2013 Cadillac Elmiraj, la folie des glandeurs…
Je suis arrivé à Pebble-Beach à bord d’une Cadillac cabrio 1957, rouge pompier…, la personnification de la force vitale dont j’avais besoin pour explorer l’Amérique des rêves les plus cu-culs.
La brutalité sauvage n’est nulle part aussi impressionnante que dans ce lieu ! Contrairement à Detroit, incarnation de la conscience tourmentée des USA, avec ses usines à l’abandon, une pauvreté crasse et les finances en faillite, l’envers du mirage américain qui se reflète sur les pare-chocs des voitures…, il n’existe pas à Pebble-Beach, d’immeubles déglingués promis à la destruction, ou chaque étage est rempli de compartiments, de véritables placards-à-dormir, loués entre dix et quinze dollars la nuit.
A Pebble-Beach, pas de cul-de-jatte particulièrement vicieux installé à l’entrée pour mendier, pas de clochards sédentaires au cerveau ramolli par la boisson et la servilité en essayant de découvrir de quoi il retourne… et si un poète est beaucoup plus important qu’un philosophe.
A ce sujet, je vous avoue qu’ayant lu divers philosophes comme Nietzsche et Schopenhauer, j’en ai tiré un poème :
Sans Hilton et sans Cadillac… Sans paillette et sans chapeau-claque… Sans jabot, sans gilet, sans froc… Profession : glandeur !
Sans villa, sans yacht, sans critique… Et sans chirurgie esthétique… Sans doc’, sans relation publique… Profession : travailleur !
Au firmament du show-business… Au sottisier des stars-princesses… Nulle envie d’enfiler mon stress… Profession : acteur !
De duvets rêches en lits étroits… De minibus en buffets froids… De factures en fumeux contrats… Profession : chanteur !
Son grisbi la poche à l’envers… Son prix Femina sous mes verres… Son multicarte à mes revers… Profession : lecteur !
Même un soir broyé j’ai la main… De trois prestigieux musiciens… Au garde-à-vous sur leur chemin… Profession : buveur !
Sur le podium de la tendresse… Dans l’ascenseur des palmarès… Nul goût pour une visa express… Profession : jouisseur !
On n’en doutait pas je suis riche… Rupin demi-lit d’aise en friche… Vagabond sans carte on s’en fiche… Profession : constructeur !
Rupin des heures de l’amitié… N’a pas pris cœur pour le pied… Zonard de ce fichu métier… Profession : éditeur !
Avant d’y aller, je me suis dit que pour capter l’esprit de l’Ouest qui parait-il souffle de nouveau, il me suffisait pour le sentir, de faire l’expérience de la route 66…, car il y a partout des filles et du bonheur…
Je suis allé plusieurs fois dans l’Ouest des USA pour voir le pays, formant toujours de vagues projets que je pensais ne jamais pouvoir exécuter. Un jour, j’ai même temporairement rompu avec ma vie antérieure et décidé de partir.
Pour préparer mon expédition, j’avais même consulté longuement les cartes du territoire américain et lu des ouvrages relatant les hauts-faits des pionniers et les places qui les rendirent célèbres afin de humer un passé qui n’était pourtant pas le mien.
Je me suis vite rendu compte que j’étais “bouclé dans mon rêve” tentant de traverser l’Amérique suivant une grande ligne rouge. Quelle déception !
J’avais pourtant la démence sacrée tout en brûlant ma vie pour jouir de tout dans un seul instant, devenant absolument dingue, faisant tout en même temps…, prêt à expérimenter plus complètement la vie tumultueuse de la génération perdue que décrivirent Hemingway et Fitzgerald.
Je rêvais que je me trouvais sur une voie ferrée ou dans une machine à voyager sur des rails ; peut-être, simplement, sur les rails de l’espace. L’expérience de prendre la route s’est traduit par un propos et un mode de vie…, cette philosophie consistait à retrouver l’essence américaine en existant à travers l’expérience du voyage : Pour découvrir le sens premier de l’être, le voyageur ne quitte pas la situation humaine : il s’y enfonce…, transformant par l’intelligence la souffrance en joie de vivre…, la route n’étant que la projection spatio-temporelle de la vie humaine !
