Un jour, je roule tranquillement en voiture de location à Dubaï…
Trop occupé à essayer d’éviter les fou-furieux sans finir avec un chameau empalé sur le pare-chocs, je me goure d’embranchement à un carrefour.
Et là, c’est fini….
Je suis coincé pour une heure trente de plongée dans les confins des abîmes de la beauferie, là où même un homme des sables tanné au lait de chamelle additionné d’huile à camion, hésiterait à s’aventurer.
A me lire, vous vous dites : “Chic, une grande première, on va avoir droit à un essai canon, sortez l’eau minérale, j’arrive, nom d’un puits de pétrole”…
Las, las, trente fois las, c’est comme les crêpes…, au début la poêle n’est pas chaude et ça se termine à moitié cuit avec des trous partout.
Je recommence par le début…
A ceux qui se demandent pourquoi certains de mes textes débutent par la fin, je réponds que c’est pour me démarquer.
Vous connaissez ce genre de cliché énervant qui revient partout depuis l’Iliade et l’Odyssée en passant par Luke je suis ton père, non John laisse-moi mourir ici et dites à ma femme que je l’aime, mon vieux coéquipier noir est mort à deux jours de la retraite, ciel mon mari cache-toi dans le placard ?
D’habitude, même dans les pompes les plus osées, on retrouve au moins un bout d’idée originale quelque part.
Ici, absolument tout est recyclé.
Tout.
Oh, il y a bien quelques fulgurances :
Hormis ce genre de pétage de plombs complètement gratuit, mes textes d’histoires diverses, se déroulent souvent de façon archi-imprévisibles, pour le plus grand malheur des lecteurs cartésiens.
Pour les autres, ceux qui tenteraient de relativiser en se disant qu’après tout, si c’est bien écrit, ça peut passer, il est temps d’attaquer le sujet du jour, même si vous le lisez en soirée !
Les voitures dont le prix dépasse les 400.000 € se comptent sur les doigts des deux mains.
En conduire une relève de l’inaccessible, du rêve.
Et pourtant, j’ai eu le privilège de faire cette expérience.
Avec quelle supercar me direz-vous ?
Ferrari ? Trop classique…
Aston Martin alors ? Pas assez cher…
Pagani ? Pfff, pas assez connu…
Koenigsegg ? Trop compliqué à écrire…
Tout simplement avec une Nissan…
Oui vous avez bien lu…, le constructeur japonais dispose en effet dans son catalogue d’un modèle à ce tarif extravagant : le Juke-R, croisement improbable entre son petit crossover et la radicale GT-R.
Le constructeur japonais Nissan, avait, l’année dernière, défrayé la chronique en présentant un tout nouveau crossover familial et urbain baptisé le Nissan Juke.
Un genre de grenouille roulante, avec sa physionomie étonnée et ses optiques globuleuses relativement sympa.
Mélange détonnant, croisant les influences diverses des citadines, des SUV et des monospaces, le Juke jetait un pavé dans la mare en échappant aux segmentations automobiles traditionnelles.
Mais la firme n’en est pas restée là, car au dernier Salon de Tokyo, les irresponsables du département commercial de chez Nissan se sont carrément lâché en créant (encore) une énorme surprise… et ce sans le savoir faire et défaire de designers patentés.
Ils ont donc bricolé une sorte de monstre, inspiré par les pires atrocités du tuning japonais (style “l’école des Van’s”)…, puis, ils ont osé présenter cette abomination comme étant la toute nouvelle version hyper sportive du Juke, baptisée Nissan Juke-R.
Né des amours improbables du petit crossover urbain et de la tonitruante supercar Nissan GT-R, le Juke-R a étonné et surpris beaucoup de monde (Juke + GT-R = Juke-R)…
Faciès joufflu, ailes gonflées à éclater, bouclier copieusement ajouré et capot percé d’écopes, le gentil crossover nippon affiche dorénavant une physionomie vraiment démonstrative.
La robe immaculée n’est pas en reste dans cette teinte mate, exhibant un acastillage belliqueux, associant jupes latérales anthracites, aileron imposant et des jantes 20 pouces plus un extracteur bien peu discret .
Esthétiquement, on reste bluffés par ses nombreux appendices aérodynamiques qui viennent donner du caractère (beaucoup de caractère) à cet étonnant engin qui n’en manquait pas.
