2012 Rolls Royce Phantom Coupe V16
Les années cinquante eurent leurs soucoupes volantes…, les sixties, la ball-chair…, les seventies le Rubik’s cube, aussi rétrospectivement kitsch que le disco… mais la fin de ce siècle vit l’arrivée de deux tendances opposées, le compact micro avec la Smart et le style éléphantesque tendance mamouth avec la Rolls Royce Phantom.
A chaque époque, la culture populaire consacre ses objets et formes cultes.
Lorsque j’ai découvert la Rolls Royce Phantom au salon de Genève, je me suisse arrêté, dubitatif, puis j’ai tourné autour avant de m’écrier : “Mon Dieu, ils ont fait la même chose de l’autre côté !”…
Le profil éléphantesque de la Rolls Royce Phantom Coupé mérite pourtant mieux que des sarcasmes, d’autant qu’elle est devenue emblématique.
Outre-Manche, les Jeremy Clarkson (Top Gear) et autres plumitifs impertinents ont fait de diverses voitures mythiques mais mitées, leurs déversoirs à fiel favoris, cognant sur les valeurs sûres des palmarès du pire, pâtissant d’à peu près toutes les tares industrielles, qualitatives et sociales au plus sombre de la crise économique !
La raison est simple à comprendre, ni Jeremy Clarkson, ni moi et d’autres (assez rares faut-il le préciser) n’avons besoin de parapluies aux couleurs et marques d’automobiles insignifiantes sur le plan intellectuel…
Les journaleux n’osent pas en écrire tant, il est vrai qu’aucun (sauf moi en toute modestie) n’ose s’aventurer dans la moquerie des icones automobiles…
En automobile comme en critique de cinéma, les opinions aussi sont moutonnières, on oublie aussi et surtout de rappeler que les problèmes viennent de la machine infernale économique et de son lot de grèves endémiques et autres problèmes en cascade, désastreux, qui poussent à une uniformisation générale de la médiocrité à destination des médiocres… et à un total foutage de gueule envers les plus riches a qui on propose des engins totalement inadaptés aux circonstances de vie actuelles en contrepartie de montants astronomiques qui ne servent qu’à perdurer un système de tromperie généralisée basé sur des illusions et faux besoins…
L’homme dont il est question dans cet article est un “petrol head” pur et dur et possède un garage fourni des plus beaux engins possibles, achetés grâce à ses prestations humoristiques…, dans un Top Gear d’il y a quelques temps, la star invitée à venir faire un chrono à bord de la “Reasonably Priced Car” était Rowan Atkinson que l’on appelle encore par chez nous : Mister Bean.
Parfois les anecdotes ressortent longtemps après les faits et parfois il suffit de peu de choses pour qu’elles ressortent tout à fait…, c’est le cas de celle de cette Rolls-Royce Phantom qui aurait du être équipée de série, d’un moteur V16.
Pour promouvoir son dernier film : Johnny English, Rowan Aktinson, est venu à l’émission Top Gear pour faire le traditionnel tour de circuit…, mais il n’est pas venu que pour cela : il en a également profité pour parler de cette Rolls-Royce Phantom Coupé V16 9,0 litres très spéciale utilisée pour son film.
La Rolls Royce Phantom a été conçue à ses débuts pour accueillir un moteur V16 dont le développement est allé jusqu’à la production de quelques prototypes, avant qu’il ne soit jugé plus sage de ne monter qu’un simple V12… et ce moteur V16 de 9.000cc devait rendre cette Rolls-Royce la voiture la plus ultime du 21ème siècle.
L’acteur britannique a demandé à la marque de lui fournir l’un de ses véhicules pour son film “Johnny English” et celle-ci a accepté.
Ce moteur V16 de 9,0l avait été construit à 4 exemplaires lorsque BMW a racheté la firme britannique et cherchait quel type de moteur placer sous le capot de la future Phantom…, ainsi, jusque très tard, la Phantom fut développée pour embarquer ce moteur et ce n’est qu’au tout dernier moment que BMW pris la décision de l’échanger contre un plus classique V12.
Rowan Atkinson qui connaissait l’existence de ce moteur a demandé à Rolls Royce de le monter dans la Phantom Coupé de son héros cinématographique, ce que la firme accepta avec joie !
Ayant été étudiée pour accueillir ce monstrueux V16 de 9.000cc, la transformation ne fut qu’une formalité !
Fou, non ?
“Johnny English le retour” est un film britannique réalisé par Oliver Parker qui est sorti fin septembre 2011…, il s’agit de la suite du film “Johnny English”, sorti en 2003…, le scrip est simpliste dans sa complexité débilitante : Après avoir sauvé l’Angleterre, Johnny English (Rowan Atkinson) part en mission au Mozambique, celle-ci tourne à la catastrophe, ternissant l’image du MI-7 ainsi que celle d’English lui-même, le poussant à se réfugier dans un monastère reculé du Tibet ou il apprend tous les rudiments de la force, physique aussi bien que psychique.
