2013 Cadillac CTS-V Sport Wagon…
Je reviens des Etats-Unis d’Amérique, où à l’occasion d’entre-autres choses politiquement incorrectes, j’ai été contraint et forcé à l’insu de mon plein gré, d’assister aux répétitions consuméristes des dirigeants de General Motors, section Cadillac, chargés de lobotomiser les merdias, concernant leurs nouvelles anti-créations, en l’occurence la CTS-V Sport Wagon…
Qu’elle est laide ! Qu’elle est moche ! Qu’elle est vilaine ! Qu’elle est horrible !
Pourtant, il s’agit du break le plus rapide du monde : la CTS-V Sport Wagon atteint 308 km/h en pointe ! 
On peut toutefois se demander quel est l’intérêt qu’existe un tel engin… et surtout regretter que pour un break, la cadillac soit plus à l’aise pour faire la course des feux-rouges… que pour faire les courses !
Une irréalié dans la réalité…
La réalité est que Detroit est en ruine, que l’Amérique est moribonde, que près de 25% de la population est en état de paupérisation…, qu’une grande part des “classes moyennes” qui ont perdu leur maison dans les “subprimes” vivent dans la rue, dans des taudis…, que les plus chanceux de ces malheureux vivotent dans leur voiture avec femme et enfants…
Mais, en ville, il y a toujours : talafels, Nike, Starbucks, tatoo shops, flics à cheval, taxis jaunes, hot-dogs et bretzels tièdes…, du bruit, de l’électricité gaspillée en publicités géantes que plus personne ne regarde, des jets de vapeur au sol, des secrétaires pressées en collants 40 D, des avocats qui boivent du café dans des seaux en marchant dans la rue, des vendeurs de colifichets, des métisses sublimes aux ongles bicolores, et des vieilles femmes menaçantes.
Je me suis promené dans ce monde… et le monde s’est écroulé sur ma tête.
C’est peu de dire que la CTS-V ne passe pas inaperçue, elle a le design “Afghanistan”, le style “tank” !
Son assiette est basse, sa ligne de caisse est haute, ses jantes de 19 pouces sont magnifiques sous d’hideuses ailes élargies… et son capot en forme de V est atroce…
Cette Cadillac est une vraie petite bombe… et sa silhouette une franche réussite pour les amoureux du style “bombardier furtif” un peu m’as tu vu…
A bord, j’avoue sous la torture habituelle de Guantanamo, qu’Obama n’a jamais fermé contrairement à ses promesses électorales…, que j’étais confortablement installé dans un siège Recaro, face à un volant recouvert d’alcantara, les pieds posés sur un pédalier aluminium.
J’étais là, déboussolé, perdu, je n’avais jamais imaginé que la marque concurrente de Rolls-Royce irait jusque là…
Un clodo qui se chauffait les pieds sur une chaise m’a fait un doigt d’honneur, un étudiant coréen qui avait une pile de livres dans les bras m’a tiré la langue… et des amoureux qui s’embrassaient ne m’ont jamais regardé…
A ma gauche, dans un pick-up déglingué un couple se bafrait de baquets de popcorn gros comme des niches à chiens.
A ma droite, un gars tout seul avalait des nachos à la truelle, des sortes de chips qu’on trempe dans une sauce piquante ou dans du fromage fondu.
Ca collait jusque sur les vitres, tout se déroulait dans une odeur de friture, de ketchup tiède et de barbe à papa rancie.
L’Amérique est stupéfiante de bêtise…
J’ai baissé les épaules, et je me suis dit : “A quoi sert-il de rouler en Cadillac, alors que tout le monde s’en f…, trop occupé à survivre… et à quoi sert-il de construire une telle horreur”…
Souchon avait bien raison en chantant : “La vie ne vaut rien, mais quand je tiens dans mes deux mains éblouies les jolis petits seins de mon amie, là je me dis : rien ne vaut la vie”…, une extrapolation de Malraux..
