Le jour ou j’ai mourru…
De chaque coté de la route, il y a des petites cabanes, avec des plastiques qui volent dans les courants d’air du trafic.
Même pas de bric juste en brac.
Il fait froid.
Il fait très froid.
Il fait gris.
C’est le matin.
J’essaie une Lamborghini Gallardo…
A pleurer, j’ai froid.
J’ai les couilles gelées.
C’est la climatisation…, elle marche trop fort, mais si je la coupe, il fait de suite trop chaud…
Cette voiture est un enfer…
Même pas besoin de l’essayer longtemps pour donner la conclusion…
Rien qu’à m’y asseoir j’avais déjà tout compris…
Il n’y a que les journaleux qui se pâment devant de telles bêtises, sans doute en remerciement d’avance pour les multiples cadeaux qui payent l’excellent article laudatif…
Je ne dis pas que c’est moche, non…, mais c’est con…
On est enfoncé dans un fond étriqué, le corps en zigzag pour s’adapter aux pédales positionnées de travers par rapport au volant et au siège, dans la position d’un turc qui chie sur une toilette turque en se tenant fermement à un appui…, en l’occurrence le volant…
La visibilité est nulle en tous sens, je crève de chaud ou de froid, il n’y a pas de juste milieu…, j’ai des crampes et le bruit me donne mal à la tête…
Sur les trottoirs je vois des ombres mal fagotées, emmitouflées dans des frusques raides, sales.
Au milieu de ces ombres il y a des yeux encore plus sombres, avec des regards qui rasent le bitume.
Puis le soleil finit par percer dans un ciel alourdi par la fumée de la ville.
Ah oui, c’est jour de grève aussi, pour la défense du pouvoir d’achat.
Putain, j’arrête pas d’y penser au pouvoir d’achat…, un mélange d’insatisfaction et de regret suit, lorsqu’on y pense au volant d’une Lamborghini..
Cette confusion tempère mon menu moment de plaisir.
Un sentiment de frustration se dégage et trouve à s’épanouir, ce n’est pas si désagréable qu’il n’y parait à première vue.
N’empêche, qu’au fond, j’ai honte d’être au volant d’une voiture de salaud de riche…, tout comme il m’arrive d’avoir honte de me gratter les couilles dans une voiture de salaud de pauvre…
Mouais…
Lamborghini qui appartient à Audi, qui appartient à Volkswagen, qui englobe Porsche…, fabrique des véhicules hautement stratifiés, destinés au marché ultra spécifique des super sportives, son objectif demeure toujours le même, quelle que soit l’année : trouver des clients… tout en affirmant décupler la puissance, amincir le tour de taille, raffiner l’ADN du design et renforcer le sentiment d’exclusivité…, ce qui, en retour, suscite les élans passionnels les plus fous avec de temps à autre un achat impulsif qui assure le quotidien de la firme.
C’est du business, quand il n’y aura plus d’achats impulsifs, sachant qu’il n’existe aucun achat raisonné…, il n’y aura plus de vente du tout… Et chez Lamborghini, c’est très précisément la direction choisie avec la Gallardo LP570-4 Superleggera 2011.
Pour ceux et celle d’entre vous dont l’italien est un peu rouillé, le mot-clé ici est le dernier, qui se traduit par “super légère”.
Bien sûr, le chiffre 570 joue également une part importante dans tout ceci, car sous le capot de cette bombe se bousculent 10 étalons de plus que dans la Gallardo LP560-4 de base.
Comme il est assez évident que la Superleggera a beaucoup moins en commun avec la gentille berline qu’avec le bolide de course agressif, les gens chez Lamborghini ont sagement opté pour la cueillette d’impressions de conduite par mon intermédiaire.
