DeTomaso Pantera…
La plus pute des italoméricaines transformée en “Pretty Woman” par un Sigisbée…
Avril s’achevait dans des vapeurs métalliques, semblables à des fumées floconantes de bateaux à aubes haletant le long d’un faible bras de rivière que la mer repousse…
Harassé de chaleur je trainais mon grand cadavre bruni, pleurant de sel et de sang l’absence temporaire de mon chien-chien Cocker Blacky, dans un lieu aux allures criardes de foire aux vanités, ou des filles de calvaire en état de béatitude aggravée, tentaient de m’engloutir dans l’étalage poissé de Monoï de leurs extases…
Toutes me semblaient niaises, lorsqu’elles roucoulaient plus fort qu’un peuple de ramiers aux flèches des cathédrales, leurs têtes mesquines penchées l’une vers l’autre, l’œil rond et sot, irréfléchi, le bec tout sucré par la crème des glaces qu’elles partageaient au même cornet.
L’une était particulièrement stupide, d’autant qu’elle batifolait avec un fanatique, à peine majeur… dont elle tentait, mais en vain, d’ébranler la fortune dans les boutiques…, cette chanteuse de variétés, un peu passée de mode, sotte et creuse, se mêlait d’avoir des idées, certaines plus communes encore que les ritournelles désenchantées qu’elle changeait en galettes d’or par la grâce d’une voix dont la rondeur sensuelle palliait au manque de puissance.
La diva voyait de la conspiration partout, des paparazzis derrière chaque parasol, si bien qu’elle me refilait, dès que nous mettions le nez dehors, le paquet cadeau de son “Sigisbée” décharné aux longues boucles cuivrées, aux longs yeux languides de petit faon, aux longues conversations, lui tenant lieu de fiancé occasionnel.
Ce couple abracadabrant, se consumait pour leur “italoméricaine”, sorte de croisement improbable entre une dérive mélancolique et une hébétude délirante de baroques passions au clair d’une lune blême, dont je me demandais l’utilité…
Qu’avais-je besoin de venir alimenter mes chroniques assassines dans un pays ou l’ombre est plus rare que les blanches gelées des jolis matins d’hiver aux dunes du Sahara ?
Je vais vous narrer cette affaire, mais sachez d’emblée que le “Sigisbée” de la Diva, a réussi à transformer la plus pute des italoméricaines, en “Pretty Woman”…
La Pute…
Si vous êtes maso et voulez vivre une aventure transsexuellement automobile, n’hésitez pas…, la DeTomaso Pantera est une abominable joyeuseté mal pensée, mal construite, mal finie…, elle chauffe comme une cocote minute sans soupape de sécurité, tient la route comme une machine à laver la vaisselle, rouille pire qu’une AlfaSud…, son coffre avant est figuratif, il n’abrite que du vent…, son capot arrière pourrait contenir un moteur diesel de sous-marin, il ne contient que du vide… et l’habitacle, positionné n’importe comment entre les deux, semble avoir été imaginé pour des nains bossus avec de longues jambes arquées d’inégales longueurs !
Ce n’est, de plus, pas la marque la plus réputée lorsqu’on parle d’automobiles sportives…, non, la De Tomaso Pantera, avec son V8 en fonte Yankee-bourrin positionné sans logique avec le design de la carrosserie au look folklorique, est une crétinerie atypique et kitch qui fut immédiatement boudée par les puristes, puis haïe par ceux qui ont eu le malheur d’en avoir acheté une (j’en suis et j’en reste marqué et traumatisé, remerciant le ciel de ne pas être sorti ruiné de cet épisode de ma vie aventureuse)…
Mais elle est adorée des carrossiers véreux… et vénérée par les garagistes sans scrupules pour qui sa tendance naturelle à pourrir et à exploser sa mécanique…, a représenté (et ça dure encore, quoiqu’elles disparaissent peu à peu) un fond de commerce important et régulier qui en a sauvé quelques-uns de la faillite…
Alejandro DeTomaso, né en Argentine, contracte très jeune le virus du sport automobile, maladie typique des riches désoeuvrés certainement transmise par son père d’origine italienne…, rebelle de salon et audacieux comme un Roméo d’opérette, il fait ses débuts de pilote en même temps qu’il développe son activité de résistance face au pouvoir politique en place (gag !)…
C’est cette dernière activité qui, selon la légende qu’il s’invente…, le conduira à s’exiler (sic !) en Italie pour éviter la prison (re-sic !)…, à Modène précisément, une ville qui ne pouvait évidemment pas laisser indifférent un passionné d’automobile soucieux de tenter de faire fortune grâce à la crédulité humaine (s’exiler à Palavas-les-flots ne lui aurait apporté aucune image et aurait de suite décrédibilisé son histoire)…
Les frères Maserati, inconscients du drame à venir, lui mettent le pied à l’étrier en l’engageant comme assistant-mécanicien sur leurs voitures de course OSCA…, puis comme pilote…
Alejandro DeTomaso en profite pour se forger une sorte de diplôme de respectabilité tout en se rendant compte que ce ne serait pas si complexe qu’imaginé de construire ses propres voitures s’il parvenait à « allumer » quelques-uns des riches désoeuvrés qui font graver leur nom au frontispice de leur palais, comme pour dire à tout-venant, leur joie et leur fierté d’avoir mené à bonne fin une œuvre très laborieuse….
