Hot-Morgatti et Hot-Rodatti en or 24k…
Une Morgan au look Bugatti avec des jantes Lamborghini et un Hot-Rod au look Bugatti, les deux avec leur accastillage respectif en or 24k, si cela semble outrageusement scandaleux, n’en voulez qu’aux “ceusses” qui alimentent financièrement les rappeurs ! Mieux vaut vous préparer au pire en lisant cet article, car ce ne sont que deux folies de plus parmi les excentricités réalisées par Timothy Adry Emmanuel, un artiste virtuel Indonésien qui se cache derrière le compte adry53customs sur les réseaux asociaux, qui a décidé que l’été 2021 n’avait pas été assez chaud et que nous devions pour l’hiver avoir notre sang près du point d’ébullition avec ses nouvelles création nommées “Hot-Morgatti” et “Hot-Rodatti” qui devraient être réalisées “en vrai” pour un rappeur célèbre qui désire déclarer au monde entier son amour (mais pas le plus grand respect) pour les Hot-Rod’s, les Morgan’s et les Bugatti’s d’avant-guerre, dont bien sûr, la plus célèbre de toutes, la Type 57 avec ses variantes (Atlantic, La Voiture Noire, etc. en vedettes dans le Gatsby N°5). Sur base d’une ancienne Morgan +8, et d’un Hot-Rod modèle T-Bucket, il a tenté de leur donner l’aspect de Bugatti’s Type 57SC de 1937 qui auraient été transformées en Roadster façon Morgan et façon Hot-Rod, imprégnées l’une et l’autre d’un design art-déco-steam-punk-bling-bling… Il y a là, matière à suicide pour un grand nombre de gens idolâtrant les Morgan’s et les Hot-Rod’s… Se jeter dans le vide abyssal du puits sans fond de la connerie humaine, étant la seule réaction “positiviste” devant ce carnage !
Le résultat ensaché domine en effet au plus haut dans les airs, tout ce qui a été réalisé de crétin jusqu’ici, les jantes d’une Lamborghini Murcielago 2003 donnant à la Morgatti un cachet surréaliste faisant penser à une réutilisation de pièces volées. Mais quelqu’un se soucie-t-il même de commencer à essayer de comprendre le raisonnement derrière ce que le créateur et son client rappeur qualifient d’œuvres-d’art automobile ? Pas vraiment, probablement. Bien qu’à un niveau subliminal, j’attends de voir un carrossier essayer de les reproduire en réel… Les merdias asociaux auront besoin d’une dose de folie vintage (totale) avant de jouir…
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Bling-bling fait partie de l’ensemble des mots qui sont entrés dans le dictionnaire “Le Petit Robert”. Cet emprunt à l’anglo-américain peut fonctionner, d’après ce dictionnaire, comme nom masculin invariable ou comme adjectif : “Qui affiche un luxe ostentatoire et clinquant”. Un aperçu de son utilisation dans la presse française met en évidence que cette définition ne rend pas compte de la teneur populaire du mot, c’est-à-dire des échos implicites qu’il éveille et véhicule dans la communauté linguistique. Je vais m’intéresser ici à la trajectoire de cet emprunt dans la presse française et à la charge culturelle partagée que ce terme a acquise au fil des années en France, notamment dans le débat politique, mais pas seulement, sans par ailleurs perdre sa signification première. D’après l’Oxford English Dictionary, bling est un terme d’argot issu du langage du rap et du hip-hop utilisé fréquemment avec redoublement : bling-bling. Il serait probablement une imitation représentant l’effet visuel de la lumière réfléchie par des pierres ou métaux précieux. Il est utilisé en anglais comme substantif (désignant des bijoux ostentatoires, et, en conséquence, l’étalage de la richesse, de la consommation) ou comme adjectif qui signifie “tape-à-l’œil” » (pour un bijou flamboyant ou une robe), ou qui glorifie la consommation ostentatoire.