Pas fou comme décision…, mes essais, ma façon de regarder et sentir les bagnoles… et surtout ma manière de les décrire…, n’ont pas d’égal…
Lorsqu’on me remet les clés d’une voiture ultra-performante comme celle-ci, c’est sans garantie que la voiture reviendra intacte… La Superleggera dispose de plus de chevaux que la Gallardo normale, les deux sont propulsées par le même V10 de 5,2 litres, mais le nouveau modèle reçoit la version révisée du système de gestion moteur, ce qui permet non seulement d’extraire les 10 étalons de plus (de 560 à 570 chevaux…, je me marre déjà devant cette misérable importance facturée à prix d’or), mais également de couper sur la quantité d’émissions nocives…, comme si la voiture n’était pas déjà nocive en elle-même….
Le couple demeure le même à 398 lb-pi., atteignant son plafond à 6.500 tr/min.
Donc…, oui, ce V10 a tendance à gémir un peu plus fort que ses occupants qui n’en peuvent plus après une centaine de kilomètres…
L’autre modification “majeure” repose sur une perte de poids significative de 70 kg par rapport à la Gallardo régulière et ce, grâce à l’utilisation étendue de fibre de carbone.
Le résultat ?
Selon moi, c’est totalement stupide, il suffit qu’un conducteur de 120kg s’installe en place d’un chétif de 50kgs, pour démontrer que cet “effort” est pathétique…, qui plus est lorsqu’un passager (une passagère c’est bien mieux) de 70kg s’installe à bord…
Selon le fabricant, la Superleggera se catapulte de 0 à 100 km/h en 3,4 microscopiques secondes une fois le système de contrôle du décollage fermement engagé…, trois dixièmes de seconde plus véloce que la Gallardo… et malhonnêtement, pourquoi en douterai-je ?
A vrai dire, je m’en tape totalement, ces faits ne sont que des “légèretés” inutiles…
Mais bon… La voiture a une accélération débridée que bien peu de ses rivales peuvent égaler… et ce, peu importe leur pesant d’or.
Pour le reste, la transmission automatique e-gear à 6 rapports tire bien son épingle du jeu, quoique l’hésitation entre chaque changement de vitesse soit un brin violente. Sans aucun doute, la Superleggera pourrait bénéficier d’une transmission à embrayage double, de sorte à ajouter un soupçon de velours à la conduite.
J’en suis d’ailleurs réduit à me demander pour quelle raison Lamborghini n’a pas encore équipé celle-ci, ou sa cousine la plus proche, l’Audi R8, de telle façon.
Après tout, Volkswagen, la société mère, est presque parvenue à perfectionner cette technologie avec la Bugatti Veyron (pour des raisons de coûts ou de complexité, sans aucun doute)…
Au fil des nombreux bouts rectilignes, la Lamborghini me montre clairement de quel bois elle se chauffe, prenant les virages à toute vitesse avant de se précipiter tout aussi rapidement vers les suivants ; un peu comme se trouver à bord d’un avion secoué par les turbulences.
Les courbes elles-mêmes présentent des occasions parfaites d’apprécier la traction intégrale de la bête, rendant cette dernière éminemment capable de s’agripper à la route avec toute la férocité d’un bulldog enragé. Le système maintient un ratio avant/arrière de 30/70 et arbore un différentiel à glissement limité, ce qui signifie que la majorité de la puissance est canalisée vers les roues arrière, créant ainsi une expérience de conduite sportive des plus jouissives.
Les pneus Pirelli P Zero Corsa, conçus tout spécialement pour l’occasion, jouent certainement une part importante en fournissant une adhérence absolument prodigieuse.
Quant à la direction, elle est remarquablement directe, les effleurements sensuels les plus subtils se traduisent par des résultats immédiats, ce que j’aime par dessus tout… Le système de contrôle de l’adhérence est doté de quatre réglages : d’aliéné léger à fou sanguinaire.
Si le mode Corsa est engagé, plutôt relax au demeurant, il est alors possible de faire tanguer l’arrière de la voiture, ce qui entraîne l’avant dans un léger dérapage si les courbes sont enfilées avec un peu trop de zèle… Et pourtant, il est parfaitement impossible d’exploiter les capacités de ce démon à leur plein potentiel.
Sur une longue ligne droite, j’ai pu atteindre le 250 km/h en un fébrile battement de cœur…, mais comme la vitesse de pointe de la Lamborghini est de 325…, vous voyez un peu le problème !
