2013 Lamborghini Vénéno LP750-4…
355km/h pour 3 millions d’€uros !
C’est l’histoire de quelques fous, techniciens espiègles, fanatiques de films de monstres, d’aventures incroyables et de super-héros aux hypers pouvoirs supers fantastiques… créant, un matin, après une nuit agitée dans une soucoupe volante, une auto-robot géante, totalement foldingue, un peu toquée et un peu trop gourmande en gadgets empruntés aux Batman de Marvell.
C’est une belle histoire improbable mais profondement déjantée, entre ces techniciens à l’imagination débordante, ayant découvert l’amour avec des extraterrestrses… et l’immense tas de ferraille issu de leurs copulations mécaniques… pour qui sait débourser 3 millions d’euros pour avoir son auto-robot à soi et rien qu’à soi comme compagne de jeu(x), un peu comme Actarus et Goldorak, John Connor et le Terminator, Télémaque et Nono ou Sam Witwicky et Bumbledee…
Pas une machine extraterrestre avec rayon laser et aéro-propulseurs, qui sait faire des grimaces et même la bombe en sautant dans l’eau d’un étang (dégâts collatéraux assurés) dans une ambiance délicieusement rétro évoquant Norman Rockwell ou Currier et Ives…, mais une sorte de Transformer pas fini et mêlé avec un peu de Goldorak qui aurait récupéré le tripod de la guerre des mondes quand il voit rouge à la fin…
On n’est jamais si bien servi que par soi-même…
Pour fêter ses cinquante ans, la marque Lamborghini s’est offert un petit plaisir : une supercar d’allure extraterrestre qui va faire parler dans les chaumières façon “la soupe aux choux” : par son look de vaisseau inter-galactique et par ses performances d’authentique fausse voiture de course, même pas homologuée pour une utilisation routière !
Vitrine des valeurs interplanétaires et du savoir-faire de la marque, la Vénéno LP750-4 ne sera en effet fabriquée qu’à quatre trois exemplaires, dont trois déjà vendus (une verte, une blanche, une rouge) chacune au prix astronomique de trois millions d’euros hors taxes, frais et ennuis fiscaux !
Pas de regrets ?
Lamborghini ayant fait de la construction légère en carbone son dada, la Vénéno y fait abondamment recours pour renforcer sa coque en polymère, pour la réalisation des éléments de carrosserie et pour l’habillage de l’habitacle.
Résultat : un poids à sec de 1 450 kg, soit 125 kg de gagné par rapport à une Aventador.
Le V12 de 6,5 litres de cylindrée, disposé en position centrale arrière, revendique pour sa part une puissance de 750 chevaux.
Le calcul est vite fait : 1,93 kg/ch… et les performances sont au diapason : 355 km/h en vitesse de pointe et seulement 2,6 secondes pour accélérer de 0 à 100 km/h.
Ça décoiffe et ça colle au parquet… car, outre sa transmission intégrale et ses suspensions de proto, la Vénéno peut compter sur une aérodynamique particulièrement étudiée extrapolée des Batmobile.
Il suffit de jeter un œil sur son aileron de requin ou sur le travail effectué sur sa face avant pour comprendre que, comme le taureau qui lui donne son nom, cette Lamborghini est une vraie méchante.
En 1914, Vénéno avait mortellement blessé le pauvre José Sanchez Rodriguez dans l’arène de Sanlucar de Barrameda, en Espagne.
Avec sa Vénéno, la marque italienne a réussi à reléguer au second rang les toutes nouvelles McLaren P1 et surtout “LaFerrari”…
Mais il faut dire que pour fêter les 50 ans de la marque, les ingénieurs et les designers n’allaient pas faire les choses à moitié.
Les designers surtout, qui ont créé une sorte de mélange entre un avion de chasse furtif et la Batmobile.
Tous les éléments ont énormément été travaillés en ce sens, jusqu’au capot arrière en aileron de requin surmonté de nombreuses branchies (un requin extraterrestre mutant ?)…
Sans oublier les ouïes à profusion, divers appendices aérodynamiques proéminents, la garde au sol minime, la largeur intimidante et l’énorme diffuseur…
Ses rétroviseurs haut perchés, ses grands phares acérés à souhait ou ses feux arrière en Y, quasiment invisibles lorsqu’ils sont éteints, achèveront de détourner les regards.
Que dire également des sorties d’échappement…, sinon : Quelle exubérance et quel style !
Côté technique, la Vénéno LP750-4 (son nom complet) repose sur le châssis de l’Aventador : brillant et poisseux, offrant surtout une sorte de challenge esthétique sous-jacent à un contexte politique très prononcé : Comment renouveler le genre ?
Parce que bon…, le genre, usé jusqu’à la crosse, semble désormais complètement balisé, délimité, jalonné, voire sclérosé, n’ayant plus d’autres repères à offrir.
Arriver après la bataille reviendrait donc : soit à singer (bêtement), soit à copier (piteusement), soit à sanctifier (béatement)…, sans qu’il puisse y avoir d’autres alternatives au problème.
Apparemment. les ingénieurs de VW-Audi-Lamborghini ont pourtant assimilé le tout pour en faire une œuvre bizarre, même pas référencée (évidemment), mais en même temps à part : absurde, en décalage, expérimentale et catapultée par diverses révélations canonisées.
Visuellement bluffante (esbroufe gratuite ou plaisir de faire différent ?) et déjà pas mal décriée ici et là, elle cherche à mon sens davantage à proposer une nouvelle façon d’épater (ou révolter, ou écœurer, ou énerver) la galerie, entre extase et douleur.
Elle tient plutôt d’une triste constatation d’un monde (monde entier, qu’on soit d’accord : l’Italie n’a jamais eu l’apanage de la faillite économique, du mensonge capitaliste et de l’individualisme XXL), qui s’écroule comme après un cataclysme, que d’un message à porter, à développer, à décortiquer éventuellement, car il impose une sorte de litanie hypnotique, de ressac idéologique, de bruit de fond permanent, et le style même annihile toute raison à force de répétitions et de vaines formules.
La mise en perspective de ce que nous vivons (la crise financière principalement) par rapport à cette voiture tapageuse destinée à 3 bad boys milliardaires qui déprimaient, pinaillant sur tout et s’entre-tuant pour un peu plus d’argent (les temps sont durs pour tout le monde) permet à Lamborghini, de profiter d’une rentrée de 9,5 millions d’€uros, en contrepartie de 3 Aventador re-carrossées…, suite à leur observation d’une société moisie qui ne croit plus en grand-chose (valeurs, justice, respect, morale…), si ce n’est le fric et une misanthropie galopante.
Certes, rien de nouveau sous les ultraviolets du libéralisme planétaire (égalité, mon cul), mais un constat amer et superbement blasé.
Cynisme qu’on pourra réduire à de l’opportunisme carnassier et tristement ordinaire qui a encore de beaux jours devant lui, même rendu au fond du gouffre.