2013 Cosmétron…
Il est des moments d’émotions culturelles qui marquent la vie de tout homme à la fibre artistique un tant soit peu développée :
– la lecture en boucle d’Ulysse, de James Joyce…, pour le lettré…
– la découverte de L’ange à tête de Babouchka de Robert Combas…, pour le peintre en devenir…
– la vision dantesque des cochons tatoués de Wim Delvoye…, pour le fin gourmet…
– la machine à caca (un jeu éducatif uniquement diffusé sur poopeegames)…, pour le constipé…
– la vision télévisuelle de Nabila dissertant intellectuellement des vertus du shampoing…, pour l’épicurien… !
L’angoisse étreint alors l’âme de l’esthète resté dans son âme d’enfant : Serai-je à la hauteur du Grand Œuvre qui se présente à moi ?
Il fut un temps, petits z-enfants, où le Royaume-Uni d’Angleterre était le centre du monde automobile, mais aussi le plus grand centre de production de Kit-cars au niveau interplanétaire, suivant un modèle de création bien établi : On copie tout ce qui marche, avec les moyens du bord et une imagination d’artisan modeste mais bûcheur.
Puis un jour, de la même manière que le commerce d’héroïne du pépère François, malgré ses qualités, s’est retrouvé fatalement écrasé par des lois de plus en plus liberticides, il devint tout simplement impossible aux artisans Kiteurs de persévérer à s’enfoncer dans la fange et le burlesque… pour continuer d’espérer rivaliser sérieusement avec les étrons américains sur le terrain de l’arnaque du divertissement automobile.
Ce moment, qui ne signa pas instantanément la fin, mais devait marquer le début de la lente agonie des artisans automobiles, ne porte pas de nom précis, si ce n’est que c’était la fin des haricots prémâchés et que les carottes étaient cuites…, marquant le grand bond en avant de la crise mondiale… et rendant dérisoires tous les efforts des derniers irréductibles pour produire d’ultimes pitreries.
Pourtant la réaction ne s’est pas fait attendre et face à ce nouveau défi, les amateurs de folies plus ou moins roulables se sont dit : Ha comme ça c’est la fin, qu’à cela ne tienne, ça fait vingt ans qu’on fait les cons, on va pas s’arrêter là…
Le résultat : des glandeurs désireux de réaliser n’importe-quoi au moindre coût… et des techniciens au chômage prêts à montrer leur savoir-faire par raison d’économie…, tous les ingrédients pour forger d’ultimes folies en copiant approximativement des automobiles peu connues (donc pas chères), les équipant de moteurs de récupération pétaradants…
Hé bien, il n’y a pas de quoi rire, car ce sursaut représente le moment précis où l’imagination populaire commença à se casser les dents sur de nouveaux standards.
L’exemple que j’ai choisi sous forme du résultat qui se présente à vos yeux ébahis, est tout simplement d’un ridicule galactique, cosmogonique, stratosphérique, d’une kitscherie à fracasser tous les mètres-étalons connus du grotesque !
Rien n’y échappe : ni le look général (oh le dôme translucide censé représenter une soucoupe roulante !) ni le style (pompé sans vergogne sur l’Orbitron de Ed Big Daddy Roth)…
1964 Orbitron Show Car by Ed Big Daddy Roth… https://www.gatsbyonline.com/main.aspx?page=text&id=473&cat=auto
Première œuvre de Paul Bacon (2013), qui a ensuite créé un Hot-Rod-Steampunk surnommé “AutoMacron” (2017), la “Cosmétron” fut présentée en 2013 à la presse régionale du monde interplanétaire… et a connu les glorieux honneurs de la seule presse britannique, mais la “Cosmétron” a été sifflée, rejetée, bafouée, étrillée sans ménagement par toutes les autres presses internationales particulièrement remontées…
C’est que la Cosmétron de Paul Bacon est agaçante, souvent inégale, toujours déroutante, mais elle ne méritait pas plus en 2013 qu’actuellement, une telle volée de bois vert, une telle critique sanguinaire qui, à l’arrache, n’aura retenu que quelques éléments sans appréhender l’ensemble de sa démarche, à savoir que la Cosmétron est une voiture futuriste recyclable, déjà recyclée à un niveau supérieur…
Il y a toutes sortes de lois européennes régissant le recyclage automobile, mais en 2011 Paul Bacon, de Leicester, avait trouvé une nouvelle façon de recycler une vieille BMW Z3, lui offrant un nouveau bail de vie.
