2014 Porsche Macan…
Crapahuter en off road…, s’éclater sur un circuit…, aller au théâtre : il sait vraiment tout faire…
Par Marcel PIROTTE
Avant d’atterrir à l’aéroport de Leipzig, difficile de rater l’usine Porsche située à un jet de pierre, caractérisée notamment par son centre d’accueil en forme de soucoupe volante…, c’est là que j’ai rendez-vous avec le dernier né de la famille Porsche : le 4X4 SUV Macan, dont le format est assurément plus compact (4,68 m), mais surtout moins encombrant que celui de son grand frère Cayenne qui, malgré toutes les critiques, représente (avec 80.000 exemplaires vendus l’année dernière), la moitié de la production Porsche !
Et, comme le marché des crossovers compacts est en pleine, croissance, passant de 360.000 unités en 2007 contre 1.300.000 l’année dernière (2013), c’est le bon moment pour Porsche de lancer son Macan qui soit dit en passant va remuer ses concurrents premium : Audi, BMW et Mercedes ont du mouron à se faire !
Mais avant de nous écrire tout ce que je pense de ce nouveau né… et, après l’avoir essayé dans la gadoue (sur le circuit privé de Porsche dans l’enceinte de l’usine) et avoir assisté à son assemblage, c’est le moment de jeter un regard en arrière et de vous présenter les réalisations 4X4 développées d’abord par Ferdinand Porsche, ensuite par son bureau d’études et plus tard par le constructeur de Zuffenhausen.
Porsche et le 4X4 ou plutôt la traction intégrale, c’est déjà une très vieille histoire, elle a débuté il y a plus d’un siècle en 1900 lorsque ce jeune ingénieur autrichien de 26 ans met au point pour le compte de la société viennoise Lohner, la première voiture à traction intégrale : la Lohner Porsche, équipée de quatre moteurs électriques, chacun actionnant l’une des roues de cette Electro Rennwagen, bien trop lourde car handicapée par le poids très élevé de ses batteries, cette réalisation étant et de loin supplantée par les voiturettes légères à moteur thermique.
Qu’à cela ne tienne, Ferdinand Porsche a mis le pied à l’étrier en se faisant un nom…, le Heer-Professor va pouvoir penser à autre chose et débuter un parcours professionnel assez exceptionnel qui le conduira d’Austro Daimler (la Sascha), à Steyr en passant par Mercedes-Benz (les Monza et SSK).
Début des années ’30, Porsche crée son propre bureau d’études, mettant notamment au point une monoplace de course qui aujourd’hui encore passionne par sa technologie et ses incroyables performances : l’Auto Union de Grand Prix…, mais durant cette décennie, l’Allemagne va basculer…, c’est la montée du national socialisme et l’arrivée au pouvoir d’Hitler qui commandera à son grand ami Ferdinand Porsche, la réalisation de la voiture du peuple (Volkswagen), une bonne idée sans doute…
Le Heer-Professor doit également s’atteler à d’autres tâches, dont celle de créer des véhicules de combat, des chars notamment, un reproche que certains historiens n’hésitent pas à adresser à cet ingénieur de génie (mais avait-il d’autres choix ?)…, il va ainsi mettre au point de petits véhicules militaires passe partout comme la fameuse VW Kübelwagen (inspirée d’une bassine, d’ou son nom), fabriquée de 1940 à 1945 à plus de 50.000 exemplaires.
Ce n’était pas un 4X4 mais bien une simple propulsion à moteur arrière refroidi par air de 985cc ou 1.131cc livrant respectivement 23 ou 25 chevaux…
Grâce à son poids plume de 725 kg et à ses réducteurs placés dans les roues, ainsi qu’un pont autobloquant fabriqué par ZF, elle pouvait passer (presque) partout, notamment dans le sable en Afrique, une sérieuse concurrente pour la Jeep américaine…
En revanche, la berline Coccinelle du type 87 (fabriquée seulement à 564 exemplaires) était belle (sic !) et bien (re-sic !) une 4X4.., elle empruntait d’ailleurs une technologie identique à celle de la VW amphibie…
La Schwimmwagen (14.283 unités, 25 chevaux, 900 kg), qui pouvait aussi bien et avec une aisance tout à fait remarquable, se déplacer dans l’eau (grâce à son une hélice et surtout à sa carrosserie étanche), que sur terre…, des véhicules aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs.
