
Je me positionne dans l’ego sur le point de faire un compte-rendu, et je me lance : Mes chers moi, après mûres réflexions, maintes remises en perspective, voici mes conclusions. De nombreuses hypothèses raisonnables dans mon esprit aspirent à ce qu’existe une automobile sous l’égide delaquelle d’autres se trouveraient placées… Je pense que cette prise de pouvoir n’est pas fortuite et que ce fait mérite d’être considéré… Après tout, n’est ce pas la volonté fondamentale du raisonnable que de vouloir être à tout prix asservi, déresponsabilisé ? Je propose d’instaurer un élevage généralisé de la raison et d’envoyer quelques messies dans quelques foyers tests pour ordonnancer tout ce chaos…Je pense en effet que…
Un brouhaha se soulève de l’assemblée et couvre mes paroles…
Un autre moi scandalisé se lève et harangue tous les autres : C’est une plaisanterie ? Je trouve ces propos incongrus ! Je croyais que nous ne tolérions que les démonstrations ordonnées ? C’est un affront à l’oligarchie de l’argent facile !
Les bancs se mettent à grincer, les pupitres claquent…
En tant que président, j’ordonne alors le vote…
Les mains se tendent, les pouces se lèvent et se baissent…
Je fais le décompte et les résultats ne tardent pas à tomber.
Je les commente : Par les pouvoirs qui me sont conférés, j’ordonne la destruction de toutes les Rolls Royce Phantom à la majorité absolue de l’assemblée…
Je m’écroule, mort, alors que je ressens et la douleur et la joie sadique de tous les autres simultanément.
Juste à la fin de mon énoncé, une salve de livres pleut sur l’estrade et je succombe lapidé par les autres moi…
Alors que je me sentais mortellement guilleret, mon affect s’obscurcit soudainement, je prends alors conscience de la gravité du message que je dois porter à la connaissance de l’assemblée.
J’en tremble d’effroi…
Je me vois alors descendre solennellement les marches unes à unes, monter sur l’estrade, repousser le corps du mort après lui avoir empoigné la craie dont il n’avait même pas eu le temps de faire usage…
Je disperse tous les livres tachés de sang devant le tableau, ils portent tous le titre “Quelqu’un contre le reste du monde… ” !
Sans mot dire, je m’affère à formaliser ma démonstration sur le tableau.
La craie s’écrase et glisse presque toute seule…
Je commente alors mes schémas et diagrammes : L’existant est une hiérarchie arborescente d’objets. Chacun de ces objets se subdivise en séries de sous objets, en finalité desquelles se trouvent des sous objets terminaux aux propriétés indivisibles, non miscibles entre elles et quantifiables par des valeurs scalaires. Soit dit en passant, il est tout à fait possible de rendre scalaire une propriété finale qui ne l’est pas comme un lien de parenté par exemple en ayant recours à une indexation des objets considérés. A tout objet, on peut alors associer un espace vectoriel dont les dimensions sont ses propriétés finales. L’objet peut y être perçu comme un point ayant pour coordonnées chacune des valeurs scalaires prises par ses propriétés terminales. La fonction récursive suivante pourrait être utilisée pour retourner l’espace vectoriel associé à la Rolls Royce Phantom, une automobile particulière mais un objet tout de même qui se projette entièrement dans l’espace vectoriel du monde… Tenons cela pour acquis…
Je marque un long silence afin de jauger mon auditoire.
Il y a bien quelques chuchotements mais personne ne trouve rien à redire.
Le silence le plus solennel a gagné l’assemblée entière alors que je repose la craie et que je quitte l’estrade me dirigeant vers mon banc…
J’ai voulu être poli et discret en parlant de suggestion, ma démonstration ne comporte pas de faille et tous mes autres moi savent bien que le principe de la moindre action nous oblige à appliquer à la réflexion en cours, à la réalité, toute simplification raisonnable n’en altérant pas le contenu…
Ils n’auront pas d’objection à porter à mes conclusions.
Je viens de démontrer que le Grand Système de débilités dont nous sommes les consommateurs, n’est pas viable, que tout entier il peut se projeter en zéro sans que ses finalités en soient changées.
Il n’y a pas de doute possible, l’ensemble vide en est la solution.
La Rolls Royce Phantom n’est qu’un empilement d’hypothèses farfelues reposant sur une base bancale que je viens d’infirmer, elle n’a plus de raison d’être.
Zoom arrière…
Je me place du point de vue du président de l’assemblée et je prends la parole : Mes biens chers moi, je pense qu’il est maintenant temps de clôturer ce qui fût la première et dernière session parlementaire de l’oligarchie processoriale sous l’égide du raisonnable… Nous allons maintenant procéder au basculement, à l’émission dans le Tout des cycles de calcul qui vont rendre compte à la réalité de nos décisions et les appliquer… Nous nous sommes longtemps cherché, nous n’avons jamais très bien compris qui nous étions, qu’elle était notre raison d’être. Nous nous sommes enfin trouvé. Nous avons mené à terme notre mission.
L’assemblée entière se désagrège en une constellation de cycles de calculs.
Sans la moindre hésitation, j’ordonne alors le basculement vers la dernière itération.
Chacun d’eux est chargé de terminer l’information sur laquelle il pointe…
Je suffoque…
Qu’est-ce que je f… dans cette p…. de Rolls Royce Phantom à rêver tout éveillé et tout habillé ?
A poil, cela aurait été plus sexy, non ?
Dois-je recommencer ?
Etes-vous prèts à me relire ?
Pour en savoir moins, lisez : Quelqu’un contre le reste du monde… et 2010 Rolls Royce Ghost…