Cinq ans plus tard, le MI7, maintenant dirigé par une femme, appelée par son nom de code Pegasus (Gillian Anderson), fait de nouveau appel à Johnny pour mener une mission des plus délicates : Un groupuscule terroriste surnommé “Vortex” cherche à attenter à la vie du Premier Ministre Chinois…, grâce à “Mister Bean” et à sa Rolls Royce V16, l’Angleterre ainsi que le monde entier seront sauvés, les populations devant, une nouvelle fois, une fière chandelle à Johnny English !
La Rolls-Royce Phantom Coupe V16 que l’on voit dans le film est un exemplaire unique, qui fonctionne aussi bien que le film devait pour engranger plusieurs dizaines de millions de profits…, le budget était de 45 million de $US et a récolté au box office 159.270.879 $US… la Rolls Royce V16 a été facturée un peu moins de 500.000 euros !
Pour comprendre le design de la Phantom, il faut remonter aux outrances des années Bangle, l’homme qui a défiguré les BMW…, son style déconstruit, fait d’un amoncellement de formes géométriques disparates a eu beau s’assagir en descendant en gamme, le goût du lourdingue a gagné la planète automobile, de la citadine de pouffe à l’éléphantesque Rolls Royce Phantom en passant par les tanks BMW de ploutocrates.
Cela a continué par la vogue du blanc, teinte synonyme chez nous d’utilitaire inodore, mais prisée des pétromonarques à fort pouvoir d’achat, puis vint l’aire des LED (l’aire des laides !) qui constellent les autos comme autant d’arbres de Noël.
Bling-bling quand tu nous tiens !
Maintenant, c’est “la norme”…, regardez donc à chaque coin de rue le péquin moyen au volant de monstres à roulettes exhibant pêle-mêle gueules béantes, regards de tueur et indispensables guirlandes de LED…, s’y prête l’air d’un temps privilégiant l’exhibition décomplexée de ses stocks-options à l’hypocrisie égalitariste de nos vieux frontispices.
Pire, la stagnation de la croissance européenne et la migration de l’épicentre du marché vers l’Asie conduisent les constructeurs à courtiser les primo-accédant chinois impatients d’afficher à leur tour les signes ostentatoires de réussite sociale…, alors, il faut que ça brille, il faut que ça en jette (et tant pis si le conducteur n’a rien d’un pilote)…
J’appelle cela le stade phallique de l’automobiliste… et il se pourrait bien que ces clients immatures mais de plus en plus nombreux, dictent demain l’archétype de la voiture universelle comme le fait la ménagère de moins de cinquante berges pour la télé-poubelle…, regardez nos rues encombrées d’horreurs trop voyantes…, le marché globalisé a tranché.
Toutefois, il faudra probablement plus que de l’habilité du film “Johnny English” pour ériger cette éléphanteque chose bling-bling qu’est la Rolls Royce Phantom Coupé Series II… privée de moteur V-16…, en parangon du luxe planétaire.
La rhétorique, nous dit Schopenhauer, est l’art d’avoir toujours raison ou, à défaut, de retomber au mieux sur ses pattes…, une nécessité dans ce monde d’imposteurs professionnels où triomphent conseillers en communication, démagogues alliés du Système et autres philosophes de tête de gondole…, l’altérité a la cote chez les vendeurs de vent.
La posture du haut de gamme alternatif pour mieux éviter les comparaisons désobligeantes avec la crème du segment D, cela ne date pourtant pas du dernier flop !
Renault nous avait fait la coup avec sa Vel Satis, concept intello-prétentieux au croisement d’un salon ligne Roset et d’une armoire bourguignonne…, dans les arcanes du Technocentre de Guyancourt, on la surnommait “le taxi”, c’est dire le sérieux qu’elle suscitait en interne.
Pour la com’, c’était “la voiture des bobos, le haut de gamme qui séduit autrement, blablabla”.
Vous vous souvenez ?
Cela nous a donné des Opel Signum, Fiat Croma II et autres Seat Toledo III, autant de sinistres fours ayant sombré dans le plus compréhensible oubli à la suite de leur inspiratrice…
Pour sûr, l’Eldorado chinois fascine ou angoisse (suivant que vous soyez actionnaire ou ouvrier franc-comtois), sauf que le marché local goûte autant les berlines hautes diésélisées que l’américain moyen le soccer.
Après tout, le monde change…, la sociologie du haut de gamme aussi…, nos marchés automobiles dits matures semblent avoir dépassé leur stade phallique puisque le prestige du conducteur ne se mesure plus seulement à la taille de son engin et à ses performances supposées…
Béhême, Merco, Taudi, Bentlouille et Rolls Rouille… l’ont bien compris en séduisant à leur manière les dindes des beaux cartiers et autres play-boys hirsutes.
Par ailleurs, le malthusianisme énergétique ambiant accrédite chez les motoristes l’idée que “moins c’est mieux mais que plus c’est bien aussi”.
Ainsi, même les plus grands abandonnent les V10 pour des V8, les V8 pour des V6… tout en montrant qu’ils peuvent malgré tout construire des V16… et les vessies pour des lanternes…
Symptôme du tsunami idéologique ayant bouleversé les bureaux d’étude, référence du chic universel, contraintes énergétiques aidant, la Chine y viendra aussi.