Après la fin des hostilités, finie la Wehrmacht…, la nouvelle Allemagne de l’Ouest doit au cours des années 50, se doter d’une nouvelle Geländewagen…, 10.000 unités sont prévues du moins dans un premier temps…, trois constructeurs sont sur les rangs : DKW avec sa Munga, Goliath (appartenant au groupe Borgward)… et Porsche avec une réalisation présentée sous le nom de code 597 Jagdwagen (voiture de chasse).
Cette 597 ne manque par d’arguments : moteur arrière de la Porsche 356 dégonflé à 50 chevaux entraînant directement les roues postérieures via une boîte 5 vitesses… et différentiel autobloquant…, la traction sur les roues avant étant enclenchable manuellement…, c’est un véhicule 4 places, ouvert, pouvant être recouvert d’une bâche avec sa roue de secours dressée verticalement à l’avant.
Trop chère pour la Bundeswehr, cette 597, qui pesait un peu moins de 1100 kg, devra s’effacer au profit au profit de la DKW Munga deux temps…, c’est un véhicule peu connu et pour cause, cette Porsche 4X4 a seulement été fabriquée à 71 exemplaires, son prix sur le marché des voitures de collection, crève tous les plafonds, de 180.000 à 200.000 €uros.
En 1980, une certaine Audi Quattro débarque comme un cheveu dans la soupe…, elle va révolutionner le monde de la transmission intégrale mais également s’imposer comme l’arme absolue en rallyes…, un an plus tôt, Thierry Sabine lançait son fameux Paris-Dakar, un raid d’endurance hors du commun, un superbe terrain de jeux où vont s’affronter les gros 4×4 du genre Range Rover ou Mercedes G, avec Jacky Ickx et Claude Brasseur remportant l’épreuve de 1983 (ils avaient déjà participé à ce raid marathon avec une Citroën C4 2400 GTI pas du tout adaptée).
Du coup, Jacky Ickx ayant remporté à plusieurs reprises les 24 Heures du Mans sur Porsche, compte de très nombreux amis du côté de Stuttgart… et de leur suggérer de mettre au point une 911 4X4 qui, selon lui, devrait s’imposer en Afrique.
Comme Porsche développait justement son premier coupé à transmission intégrale, la 959 , il ne fallait pas beaucoup les prier…, dès 1984, trois 911 SC 4X4 équipées d’une transmission intégrale (pas aussi sophistiquée que celle de la 959), vont littéralement mettre la concurrence à genoux…
Avec 225 chevaux pour seulement 1190 kg, ces “caisses de modèles Safari” (en référence au rallye africain), entourées et maternées par une nuée d’ingénieurs et de mécaniciens, vont faire la trace, René Metge l’emporte, Jacky Ickx est sixième, la troisième 911 d’assistance de l’ingénieur Kussmaul figure également dans le classement.
L’année suivante, Porsche remet ça, trois coupés très proches du style des modèles 961 mais avec la technologie intégrale de la 959 et son moteur non suralimenté…, les trois Porsche abandonneront après une course sans gloire mais les ingénieurs ont beaucoup appris…
Ce qui nous vaut un retour en grâce en janvier 1986 pour les nouvelles 959/961 de 380 chevaux où René Metge et Jacky Ickx réussissent un parfait doublé, le pilote français avouant avoir roulé à plus de 230 Km/h dans le Ténéré (mais il était écrit que le Jacky, malgré d’autres tentatives, n’allait plus inscrire son nom au palmarès de cette épreuve qui n’était plus réservée des amateurs mais à des constructeurs alignant des budgets colossaux…, le Dakar perdait lentement mais sûrement son âme d’aventure des temps modernes)…
Fin des années nonante, les gros 4X4 ont la cote… et lorsque VW vient sonner à la porte de Porsche à Weissach pour l’étude et la mise au point du futur Touareg, le constructeur de Stuttgart saisit la balle au bond…, très intéressé par ce projet, il va aussi s’investir !
Le Touareg et le Cayenne, qui sortiront en 2002, vont partager la plate-forme, la transmission intégrale permanente, les trains roulants et certaines motorisations, Porsche refusant le diesel (mais ce ne sera que partie remise)… et de se poser la question : comment Porsche, spécialiste des voitures de sport du style 911 et Boxster sans oublier l’incroyable Carrera GT, peut-il investir ce nouveau créneau ?
Malgré les critiques, Porsche tient bon, il va même ériger une toute nouvelle usine ultramoderne dans les faubourgs de Leipzig chargée de fabriquer Cayenne, Carrera GT et plus tard Panamera ainsi que le tout dernier Macan.