Le Nissan Juke-R est assez bestial pour les uns, ou assez kéké pour les autres…, mais il se dégage de ce Juke bodybuildé, un parfum indéniable de bêtise en cause de ses appendices soi-disant aérodynamiques très “m’as-tu vu”, dont un étonnant double aileron imitant les ailes d’une chauve-souris…
Très joufflu avec ses 13 cm de large au niveau des ailes et ses boucliers et bas de caisse très enveloppants, la carrosserie tarabiscotée est recouverte d’une teinte noire mat qui vient conclure de façon assez spectaculaire (il faut l’avouer), cet insolite engin.
Reste que si l’on reconnaît un Juke, il faut se rendre compte qu’il a bien fallu y absorber les trains roulant et transmissions de la GT-R !
Pour faire simple, un designer débutant extrait du service commercial, a élargi le Juke original pour faire passer en largeur l’ensemble des trains roulants de la Nissan GT-R…, tandis qu’un autre, sans aucune concertation, a raccourci l’empattement de la GT-R pour faire rentrer le tout en longueur dans le châssis du Juke…, 2,43 m entre les deux trains roulants pour une longueur totale de 4,13 m seulement, une largeur qui passe à 1,91 m au lieu de 1,76 m, mais une hauteur de camionnette (1,57 m)…
Rien à voir donc avec la souplesse et la “relative” prévenance de la GT-R qui aligne ses 4,67 m de longueur pour un empattement de 2,78 m.
Pour ce qui est de la motorisation du Nissan Juke-R, la firme à inséré au chausse-pied le moteur de la GT-R de compétition…, un sulfureux V6 de 3,8 litres de cylindrée qui, soufflé par un double turbo, développe la bagatelle de 500 chevaux…, une bête de puissance qui, associée au faible poids de la voiture, promet des performances de haute volée.
En fait on peut le prendre de deux façons, soit on se dit que c’est une GT recarrossée… et là on est déçu des sensations…, soit on le prend comme un engin sur-vitaminé, et là on se dit que c’est un “truc de ouf “…
Bref, mettre autant de chevaux sur un SUV aussi compact montre les limites de l’exercice mais procure au pilote un brin de folie qui est moins liée aux performances pures qu’à un comportement dynamique inhabituel lorsque l’on cherche à maîtriser cette débauche de puissance sortie de l’écurie.
En tout état de cause, passer de 0 à 100 km/h en 3,7 secondes au volant d’un Juke, c’est assez jubilatoire.
Et s’élancer à près de 257 km/h devient bluffant…, même s’il faut vraiment s’accrocher au volant.
Songez enfin que le 3.8 l V6 installé dans les deux prototypes de développement que j’ai pu piloter sera remplacé, pour la production des quelques exemplaires commandés, par le récent V6 de la GT-R 2012 qui passe à 545 chevaux !
À l’intérieur, ce Juke-R mérite son appellation de crossover, comme l’on dit en anglais chez Nissan.
Le tableau de bord est modifié pour recevoir les différentes jauges, les cadrans et l’écran plat de la GT-R.
La console centrale est reprise du Juke avec sa forme originale de réservoir à carburant de moto.
Les deux sièges-baquets de compétition sont équipés de harnais 5 points et installés dans un arceau-cage de protection conforme aux normes FIA.
Mais cette cage a une autre fonction : offrir la rigidité nécessaire à la carrosserie qui doit encaisser des déformations dues aux efforts dynamiques.
Stricte deux-places, ce Juke-R n’a pas non plus un grand coffre puisque la boîte de vitesse 6 rapports de la GT-R ainsi que le train arrière de cette dernière viennent y prendre place.
Quant au V6, il remplace, au chausse-pied, le 4 cylindres d’origine et vous gratifiera non seulement de son beau feulement caractéristique virant au rauque mais aussi d’un typhon d’air chaud permanent.
Chez Nissan, on ose les mariages improbables.
Tout est certainement parti d’une idée que certains qualifieront de potache ou de saugrenue.
Passé par les ateliers du britannique RML, cet accouplement original a donné naissance à deux exemplaires du Juke-R, l’un à conduite à gauche et l’autre à conduite à droite.
