Mustang, bourrin nostalgique !
A peine né, on commence à mourir…
Que nous soyons finis et que la vie s’arrête un jour, nous le savons assez tôt.
Mais il est vrai que nous apprécions généralement de considérer que le futur est un horizon sans bornes, qu’il nous reste plein de temps devant nous.
Vingt ou cinquante ans devant vous, c’est une information quantitative.
Mais, elle n’est pas garantie.
Si les gens qui prédisent se trompent et que vous changez votre vie, que ferez-vous si l’échéance n’est pas vraie ?
La vie est une succession de surprises et d’accidents qui ne peuvent pas être intégrés dans un modèle qui se fonderait uniquement, par exemple, sur la longueur de nos télomères quand on était enfant.
Un genre de calcul balayant le rôle de notre comportement sur notre longévité !
Soit la personne peut modifier le futur en adoptant un autre comportement et en posant un choix éclairé et cela peut être utile…, soit il ne peut que subir ce futur, car on ne sait pas le modifier et c’est plutôt nocif.
Je pense qu’il faut réécouter la leçon des philosophes qui, depuis l’Antiquité, nous invitent à profiter de la vie, de l’instant, à être dans le présent…., tout en sachant que cela va finir un jour.
Comme le disait Cicéron, philosopher, c’est apprendre à mourir, c’est apprendre à anticiper ce moment-là avec sérénité.
Que ferions-nous, ce jour hypothétique où nous saurions quand viendra la fin de notre histoire ?
Sans doute cela nous donnerait-il davantage conscience que nous sommes mortels, nous remettrions moins de choses essentielles à demain.
Mais cette aspiration, ou cette crainte, à savoir…, est à rapprocher de la volonté d’utiliser, davantage chaque jour, des greffes d’organes ou de cellules qui nous permettent de rester mortels plus longtemps, de repousser la fin au-delà des limites de notre corps, car il est très largement admis de recourir à ces techniques… pour changer l’échéance qui serait inscrite en nous.
Bref l’époque est vraiment pourrie et on ne sait plus qui est quoi.
Pour tout vous dire, certains pensent encore que Sarkozy est de droite, Hollande vraiment socialiste et que Mélenchon, un mec qui a toujours émargé à la gamelle des fonds publics, est Che Guevara.
Et puis, les jeunes sont de plus en plus nuls.
Moi qui adore lire, je me souviens que voici quarante ans au moins, j’avais acheté chez un bouquiniste, toute une collection qui racontait des récits de la seconde guerre mondiale, dans l’un desquels j’avais appris que l’âge moyen d’un commandant de sous-marin n’était que de vingt-quatre ans.
Imaginez aujourd’hui un jeune de cet âge commander un bâtiment nucléaire de quatre-vingt marins et vous verrez que cela fait sourire.
Dès qu’on a coupé le lien entre production et consommation, on a créé une caste factice d’individus, les adolescents aussi appelés jeunes.
Dès lors qu’il a pu acheter des disques avec l’argent donné par son papa producteur, le jeune consommateur s’est pris pour un cador et pire un rebelle.
Et pourtant, derrière la rébellion des Stones qu’y a-t-il si ce n’est que des marchands de disques instrumentalisant la jeunesse en lui fournissant un cadre culturel propice à son immaturité en vue de lui fourguer des daubes.
Pareil avec cet abruti de Michael Jackson, sans doute même pire, car au moins les Rolling-Stones n’ont jamais affiché de penchants sexuels enfantins et régressifs à l’appui de transformations faciales chirurgicales morbides, ramenant aux monstres de la prime jeunesse…
En bref comme le jeune est idiot il n’a pas compris que le marché était bien plus malin et que tout mouvement culturel était forcément le faux nez des marchands.
D’ailleurs la pseudo-convivialité et les concepts fumeux de web 2.0 (ou 3.0 je ne sais même plus) ont fait les beaux jours de Tweeter et de Facebook.
Le marché a tout compris en pervertissant les âges…, il s’agit de faire croire au jeune qu’il est adulte et à l’adulte qu’il est encore adolescent et le tour est joué.