Le cahier des charges précisait que le Cayenne devait offrir un comportement routier digne de ses cousines 911 et Boxster tout en étant le meilleur off road…, autant essayer de réussir la quadrature du cercle…, mais, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, les ingénieurs y sont parvenus…, certes, le Cayenne n’est pas donné, 62.800 € en 2002 en version S de 340 chevaux et un peu plus de 104.000 € pour le modèle turbo de 450 chevaux , la production d’une année complète (25.000 exemplaires), étant déjà vendue !
Pour réussir cette troisième famille de modèles Porsche, les ingénieurs avaient deux véhicules en point de mire, BMW X5 et Range Rover… et le Cayenne rassemble le meilleur de ces deux vedettes…, avec notamment une carrosserie autoportante en acier reposant sur quatre roues indépendantes… et une suspension pneumatique de série pour le modèle turbo (en option sur la S)…, quatre roues motrices en permanence figurent aussi au programme, surveillées constamment par le Porsche Traction Management chargé de gérer au mieux tous les garde-fous électroniques et opérant en interface avec le PTM qui, en couple avec une boîte de réduction, en mode normal envoie 62 % de la puissance vers l’arrière, 38 % vers l’avant.
Afin de véhiculer cet imposant break 4 portes avec hayon de 4,78 m de long et 1,93 m de large pouvant emmener 4/5 adultes (une première chez Porsche), ainsi qu’une cargaison impressionnante de bagages en tous genres (contenance de 540 à 1770 litres), la firme de Zuffenhausen installe un V8/32 soupapes de 4,5 l atmosphérique de 340 chevaux et 420 Nm de couple ou biturbo livrant 450 chevaux et 620 nm…, la transmission étant uniquement assurée par une boîte automatique 6 vitesses à commande séquentielle développée par le spécialiste nippon Aisin Warner.
Lors de la présentation à la presse fin 2002, le pilote de rallyes Walter Rörhl, ambassadeur de Porsche, avait littéralement assommés les médias par une démonstration époustouflante en off road dans les environs de Jerez en Espagne…, du tout grand art avec des pneus normaux…
Sur la route, le Cayenne avait achevé de convaincre tous les journalistes, car malgré un poids de 2200 kg ainsi qu’une hauteur de 1,70 m et un gabarit de très gros 4X4, ce SUV se conduisait comme une voiture de sport…, ce que j’ai encore pu vérifier par la suite du côté du cercle polaire arctique en Finlande avec des modèles turbo cloutés…, c’était véritablement Holiday on Ice.
Le Cayenne n’a pas permis simplement à Porsche d’augmenter sérieusement ses chiffres de production (162.000 exemplaires en 2013), ce modèle permet aussi à la seconde génération de ce modèle, lancée en 2010 de réaliser la moitié des ventes de la production Porsche.
A l’époque, il fallait oser, Porsche l’a fait avec les résultats que l’on connait…, alors qu’à l’époque de son lancement, Porsche dédaignait le moteur diesel, ces versions “à mazout” représentent aujourd’hui près de 50 % des ventes de se gros SUV à travers le monde, et demain, les versions hybrides risquent bien de s’imposer elles aussi…
Entre 2007 et 2013, les ventes de SUV compacts ont été multipliées par trois, à ce petit jeu-là, les constructeurs Premium du genre Audi, BMW, Mercedes, Range Rover se taillent la part du lion… et Porsche de vouloir lui aussi sa part de gâteau avec le Macan, dont les ventes sont estimées dans un premier temps à 50.000 exemplaires par an…, de quoi dépasser en 2014 une production totale supérieure à 200.000 pour l’ensemble des modèles Porsche fabriqués dans les deux usines allemandes, à Stuttgart mais également à Leipzig.
Du coup et afin de réduire les coûts de conception et de fabrication (la nouvelle unité d’assemblage a cependant coûté plus de 500.000.000 d’euros), Porsche est allé frapper chez Audi (tous deux font aujourd’hui partie du groupe VW), afin de lui ’emprunter’ la plate-forme de son cross over Q5…, mais également le diesel V6 trois litres…, toutefois, pas question de réaliser une Audi Porsche…, Macan utilisant 2/3 de pièces mises spécialement au point par Porsche.
Ce petit frère du Cayenne, 17 cm plus court soit 4,68 m, utilise donc une plate-forme Audi mais sérieusement revue pour la circonstance…, avec notamment une suspension pneumatique proposée en option ainsi qu’une direction nettement plus précise.