Le 28 octobre 1959, la société DeTomaso Automobili voit le jour…, dans un premier temps, le pilote imagine dans une sorte de local malfamé, des voitures de course improbables dont il confie la mise au point à des apprentis-ingénieurs inconnus…, tout cela dans le but de faire tomber divers financiers inconscients dans son filet…
Mais, pressé d’arriver rapidement à ses objectifs, DeTomaso néglige la mise au point de ses voitures qui ne sont que des concepts figuratifs dont les performances sont désastreuses et la fiabilité plus que perfectible.
En 1963, DeTomaso présente sa première « vraie » voiture « routière », la Vallelunga, construite autour d’un moteur 1500cc de Ford Cortina… et s’évertue, avec elle, d’hypnotiser Ford tombé en 1962 sous le charme bestial de Carroll Shelby et ses AC Cobra 260 puis 289ci… et imagine pouvoir biaiser (enlevez le « i ») celui-ci en proposant à Ford de magnifier son image de constructeur automobile, non pas sur base d’une antique AC-Bristol américanisée par un ancien éleveur de poulets, mais d’une voiture de sport moderne, voire futuriste, une GT40 au design italien…
Les discussions n’aboutissent à rien de concret, Ford étant depuis le printemps 1963 très occupé pour réussir un coup fumant car il avait été contacté par Enzo Ferrari qui vivait d’insondables difficultés financières et voulait lui vendre son entreprise…
Aux fins d’une acquisition, Ford avait alors dépensé plusieurs millions de dollars dans un audit comptable et financier complet de la compagnie italienne et en frais juridiques…, mais Enzo Ferrari s’était retiré des négociations au dernier moment, tout cela n’étant qu’un stratagème pour mieux se vendre à Fiat…, vexé, Henry Ford II ième du nom, décidait de créer une voiture pouvant concurrencer la marque au cheval cabré : la GT40 (qui sera terminée en avril 1964), c’était là une incroyable opportunité pour Alejandro DeTomaso qui proposa de réaliser une sorte de Ferrari-Ford commercialisée dans l’esprit de la GT40…
Bingo…, Ford se fait ainsi habillement manoeuvrer… et après négociations, un partenariat est scellé permettant à la Mangusta motorisée par un V8 4L7 Ford, de voir le jour à Turin en 1966 (pour l’anecdote, il faut savoir que la mangouste est l’animal le plus redouté par les cobras, DeTomaso étant persuadé que sa Mangusta enverrait balader les AC Cobra 289 et 427 de Carroll Shelby)…
Malgré sa ligne spectaculaire (dans la lignée de la Lamborghini Miura), la Mangusta dessinée par Giorgetto Giugiaro et construite chez Ghia à raison de 400 exemplaires, est un coup d’essai qui se transforme rapidement en fiasco…, la voiture souffre d’une mise au point approximative…, la Mangusta est belle mais fantasque…, à haute vitesse l’avant se soulève et la voiture devient incontrôlable, de plus elle chauffe comme une bouilloire et tient la route comme une savonnette…
Carroll Shelby ricane, Enzo Ferrari également…, mais, en 1969, le rapprochement entre Ford et DeTomaso se concrétise plus que jamais car Ford qui veut toujours se venger d’Enzo Ferrari, passe à l’offensive dans la Sarthe avec les GT40, souhaitant écraser pour de bon la suprématie et l’insolence de Ferrari…
L’idée de Ford se nomme «vengeance et rétorsion»…, en pratique le plan est de commercialiser une Mangusta fiable, une GT-40 civilisée…, le géant américain rachète donc 80% des parts de DeTomaso et 100% du capital de Ghia précédemment acquis par la belle-famille d’Alejandro…
Suite au fiasco de la Mangusta, Ford exige «du nouveau… et vite, une nouvelle forme et un nouveau nom»… et en 1970 au salon de New York : la Pantera est née…, à ses côtés le petit constructeur dévoile simultanément une berline luxueuse, la Deauville…, DeTomaso veut en effet grandir vite, mais va commettre les mêmes erreurs que Lamborghini, autre rival direct de Ferrari, confondant vitesse et précipitation.