Donc, il y a eu un type assez patafiolé du caisson pour influencer les big-boss de GM à mettre en chantier un break hideux motorisé par le V8 6L2 de la Corvette ZR1, afichant 564 chevaux et 747 newton mètre de couple au sol par les roues arrières…
Niveau performance, le 0 à 100 est abattu en 4 secondes 1…, alors que le bestiau pèse plus de deux tonnes…, du très lourd donc
Même niveau équipement, Cadillac en fait des tonnes : la clim bi zone, les sièges électriques chauffants ou encore le GPS tactile…
Finalement il n’y a qu’un seul bonheur : le toit ouvrant est en option… et cher…, s’offrir un peu d’air frais coûte 2.050 euros…, à ajouter au prix de la CTS-V Wagon : 83.000 euros !
Le luxe et le sport à l’américaine sont donc à ce prix là !
Ah quelle existence spectaculaire, quelle saga biographique, quelle Odyssée !
La voiture favorite du troisième âge, mainte fois primée par les clubs Alzheimer !
Grandiose ! Colossal ! La BMW séries 7, à côté, c’est du coton hydrophile.
Parole, c’est aussi passionnant qu’un docu sur les épisodes chytiniques de la vie du scarabée bousier !
Au fond, c’est une bonne nouvelle : voilà des années que je me bats pour qu’on reconnaisse la valeur de la nullité.
Mon slogan : Plus c’est affligeant, plus c’est excitant.
L’affliction dépasse la réalité.
Toute vie a son prix : 83.000 euros pour un break Cadillac très laid et inutilement puissant et rapide… et environ 10 millions de dollars la pièce humaine…
Et, considérant qu’un auteur de virus informatique peut coûter à la société jusqu’à 50 milliards de dollars, je suggère qu’il serait plus sensé d’appliquer la peine capitale à ceux-ci plutôt qu’aux assassins.
Vous pourriez croire jusqu’ici à un humour noir destiné à provoquer, pour montrer l’absurdité de la peine capitale et susciter de nouvelles vocations abolitionnistes.
Toutefois, la deuxième partie de cet article me met extrêmement mal à l’aise : tentant de justifier d’une manière pseudo-scientifique le coût qu’on attribue à une vie humaine par rapport à celui d’une Cadillac CTS-V Sport Wagon de 83.000 euros…
“When we say that a human life is worth $10 million, we mean nothing more or less than this : A typical person, faced with a 1–in-10-million chance of death, seems to be willing to pay about a dollar to eliminate that risk. We know this not from theory but from observation—by looking, for example, at the size of the pay cuts people are willing to take to move into safer jobs. On this basis, Harvard professor Kip Viscusi estimates the value of a life at $4.5 million overall, $7 million for a blue-collar male and $8.5 million for a blue collar female. (Viscusi acknowledges that it’s puzzling for a blue-collar life to be worth more than a white-collar life, but that’s what the data show)…
Ainsi, si une vie humaine vaut 10 millions, c’est par extrapolation linéaire des dépenses qu’un individu est susceptible de faire pour s’épargner un risque.
Le danger de ce genre de raisonnement, c’est qu’en apparence il semble d’une logique implacable.
C’est très déstabilisant.
Pourtant, il est aisé d’objecter à cet argument sur le même terrain, sans même porter le combat sur les valeurs morales qui devraient préempter toute logique économique.
Il suffit de contester l’extrapolation linéaire.
Rien, absolument rien ne suggère que les dépenses qu’un individu moyen est susceptible de faire pour se protéger d’un risque croissent linéairement avec la probabilité dudit risque.
Et, si je devais me prononcer, je dirais même que la loi est exponentielle : placé devant un risque mortel de probabilité 100%, l’être humain moyen est plutôt enclin à abandonner toute sa fortune pour se garantir de l’éviter.
Cette assertion est d’ailleurs corroborée par la constatation que les blue-collar sont prêts à donner plus que les white-collar pour se protéger d’un risque : les premiers sont, en moyenne, plus vulnérables que les seconds.
Bref, même en pure logique économique, l’argument qu’une vie vaut 10 millions de dollars ne tient absolument pas.
Mais que ce genre d’arguments économiques puisse être exposé sans rougir est un signe bien inquiétant d’une corruption croissante de la société.
La réaffirmation du credo ultra-libéral justifie tous les excès : “As for myself, I hold that the government’s job is to improve our lives, not to impose its morality. Governments exist largely to supply protections that, for one reason or another, we can’t purchase in the marketplace”.
C’est encore André Malraux qui a formulé la meilleure réponse que l’on puisse donner : “On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n’en fait pas davantage sans”…
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