Ce néologisme arrive en France dans les années deux mille, ce qui a été le cas de beaucoup d’autres termes appartenant au domaine de la musique (rap, hip-hop, slam). Du point de vue formel, il s’agit d’un cas de non-intégration d’un mot étranger, qu’elle soit phonétique (sa prononciation n’est pas conforme aux normes du français) ou graphique, mais ce mot a tout de même été intégré au système lexico-grammatical du français, si l’on tient compte du fait qu’il peut recevoir les marques de pluriel ainsi que certaines dérivations suffixales : bling-blinguiser, bling-blingant, bling-blingissime, bling-blinguerie, bling-blinguisation... L’adoption de cet emprunt produit une double réorganisation sémantique du lexique français : d’un côté, bling-bling se présente accompagné d’une réalité étrangère qui n’a pas d’existence dans la culture de la langue d’accueil (un style de musique, un type de pendentif…) et il enrichit le lexique de celle-ci par accumulation. D’un autre côté, le mot emprunté entre en concurrence avec des mots et des réalités proches dans la langue d’accueil. Le lexique de celle-ci s’enrichit en étendant son champ de synonymes, en l’occurrence : “tape-à-l’œil”, “clinquant”, “parvenu”…
Les procédés de réorganisation sémantique du lexique de la langue d’accueil sont soumis à des influences d’ordre social, économique et culturel. Dans le cas de bling-bling, la force des mouvements de mode et notamment du langage des médias a été déterminante dans sa promotion : elle a favorisé son intégration et l’a fait perdurer dans le temps au point d’aboutir à une assimilation que l’on pourrait considérer comme accomplie. Cet anglicisme est devenu en peu de temps un mot très fréquemment utilisé dans les médias français, d’où il a été exporté vers d’autres langues romanes avec les connotations socio-politiques qu’il a acquises en France. Mais bling-bling n’a pas perdu son premier emploi : il apparait toujours en filigrane et influence les emplois ultérieurs.
Le mot apparaît pour la première fois dans la presse en France le 9 mai 1997 : on le trouve dans Sud Ouest, non pas comme un emprunt à l’anglo-américain mais comme une onomatopée imitant le son de certains instruments musicaux : “Chaque musicien bruitait son instrument “ploum-ploum”, “tchac-tchac”, “bling-bling”, etc…
Durant les premières années de la décennie, l’expression est utilisée à plusieurs reprises dans Libération au sein d’articles consacrés à la musique et désignant les bijoux et le bruit qu’ils produisent portés par certains membres de groupes de hip-hop… “En tout cas le hip-hop prend le contre-pied d’un rap sur-commercialisé, faisant l’éloge des marques de haute couture Gucci, Versace et des chaînes en or qui font bling, bling”. (Libération, 4 décembre 2000). “Sur une musique synthétique, les Hot-Boyz glorifient leurs bijoux Bling, Bling”. (Libération, 3 février 2001). “Les 100 meilleurs Clips de Bling Bling”. (Libération, 6 septembre 2001). L’expression élargit par la suite son fonctionnement sémantico-référentiel et est associée à une esthétique qui semble prendre de l’ampleur, décrite à partir d’accessoires voyants : “bijoux-breloques-gris-gris, sacs perlés et boas” (Le Progrès, 5 septembre 2004), “le culte des Lexus et des chaînes en or” (Le Monde, 30 juin 2005), “bijoux clinquants, voitures flamboyantes, vêtements de designers, une avalanche de diamants en strass” (Le Figaro, 28 février 2006), “grosses cylindrées, bateaux et filles en bikini” (Sud Ouest, 13 janvier 2008)…
