Joies et malheurs en Mustang Boss 302 et Shelby GT 350…
C’est la suite de “Comment en suis-je arrivé là ?“ et a été publié pour la première fois en février 1981 dans mon magazine Chromes&Flammes.
Il faisait le contrepoint vécu d’un vaste article sur l’histoire de la Ford Mustang !
Il était rédigé et présenté comme l’histoire authentique d’un passionné de Mustang (moi, himself, Patrice De Bruyne/Quelqu’un) qui a décidé un jour de sauter le pas (pour son plus grand malheur).
Je n’en dit pas plus, l’histoire parle d’elle même !
L’article a ensuite été publiée dans le magazine et dans le site-web du Mustang Club de France…, ainsi que dans mon site www.GatsbyOnline.com première mouture…
Je le « re-publie » avec de meilleures photos et diverses corrections, ainsi qu’avec un léger remodelage de l’écriture.
En 1973, j’eus la chance (sic !) de posséder une Mustang Boss 302…
Beau monstre jaune que j’avais voulu acquérir au mépris de mes économies avec reprise d’une Morgan 4/4 2 places de 1970.
C’était peu avant les limitations de vitesse, la crise de l’énergie pointait au loin… mais qu’importait !
La Boss, c’était l’image de Daytona et des courses Trans-Am de ’69/’70 où Parnelli Jones sur la Boss n°15 tenait la dragée haute aux Plymouth, Javelin, Pontiac et Camaro…
Tout ça…, c’est la légende !
La Boss, c’était un moteur hyper musclé, une caisse surbaissée aux bandes décoratives agressives, une prise d’air sortant du capot et « bougeant » avec le moteur…, des pneus 60 X 15 à une époque où c’était rare sauf sur les premiers Buggy’s…, une jalousie arrière style Miura… et un levier de changement manuel « Hurst » 4 vitesses.
Conduire et entretenir la bête…, c’était différent.
Retour dans les années de mes 20 ans, les seventies…
La Mustang Boss 302 dont il est question ci-après, était une 1969 qui avait appartenu au multiple champion du monde cycliste belge Eddy Merckx (voir photos)…, mon périple qui s’est avéré une descente aux enfers… (que je narre avec humour) a eu lieu en 1973, c’est à dire que la Boss 302 n’était pas « OldTimer » mais une voiture d’occazzz de 4 ans avec environ 12.000 kms au compteur qui avait été offerte neuve gratis par Ford Belgique, via le garage Pat-Gautot à Alost, en Flandre, Belgique, à Eddy Merckx multiple champion cycliste, dans le cadre d’une promo Ford en Belgique consistant à « offrir » une Boss 302 à chacun des trois champions Belges de l’époque : Joël Robert une rouge…, Eddy Merckx une jaune…, Jacky Ickx une orange…
Vu les soucis mécaniques, et malgré que les voitures étaient sous garantie Ford, ils ont tous (chacun son tour) vendus leur Boss 302 parce qu’elles étaient toujours en panne !…
J’avais seulement 24 ans (né en 1949) quand j’ai acheté la Boss 302 ex-Eddy Merckx (sans connaître la non-fiabilité de cette voiture), au Garage « Palais de la Voiture » de Charles Jorion à Ixelles, Bruxelles, Belgique, pour l’équivalent de 35.000 FF de l’époque…
Les problèmes vécus (incessants) que vous allez vivre ci-après, ne provenaient donc pas de la « vétusté » d’un modèle ancien, mais étaient chroniques depuis la sortie d’usine des Boss (honte aux journaleux de l’époque qui n’ont jamais rien publié d’authentique et honte à Ford d’avoir soigneusement camouflé tout cela)…
Le garagiste Pat-Gautot s’arrachait d’ailleurs les cheveux à chaque fois que je débarquais pour réparations (chaque semaine), m’incitant à liquider « cette merde » pour acheter une Capri « fiable » (sic)…
-1er jour, l’achat… Je me déleste de 35.000 FF, c’est à dire : ma Morgan + 4 de 1970 plus 15.000 FF (je regretterais la Morgan que j’avais acheté en 1970 et que j’avais acquise sur la reprise de la Renault Dauphine de mes 20 ans en 1969, ET de mon excellente Mazda 1200 Coupé (les photos ci-dessus sont d’époque). Je fais le plein et en route vers mon domicile 100 km plus loin. Fabuleux… 1/2 heure plus tard j’y suis, mais le réservoir de 60 litres est presque vide !