Sans rentrer dans les détails, les commerciaux de chez Nissan ont organisé un tournoi à Dubaï qui va vous rappeler un peu le match “Bourreau de Béthune contre L’ange blanc” de 1954, en moins gracieux.
On voit mal, quoique à peu près, quel intérêt a poussé un ordre religieux à sponsoriser ce tournoi automobile réunissant les plus grands crétins autour des valeurs que sont l’honneur, le sport loyal, le courage et la bravoure.
On voit beaucoup moins comment ces religieux sensés ont pu prendre part, en finale, à un alpaguage généralisé, suintant des aisselles.
Ils ont pourtant eu l’air de prendre beaucoup de plaisir à regarder tout le monde se friter sous les hurlements de la foule (question ordre religieux, quelque chose me dit que les trappistes sont légèrement plus dignes de confiance), car quitte à sacrifier des voitures, autant s’assurer qu’elles explosent…
Face aux incroyables réactions suscitées à Dubaï où le crossover bodybuildé affrontait une Lamborghini Gallardo, une Mercedes SLS AMG et une Ferrari 459 Italia, le constructeur nippon, après avoir reçu des demandes de commandes fermes, a décidé d’en produire 23 unités, a destination des 23 hurluberlus locaux ayant confondu cette vessie gonflée à mort, avec une lanterne…
Pas une de plus, les miracles ne se répètent pas…
Allah est grand !.
Cadeau : la version définitive diffère légèrement des deux prototypes puisqu’elle reprend le V6 3.8 bi-turbo de la GT-R 2012 poussé à 545 chevaux au lieu des 485…
Le tout pour la coquette somme de 450.000 €uros, soit l’équivalent de 5 Nissan GT-R ou 27 Juke d’entrée de gamme.
Le dernier carré de ceux qui meurent mais ne se rendent pas, refusant de se laisser berner en achetant cette petite horreur, ont dit que de toute façon, on ne pouvait rien espérer d’un produit aussi balourd, même présenté dans une ambiance sympa, décalée et bon enfant.
Le staff des commerciaux de Nissan s’est contenté de répondre en lançant un “mouhahaha” dédaigneux.
Sachez-le, chers tous…, c’est là, dans ce genre d’ambiance, que se cachent souvent des trésors de bêtises nirvanesques : les commerciaux réussissant à attirer des naïfs fortunés dans un jeu de grands gamins, pour ensuite tenter de les convaincre d’acheter…, en dépit d’une réalité désespérément solide : le Juke-R est moche, désespérement lourdingue, affreusement laid, abominablement débile…
Comment décrire l’impossible foutage de gueule, comment mesurer les kilomètres qui séparent les intentions évidentes ?
Le mot glauque a été inventé pour ça.
J’ai ainsi vogué d’une fête foraine cauchemardesque à des étendues de sable qui ont du voir passer plus de tueurs en série que de chameaux…, de Mercedes, Rolls, Ferrari et autres horreurs, miraculeusement échappées de la casse… en caravanes inaptes à tous sévices…
L’essai…
Le Juke-R en impose, il a un véritable côté Bad-boy avec sa couleur noire mat, son énorme bouclier avant, ses prises d’air sur la capot pour refroidir le V6, ses arches de roues en composite accueillant des pneus montés sur des jantes de 20″, ses deux sorties d’échappement entourées de carbone et ses deux énormes pelles en guise d’aileron à l’arrière.
Pour autant, la partie supérieure de la caisse ne diffère guère du modèle standard.
Une fois casqué, il s’agit de pénétrer dans l’habitacle et de s’installer dans le baquet en passant les jambes par-dessus l’arceau de sécurité boulonné sur le châssis.
Une fois sanglé, me voici prêt à maîtriser la fougue des 485 chevaux en mode séquentiel.
Départ légèrement lancé sur deux mètres, l’instructeur à ma droite me lance “gaz”.
Ni une, ni deux, j’obéis à son injonction en appuyant allègrement sur l’accélérateur.
Catapulté, je parviens déjà au premier virage matérialisé par des plots orange avec un peu d’appréhension.
Je ralenti et, à la sortie, l’instructeur me donne l’ordre de hausser à nouveau le rythme.
Sous l’impulsion de mon pied droit, le moteur exhale ses vocalises rauques.
