2019 Ferrari P80C : l’apothéose du néant…
Blackbird, concessionnaire Hongkongais agréé de Ferrari, aurait pu dévoiler le 1er avril 2019 l’objet roulant dénommé P80C réalisé sur-mesure par l’usine au Cavallino Rampante pour l’un de ses clients milliardaire…, on aurait ainsi suspecté “LA” blague traditionnelle du 1er avril, mais non, l’affaire a été divulguée une semaine plus tard, le résultat étant le même…
Il s’agit là d’un bel objet : carrosserie simple dans la complication, aspect glaçant (on est loin de l’aspect cheap des modèles “constitutionnels” de la marque) et surtout présentation dramatique digne de l’habituelle Commedia Del Arte…
Graphiquement le dessin n’évoque rien de particulier, pas plus que général…, dans un non-respect involontaire des perspectives et s’empêtrant dans divers ajouts d’artifices…, néanmoins la P80C affiche un design Ferrari facilement reconnaissable, même si le dessin trahit un travail de découpage des formes assemblées dans un esprit de mise en scène sans réelle originalité.
L’histoire de la P80C tient sur un ticket de métro (une automobile consumériste qui ne vient de rien pour n’aller nulle part d’utile sinon quelques balades éphémères à son bord vers des lieux improbables, mais là n’est pas l’objet réel de cette œuvre qui n’est qu’accessoire… puisqu’axée sur les ambiances et les non-dits pour satisfaire une soif de paraître…, le ton étant donné dès la présentation quasi virtuelle à la presse qui ne peut et ne sait en “causer” qu’en agrémentant les photos “usine” par un texte de balivernes écrit par quelques plumitifs…, les journaleux étant conviés à s’en imprégner pour créer une tension qui monte… mais dont on ignore le pourquoi (on le saura jamais d’ailleurs).
Un voyage à son bord est une sorte d’utopie rêvée par procuration, une calamité (gène et silence) et le malaise augmente pour finir en une apothéose lugubre et irrationnelle sur l’étrange lieu (de pèlerinage ?) qu’est l’usine de Maranello.
Mais que se passe t-il donc avec cette Ferrari P80C ?
Rien…, sinon que tous les personnages gravitant dans sa sphère intemporelle agissent bizarrement et que cette héroïne s’avère un délire proche de l’angoisse… un moment de vide abyssal où il ne se passe décidément rien si ce n’est que l’ensemble forme une étrange procession qui tourne en rond…, un vrai plaisir pour ceux et celles qui aiment les ambiances étranges et torturées… les autres trouveront tout cela fade et vide.
Une question d’ordre pratique me taraude cependant : La réalisation de cette chose roulante basée uniquement sur le montant délirant que le client paye…, a du demander une drôle de collaboration…, qui donc a participé à ce scénario ?
Un constructeur comme Ferrari, s’adapte à toutes les demandes tout en sollicitant psychologiquement celles-ci…, réaliser des petites séries où des modèles uniques pour glorifier et satisfaire l’égo de ses clients (et futurs) dans le monde, est devenu un “savoir-faire”, Ferrari s’étant spécialisé dans la création d’envies sans limites arrivant à donner l’illusion que ce sont ses clients qui en sont les génies créateurs tout en expliquant en bonne-conscience que “La Marque” ne fait que répondre aux attentes de particuliers dont la fortune n’a aucune limite…, un service sur-mesure que la marque de Maranello facture à des montants stratosphériques.
La Ferrari Prototipo P80C, a donc été voulue par un client Chinois très riche, fan de pilotage sur piste Chinoises (sic !), c’est ce qui est raconté par ceux qui l’ont fabriquée et qui offrent à la presse “amie” un “test-photo” sur le “Autodromo di Adria”…, une farde-communiqué de presse comportant des “images exceptionnelles d’une réalisation qui ne l’est pas moins”.