Étant donné la nature extrême de la Superleggera, je m’attendais presque à y être misérablement installé, avec différents accessoires me coinçant de toutes parts, un volant trop loin (ou trop près), et des pédales totalement dé-balancées d’un côté ou de l’autre.
Effectivement…, le design de la voiture a été pensé avec le type de soin que l’on réserve normalement aux voitures de course…, auxquelles on aurait greffé quelques touches de confort de-ci de-là, bien sûr ! S’asseoir à l’intérieur est une aventure, s’extraire est un cauchemar, les sièges étant proportionnés pour des petites tailles et le volant restant dans le chemin (mais il en faut un).
Les pédales, fixées à la colonne de direction, sont par exemple, à portée de main (bien que je les aurais préférées à portée de mes pieds). Presque toute la cabine est drapée d’Alcantara, même les sièges…, toutes les autres surfaces sont recouvertes de fibre de carbone.
En fait, on s’est même servi de ce matériau pour construire les panneaux de portes, les sièges et le tunnel de transmission.
Parmi les autres touches “fantastiques”, j’ai noté : des pédales en aluminium, des sangles de cuir faisant office de poignées de porte et un volant recouvert de suède dont la partie inférieure est plate.
Époustouflant, tout simplement ! (Je fais une pause pour éclater de rire, puis je reviens vous conter la suite, ok ?)…
La Lamborghini est une super sportive avec laquelle on peut se rendre tous les jours à l’épicerie… du moment qu’on n’a pas la faim dans les talons.
L’espace de rangement est plutôt minimal, mais ce n’est pas l’élément le plus pertinent.
Quant à la suspension, la Superleggera est franchement plus “agressive” pour le dos… que celle de la Gallardo de base. Pour être plus précis, cette nouvelle version est plus “mordante“, les barres stabilisatrices plus robustes et la force d’amortissement plus élevée de 20 %.
En roulant dans des nids de poule… les secousses ne manquent pas! La Lamborghini Gallardo LP570-4 Superleggera 2011 est très spéciale (je me marre !) et aussi près d’un vrai bolide de course qu’on peut l’espérer sans y avoir fixé, au préalable, une cage de retournement et un harnais de course à quatre points (lesquels se retrouvent tous deux dans la liste des options, soit dit en passant).
Vers le milieu de la matinée, deux heures environ après mon départ, les freins ont commencé à faiblir et à s’enfumer.
Si la solution se trouve dans la liste des options (des disques de freins en fibre de carbone et céramique), lorsqu’on roule, on n’a pas le temps de faire changer les disques.., trop occupé à pomper dans le vide en insultant Lamborghini, les deux seules questions que je me suis posé alors étant les suivantes :
– Le prix en vaut-il vraiment la chandelle ?
– Faut-il brûler les concepteurs de cet engin ?
Le prix n’en vaut pas la chandelle et nul besoin de brîler les cons cepteurs de cet engin, tant leurs idées sont déjà fumeuses !
Ces artistes qui écument les revues à la mode, les mondanités et les expos intello-masturbatrices, vivent perchés dans une dimension parallèle.
Et la réalité bassement concrète de leurs concepts n’engage que les cobayes qui les subissent.
Je fais bien sûr allusion à l’émoi spontané que j’exprime en pleine dérive et sans freins !
Cette… chose…, cette œuvre de jeunesse, non, d’adolescence, même pas, de prime enfance, dûe à je ne sais pas qui, hésite entre l’inconséquence puérile et la révolte pré-pubère.
Rien d’étonnant à ce que la “Bon Dieu qu’elle m’excite cette salope !” (autre traduction possible de “Gallardo”) s’affiche dans les chambres de boutonneux puant le foutre rassis entre moult créatures propices aux épanchements nocturnes et arrachant des râles !
Le principal enseignement de ce monstre réside dans l’impossibilité de marquer l’histoire du design tout en descendant sa vitre à l’approche d’une gare de péage.
En effet, l’ouverture de la glace ménage un espace à peine supérieur à l’interstice entre les cuisses d’Anita Ekberg dans la fontaine de Trevi.