S’inspirant de la bande dessinée Jetsons, il a d’abord re-jailli à la vie comme un chat sur une serviette citronnée… et s’est mis en tête de construire une auto “différente”…, cette construction a pris pas moins de 18 mois.
La majorité de la carrosserie est en fibre de verre, mais de certains détails jaillissent quelques surprises, c’est l’une des voitures les plus éco-esprit que la population mondiale aurait pu voir depuis longtemps, si la presse avait daigné la présenter et révélé que Paul Bacon avait trouvé son inspiration dans les objets ménagers les plus improbables : le moteur, par exemple, surmonté de véritables salières et poivrières, tandis que les grilles avant et arrière sont ornées avec des capsules de bouteilles de lait hydratant…
Le volant (de direction), et son moyeu furent fabriqués à partir du sommet d’une fusée de feu d’artifice… et le support de montage est un drain de douche circulaire…, ce sont quelques exemples de l’imagination de Paul Bacon.
Ce n’est pas tellement une affaire de ce qui est étrange, mais de ce qui ne l’est pas…, il suffit de regarder l’énorme levier de vitesses…, la radio stéréo étant quant à elle fausse, un accessoire qui ne fonctionne pas, assemblé à partir d’un panneau de commande de chauffage central !
Le toit de la Cosmétron est un “bulle-top”, qui était “à la mode” parmi les Hot-Rods américains dans les années 1960…, il s’agit d’un dôme transparent monobloc, avec des vérins hydrauliques permettant l’entrée (et la sortie) dans la voiture…, ce qui signifie qu’il est nécessaire que la voiture ne soit occupée que par des sortes de héros-courageux.
D’ailleurs, regardez la photo, Paul Bacon est obligé de conduire la tête penchée pour ne pas la cogner sans cesse sur la paroi du dôme…
Le moteur six cylindres BMW Z3 ne fonctionne pas à la kryptonite liquide de fantaisie… mais à l’essence “ordinaire”..., la Cosmétron est une création unique, elle est donc essentiellement d’une valeur inestimable…, cela signifie également que vous ne pouvez pas l’acheter…, mais son créateur, Paul Bacon, se fera quand même un plaisir d’examiner toutes les propositions que vous pourriez avoir.
Cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas la louer, car la Cosmétron est utilisée épisodiquement comme véhicule de promotion, pour apporter un peu d’impact supplémentaire à tout événement ou réunion.
Vous êtes certainement bouche bée, sachez alors que cette voiture est une sorte de construction ésotérique et expérimentale de différentes styles sans lien direct (et apparent).
Si la trame principale évoque une automobile extra-planétaire face à la sourde hostilité du monde…, soyez humains, observez, en revers de ça, le chaos et la beauté mêlés de manière concrète, spirituelle, indicible…, dans une seule et même globalité (je tente l’épate : une même cosmogonie) rendant compte “des différentes perceptions de l’existence”.
On y trouve donc le présent, l’inconscient, les rêves, le souvenir, les images du futur et la conscience de ce qui nous entoure…, c’est un songe éthéré par nuits d’orage, le sentiment d’une certitude qui se fragmente, qui s’est éparpillée, avec l’absence au bout.
Mais plutôt qu’essayer, à tout prix, de donner ou de trouver un sens à cette troublante introspection, œuvre ultra secrète, intime en profondeur, il faut d’abord se laisser couler, accepter de se noyer et s’abandonner, la tête ailleurs, aux multiples sensations que procure la voiture.
L’incroyable travail, là où l’espace se limite aux champs physiques de notre regard, participe à créer une atmosphère proche du trip hallucinatoire…, c’est une création complètement libre, forte, ensorcelante, éreintante aussi…, débarrassée des conventions et des contraintes… et qui cherche surtout à se réinventer en proposant une exploration personnelle des réalités autour de nous.
Entêtant.