Propulsée par un V8 Cleveland 351ci en fonte…, la Pantera dispose alors de 270 chevaux pour figurer parmi les plus rapides GT du moment (et notamment la Corvette aux USA)…, conçue sur une coque autoporteuse/carrosserie en acier bon marché, la Pantera n’est pas très légère et elle rouille de partout…
Le V8 Ford tout en fonte n’aide pas à gagner des kilos…, pas d’envolées lyriques comme un V12 Ferrari mais un grognement viril qui se transforme en rugissement dans les tours et qui prend aux tripes et fait vibrer tout le corps…, question sensations, on est servi, mais tout le reste c’est du grand n’importe quoi !
Compte tenu du prix attractif de la Pantera face à ses rivales de l’époque, c’est une bonne affaire sur le papier, car en France, pour environ 80.000 FF en 1972 (10.000$ aux USA), on pouvait hésiter avec une Porsche 911 2.4 S, une Ferrari Dino V6 ou encore une Lamborghini Urraco…, pour trouver meilleur rapport prix/puissance, il n’y avait guère que la Corvette (C3) 5L7 qui est la pire Corvette imaginable (!!!)…
Malheureusement, tout comme la Mangusta, la Pantera ne tient pas ses promesses et les premières livraisons laissent apparaître une quantité inouïe de problèmes de fiabilité (surchauffe moteur constante, climatisation toujours en panne, corrosion immédiate de l’ensemble, impraticabilité totale, position de conduite fantasque, inconfort total, fiabilité plus que douteuse et tenue de route aléatoire…) qui font hurler les rares clients dont la majorité exige d’être remboursé…, une situation ubuesque qui laisse un goût amer aux concessionnaires Lincoln/Mercury en charge de la distribution des DeTomaso aux USA.
Enzo Ferrari jubile toujours, Carroll Shelby ricane à nouveau (mais depuis 1970 il s’est retiré de l’aventure Cobra et surtout de la saga des Mustang Shelby)…
En 1972, une première tentative pour rectifier le tir abouti à la Pantera L, complétée par la Pantera GTS dont le V8 atteint 350 chevaux…, le L pour Lusso (luxe) caractérise une présentation plus soignée et une nouvelle planche de bord…, la Pantera prend quelques kilos dans l’histoire mais ne gagne pas en qualité.
En 1974, seulement 4 ans après leur union, le divorce est prononcé entre Ford et DeTomaso…, qui n’est pas homme à se laisser abattre.., son esprit de conquête (et les millions de dollars que Ford à englouti dans DeTomaso), le dirige vers des rachats de marques aussi emblématiques que Moto-Guzzi, Maserati et Innocenti…, tout en continuant de fabriquer la Pantera.
C’est une longue et pénible agonie qui se terminera en 1995 (sur une production totale de 7.210 exemplaires, seules 200 Pantera auraient été importées en France pour quelques dizaines encore en circulation aujourd’hui, selon le club officiel)…
La DeTomaso Pantera est une voiture-arnaque, «un piège à cons» qui n’impressionne que les quidams…, elle parait aussi exubérante qu’une Lamborghini Countach, mais sans aucune classe… et surtout sans aucun savoir-faire…, on peut ainsi compter sur environ 40.000 euros pour «se faire avoir» avec un exemplaire «moyen» de Pantera L de 1973…
C’est, pour ainsi dire, quasiment la pire super sportive italienne des années 70’s, un gouffre financier pour tout collectionneur qui espérait pourtant rouler sans avoir un portefeuille de millionnaire… et qui se retrouve piégé…, obligé à son tour de raconter les pires bobards du genre à des pôvres hères égarés dans le panier de crabe de l’automobile de collection, pour espérer en être quitte.