Au coeur de mes pérégrinations hectiques, j’ai le plus grand bonheur de côtoyer des zamis totalement déjantés, l’un d’entre-eux est même à la fois inclassable, incassable et presque incasable…
Mais à priori, quand on le voit c’est le mec qui ne peut pas avoir de pathologie… et les lecteurs de ses fausses autobiographies s’en rendraient compte…
Son esprit est totalement carré, borné et apte à produire perpétuellement des réponses adaptatives simples à tous les problèmes, même complexes, puisqu’il s’agit généralement de baiser ou de péter la gueule ou d’émettre des prises de positions tranchées (c’est grand, c’est haut, c’est petit, etc.).
Il a des rêves simples (une paire de nichons et une nouvelle bagnole), des regrets simples (pas eu assez de beaux nichons et pas assez de bagnoles), des doutes simples (en poires ou en pommes parce que c’est bien les deux / Lexus ou BMW parce que les deux sont bien)… et une vie simple entre ses Katanas nippons de Samouraïs, la paire de nichons du moment qui occupent ses mains… et bien sur sa gazinière Faure brun flammé avec mijoteur dont il ne se séparera jamais.
Ce n’est pas le mec susceptible d’aller mal et ce d’autant plus qu’il a fait pas mal de physique et que pour lui tout déséquilibre mental se résout avec les règles d’hyperstatisme qu’il a apprises très jeune tandis qu’il pense que la spcyhologie c’est pour les pédés et les femmes.
Bref…, au détour d’une conversation téléphonique avec mon ami, j’ai appris qu’après avoir vendu sa voiture, une BMW bleue sur laquelle il avait fait auto-coller des bandes grises façon Shelby Cobra, que même c’était efficace, parce qu’elle pouvait ainsi rouler plus vite), il nourrissait le projet d’acquérir une Lexus.
Surpris par ce projet, j’ai laissé mon ami m’expliquer ce caprice qui prenait l’allure d’une révolution puisque qu’il était jusqu’alors le défenseur acharné des anciennes Mustang’s, des Kustom’s visqueux et de certaines automobiles étranges et autres familiales cossues (comme son ex-BMW M5 Shelbysée).
Passablement irrité, mon ami m’a expliqué qu’il voyait mal en quoi une berline familiale pouvait ne pas se justifier à mes yeux.
Il m’a expliqué que sa femelle du moment lui pesait un peu car elle manifestait quelque exaspération à l’idée de l’arrivée probable de cette Lexus : son activité de représentante chez Tupperware lui faisait préférer un break Renault…, imaginez dans quoi je me trouvait mêlé !
Il m’expliqua également que cette intense activité de revente de véhicule était liée à un nouveau changement de statut de la seule auto de société dans son entreprise.
Travaillant sur une zone délimitée par son périmètre local restreint aux activités de sa boutique de location de cassettes VHS (c’est le dernier au monde, mais il n’a plus que des vieux clients qui finissent par mourir d’ennui) et de DVD…, il avait eu le plaisir de s’entendre dire que la cylindrée de sa BMW-Shelby était trop importante au regard des engagements de son entreprise envers les lois sur l’écologie.
Pourtant, il roule modérément avec une auto qui passe entre les gouttes de l’écolocratie !
Il m’a alors confié qu’il avait 50 ans sonnés et qu’il convenait qu’il se fit un peu plaisir avant que les douleurs ne lui interdisent les contorsions nécessaires pour se glisser dans un roadster comme ma Smart Grand Sport Roadster V16 à compresseur Paxton (c’est une moquerie teintée de jalousie)…
Peu de temps avant il m’avait avoué que sa copine le battait froid.
Comme j’étais surpris par cette glaciation de leur rapports sexuels, il m’avait expliqué que sa copine lui avait, au cours d’une dispute, confié son agacement de vivre avec un radin.
Dépité, il me rappela son achat d’une 206 GTi pour elle… et fit pour moi la rapide addition des coûts engendrés par leurs copulations hors normes !
Nous évoquâmes alors nos jeunesses respectives et même notre enfance… et l’an 2000 tel qu’on l’imaginait avec des bagnoles volantes, des riches partout, des repas pris en deux pilules, plus de pauvreté et nous, heureux comme des rois avec des femmes intéressantes, des mômes épanouis et des lendemains qui chantent.
