2016 Drakan Spyder…
L’air était tiède et d’une moiteur si pénétrante que je pouvais la sentir comme en rêve l’empreindre d’une fine pellicule graisseuse…, mon cœur battait la javanaise et chaque salve le traversant me procurait une décharge de plaisirs mêlés à de la souffrance d’être là.
La lourdeur implacable de la fin de journée et le soleil agonisant qui récitait toutes les couleurs de son vocabulaire en un angélus kaléidoscopique, me faisait suffoquer, transi par l’effroi.
Sauter dans le cockpit de la monoplace Open-Top Dracan Spyder ne fut pas gracieux, j’ai manqué de peu me casser la gueule, mais par chance sans dommage, une fois tombé dans le siège, j’ai glissé lentement au fond de la baignoire…
J’ai bouclé le harnais 5 points, verrouillé le volant de course dans la crémaillère de direction…, et réglé mon estomac sur “off” pour survivre à ce qui était sur le point de se produire.
J’ai appuyé sur un bouton pour engager la pompe à carburant et le démarreur, me sentant comme un vrai pilote de course de F1 au volant d’un Buggy-kit-car…, et les 400 chevaux du LS3 V8 Chevy se sont mis en marche.
J’ai poussé sur l’embrayage et roulé sur le parking…, c’était facile, le moteur était encore froid, ensuite, j’ai lâché le feu de l’enfer sur les routes de Californie du Sud jusqu’au point limite où le paysage était devenu flou et que je me sentais agonisant dans un vacarme apocalyptique…
Vous n’avez probablement jamais entendu parler de la Drakan Spyder…, tant mieux…, c’est une sorte de copie américaine de l’Ariel Atom, un bidule simpliste avec quatre roues et un cockpit minimaliste ou on est sanglé sur un V8, et jeté dans l’inconnu.
L’engin est sorti seulement cette année 2015, comme étant la preuve du génie américain en matière de voiture de sport, un adversaire “incontournable” pour l’Ariel Atom et autres KTM.
Dans une voiture normale, vous avez des portes, un coffre, des panneaux de carrosserie et une tonne d’isolation phonique et thermique pour rendre la conduite du conducteur supportable…
Mais pour un vrai passionné, il parait que c’est nul, car il est impératif d’entendre le bruit des échappements (libres) dans les oreilles et de voir les suspensions travailler, ce qui induit une réaction viscérale…, la Drakan Spyder joue sur ce type d’émotion pour faire passer le prix de base de 100.000 US$…
A force de rouler avec des véhicules loufoques, je me suis aperçu que j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables… et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain… de façon qu’il me fallait entreprendre sérieusement, une fois en ma vie, de me défaire de toutes opinions que j’avais reçues alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements…
Et ici, dans cette barquette stupide, j’ai réalisé combien magnifique était le concept du cheval de pantomime…, comment la partie avant appartenait à la partie arrière…, comment la partie arrière suivait bêtement la partie avant dans l’humiliation…, j’étais un homme piégé à l’intérieur d’un cheval bariolé de façon grotesque…, dans l’effondrement des vraies valeurs humaines…
C’est ce que j’ai ressenti sous le ciel brillant de l’au-delà des montagnes, cherchant le véritable prétexte d’un voyage que j’avais cru être à mon usage privilégié.
Traversant un cottage isolé, me rappelant les maisons dans “Au Pays Des Aveugles”…, j’ai ressenti quelque chose d’inamical…, pourtant ni la fatigue, ni l’effroi, ni le vacarme mortel comparable à celui d’une foule dans un terrain de foot, qui guettait un dénouement quelconque, le dit de la sentence et son exécution…, ne me menaçaient vraiment…, mais, à mesure que j’avançais, des spectres de mots, des lambeaux de phrases, s’agitaient dans ma tête tel un troupeau infatigable qui me poussait en avant.
Il m’a semblé nécessaire de savoir penser ‘troué’, c’est-à-dire de pouvoir traduire ma propre vision du monde en termes de mobilité, de percées, de sauts dans l’inconnu…, c’est une manière aussi pour la pensée d’éviter de cristalliser en théorie, donc de se fermer à l’aventure.
La connerie humaine…, je la repousse doucement, sans heurts, mais je sens son regard peser sur moi, je la sais tapie dans les vocabulaires à venir, parfois, elle murmure comme pour relancer le débat, et il me faut lui répondre sur le même ton si je ne veux pas que l’angoisse pousse sa clameur insoutenable.
Il n’y a pas de sang comme celui qui coule à l’intérieur de notre corps…, pas de rêves comme ceux qui embrasent notre esprit…, rien n’est nécessaire, notre ombre penche toujours un peu, comme sous le poids de la lumière…, la conscience du désordre est aussi consciente que l’était, hier celle de l’atome pur…, le probable, demain, c’est quoi donc ?
Je me suis arrêté un instant pour reprendre mon souffle, s’il restait quelques couleurs à mon imagination, elle semblait les perdre, virer à rien…, s’exténuer en vain à émerveiller…; émerger du naufrage général, n’atrophie pas le sens de la mesure qui fait la grandeur.
Toute mouillée (sic !), cette voiture de course pour la route pèse 900 kgs, vous pouvez donc imaginer l’accélération qu’offre cette chose, la Drakan Spyder est un tout petit peu moins puissante que la Bugatti Veyron (4,25 lb/hp)…, il en résulte un 0-60 mi/h réalisé en 3,2 secondes…
La Drakan Spyder, n’a pas de portes, pas de sièges réglables multi-positions, aucune radio, aucun contrôle HVAC, aucun panneau de carrosserie rigide (c’est pas qu’ils sont mous, mais “flexibles”)…, c’est juste une voiture “Raw”, viscérale…, qui veut que vous faire oubliez tout ce que vous connaissez sur la conduite des voitures “normales”… pour vous vendre un grille-pain au prix d’une Corvette…
Par contre, “gaffe” à la colonne vertébrale, la conduire trop longtemps (plus de 20 minutes) se traduit par une visite chez un chiropraticien…
Cela étant écrit, la voiture n’a aucune utilité, elle n’a rien de pratique, est inconfortable, ses performances sont inutilisables, l’immatriculer en Europe est impossible et son prix de base hors taxes et emmerdes est de 100.000 US$…