– 2ième jour… Je snobe les piétons, frime à en mourir de plaisir et accélère comme un fou à chaque feu de trafic. Résultat : en début d’après-midi l’embrayage est mort.
– Du 3ième au 7ième jour… Réparations : 2.000 FF.
– Du 8ième au 9ième jour… Frime et accélérations… Conséquence : embrayage mort !
– Du 10ième au 14ième jour… Réparations : 2.000 FF.
– Du 15ième au 16ième jour… Extases “métaphysicomécaniques” !
– 18ième au 21ième jour… Réparations : 2.000 FF.
– 17ième jour… Agonies “metaphysicomécaniques” (embrayage mort pour la 3ième fois).
– 21ième jour… Devinez ce qui est arrivé à l’embrayage sur l’autoroute en reprise de 2ième et 3ième ?…
– 24ième au 28ième jour… Réparations : 2.000 FF, plus un nouveau train de pneus arrière : 1.900 FF, plus un nouveau démarreur : 800 FF (la compression du moteur est de 11 à 1, c’est dur à entraîner)… Mais attention, le disque d’embrayage est rectifié et la matière provient de plaquettes pour bulldozer !
– 29ième jour… OK, ça tient…
– 31ième au 38ième jour… OK, ça tient (encore) mais le circuit électrique a grillé : c’est bizarre…
– 30ième jour… OK, ça tient toujours…
– 39ième jour… Les vacances sont là, la Boss tient le coup, oserait-on partir sur la Côte d’Azur avec la bête ? Mon épouse se laisse convaincre (ce fut très dur)…
– 45ième jour… Départ tôt le matin. Pour ne pas risquer un divorce, j’ai tout prévu en cas de pépins…, je commence à connaître la voiture : 1 pneu 60 X15 (introuvable à cette époque en France)…,1 pompe à eau…, 1 alternateur + 2 régulateurs + divers jeux de courroies + 1 système d’embrayage (et oui)…, des bougies, vis platinées (à l’époque l’allumage électronique c’était de la science fiction)…, lampes, etc., etc., etc… La banquette arrière est baissée et tout l’espace est occupé par ces pièces de rechange et par les bagages de vacances !
– 46ième jour… Arrivée plein sud, tout va bien, mais ça consomme 60 litres aux 100 kms, refaire la même chose actuellement, faut pas être smicard !
– 45ième jour… Dans l’après-midi, à 135 km/h la direction tressaute, regards courroucés de mon épouse… Sur la bande de roulement du pneu avant droit une excroissance…, trop vite pour les pneus ? Je roule au ralenti jusqu’à la station d’autoroute suivante… Croyez-vous qu’ils possédaient le matériel pour monter et démonter des pneus ? Oui ! Mais pas pour des aussi larges !
– 47ième jour… La pompe à eau claque… Je répare, ma femme bronze, je noircis mes mains.
– 48ième jour… La fourrière de St-Tropez embarque la voiture : coût : 500 FF.
– 49ième jour… Le régulateur lâche. J’en ai deux en réserve, tout va bien…
– 50ième jour… Le régulateur a été changé (j’en avait deux, celui qui reste en réserve est le seul disponible en Europe, d’autant que c’est la période des vacances)… Mais c’est le démarreur qui est hors d’usage… Là je suis embêté car je n’en ai pas de réserve… Je « monte » la voiture sur le cric, je me glisse dessous, je démonte, je tripote, j’ôte deux ou trois pièces inutiles (gag !), je remonte… et ça marche…, mais comme la voiture était encore sur le cric, elle glisse en arrière et écrase tout l’attirail de plage que ma femme avait déposé. Je remonte la voiture (il n’y avait pas moyen de l’avancer puisque tout l’attirail la bloquait), ma femme se couche à l’arrière, tend son bras pour récupérer le bazar… et… et… et… la voiture retombe à nouveau en arrière… Cris de mon épouse, effroi de moi-même… Heureusement rien…, mais l’attirail de plage (500 FF) est définitivement hors d’usage (les photos ci-dessous ont été faites peu après cet épisode)…
– 51ième au 60ième jour… Il ne s’est rien passé… Miracle ? Non, car mon épouse a posé un ultimatum : Ou bien on laisse la voiture dans un parking ou alors je retourne chez ma mère ! J’ai cédé… La voiture doit m’en vouloir et me préparer diverses surprises…
– 61ième jour… Voulant faire un petit tour avec la voiture…, le régulateur a lâché, il ne m’en reste qu’un !