En réalité, ce modèle unique, est le re-carrossage d’une 488 GT3…, qui comme par magie, par un tour de passe-passe en est devenue “plus efficace”, ce qui permet de la présenter comme “la Ferrari la plus extrême et plus complexe jamais construite”…, du vent…
L’esprit humain a besoin d’un temps de latence pour faire basculer dans la réalité les réalités inimaginables…, il les digère d’abord en les faisant patienter dans une catégorie de la fiction, une salle d’attente où la réalité, avant d’être reçue en tant que telle, et traitée, doit passer une sorte d’examen…, c’est typique de Ferrari qui joue “le mythe” dans l’invraisemblable…, tout est imaginé… et même si, dans l’élaboration finale, dans la précision et l’ efficacité des faux comptes-rendus et d’histoires lénifiantes à la gloire d’Enzo débités en “articles du réel”, ils furent le résultat, aussi, de tâtonnements et d’expériences, de ratés, de faux départs, même s’ils furent le fruit d’un certain pragmatisme, ce pragmatisme n’était que la suite, la conséquence d’une imagination première…
Et là, pointe un paradoxe qui n’est pas simple à décrire…, les paradoxes simples à décrire appartiennent généralement aux mathématiques…., dans la réalité, dans le monde réel qui pique et qui se joue devant nous, et dans lequel nous jouons nous-mêmes, les paradoxes sont plus subtils, parce qu’ils sont toujours des apparences de paradoxes…., ce que nous appelons paradoxe en mathématiques résulte soit d’une contradiction logique, soit d’une erreur de raisonnement, soit d’un jeu de sens, d’un jeu de mots entre deux définitions, entre deux théories, entre deux référentiels…, mais dans la réalité il en va tout autrement.
Dans la réalité, ce que nous appelons un paradoxe n’en est pas un, n’en est jamais un : c’est notre paresse et nos limites, notre esprit de manichéisme et d’oppositions, notre esprit de catégories et de contrastes qui ne sait pas voir la complexité d’une situation réelle…, le réel n’est pas paradoxal, il est compliqué…, c’est en n’en choisissant que deux faces, deux aspects, deux visages que notre esprit, notre entendement finit par opposer que nous créons nous-même le paradoxe.
Un événement réel, ou bien ne contient aucun paradoxe, ou bien il les contient tous…, un événement réel les contient tous, les paradoxes…, est réel un événement qui contient tous les paradoxes du monde, qui convoque tous les paradoxes possibles, le plus possible de paradoxes, toute la difficulté, c’est de fabriquer du réel à partir de rien que du vent.
Il n’y a qu’une chose qui soit inquiétante, vraiment inquiétante, pour les gens de Ferrari, de même que pour tous les constructeurs de rêves, c’est la critique d’un écrivain qui n’est pas obligé de vivre dans le panier de crabes…., dans ce climat, les journaleux disent et écrivent que le public (le leur) doit se demander si la critique a jamais servi à autre chose qu’à inquiéter, c’est-à-dire à prouver à ceux qui regardaient des “œuvres d’art” que, finalement, personne n’y comprend jamais rien, et qu’il convient donc qu’ils s’y mettent à leur tour !
Nous sommes allés, avec quelques décalés de ma bande qui trouvont le temps, quand, selon le calendrier non plus parisien, même plus journalistique, mais, pour parler en français châtié, quelque chose comme buzzique, oui, c’est bien ça, le calendrier buzzique…, nous sommes donc allés en retard voir et lire ce qu’il en était de la Ferrari P80C, présentée au monde comme étant un nouveau très-grand chef-d’œuvre de “La Marque”…, la ligne rouge.
Pieusement, donc, nous nous installâmes et nous contemplâmes, donc, cette chose énigmatique, Nième interminable transition que chaque autre chose Ferrari joue avec celle qui la précède et qui la suit…, nous songeâmes que Ferrari baratinait le monde en l’entretenant du temps qui passe par le biais des communiqués de presse…. en totale opposition avec le style de www.GatsbyOnline.com et du nouveau magazine Chromes&Flammes : l’amour, du mal, de la haine, du social, du trouble érotique, de la société, des gens… en quelque sorte une apothéose d’écritures, car nos contenus ont ceci d’extraordinaire qu’il faut un temps assez bref pour y penser, mais qu’il est rigoureusement impossible de le faire avant que tout a été lu…
Il y a ceux et celles qui crient au génie, et ceux et celles qui disent que comme pour Shakespeare dans son Hamlet…, il y a trop de mots, beaucoup trop de mots.., comme Hölderlin, par exemple, quand il parle du Rhin… où Heidegger dans une autre vie, dans le Middle-West, dans la Forêt Noire…, des exorbitances d’écritures !