La corrosion est le premier élément à inspecter scrupuleusement, pas pour la déceler, mais pour jauger les rares parties épargnées (qui sont souvent alors des réparations en choucroute)…, parmi ses mauvais gènes italiens, la Pantera a en effet celui d’une grande sensibilité de sa structure à la rouille qui s’y installe durablement…
La mécanique venue de chez l’oncle Sam est loin d’être idéale, le bloc V8 culbuté en fonte est fragile, il ne supporte pas les hauts-régimes et la surchauffe est chronique…, de plus l’accessibilité est malaisée pour la majorité des interventions, le moteur étant mal positionné juste derrière l’habitacle en un endroit situé avant l’ouverture du capot-moteur qui ne s’ouvre que sur du vide et la boîte de vitesse…
Pour la moindre réparation, pour le moindre réglage, il faut démonter les sièges et la cloison derrière eux…, cette disposition rend la cabine étouffante, comme un sauna roulant, avec en sus l’inconfort de la position en grenouille inversée, cela dans un vacarme assourdissant, avec en prime, l’obligation de se contorsionner pour sortir de cet enfer, le pilier d’ouverture de porte se trouvant à hauteur du bassin, obligeant à avoir des jambes en caoutchouc pour en sortir…
La DeTomaso Pantera est une automobile camionnesque transsexuelle autiste et tyrannique, oeuvre de salopards-prédateurs-pervers et sans scrupules, qui la destinaient aux nouveaux-riches américains voulant s’encanailler à bon compte avec une sorte de Maîtresse en bottes de cuir… et se sont retrouvés avec un camionneur vulgairement maquillé qui les a sodomisé bien profond…, celles qui restent survivent grâce aux mêmes techniques de sujétion…, si vous êtes maso et voulez vivre une aventure transsexuellement automobile, n’hésitez pas !
Sauf que…, un miracle est possible…
La “Pretty Woman”…
Ceux qui croient que le “Sigisbée” est un amant, sont dans une grande erreur : il est l’ami commode de la femme, quelquefois l’espion du mari, mais il ne couche point, et c’est sans doute, de tous les rôles, le plus plat à jouer en Italie.
Un “Sigisbée”, ou chevalier servant, est un homme qui, dans la noblesse de l’Italie du XVIIIe siècle, accompagnait officiellement et au grand jour une dame mariée.
Le “Sigisbée” permettait aussi au mari, en l’absence de son épouse, de recevoir des amis et de se livrer, en la galante compagnie de courtisanes ou de simples prostituées, voire avec d’autres épouses accompagnées de leurs “Sigisbées”, à des débauches plus ou moins tolérées par la maîtresse de maison.
Le “Sigisbée” permettait aussi à la dame d’un certain rang de se livrer à des excursions, voire de séjourner dans une seconde résidence, ou de voyager, alors que son époux était retenu par des affaires ou d’autres occupations…
Cette coutume, outre qu’elle soulevait des problèmes liés à la fidélité conjugale et à la légitimité des filiations, contribua à donner une image négative de la morale des Italiens…, c’est pour cette raison, qu’au cours de la première moitié du XIXe siècle, les patriotes du Risorgimento condamnèrent cette pratique, déjà en net recul à la suite de l’introduction en Italie des idées de la Révolution française… et y mirent un terme.
Toujours est-il que le “Sigisbée” de la Diva en second rôle vedette de cette chronique, a voulu re-créer la DeTomasoPantera, en la modifiant au maximum de ce qui lui était possible.
Le principal n’a pu toutefois être recréé, c’est-à-dire : la voiture en elle-même, mal conçue dès l’origine, avec une position de conduite épouvantable et une implantation mécanique mal pensée question accessibilité, réparations et utilisation de “l’espace”…
Cela mis-à-part, tout a été modifié, les photos vous émerveilleront…, ce qui m’évite de passer une heure à tapoter des légendes-photos…
Voilà…, c’est tout…
CHRONOLOGIE
1970 : Présentation du prototype Pantera au salon de New York.
1972 : Premier restylage (Pantera L) et nouvelle Pantera GTS (300 chevaux DIN). Modèle de compétition Groupe 4 (500 chevaux).
1974 : Séparation de Ford et DeTomaso.
1981 : Pantera GT5 avec ailes rivetées en polyester.
1986 : Pantera GT5 S, V8 de 330 chevaux.
1991 : Second restylage par Marcello Gandini, la Pantera type 200 (ou Pantera II) inaugure un V8 Ford 302 ci de 305 chevaux DIN.
1995 : Arrêt de la production de la DeTomaso Pantera. 7.210 exemplaires construits.