Notez également qu’en dépit de la présence judicieuse d’une marche arrière, celle-ci n’aide en rien le conducteur puisque jeter un oeil par le soupirail arrière revient à regarder sa télévision à travers la fente d’une boîte aux lettres.
Mais il me faut être indulgent, on n’a jamais acheté une “(censuré)” pour aller faire provision de cholestérol chez Lidl.
Quant aux stylistes de chez Audi-Lamborghini, ne leur jetez donc pas la pierre, nous sommes tous derrière. Car comme eux, ne sommes-nous pas tous de grands gamins ?
Bien…
En fin de matinée, je me suis arrété dans un restaurant, le temps que les freins refroidissent…
Puis j’ai roupillé pour me remettre de mes émotions !
Un autre hurluberlu, journaleux pour un magazine Russe est passé sur le coup de 17h30 boire un café et on a sympathisé en disant l’un et l’autre tout le mal qu’on pensait de cette Lamborghini.
Vers 18h30 nous avons décidé de commun accord de rentrer en ville…
Ce fur le début de ma fin !
Je jouais à saute-mouton avec l’autre Lamborghini Gallardo, de couleur vert pistache…., on faisait les fous du volant… et alors que la nuit tombait, j’ai décidé unilatéralement d’en terminer là et de rentrer à l’hôtel, en pleine ville, pour rejoindre Eva…, lorsque je me suis aperçu que ma Gallardo jaune orangée n’avait de nouveau plus de freins…
Boum !
Je n’ai vu personne, à cet instant, pour marquer dans l’expression, une teinte de surprise, de désapprobation, ou d’acquiescement, ou bien de l’empathie au travers d’une mimique qui rassure. Descendu de son taxi, le chauffeur ne cessait de répéter : Merde, merde, merde…
C’était aussi la couleur de ce qu’il transportait.
Quand même, se faire emboutir par un taxi de merde.
Merde, merde, merde, ressassait-il, conscient de l’absurdité de ce destin auquel il était mêlé de plein fouet. – Je fais un boulot de merde, je transporte des gens de merde et j’emboutis une bagnole de merde comme une merde.
Le tragique côtoyait l’aberrant, qui pépère, foulait l’éphémère et la vacuité.
S’ajoutait une vie fauchée.
Et voilà comment, j’aperçus au dessus de moi, se pencher le visage du taximan… m’envoyant son odeur avec ses postillons, alors qu’ayant cru entendre quelque ange précurseur, je m’apprêtais dans des parfums d’encens, à voir, peut être, le visage multi-millénaire d’un dieu barbu… sans aucun doute courroucé d’une telle ineptie.
Un brave homme, secouriste occasionnel, est venu se mêler de mes affaires qui jonchaient le sol.
Il maudissait sa conscience qui le titillait et le sort qui l’avait amené en cet endroit.
Il terminait son plein d’essence à la station de l’autre coté de la chaussée, lorsqu’il avait entendu les coups de freins.
Agenouillé à présent, il se fendit d’un très mal assuré : Monsieur, est-ce-que vous m’entendez…là ?
Là non plus, pensait-il, en se pinçant les lèvres.
Il ne savait plus quelle suite on donnait à la question formelle tandis que lui tombait de la poche, son téléphone portable.
La chute de l’appareil lui indiqua du même coup, au profit du gisant, ravalé au rang de mannequin, la possibilité d’une suite utile à son embarras…, une étincelle malvenue, mit alors le feu au carburant qui s’échappait du réservoir de la Gallardo….
Après avoir, de cette façon parfaitement inappropriée, amplifié le problème dans lequel je me trouvais, il m’a trainé sur vingt mètres salutaires, le feu naissant provoquant la stupeur du chauffeur de taxi et du pompiste arrivé aussi sur les lieux du drame….
M’ayant extrait d’un enfer potentiel, il me laissa retomber sans ménagement, dans une maladresse supplémentaire.
Retourné sur les lieux du drame, il s’est mis à ramasser les morceaux de son téléphone disloqué sous le choc…, ne pensant plus à mon sort funeste quoique probable…, le sien en fait…, la Lamborghini Gallardo a explosé au même moment.