La vie, dans toute sa confondante nullité, dans l’abyssal néant puritain qui fait le secret fondamental de notre société, laquelle est tout de même parvenue à y convertir les ahuris qui se persuadent que le “politiquement-correct” est une religion… dont les scribes officialisés par eux-mêmes affirment que c’est le seul sens admissible…, ils avancent leurs textes, ne les maîtrisent pas, mais ils ont asséné leurs vérités institutionnelles, et se félicitent intimement de leur profondeur alors qu’il n’ont, absolument, rien dit et écrit que réciter leur Évangile comme les séances de catéchisme en province…
Mais alors, comment comprendre, comment admettre que tous ces gens ne démasquent pas la merveilleuse supercherie de ce petit constructeur d’automobiles peu fiables et hors de prix qui se vendent sous un concert de philosophies contorsionnées, prétentieuses et hystériquement narcissiques d’une espèce d’hyperbole de menteurs en scène de théâtre public ?
Ferrari est une apothéose, oui, mais l’apothéose du médiocre, il représente très exactement la métaphysique pour bobos.
Un bobo est un médiocre parfaitement sympa, et qui prend une pose qui évite la plus grande déperdition possible de considération, pour la dépense d’énergie intellectuelle et humaine la plus faible possible…, bobo is sublime…, bobo is perfect.
Bonnes gens, comprenez que l’automobile n’est plus jamais sinon jamais plus, un art…, comprenez que ces lieux communs débités en tranche de lard sans la moindre gêne sont là pour vous…, c’est pourquoi les journaleux dont les articles sont vidés de toute substance, se sont aplatis…, eux aussi, tout de même, ont droit à leur part de sublime connerie.
Au pied d’un arbre mort, un mort est allongé,
Une balle, un éclat quelconque l’a plongé
Dans le mortel sommeil plein de métamorphoses.
Hors de la prison où son destin la tenait close,
Se libérant de-la cellule et du bâillon,
L’âme a laissé tomber la chair comme un haillon
Qui garde un souvenir incertain de la forme.
L’harmonieux contour lentement se déforme ;
Le visage plissé, par saccades, se fond.
Le corps s’affaisse, comme un paquet de chiffons ;
Les ressorts détendus trahissent l’armature
De la matière qui revient à la nature
Et reprend un aspect originel. Les mains
Ont la couleur des vieux et sales parchemins ;
Les bouts de doigts raidis courbent comme des serres.
Un petit tas qui cherche à se cacher en terre,
C’est l’homme, enfin livré au rongeur éternel.
Il offre en témoignage à la splendeur du ciel
Cette lèpre de vers dont sa face est salie.
De près, c’est une immonde et bouillonnante lie
Qui voile lentement les contours de la chair.
Sur les tempes, la pourriture aux ongles verts,
Enfonçant peu à peu la pointe de ses griffes,
Dessine un alphabet de pâles hiéroglyphes.
Les yeux sont colmatés par un mortier tremblant,
Qui donne un regard blême à ces cieux cercles blancs.
Les lèvres sont gonflées et noires ; la moustache,
Sous d’invisibles dents, brin par brin se détache ;
Les mâchoires déjà dessinent le rictus
Du squelette chaque heure esquissé un peu plus.
Les joues, où le violet plaque de larges taches,
Tremblent sous la poussée convulsive des larves,
Comme si la nature infligeait à la mort
Cette nouvelle vie, plus agissante encor.
Ici, le fossoyeur, ayant trop de besogne,
Spectre d’homme aujourd’hui, demain une charogne,
Tu risques de pourrir loin du lit bienfaisant
Du pudique tombeau qui voile le néant.
Fontaine d’infection vomissant par cent bouches
Une effrayante odeur qui fait vibrer les mouches,
Où domine, fumée des impurs éléments,
L’équivoque rappel de lointains excréments,
Ta chair dissociée et lentement pourrie
Graissera chaque jour le tuf de la patrie,
Et s’émiette d’abord comme un pain ténébreux
Dans le ventre invisible aux appétits joyeux.
Enfin, sous le soleil ami des pourritures,
La face éclate, ainsi qu’une figue trop mûre,
Tandis que se balance, au coin d’un œil bombé,
Une larme de pus qui ne veut pas tomber.
Henry-Jacques.
La Symphonie héroïque (marche funèbre).