Lorsqu’on décide de voyager librement on s’inquiète peu du bilan…, je voulais disparaître dans la nuit, m’anéantir quelque part.
À la soif de parcourir les espaces perdus de l’enfance de l’Amérique s’est substituée une volonté de tout connaître puis de tout chambouler…, l’espoir de participer à l’effondrement des fantasmes des générations bien-pensantes, la middle-class sans relief, sans bavure, lisse et froide qui se contente de commémorer les génies une fois qu’ils sont bien morts !
La pauvreté accompagne toutes les recherches mystiques authentiques, ce dénuement est un mode de vie nécessaire afin de garder les idées claires. N’est-il pas vrai qu’au départ de la vie on est un petit enfant sage qui croit à tout ce qui se présente sous le toit paternel ?
Puis vient le jour laodicéen où l’on sait qu’on est pauvre et misérable et malheureux et aveugle et nu… et avec le visage macabre et désolé d’un spectre, on traverse en frissonnant une vie de cauchemar ! L’errance s’anéantit alors brutalement. Il m’a suffi d’expérimenter la route 66 le temps d’un seul voyage, pour que le mythe de l’Ouest soit consommé.
Je suis arrivé sur les collines de San Francisco en espérant pouvoir prendre un tranquille bateau pour la Chine… et me suis retrouvé acculé au Mur du Pacifique…, me demandant ce que j’étais venu faire ici.
La première vague que j’ai vu devant les lueurs somnolentes de Frisco, était mue par une illusion, celle de découvrir l’histoire de l’Amérique et de vivre son mythe le plus puissant : la liberté individuelle…, l’histoire de l’Amérique, c’est que chacun fait ce qu’il est censé faire.
L’illusion ne perdurera pas, l’Ouest tant convoité, qui faisait tressaillir mon âme lors de ce premier voyage s’est avèrée n’être que la fin du monde et non le début d’une aube nouvelle. Au bout de l’Amérique, au bout de la terre, il n’y a nulle part où aller, sinon revenir. J’ai alors été conscient que la terre promise n’existait pas.
Je ne serais plus jamais un rêveur d’Amérique, mais un condamné à voyager sans cesse dans l’Amérique et ailleurs…, par l’eau, le rail, la route, un témoin qui s’efforce de raconter, le plus fidèlement possible, les illuminations de mon époque et cette obscurité qui envahit le ciel lorsque la fête est finie.
Maintenant, à 64 ans, je ne vois pas l’Amérique qu’avec un œil nouveau mais aussi à travers le regard que d’autres écrivains ont porté sur elle bien avant moi…, décrivant l’expérience de l’irréalité moderne : un trop-plein de références bloquant l’imaginaire…, la réalité se cristallisant au bout du voyage, sur les mythes, des lieux de désenchantement ou le monde devient lugubre, déçu par les irréalités d’acier dans les ténèbres discriminatoires et inhospitalières du monde.
J’avais rêvé de joyeuses rues à putains et de joyeux cabarets, je me suis retrouvé face aux froids et épineux moellons de la nuit. L’expérience de ce désenchantement va constituer mon écriture.
J’avais traversé l’Amérique, à la recherche de son essence profonde : voir l’Amérique comme un poème et non comme un lieu où se battre et en baver. Mais je n’y ai trouvé que la forme triviale du réel : travailler pour survivre.
Quand tu es jeune, tu travailles parce que tu crois que tu as besoin d’argent…, quand tu as vieilli, tu sais déjà que la seule chose dont tu aies besoin, c’est la mort, alors à quoi bon travailler comme esclave ?
Il faut s’en rendre compte et œuvrer pour soi, travailler à son propre bonheur, sans plus s’emberlificoter dans les mirages du consumérisme ! La route 66 ne mène en effet nulle part parce qu’elle est le vide de part en part.
S’il faut, malgré cette absence de but, foncer sur la route comme il faut foncer sur le clavier de l’ordinateur, c’est que le mouvement de la vie est une fulgurance, il importe à l’artiste de l’appréhender, de le suivre et de le transcrire.