Je ne l’ai jamais revu…
Un bouchon s’était formé et l’on entendait à présent des coups de klaxon.
A mes oreilles, ces proclamations sonores ne revêtaient pas plus de délicatesse qu’un gloussement de dindons éructant leur désarroi de vivants devant l’inexplicable attente.
Tout cela rajoutait à la confusion… et à la pollution.
Les deux témoins m’abandonnèrent à la perplexité du pompiste et dans un bel accès d’inopportunité, me laissant seul dans ce moment d’extrême solitude (sic !), partirent s’enquérir de la circulation.
Ainsi sont les humains devant l’improbable, tout à la volonté instinctive d’assurer la continuité et la fluidité du trafic.
Moi, toujours allongé et quelque peu écorné et aplati !
Déjà quand on meurt, l’égo en prend un coup, fallait pas que je m’oublie dans cette histoire qui survenait à un moment crucial de ma vie : le jour où j’allais mourru.
Comme dans les histoires de vie après la mort, où ne sait pas bien si l’on rêve ou bien… si l’on rêve.
Dans ce cas, j’eus bien volontiers parlé de cauchemar, mais en l’absence de douleurs, d’angoisse et d’apesanteur… et sans ennui de cholestérol, je me contentai à risquer de penser que la chose était pour le moins bizarre.
Finalement, vit-on sa mort comme on a toujours rêvé sa vie ?
Mais j’étais toujours allongé, et à nouveau dans le ciel à me regarder, enfin j’étais bien, serein.
J’en avais oublié les visages qui s’étaient penchés au dessus de moi.
Il me semblait parfois m’enfoncer dans l’asphalte et ressurgir jusqu’à l’impression de flotter à quelques centimètres.
Voilà qui me donnait quand même un sacré chemin à faire pour parvenir jusqu’aux cieux, puisque ces derniers, depuis des siècles obéissent à l’arbitraire du sens commun : se tenir à l’écart, puisque étant placé hors d’atteinte du quelconque des défunts.
Mais, nul découragement pour celui qui dans sa vie avait fait du vertige un axiome aussi redoutable qu’antonyme du vieux principe d’Archimède : moi !
Et puis les cieux, il leur fallait sans doute cette distance pour qu’un principe divin puisse prendre de la hauteur et éviter les bruits de la circulation.
Un curé, denrée rare en pays parpaillot, lui aussi coincé dans l’embouteillage sortit de sa Twingo qui lui tenait de voiture.
Il s’est avancé sur le lieu de l’accident.
Il se tenait, paré du sérieux et du col requis par la tâche, à mon chevet.
Il fit une prière, pendant que moi, moribond, je m’adonnais à des essais de sustentation.
Sur ces entrefaites, il s’inclina et m’infligea une extrême onction au milieu, d’une haie de sapeurs pompiers.
Moi, la victime, j’avais pourtant toujours dédaigné les honneurs et préférais en cas de malheur et en matière de peinture, plutôt qu’un tableau pompier, la discrétion des arts minimalistes, ou bien les impressionnistes, ou bien quelque de chose de flou ou une bande dessinée et en tous les cas pas trop flamboyant pour ce jour particulier.
Après tout, pourquoi ne pas mourir au beau milieu de la chaussée ou ailleurs, mais toute cette attention sur moi quand même…
Tout cela me navrait, non pas que j’en fusse révolté d’en finir aussi vite avec ma vie, dans la quelle je m’emmerdais…, seulement un peu.
Non c’était le dérangement provoqué.
Les petites gens élevés à l’ancienne, n’aiment pas déranger.
Il n’y a rien à montrer.
Pour eux, la vie qui se débine n’est pas une merde à ausculter sur un écran de télé réalité, mais plutôt une triste fiction entre caddies, un boulot de chiottes ou pas de boulot, le cours de la bourse imposé avant les infos, des pantoufles éclatés made in China, la météo, un verre de rouge sulfaté, un suppo et au lit.