Le fonctionnement onomatopéique ne disparaît pas, il ajoute une certaine dérision à l’esthétique décrite. L’utilisation du terme dépasse rapidement le domaine musical : il est récupéré par le marketing et on le trouve dans les rubriques de mode ; ainsi, dès le 5 septembre 2004, celle du Progrès parle de la tendance Bling-Bling. Par ailleurs, dans Le Figaro, on commente une exposition de broderie organisée à Zurich, qui prend comme titre Bling-bling pour montrer des tissus de rêve de Saint-Gall au Musée national suisse. Cette tendance ostentatoire n’échappe pas au high-tech, comme le rappelle Le Point du 4 juillet 2006 lorsqu’il présente les Produits du futur bling-bling : téléphone portable en or jaune ou blanc 18 carats incrusté de diamants et inspiré de pièces de joaillerie ; un écran de 71 pouces doré à l’or fin ; interrupteurs dorés et argentés ; téléphones dans une robe dorée insolente… Le Figaro parle de la bling-bling attitude, qui est de mise chez les traiteurs, dans les épiceries fines et les grands restaurants. “L’Europe découvre les vertus décoratives de l’or. Apparues sur les ganaches des chocolatiers, les paillettes du métal jaune illuminent désormais les macarons notamment chez Pierre Hermé, les éclairs, les calissons, le thé, les vodkas, les huiles, voire les confitures” (Le Figaro, 30 décembre 2006)
Bling-bling devient un mot qui attire l’attention des journalistes et des lecteurs. On trouve de nombreuses rubriques qui lui sont consacrées et qui retracent son parcours en France. Ainsi Le Point insiste sur sa rentabilité et lui consacre un bref article le 21 décembre 2006 (Marketing) en l’intitulant : “Le bling bling, est un filon en or” ! Un certain temps s’est écoulé entre l’apparition du terme bling bling, qui désigne l’attirail ostentatoire des rappeurs américains et sa récupération par les pros du marketing. Mais le clinquant dégouline des rayons. La marque de cosmétiques Hard Candy lance le fard pailleté Bling Bling pour les yeux, Boucheron propose une eau de parfum Diamant à 72 euros les 50 millilitres. Au rayon boissons, la vodka Bling Bling d’Absolut a le même goût qu’une vodka classique, mais sa bouteille recouverte d’or permet à la marque suédoise de la vendre plus de 12 euros le litre. Dans le genre poudre aux yeux, on trouve l’eau Bling H20, dont la bouteille est cloutée de cristaux Svarovski. Et aux États-Unis, les garagistes proposent des jantes en or massif dont le prix peut atteindre 50.000 dollars pièce. Avec cette nouvelle tendance, c’est surtout la caisse enregistreuse qui fait bling bling.
Le mot bling-bling devient ainsi un élément clé de la recherche de spectacle propre au discours journalistique. Cela explique sa présence très fréquente dans les titres (ou les sous-titres) qui ont comme objectif d’attirer le lecteur et de situer le texte qui suit dans un contexte socio-politique ou socio-culturel. Le mot bling-bling se prête sans beaucoup d’effort au spectacle. Le “choc des mots et des images” participe bien du principe de plaisir auquel est assujetti tout discours médiatique, on montre les bijoux flamboyants des rappeurs, un restaurant de Dolce & Gabbana à Milan, Gold, où tout est doré… Mais on fait du spectacle également sur une exposition, les événements les plus variés deviennent des occasions de faire jouer le mot vedette ! Mais ce mot devient aussi peu à peu un mot stigmate, voire un mot-tabou : une nouvelle connotation péjorative (mais non généralisée) apparaît lorsqu’on parle par exemple “des clips bling bling, gorgés de dollars, de champagne, de villas immaculées, de machos moches et de bombes en string” (Le Parisien, 31 juillet 2006). On définit le bling-bling comme étant de “la course à la frime et à l’argent qui noyaute le hip-hop au détriment de la dimension artistique” (L’Humanité, 21 août 2006), ou on le caractérise par “des bagues surdimensionnées, des colliers plastron en or massif, ou des bijoux cylindriques empruntant au vocabulaire automobile” (Le Figaro, 2 novembre 2006). Cette charge référentielle sera reprise et intensifiée lors de l’application du terme au domaine de la politique.