– 62ième jour… Oh joie, le coffre se vide peu à peu…, il n’y a plus qu’un embrayage, un alternateur et quelques courroies en rechange… Eh bien, l’embrayage est mort…
– 63ième jour… Recherche d’un garage ouvert qui a le temps et les compétences…
– 64ième au 65ième jour… Réparations : 1.800 FF rien que pour la main-d’œuvre ! Mon épouse est folle de joie !
– 66ième jour on rentre… A Lyon la lampe rouge de charge s’allume… Courroies ? Régulateur ? Alternateur ? Espérons que ce ne soit pas le régulateur, je n’en ai plus ! Par chance, c’est l’alternateur… Il n’y a plus que des courroies en stock… C’est Fâcheux…. Je pense à la traversée du désert sans eau ! Paris est encore loin… et Lille est au-dessus de Paris ! Il pleut, au moins les pneus ne chauffent pas… Je roule à 180 km/h (a cette époque il n’y avait pas de limitations de vitesse sur autoroutes), au moins l’embrayage n’est-il pas sollicité…, je croise les doigts. Paris enfin, encore quelques heures et nous sommes à Lille. Etrange ce cliquetis… Et soudain… Boum, le capot s’envole, une pièce métallique casse le pare brise, la voiture s’affaisse de l’avant provoquant une gerbe d’étincelles ! Derrière : un brouillard d’eau et d’huile bouillantes… La voiture part en travers…, lentement…, effectue un tête-à-queue vers le côté droit… et s’arrête devant une borne d’appel… Quelle chance, il n’y a qu’à sortir pour téléphoner (à cette époque les GSM n’existaient pas)… Et à côté de moi mon épouse réclame ses parents et le divorce !
– 67ième jour… On finit le voyage par le train. J’en profite pour faire un bilan. Point positif (le seul) : les courroies de secours étaient inutiles… Points négatifs, les vacances furent cauchemardesques et le bilan financier est catastrophique. De plus, mes illusions et rêves se sont envolés, j’en viens à regretter ma Dauphine…
– 72ième jour… La voiture revient elle-aussi via un transporteur (ce qu’il en reste !)…
– 73ième jour… Je libère mes instincts devant le vendeur de la bête ! “Je vous fait, dit-il, la meilleure proposition de votre vie, en échange de l’engin et de 20.000 FF vous prenez possession de cette Shelby GT350 décapotable” !
-74ième jour… Je roule en Shelby GT350 1970, décapotable…
Aurais-je eu de la malchance avec la Boss ?
(Ceci est une pause pour rire une vingtaine de minutes, boire un verre d’alcool fort et aller faire pipi)…
Je n’en sais rien !
Les connaisseurs me rétorqueront que rouler avec une voiture de compétition adaptée pour un usage quotidien apporte ce genre de satisfactions, les autres rient toujours…
Et la Shelby ?
Elle est plus fine, moins agressive, mieux finie…, rouge, bandes GT jaunes fluorescentes sur les flancs, capote blanche…, elle a belle allure.
Le moteur 5L7 est plus performant que le 4L9 de la Boss.
Elle est plus souple, moins brutale et consomme 4 fois moins (15 L/100 quand même).
En deux ans de conduite, je ne casserai plus d’embrayage, ne changerai plus de pompe à eau, régulateurs, alternateur, etc…et je m’amuserai tout autant (même bien plus), mais sans pouvoir m’identifier, comme auparavant, à Parnelli Jones…
Après 5 ans, sans jamais de pannes, que du plaisir, en ce compris l’utilisation de la Shelby dans mes “affaires” d’édition…, je l’ai vendue (bêtement) à un Suédois qui l’a revendue à un Américain du Michigan qui l’a restaurée à 100%…