Alors se retrouver comme çà au milieu de l’asphalte, avec les ramures de platane barrant le bleu du ciel, à crever loin de chez soi, loin de son pays natal, çà me faisait un rien chier de mourir.
Mourir, comme s’il y avait un temps spécial pour cela ou bien même un endroit.
Mourir, cela tombe toujours mal.
Pourtant il y a toujours des endroits prévus pour tomber mal.
Y a que çà qui tombe bien.
J’en avais vu, à l’autre bout de la terre, comme sur ces gâtes, descendants comme à l’aéroport, au Holly lac à l’heure de la prière du soir, à l’heure où la fumée des buchers s’élève en saluant le coucher du soleil.
C’est l’heure où les ombres couchées se relèvent et s’en vont rejoindre les nuées accompagnés du tintinnabulement des cloches agitées par ceux là mêmes qui seuls sont capables de les voir par le profil.
Bon je suis mort mais j’ai mis un slip propre ce matin, comme depuis que, petit, ma mère m’avait dit qu’il fallait toujours se tenir propre… : “T’imagines, s’il t’arrive quelque chose et qu’un médecin doive te déshabiller”….
Et ouais, moralité soyez propres sur vous, vous ne connaissez ni l’heure ni l’endroit, çà c’est l’évangile selon maman.
C’est de ma faute j’écoute trop la radio que vous allez dire…, oui, toujours la même rengaine, les mêmes sons enregistrés et saturés de discours hypocrites, de félicitations, des salaires comprimés comme des coups de pieds au cul de ceux qui ont cru à “travailler plus pour gagner plus”… et malgré tout encore et toujours des encouragements au travail, d’indécentes exhortations à travailler plus pour “comprendre la problématique des groupes vilipendés”…
A boire jusqu’à la lie parce que mesdames et ces messieurs le savez vous, la Chine et l’Inde, et le Brésil et la Russie frappent pas à nos portes… et puis s’en suivent égrenées infos après infos les charrettes de licenciement, pour augmenter ou préserver les gains de productivité, les dividendes des actionnaires, parce que les actionnaires eux, y sont tranquilles, ni la Chine, ni l’Inde, ni le Brésil, ni la Russie ne frappent à leurs portes ( j’ai mis un pluriel, doivent avoir plein de portes et certainement des portes de sortie )…
Glaxo, Sonny, Continental, pour ne parler que des affaires les plus médiatisées, dont, les présidents locaux se prennent des œufs en pleine tronche, ou bien qui sont retenus de force…, mais…, que voulez-vous, avant de les plier, les gaules sont prêtes…, c’est l’ouverture de la pêche, ah toutes ces gaules en érection sur les bords de rivière, pour l’amour du geste, ah les bords de rivières, parfois nettoyées au gasoil mélangé de Round-Up et farcis de poissons nourris aux pesticides, après le chapitre social la chronique bucolique des bords de rivières où la fédération de pêche qui ne manque pas d’humour souhaiterait voir plus souvent des femmes…, puis chronique moto bercée par le bruit des vagues du Pacifique, Easy rider, la célèbre moto américaine, le dircom marketing qui parle de ce que les consommateurs attendent… une refonte complète du châssis, les Touring remplissent le cahier des charges et bénéficient de diverses améliorations le tout, à partir de 19.000 jusqu’à 36.000 euros…, bien loin des bourses en peau de cuir des Hells Angels et des angoisses écologiques étalées au cours des deux heures précédentes.
Oui avant ce télescopage d’infos, ce fut deux heures diverses préoccupations et de constat froid, la guerre pour l’eau prévisible un peu partout, voir au Bengladesh, entre l’Inde et le Pakistan au Proche Orient… et puis la mainmise sur les terres agricoles de pays pauvres vendues à des états ou sociétés sans scrupules, exemple entre Madagascar et la Corée du sud, et puis le problème de la préservation des réserves halieutiques, le pire des scénarios envisagés s’annonce comme le seul probable et pratiquement tout le monde s’en fout…
Bon j’écoute trop la radio vous allez dire…, ouais, demain j’écris des poèmes si je suis pas mourru dans cette Lamborghini Gallardo jaune…
C’est un événement.