C’est bien là l’originalité française : le terme bling-bling va être associé au style, jugé ostentatoire, de Nicolas Sarkozy et de son entourage politique. Dans ce contexte, bling-bling devient le mot clé d’un discours conflictuel qui oppose la presse française au président de la République (et à la droite au pouvoir). Dans ce K-O. verbal est disqualifié non seulement un discours, mais une personne et son identité. Dans le cas d’une communication conflictuelle, il ne s’agit plus seulement de transmettre sagement une information. D’autres fonctions sociales de la langue peuvent compléter sa fonction première de communication ; il s’agit bien de disqualifier, de dénoncer, de ridiculiser… Bling-bling sera chargé d’effets discursifs durables liés à la prise de parti dans un débat social : on assiste à une déformation consciente et volontaire du terme. À part Doc Gyneco, les rappeurs n’aiment pas Sarkozy. Pourtant, ils ne manquent pas de remarquer qu’il porte (presque) la même panoplie. Lunettes Ray-Ban, chaîne en or, chronographe Breitling au poignet : comme eux, il aime les marques, le luxe et ce qui brille. Bref, ce que, dans la mythologie hip-hop, on appelle le bling-bling.
Après l’élection, deux semaines plus tard, Libération parle de “la bling-bling intronisation de Sarkozy” (Libération, 19 mai 2007), le jour même où Nicolas Domenach publie dans Marianne un article (dans un discours ironique-conflictuel), intitulé “La droite bling-bling” : La droite sarkozyste a célébré sa revanche sur la gauche caviar et le gaullisme mormon en prenant d’assaut le Fouquet’s. Pourquoi payer si cher pour mal manger ? Pour que ça se voie !
Et, qu’on se le dise, nous avons un nouveau président sans tabou qui ose l’impossible : s’afficher pour quelques jours de vacances en famille sur le yacht, avec jacuzzi s’il vous plaît, d’un ami milliardaire, fier d’aider à régénérer la force de travail d’un homme politique qui se lève tôt ! Audace et modernité inouïes, immédiatement saluées par cette France qui se couche tôt parce qu’elle rentre de boîte de nuit et bientôt de Suisse, puisqu’on va lui réduire ses impôts. La droite bling-bling est celle du ressentiment fiscal. La droite de la bulle de champagne.
On ne dira jamais assez l’importance de la lutte des classes à Neuilly. L’humilié, le petit Nicolas, a pris sa revanche. Sur le yacht de son pote, comme un bras d’honneur avec Rolex au poignet. Bing-bling… L’emballement médiatique que subira ce mot se déclenche en décembre 2007 (et coïncide avec la publication des clichés qui montrent Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à Disneyland Paris). Libération publie alors la photo de Sarkozy avec le titre Président bling-bling. Les occurrences du terme se multiplient les mois suivants dans pratiquement toute la presse française, aussi bien nationale que régionale. Il s’insère, lorsqu’il est question de politique, dans un discours fortement conflictuel dont bling-bling est le mot clé. Les nombreux dérivés du nom du président que l’on peut trouver dans les documents qui utilisent le terme bling-bling font état de cette fixation des médias sur le personnage présidentiel : sarko-addiction, sarkoberlusconisme, sarckoboy, sarko-circus, sarkocompatible, sarko-convertis, sarkocratie, sarko-doléance, sarko-France, sarkohéros, sarkoïser, sarkolalie, sarkoland, sarkolâtrie, sarkoléon, sarkoleptique, sarkologue, sarkomanie, sarkonoïa, sarkonomics, sarkophage, sarkophilie, sarkophobie, sarkophrénie, sarko-populisme, sarkopragmatisme, sarkosarkozyste, sarkose, sarko-show, sarko-telling, sarkoverdose, sarkowii, sarkozade, sarkozette, sarkozie, sarkozien, sarkozix, sarkoso-dépendant, sarkozie, sarkozysation, sarkozisto-bling-bling… Le Point, Marianne et Libération se disputent la paternité de la mise en discours politique du terme : “Bling-bling c’est nous !”, titre Le Point le 3 janvier, rappelant que le mot avait été utilisé dans l’hebdomadaire le 3 mai 2007. Ce à quoi répond Marianne : “Le Point se la pète” !
