2011 Sbarro “Two For 100″…
Aux confins des frontières de l’espace et du temps, très au-delà des limites du bon goût, de la décence et des lois, dérive un constructeur suisse qui œuvre dans le coin le plus obscur et le plus reculé de ce pays qui persévère depuis des temps immémoriaux dans la fabrication de gruyère… c’est un pays calme, étrange et inquiétant… où s’agglutinent diverses nébuleuses financières mystérieuses, aux mains de mollassons cacochymes multimilliardaires… un coin justement oublié et éloigné de tous les grands secteurs commerciaux connus, où ne s’aventurent plus guère que les inconscients ou les pervers…
C’est là que se créent des automobiles très étranges, véritables défis à toutes les lois de l’astrophysique connues, dans une sorte de délire spatial improbable qui tente de refaire le monde des Objets Roulant Non Identifiables avec les moyens d’un club théâtre-échangiste (d’idées).
Toutes les créations de Franco Sbarro sont la cause de la passion des Suisses pour le space opéra… cela étant, il a des droits, puisqu’il s’approvisionne à la grande vente aux enchères des rêves, qui se déroule chaque nuit dans sa tête… où se réunissent quelques-uns des extraterrestres les plus authentiquement dingues de l’histoire de la création automobile.
Ne vous enthousiasmez pas trop, Franco nous la joue profil bas… et s’il sort quelques créations chaque année au salon de l’automobile de Genève, il se garde bien de trop nous en dire… leur look est un savant mélange par anticipation de machines à cirer les chaussures, de lave-linges sur roulettes et de tables de billard d’avant-garde dont le look surréaliste est assez plaisant par sa volonté d’en faire des tonnes, comme si le public ne devait être constitué que d’enfants venus voir les autos de Guignol.
Evidemment : “des enfants qui viennent voir les autos de guignols”… ça pue la misère sociale et l’opportunisme, alors que ce type de job coûte quand même fort cher à Franco Sbarro… qui est prêt à tout pour emporter l’adhésion du public, quoique Franco se lâche parfois dans le “tout fou”, mais je vous épargnerai les détails du reste de l’affaire, qui s’avère inutilement embrouillée.
La conception d’une voiture de science-fiction pour un usage quotidien, c‘est quand même essentiellement psychédélique et fait plutôt partie du haut de gamme dans la série des kitscheries très Flash Gordon ou Buck Rogers dans l’esthétique !
Francesco Zefferino Sbarro, plus connu sous le nom de Franco Sbarro, est né le 27 février 1939, dans les Pouilles (Sud de l’Italie)… fils de fermier, le jeune italien va très vite s’intéresser à tout ce qui touche à la mécanique, notamment les vélomoteurs et scooters de ses amis.
Après ses études à Lecce, Franco Sbarro s’installe en novembre 1957 à Neuchatel (Suisse) où il travaille comme mécanicien… deux ans plus tard, il achète un petit garage et se met “à son compte”... il travaille notamment en relation avec Borgward, petit constructeur allemand aujourd’hui disparu.
Sa rencontre avec Georges Filipinetti le conduira au poste de chef mécanicien de la célèbre Scuderia Filipinetti ou il mettra au point et entretiendra les voitures de course de l’écurie : AC Cobra, Ferrari P3 et Ford GT40… Sbarro construit à cette époque sa première voiture : le coupé Filipinetti, à partir des plans d’une VW Karmann Ghia à moteur 1600 cc.
Le 25 mars 1968 marque un tournant dans la vie de Sbarro…, quittant définitivement l’écurie Filipinetti, il créé l’ACA (Atelier de Construction Automobile), dans une ancienne usine de cigarettes…, sa première création est la “Dominique III”, une petite sportive munie d’un énorme aileron arrière… ce modèle unique vendu, Sbarro s’attaque à la reconversion des Ford GT40 de compétition en modèles routiers plus civilisés.
Sbarro a construit par la suite de nombreuses répliques qui le rendirent célèbre dans les milieux automobiles, entre autres une BMW 328, une Lola T70, une Ferrari P4 et une Bugatti Royale… rien n’arrête Sbarro…,la qualité de son travail artisanal sera confirmée par les nombreux modèles, uniques ou fabriqués en petites séries… et, non content de dessiner et construire de superbes voitures, il est aussi un génial inventeur qui présente en 1989 un nouveau type de roue sans moyeu, un nouveau concept de châssis, le “Dual Frame”, une roue intégrant le moteur en son centre.
N’ayant plus rien à prouver, Franco Sbarro fonde l’Espace Sbarro, une école particulière où les élèves, en plus de travaux de “bureau” (études, conception, design), doivent obligatoirement mettre les mains à la pâte pour la construction, de A à Z, des modèles qu’ils doivent créer selon un cahier des charges précis, parfois imposé par un constructeur… une deuxième école a ouvert à Casablanca (Maroc) en 1994 (CREA), puis en France à Pontarlier jusqu’en 2007 et à Montbéliard ensuite (Centre Espera)…, le cycle d’étude est d’un an et les travaux sont traditionnellement présentés chaque année au salon de Genève en mars.
En mars 2013, Franco Sbarro a fêté sa 40ème participation au salon de Genève, salon dont il est devenu l’un des incontournables…. l’écologie, depuis quelques années, est très porteuse en matière d’image de marque chez les constructeurs automobiles, qui présentent à tour de bras des concepts cars et autres prototypes hybrides ou à moteurs électriques.
Ces derniers sont cependant encore loin de répondre à toutes les questions soulevées par la pollution automobile… pourtant Franco Sbarro avait conçu, en 1977, une voiture électrique, la Pilcar, à une époque où explorer la voie de l’électricité n’était qu’une lubie d’ingénieurs et de chercheurs.
Aujourd’hui, Sbarro semble accorder un crédit moindre à l’électricité et oriente son travail vers trois axes : l’allègement du poids des véhicules, l’adoption de moteurs thermiques plus petits (et donc moins gourmands) et un aérodynamisme soigné… un cahier des charges auquel répond parfaitement la Two For 100, présentée à Genève en 2011 !
Le poids est limité à 500 kg environ ; le moteur n’a qu’une cylindrée de 600cc et la voiture peut rouler soit en position basse pour favoriser l’aérodynamisme et les performances, soit en position haute pour une meilleure visibilité en ville où l’aérodynamisme a moins d’importance…, le tout permettant d’obtenir une consommation théorique de 2 litres d’essence aux 100 kilomètres, d’où le nom de la voiture.
Ce qui a surpris les visiteurs du salon de Genève est le design de la Two For 100, très éloigné des critères habituels, très courte (3,5 m), elle est équipée d’un habitacle en forme de bulle qui permet une vision panoramique à 360° inégalée… les éternels quolibets, auxquels Franco Sbarro est habitué, ont occulté le côté technique de la voiture, ce qui est dommage, mais peu importe, car la Two For 100 est un concept intéressant, qui n’a rien de révolutionnaire, mais propose une synthèse de ce qui pourrait se faire dans la grande série pour rendre l’automobile moins polluante, sans recourir à des technologies coûteuses.
La Two for 100 innove surtout dans un domaine où on ne l’attendait pas : ses roues, réalisées entièrement en polycarbonate…, ce qui leur permet d’être légères et transparentes…, un système déjà vu chez Sbarro sur une moto, la Pendocar de 2008… la Two for 100 est une création atypique qui propose une vision de l’automobile différente… à signaler qu’elle porte la marque Lista Office, le commanditaire de la plupart des Sbarro de ces dernières années (LO, Autobau)…