Je vais sortir.
Je vais quitter l’hôpital.
A peine depuis dix jours ai-je traversé la vie de part en part.
Seul, depuis tout ce temps, je suis resté seul.
Au début, à jouir du temps qui passe.
Pour commencer ce qui frappe, c’est le silence.
Puis bientôt à l’inverse, une sorte de tumulte grandit et envahit peu à peu tout l’espace intérieur.
Le bruit de la vie confinée derrière mes muqueuses se fait entendre.
Un bavardage incessant se répand dans mon esprit absorbé tantôt par une tâche, ou bien par la radio qui elle aussi parle toute seule dans sa boite… et puis bien après encore dans le silence extérieur que je cherchais jusqu’ici au-dedans.
Je suis au-dedans de moi-même… et quand je vois ma gueule qui se brosse les dents je me dis que ce n’est pas possible.
Et puis cette conscience du bruit intérieur laisse de temps en temps la place au plaisir d’un luxe prodigieux, celui de contempler une seconde, au hasard.
A force de la guetter, de vouloir la surprendre, c’est elle qui m’a pris la traitresse.
Elle m’a englouti tout entier la goulue.
Et c’est ainsi que je suis devenu une seconde dans le temps comme une goutte d’eau dans la mer.
Je m’étire comme elle lorsqu’elle s’en échappe, arrondie, rebondie, opalescente.
Elle contient en elle tout l’espace, toutes les traces de l’histoire.
Elle me relie aux autres d’aussi loin que je puis m’en trouver.
Alors je me dis que c’est une illusion et qu’à cet instant c’est le moment d’en sortir.
Voilà, je ne suis pas mort, je vais pouvoir écrire tout le bien que je pense de cette Lamborghini Gallardo…
Je me suis installé à mon bureau, l’ordinateur est branché…
Entre la spontanéité du coup de téléphone et la lettre en papier, il y a un monde… on l’appelle le web.
C’est exactement comme si le contentement d’avoir pu exposer ma colère et ma mélancolie une fois qu’elle fut exprimée et affichée sur mon écran, se dévoile alors et traduit que j’ai justement un tempérament prolixe.
C’est emmerdant et trop propre à mon goût, à me répandre en une simple logorrhée teintée d’angoisse. Voilà donc que selon un rituel bien établit, mon texte porte un tant soit peu un témoignage de ma peine.
Surgit dès lors sa crainte d’importuner les lecteurs et lectrices.
Comme étreint par la peur du ridicule, ou le risque d’apparaître trop déplorant ou bien demandeur, je reste un instant figé devant l’écran avec le sentiment de dépossession qui se mâtine d’anxiété.
A poil.
Tout juste si je ne me prépare pas, fébrile, à en écrire un autre à la suite, contredisant le premier comme un antidote que je souhaiterais efficace à ce que je considère déjà comme un poison secrété par ma pensée comprimée.
Parce que, ma pensée est impitoyable, sanglée entre les syllabes, frappée sur le clavier et servie en pièces détachées.
Rien qu’un click en finale.
Alors qu’en même temps, j’apprécie ce geste définitif, peut être le seul acte de la journée qui me parait important, porté de toute la symbolique de ce que je considère comme une tâche, un travail, une marque certes insignifiante, mais un signe, un signe de vie, un signe de ma vie.
Toute la tension d’une expression trop douloureuse ou trop sentimentale ou bien simplement poétique se plie au geste, à la simple flexion d’une phalange et se transmet par le click de la souris.
En dehors d’une coupure électrique ou d’une panne de serveur à ce moment, cela agit comme un couperet.
Nul retour en arrière n’est possible.
C’est bien pire qu’une boite à lettres, parce que c’est physique la boite à lettre.
Avant qu’elle ne soit vidée par le préposé, la lettre y est encore, à la limite on pourrait imaginer la soustraire encore, s’il le fallait.
Mais ici, c’est fait.
C’est parti.
C’est dit.
Un dernier conseil, n’achetez pas de Gallardo…
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