Écrire, c’est surligner le texte du réel, c’est poursuivre sans cesse une proie qui nous échappe et qu’on n’attrape jamais…, cela consiste donc à capter la qualité constamment évanescente de l’existence.
Dénonçant l’absurdité contemporaine, le spleen, le vide existentiel, l’impression que tout est foutu, ma quète n’est plus celle d’un sens à découvrir derrière des situations piégées par je ne sais quel malin génie, mais tout simplement celle d’arriver à bouger, à fuir la connerie humaine, fuir la tristesse, de ne pas la laisser s’installer dans mon esprit comme on laisse s’incruster la poussière dans un appartement, redistribuer les cartes dans l’espoir d’une partie plus intéressante.
Nietzsche a constaté que la vérité est la forme la moins efficace des formes de la connaissance, l’expérience est non pas un acte d’énonciation du vrai, mais un agir vrai…, qui , associé à la volonté d’écrire, devient une pratique littéraire authentique : un mouvement qui reconduit sans cesse du savoir à l’ignorance, de l’ignorance au savoir… et une sorte de repos dans ce mouvement.
Cette énergie, ivresse continuelle, fièvre de la raison, est portée par le mythe moderne du Rêve Américain. À propos de ce mythe, Roland Barthes établissait qu’il est une valeur et qu’il n’a pas la vérité pour sanction : ce mythe suscite le mouvement qui est la vérité…, la vérité qui se révélera finalement n’être qu’un rêve nocif, car ce rêve est dangereux, il rend malade, fou, aveugle, sourd et tue.
La radio beugle, le vieil alto qui les assourdis est la pure connaissance…, la ligne blanche du milieu de la route se déroule et lèche le pneu avant gauche…, la route 66 est la substance fondamentale qui reste permanente à travers tout le devenir américain…, c’est comme l’eau pour le Grec Thalès, elle est vivante et possède une âme…
En réalité, il y a certes des poteaux indicateurs qui livrent certaines indications, mais qu’il n’y a personne en chemin, personne à l’arrivée…, seulement quelques bras tendus sur la route. C’est un chemin pavé de délires paranoïaques, de désirs inassouvis, de douleurs physiques et mentales, l’usure biologique y est inexorablement accélérée.
Dans cette nouvelle utopie où se différencier n’est plus s’exclure, la frénésie engendre plus souvent l’anonymat et la précarité que la gloire et la longévité. Touché par ce destin, l’homme connaît rapidement une effrayante solitude.
Quelle force pousse certains à s’écrouler en pleurant dans des gymnases blancs, nu et tremblant devant la mécanique d’autres squelettes ? Voir sombrer les natures tragiques et pouvoir en rire, malgré la profonde compréhension, l’émotion et la sympathie que l’on ressent, cela est divin…
Je m’amuse à une course-poursuite avec une Cadillac flambant neuve au risque de faire exploser le moteur de ma Cadillac 1957, le compteur de vitesse ayant lâché…, tout va trop vite. Finalement elle est comparable à un tas de ferraille couvert de boue.
Jusqu’au milieu des années 70, Cadillac était le signe de l’ultra luxe à l’américaine, avec des autos impressionnantes, des motorisations qui culminaient à plus de huit litres, un confort et des équipements en grand nombre.
Aujourd’hui, la marque US a légèrement perdu de sa superbe, mais reste tout de même bien présent sur le segment premium outre-Atlantique. Et pour le très haut de gamme ? Eh bien, en 2011, Cadillac avait présenté à Pebble-Beach son concept Ciel…, la silhouette imposante et luxueuse de ce cabriolet quatre places de plus de 5 mètres de long n’était pas passée inaperçue
En août 2013, deux ans après y avoir dévoilé son concept Ciel, Cadillac s’est présenté au concours d’élégance de Pebble Beach avec l’Elmiraj, un concept-car, préfigurant un grand coupé de luxe dans la suite des Converj et Evoq ainsi que dans la veine de ce qu’a pu faire BMW récemment avec la Gran Lusso Coupé.