Comme pour conclure notre conversation, “Mistral gagnant” passait à la radio.
J’ai ressenti comme un coup de froid : ce devait être la Bise gagnante !
Il me dit également qu’il s’était laissé allé à des jobs faciles qui ne lui mobilisaient pas plus de quatre neurones et lui avaient rempli le compte en banque.
Je me dis que nous n’avions pas imaginé ni rêvé de belles vies comme celles-ci ; vies que nous n’avons ni vraiment ratées ni vraiment réussies : Même là nous avons fait les choses à moitié !
Nous avons évoqué les Dinky toys, la télé de Sabbagh en 819 lignes noir et blanc, avec Zorro le jeudi ; les 2 chevaux sur le bord des trottoirs, la Juvaquatre de l’épicier, les vacances à la mer, les promenades au jardin public, l’encre violette, les 45 tours des Surfs, la première mobylette ; le boucher avec son tablier blanc, le marchand de couleurs en blouse grise, les cadeaux Bonux et les épingles en bois.
Et puis voilà ; quarante ou quarante cinq ans ont passé, selon lui ou moi vu que nous avons 5 ans de différence.
Il m’a dit en finale, que s’il avait peu écrit c’est qu’il avait eu une nouvelle lubie, une de celles qui font que chez lui les trucs les plus divers s’entassent.
Peut-être est-ce du fait qu’il a décidé de s’affirmer enfin en tant qu’homme !
Toujours est-il que son esprit est allé vagabonder du côté des engins de sa jeunesse.
Et quand je dis jeunesse, je vous parle du temps de sa prime adolescence, à une époque où il pouvait déjà conduire, coucher avec des filles de mauvaise vie (tarifée) et hanter les cinémas pornos avec ses potes, réduit à fantasmer sur Farrah Fawcett Major en se tirant sur l’élastique.
Hélas pour lui, né trop tard mais pas trop quand même, il n’a pu que sauter la future femme de BHL à l’époque ou elle faisait des films pornos pour se payer une tranche de jambon en sandwich avec Klaus Kinsky…
Le législateur ayant fixé l’âge minimal pour la copulation, il fut donc frustré et je crois que son psychanalyste jungien ne l’a jamais compris parce qu’un psychanalyste ne saura jamais différencier un aventurier d’un baroudeur champion pour l’enculage d’une mouche.
Bref, ayant réactivé nos souvenirs de jeunesse, c’est avec fébrilité que je l’ai emmené jusqu’à l’entrepôt de mes souvenirs… alors qu’il ne cessait de me dire que ces vieux machins étaient nazes et que je ferais mieux d’en acquérir d’autres, plus frais.
Je n’ai eu évidemment que mépris pour les élucubrations de cet incapable de savoir ce qui est bien, beau et vrai.
Et là, cela n’a pas raté, j’ai sorti une Mustang…
Mis en confiance par ma manière prudente de rouler, il a cru qu’il pourrait me dominer.
Et dans une belle montée pleine de virages, j’ai ouvert les gaz en grand.
Et là, je n’aurais pas aimé être à sa place, parce que l’humiliation est sans doute la pire des choses qu’un mâle puisse vivre.
Allongé dans sa nouvelle Lexus anémique de coursier, le pauvre s’est pris une branlée magistrale.
Quant à moi, ayant retrouvé les réflexes de mes vingt-cinq ans, je lui ai mis deux cents mètres dans la vue, le laissant loin derrière déconfit et penaud tandis que je m’éloignais dans le soleil couchant au volant de mon cheval mécanique.
Le soir même il a sorti son katana pour s’ouvrir le ventre…, se ravisant au dernier instant…
Les années ont passé et la Lexus de mon zami est à l’automobile ce que François Hollande est à la politique, incolore, inodore et sans charme.
Ça roule, ça amène d’un point à un autre et point barre.
Même plus besoin de s’emmerder à passer les vitesses avec un truc aussi linéaire et aussi peu pêchu, autant rouler en Lada comme un besogneux.
Mais bon, à l’image de l’époque qui nous baigne de sa lénifiante bienveillance, les normes européennes sont passées par là, lissant le caractère des moteurs, abaissant les puissances et gommant les sensations…