Et si cela ne suffisait pas encore à faire la différence, Macan reprend de série l’excellente boîte robotisée à double embrayage PDK, 7 rapports ainsi que la traction intégrale permanente à embrayage multidisques piloté électroniquement Torsen, un mécanisme aidé par de multiples applications électroniques d’aide à la conduite, mais qui joue à fond la carte de la sportivité tout en privilégiant le mode propulsion sans négliger la fonction tout terrain avec contrôle de la vitesse en descente, de 3 à 30 km/h.
Selon les versions, le Macan repose sur des pneus mixtes montés sur des jantes alu de 18 ou 19 pouces, plus larges à l’arrière, des montes de 20 et même 21 pouces sont également disponibles mais elles ne sont vraiment pas indispensables tout comme d’ailleurs la suspension pneumatique, celle en acier remplissant à merveille son contrat dans toutes les situations.
Du côté du look, il s’avère (selon moi), nettement plus à l’avenant que celui de Cayenne que (personnellement), je trouve trop lourd pour ce véhicule parfois bien encombrant…, mais que ne ferait-on pas pour rouler en Cayenne et afficher ainsi un certain mode de vie et sa réussite…, à méditer !
Le style de Macan (ce n’est pas un poids plume avec ses 1900 kg), me plaît beaucoup mieux, il est moins outrancier, plus compact mais rassurez-vous, les quatre sorties d’échappement en disent long sur le potentiel de l’engin, car le Macan puise bel et bien son ADN dans les gènes sportifs de Porsche.
Pas de V8 au programme…, des V6 pour tous les modèles (avec Stop/Start inclus), à commencer par deux Biturbo essence maison 3 l/340 ch/460 Nm pour la S ou 3,6 l/400 ch/550 Nm pour le modèle badgé turbo…, le diesel d’origine Audi est aussi disponible : V6 3l/258 ch/ 580 Nm (une version dégonflée à 211 chevaux mais avec la même valeur de couple plus avantageuse au niveau fiscal étant aussi disponible pour les clients belges, ça varie selon les Régions où le véhicule sera enregistré…, un véritable foutoir, il n’y a pas d’autre mot pour qualifier ces législations aussi incompréhensibles qu’aberrantes) …
Cette diesel 211 chevaux devrait constituer le plus gros des ventes en Belgique (affichée tout de même à un peu plus de 60.000 € sans les options), mais également satisfaire les grands rouleurs tellement ses performances (230 km/h, 0 à 100 km /h en 6,3 secondes), s’avèrent impressionnantes, tout comme d’ailleurs les chiffres de consommation, de 8/9l/100 km en moyenne.
Et pour ceux qui ne carburent qu’à la super et qui pour rien au monde ne voudraient une Porsche à mazout (cruel dilemme, quelle version choisir ?), entre Macan S (un peu plus de 60.000 €) et turbo (85.000 € et des poussières) , le V6 3 l de base s’avère déjà très performant (254 km /h en pointe, de 0 à 100 k/h en 5,4 secondes) alors que le 3,6 l plus coupleux mais également un rien plus performant (266 km/h, 4,8 secodes) et sans doute plus rageur au niveau du bruit de fonctionnement, permet pour les fêlés du chronomètre de creuser la différence (j’ai pu le constater sur le circuit Porsche située dans l’enceinte du complexe de Leipzig alors que je suivais sans trop de problème le train d’enfer imposé par une 911 Carrera conduite de main de maître par l’un des pilotes de l’usine).
Mais une fois sur route, 340 ou 400 chevaux, ça ne fait pas beaucoup de différence, sinon au niveau du portefeuille et de la consommation (si je gagne au Lotto ou bien à l’Euro Million, Macan me tenterait, c’est sûr, mais j’opterais sans hésiter pour Macan S carburant à la super, il représente à mes yeux la parfaite synthèse de la voiture premium actuelle).
De l’espace à bord, une excellente position de conduite, des prestations de très haut niveau, un confort soigné, une finition de grande classe (mais il y a de quoi râler sur le prix de certaines options), oublié ce détail, le Macan S devrait ravir l’amateur de conduite sportive (que je suis toujours à 72 balais), tout en étant assuré de retrouver à bord de ce SUV pas trop encombrant, des sensations typiquement Porsche…, avec en prime des possibilités off road assez incroyables, nettement mieux qu’avec ma Jeep des années soixante…, mais ça, c’était dans une autre vie !
Marcel Pirotte, pour www.GatsbyOnline.com