Le concours d’élégance de Pebble-Beach constitue un rendez-vous d’importance pour Cadillac, le constructeur américain y voit l’occasion chaque année de réaffirmer ses origines de constructeur de luxe.
Ses lignes, très simples, élégamment proportionnées et soulignées par de fines barres chromées, sont une évolution du style actuel de Cadillac, où les optiques s’affinent au maximum et sont verticales et la calandre abandonne l’aspect massif.
Clay Dean, le designer chef, m’a déclaré : “Nous avons été influencés par l’Eldorado 1967, que ce soit par son dessin ou par le fait que cette voiture amenait un contraste frappant et une nouvelle direction”.
Cette année, Cadillac présentait le gros coupé Elmiraj, un véhicule dans la pure tradition Cadillac dont la direction avoue s’être servi de son passé pour faire dessiner cette auto par son département design, avec comme inspiratrice l’Eldorado de 1967, une des autos mythiques du passé de Cadillac.
Le nom est quant à lui tiré du lac asséché El Mirage situé en Californie, où se déroulent des courses d’accélérations et de vitesse pure…, il exprime une nouvelle vision de la voiture américaine de luxe…, selon Cadillac…, plus particulièrement des imposants engins dont la production américaine s’est longtemps fait une spécialité.
Ce grand coupé de 5,207 mètres de long, et pèse 1.815 kg…, joue sur le style streamline afin d’atteindre un profil étiré, tandis que dans l’habitacle, 4 places séparées assurent un haut degré de bien être aux occupants. Le châssis et le principe de propulsion arrière ainsi que les suspensions sont repris d’une autre Cadillac en développement et qui deviendra bel et bien réalité dans un futur proche.
Selon les bonnes traditions américaines, le moteur équipant l’Elmiraj est un V8 4.5 biturbo développant 500 chevaux et 678 Nm…, c’est une évolution du V6 biturbo de 420 chevaux qui animera la Cadillac CTS V-sport 2014.
Le freinage est assuré par des disques en céramique, bien dissimulés derrière les énormes jantes 22 pouces.
L’intérieur est bercé dans une ambiance de cuir couleur caramel, et aux sièges sport à renforts latéraux, la partie basse de l’habitacle étant vêtue d’un gris foncé, les dossiers et volant intégrant du bois.
La planche de bord, toujours très avant-gardiste chez Cadillac, affiche des compteur et des instrumentations sous vitres, allégeant le dessin mais peu lisibles en contrepartie…, des garnitures de titane se marient à du bois de rose brésilien pour rehausser cet habitacle qui respire le luxe.
L’aspect sportif est dissimulé mais bien présent, les freins étant même en céramique, associés à des étriers monoblocs et des jantes 22 pouces en alliage d’aluminium.
Selon Bob Ferguson, vice-président principal de Cadillac, l’Elmiraj montre comment les designers de la marque interprètent les notions de performance et de luxe, telle qu’on voudrait les proposer à une nouvelle génération de conducteurs, qu’actuellement Cadillac ne peut satisfaire puisqu’ils achètent des véhicules haut de gamme comme les berlines Mercedes-Benz Classe S et BMW Série 7, de même que les coupés qui en sont les dérivés.
Or, en juillet, dans une entrevue accordée au quotidien USA Today, le PDG et chef de la direction de General Motors, Dan Akerson, avait affirmé que Cadillac lancerait une voiture de plus grande taille que la XTS d’ici deux ans : l’Elmiraj semble le confirmer.
Entre-temps, GM poursuit le renouvellement de la gamme Cadillac : la CTS 2014, une nouvelle génération de berlines de taille intermédiaire, sera en vente cet automne, alors que le coupé ELR hybride rechargeable suivra d’ici la fin de l’année. Puis, en 2014 on découvrira le coupé ATS, de même que l’utilitaire Escalade 2015, un modèle qu’on dit largement repensé.
Au fait, avant d’en terminer…, sachez que la Elmiraj adopte la forme du nouveau logo de la marque, qui abandonne les lauriers, et ainsi le logo originel de 1902. Le nouveau badge revient ainsi à sa plus belle époque, celle de 1964, toutefois sans la couronne.