Plus compact qu’une GT-R, les réactions sont d’autant plus vives.
“Faut r’connaître, c’est du brutal !” comme dirait Raoul Volfoni, le personnage interprété par Bertrand Blier dans le film Les Tontons Flingueurs.
Les pneus crissent.
“J’lui trouve un goût d’gomme” aurait pu alors dire Paul Volfoni.
En tout cas, “Faut r’connaître… c’est du brutal !”.
Mais néanmoins, à la différence de Jean Lefebvre, même en abusant du Juke-R, j’ai encore toute ma tête et ma lucidité, malgré qu’il règne une chaleur suffocante dans l’habitacle…, pour constater que la transmission intégrale scotche le crossover vitaminé au sol.
Pourtant, la climatisation a été conservée sur ce modèle d’exception, mais coupée, elle n’est d’aucun secours pour dissiper les calories dégagées par le bouillonnant 6 cylindres en V rentré au chausse-pied sous le capot.
Ici, c’est du brutal et du pointu dès que j’accélére ou braque les roues.
Il faut donc plus de doigté et plus d’anticipation qu’au volant de la Supercar de Nissan.
Et non seulement les réactions sont plus vives, mais la prise de roulis est plus marquée au moindre changement de cap.
Sans compter sur un train arrière qui m’emmène rapidement en tangage, en sortie de courbe à l’accélération et un peu trop là où il veut…, la transmission intégrale n’y peut pas grand-chose, le train avant délestant à qui mieux mieux.
Quant au freinage, il provoque une belle révérence de son arrière-train.
Il ne suffit donc pas de prendre trains roulants et suspensions d’une Supercar GT-R pour se retrouver aux commandes d’un avion de chasse…, il s’agirait plutôt d’une fusée, à manier avec précaution !
Des gouttes de sueur perlent sur mon front, mais toujours concentré, je m’approche de la zone où il faut exécuter un freinage afin d’arrêter le sombre bolide.
Malheureusement, je n’écrase pas suffisamment fort la pédale du milieu pour actionner avec efficacité les énormes étriers Brembo afin de stopper totalement l’inertie… si bien que je dépasse la zone d’environ deux mètres.
Comme chez nos voisins britanniques, je m’engage d’abord progressivement sur la file de gauche, puis, au fur et à mesure que la vitesse augmente, sur la voie du milieu.
Je dois maintenant passer sur celle la plus à l’extérieur.
Plus facile à dire qu’à faire.
Filant à plus de 200 km/h, la force centrifuge engendrée par le banking et surtout une certaine peur de pulvériser 450.000 €uros dans le décor à cause d’un petit écart de trajectoire, me poussent machinalement à redescendre.
Petite remarque au passage : habituellement, ce genre de véhicule est présenté de manière statique et sa conduite est souvent interdite ou réservée à quelques privilégiés.
Or là, tous les essayeurs qui se sont succédés dans la semaine ont pu conduire sans ménagement un prototype valant une véritable fortune.
Mon co-pilote du jour a bien remarqué ma crispation et mes bras tendus comme un string.
Il corrige ma trajectoire mais comme aimanté par la file centrale, je me dirige à nouveau vers elle.
Petite fierté, je me fais flasher dans la ligne droite à 139 miles à l’heure soit 224 km/h.
Je reste bien en-deça de la vitesse maxi de 257 km/h mais cet excès restera pour une fois sans conséquence pour mon permis et mon portefeuille malgré la présence, à ma descente du véhicule, de deux sévères mais néanmoins ravissantes policières qui me feront gentiment la morale.
Préparez la monnaie, car fabriqué à la commande, ce Juke-R sera sur la route dès cet été.
Reste à vous fendre d’un chèque de 455.000 €uros…
C’est nettement plus que la GT-R qui débute à 91.400 euros avec le même moteur.
Mais avouez que le style du Juke-R n’est à nul autre pareil !
Si le Juke-R ne sera réservé qu’à quelques fortunés, Nissan a dévoilé pour la première fois aux 24 heures du Mans 2012 une version sportive réalisée par Nismo, le préparateur maison du constructeur japonais.
Si les caractéristiques techniques ne sont pas encore connues, on sait déjà qu’il sera commercialisé au début 2013 et qu’il coûtera nettement moins cher que les 23 Juke-R produits…