Et voilà que l’hebdomadaire Le Point exhume de ses caves un article passé totalement inaperçu afin de toucher des royalties de reconnaissance sur l’expression “droite bling-bling”. L’organe directeur du sarkozysme pensant avait bien écrit entre deux pubs que “le candidat de l’UMP aime ce qui brille. Ce que, dans la mythologie hip-hop, on appelle le bling-bling, mais le faraud n’avait pas élaboré le concept de droite bling-bling que Marianne a forgé”. (Marianne, 12 janvier 2008). Le terme bling-bling continue sans faiblir à être associé à ce style présidentiel, mais ne s’y circonscrit pas, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Sa médiatisation associée au président semble favoriser son utilisation dans beaucoup d’autres domaines. Mais il met aussi en évidence que la fortune du mot ne leur est pas exclusivement liée. Comme il a été observé plus haut, il peut être aussi question de musique, de mode, de boissons, de nourriture, de sportifs, etc. À partir de 2007, ce type de gloses disparaît pratiquement : preuve que le mot est entré dans l’usage et que sa signification est bien connue du lecteur. Mais à leur place apparaissent des articles, plus ou moins longs, ayant pour objet principal de tracer les origines et l’histoire du bling-bling en France. Les titres de ces articles cherchent à attirer l’attention !
Dans la société française très médiatisée, l’utilisation et la promotion de bling-bling obéit bien aux impératifs de captation propres à la communication médiatique. Ce mot a des atouts aussi bien en ce qui concerne sa forme que son contenu (évocation de l’éclat, de la lumière…) : il est ainsi un élément de l’écriture journalistique faisant partie de la recherche de spectacle. Mais son succès est également dû à sa forte valeur référentielle (le Fouquet’s, la Rolex, l’or…) indiquant (et stigmatisant) la recherche de visibilité d’une certaine classe politique (ainsi que des chanteurs ou des sportifs).
Mot vedette d’un discours polémique, bling-bling devient en France, en définitive, le centre d’une mise en scène ludique de démasquage, de disqualification ou même de ridiculisation de l’adversaire sur le mode de l’ironie. Le transfert de ce terme du monde du rap et du hip-hop à celui de la politique (et l’emballement médiatique à propos du goût pour le luxe de la droite au pouvoir) est en quelque sorte l’effet boomerang d’une tendance à la peopolisation de la politique (exhibition de la vie privée, étalage des richesses).
2 commentaires
Est-ce qu’une Bugatti était bling-bling pour son époque, où le français moyen se déplaçait à vélo quand ce n’était pas en charrette, ou bien y’a-t-il une accélération dans l’étalage des richesses, l’étalage pour l’étalage ?
“Jadis notre nature n’était pas ce qu’elle est actuellement. D’abord il y avait trois espèces d’hommes, et non deux comme aujourd’hui : le mâle, la femelle, et en plus de ces deux-là, une troisième composée des deux autres ; le nom seul en reste aujourd’hui, l’espèce a disparu. C’était l’espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, dont elle était formée. De plus chaque homme était de forme ronde sur une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération, et tout le reste à l’avenant. […] Ils étaient aussi d’une force et d’une vigueur extraordinaire, et comme ils étaient d’un grand courage, ils attaquèrent les dieux et […] tentèrent d’escalader le ciel […] Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant ; ils ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre, comme ils avaient tué les géants ; car c’était mettre fin aux hommages et au culte que les hommes leur rendaient ; d’un autre côté, ils ne pouvaient plus tolérer leur impudence. Enfin, Zeus ayant trouvé, non sans difficulté, une solution, […] il coupa les hommes en deux. Or, quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et s’embrassant et s’enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble […] C’est de ce moment que date l’amour inné des êtres humains les uns pour les autres : l’amour recompose l’ancienne nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. […] Notre espèce ne saurait être heureuse qu’à une condition, c’est de réaliser son désir amoureux, de rencontre chacun l’être qui est notre moitié, et de revenir ainsi à notre nature première.
Platon, Le Banquet 189d-191d
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